Ah, la Nintendo 64 ! Son look irrésistible, ses manettes à l’ergonomie parfaite (quoique, cela dépend des goûts), sa sortie française digne d’un thriller, son fog (effet de brouillard), ses cartouches… c’est peu dire que la machine de Nintendo a marqué la fin des années 1990. Et parmi les premiers jeux, il y a un certain Turok qui a fait beaucoup de bruit ! Doom-like (l’ancien nom des FPS) d’Iguana Entertainment, il en a marqué plus d’un avec sa liberté d’action, ses créatures impressionnantes, son ambiance immersive et ses animations criantes de réalisme. Aujourd’hui, le titre fête les 25 ans de sa sortie japonaise !
Pour comprendre d’où vient le jeu vidéo Turok : Dinosaur Hunter, il faut remonter à l’année 1994. Fort de son succès avec les consoles 16-bits, l’éditeur Acclaim souhaite se diversifier et gobe Valiant Comics, un éditeur de comics qui possède la licence Turok. Dans cette bande-dessinée, le héros principal est un guerrier amérindien devant lutter pour sa survie et qui se retrouve confronté à toutes sortes de dangers : dinosaures, êtres surnaturels, humains malintentionnés, etc. À l’époque, Acclaim voit d’un bon œil l’arrivée de la Nintendo 64 et estime que l’univers de Turok peut convenir à merveille au lancement de la future console. L’éditeur décide de confier le projet à un studio qu’il vient de s’offrir : Iguana Entertainment. Basé à Austin au Texas, cette petite entité est à l’origine de jeux comme NBA Jam et Aero the Acro-Bat 2. Autant dire qu’avec Turok, ses développeurs s’attaquent pour la première fois à un gros morceau.
On l’a harnaché et il volait à travers comme s’il était dans la gueule d’un dinosaure.
Le projet tombe dans les mains d’un petit nouveau de la profession, David Dienstbier. Ce dernier a surtout une expérience en publicité et il ne connaît rien – ou presque – du monde du jeu vidéo. Abasourdi par cette décision de sa direction (de confier un tel projet à un débutant), il se met au travail, mais les débuts sont difficiles. Non seulement le budget est limité, mais en plus, Dienstbier doit se battre avec ses supérieurs pour imposer sa vision du FPS (là où sa direction privilégie une vue à la troisième personne).
Je n’ai jamais eu aucun doute quant au fait que Turok devait être un FPS, mais la plupart des discussions que l’on avait avec les dirigeants se résumaient à cette vue à la troisième personne. Avec Tomb Raider on a subi une grosse pression pour que Turok soit un jeu dans la veine de l’aventure de Lara Croft.
David Dienstbier n’en démord pas et parvient à obtenir ce qu’il désire. C’est finalement un heureux hasard qui va accélérer le développement. Sentant qu’elles sont à la traîne en matière de création de jeux, les hautes instances d’Acclaim font construire un bâtiment entièrement dédié à la capture de mouvements. Ce pôle « capture » de dix millions de dollars s’étend sur deux étages et renferme le top de la technologie. Il sera d’ailleurs utilisé pour les films Batman Forever et Power Rangers. Pour l’équipe de Turok, cette opportunité est trop belle ! Tout en continuant le développement du jeu, elle décide de mettre le paquet sur les animations !
On avait deux ou trois animateurs quand on a commencé la capture de mouvements, peu de kits de développement et un planning abominable de… 17 mois.
Bien que peu expérimenté, le staff de Turok se défait peu à peu de la pression et parvient à mettre au point un ensemble d’outils-maison pour créer les textures du jeu. En cours de développement, il est rejoint par le cascadeur professionnel Brad Martin (Spider-Man 3, Die Hard 4…) et ce dernier se retrouve alors dans des postures improbables en utilisant des trampolines et des rampes. Scott Remington, responsable de la motion capture de l’époque, se souvient :
On l’a harnaché et il volait à travers la pièce comme s’il était dans la gueule d’un dinosaure !
De l’autruche aux dinosaures, Turok s’est créé son identité
Pour l’animation des dinosaures, l’équipe du jeu décide de s’inspirer de gros oiseaux. Au départ, ils tentent de reproduire le comportement d’une autruche, mais travailler avec un tel animal est un calvaire ! Au risque de ravager le studio, ils essayent de « domestiquer » la bête, mais celle-ci est impossible à contrôler ! Voyant que le temps file, ils choisissent finalement de travailler avec un émeu, proche de l’autruche et plus docile. Au final, peu de données sont exploitables (l’animal doit se positionner sur des marqueurs au sol, mais il n’en fait qu’à sa tête), mais Dienstbier et ses collègues apprennent de cette expérience. L’E3 1996 arrive et Iguana Entertainment décide de présenter sa progéniture. Alors que le jeu tourne sur une petite télévision (pas de grand écran), une foule commence à se former.
J’ai commencé par dégommer un groupe de raptors puis j’ai sorti une grosse arme nucléaire en tirant sur une demi-douzaine de palmiers. Les gens étaient fous autour de moi, ils criaient en disant que c’était incroyable, énorme, qu’ils n’avaient jamais vu ça. En fait, ils avaient déjà vu ce type d’armes dans d’autres jeux, mais les effets visuels ont fait la différence.
Si la presse est plus réservée (« c’est beau, mais peu révolutionnaire et passionnant), Turok va finalement gagner en popularité au fil des semaines. Rassurée par la démo de l’E3, Nintendo a envoyé de nouveaux kits de développement à Iguana Entertainment et le jeu a pu aboutir avec la réussite que l’on connaît. L’équipe reconnaît que Nintendo a été très ouvert, et que la seule recommandation se résumait à un effet ultra spectaculaire qui faisait apparaît un champignon nucléaire. De l’aveu des développeurs, c’était l’effet le plus impressionnant, mais Nintendo a jugé que celui-ci faisait remonter trop de mauvais souvenirs à la surface. Par ailleurs, une option existe pour enlever l’hémoglobine ou la colorer en vert.
Conçu à l’aide de stations Silicon Graphics hors de prix, Turok est arrivé le 4 mars 1997 en occident avant de débarquer au Japon le 30 mai de la même année. Prévu initialement pour septembre 1996, il s’est écoulé à 1,5 millions d’exemplaires. Une belle réussite pour un jeu qui fait partie intégrante de la Nintendo 64. Une version Remastered du jeu est sortie sur Nintendo Switch, PC, Xbox Series X/S et Xbox One.
Et vous, vous vous souvenez de vos impressions en découvrant Turok ?