Lutte contre la précarité et pour la diversité

Créer des jeux est devenu un choix de carrière de plus en plus encadré et accepté. Avec l’émergence de nombreuses écoles et formations dédiées aux jeux vidéo, la voie pour entrer dans l’industrie du jeu vidéo n’a jamais été aussi dégagée. Que ce soit dans l’animation, la programmation ou même la production, les futurs étudiants ont réellement le choix. Mais malgré cette offre grandissante, rien ne change vraiment. Sur les bancs des écoles se réunissent encore et toujours les mêmes profils, entendez par là des gens issus de milieux sociaux similaires.

Et oui, car étudier le jeu vidéo ce n’est pas gratuit. Les écoles proposant de telles formations sont rarement publiques et donc payantes. En moyenne, vous pouvez compter 5 000 euros l’année pour apprendre les rouages du développement, de l’animation, du level design ou du marketing. La plupart des cursus s’étalant sur une durée de 3 ans, c’est donc au minimum 15 000 € qu’il vous faut débourser pour obtenir votre diplôme et espérer rejoindre votre studio rêvé. Certes, d’autres formations sont bien plus chères (on pense notamment à certaines écoles de commerce), mais il n’empêche que débloquer une telle somme n’est pas à la portée de tous. Surtout qu’au vu du marché actuel, les banques pourraient bien se révéler un peu frileuses à l’idée d’octroyer un prêt à un futur développeur qui n’est pas sûr de trouver un emploi stable et bien rémunéré par la suite.

Cette barrière financière est à l’origine d’une véritable double peine. D’un côté, s’en est une pour les étudiants aux grands rêves mais aux petits porte-monnaie qui doivent dire adieu à leurs projets de carrière sans même avoir essayé. De l’autre, on a l’industrie du jeu vidéo qui se prive de potentiels très bons éléments et passe à côté de profils plus divers et variés. Chercher à faire entendre les voix et sensibilités de gens bien différents, c’est l’un des grands enjeux contemporains de l’industrie vidéoludique (poussé par des associations telles que Women in Games, Afrogameuses…).

C’est pour répondre à ce double enjeu que fut lancé, au printemps 2020, un projet inédit en France : la Bourse Jeux Vidéo. C’est en mars 2020, lors de la cérémonie des Pégases, que Jehanne Rousseau annonce la mise en place de cette initiative. Si la co-fondatrice de Spiders était déjà connue pour son engagement, elle n’est pas la seule derrière ce projet. Au niveau des encadrants on retrouve également deux des co-fondateurs du studio indépendant La Belle Games, Cédric Bache et Laurent Checola, et Mickaël Newton, président de l'association Loisirs Numériques (qui porte d’ailleurs le projet). Tous les quatre ont un objectif bien précis : récolter des fonds afin d’atteindre l’équité sociale et plus de diversité créative

En partageant avec Jehanne sur cette initiative et les actions possibles, il était évident qu'au-delà du souhait que notre industrie devienne rapidement un exemple moderne de représentation légitime des genres, il nous fallait également agir, à notre niveau, sur les inégalités sociales via l’accès aux études supérieures de notre filière.

Cédric Bache

C’est ainsi que sur l’année 2020/2021, six étudiants furent aidés et suivis tout au long de leur année d’études. Un investissement conséquent notamment permis grâce aux dons et aux différents partenaires du projet (Focus, Spiders et Asmodée Digital notamment). Mais grâce à ce dernier, des étudiants bourrés de talent ont pu saisir une chance qui ne leur aurait jamais été atteignable autrement. C’est notamment le cas de Théo, 15 ans, originaire du Vaucluse. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le jeune homme n’a pas eu la ville facile. Trouble autistique, phobie scolaire, problèmes financiers… Tant de bâtons sont placés sur la route de sa passion : le développement de jeu vidéo. Heureusement, grâce à la Bourse JV, il a pu trouver une formation adaptée et suivre son rêve sans même que sa dernière ait à se priver. Dans un entretien pour Ouest France, cette dernière s’est montré particulièrement reconnaissante.

Je suis très heureuse car je le vois épanoui, heureux. Le chemin a été long, chaotique, médicalement, socialement, psychologiquement. J’ai envie de dire merci à l’association Loisirs Numériques de nous avoir fait confiance

Forte de son succès, la Bourse Jeux Vidéo a vu les choses en grand l’année suivante. De six étudiants, elle est passée à douze (dont sept nouveaux) ; d’une petite dizaine de partenaires, elle en compte aujourd’hui plus d’une vingtaine, avec en plus des financements provenant d’entités institutionnelles reconnues comme le SELL ou le SNJV, ou des écoles importantes comme Isart Digital par exemple. Petit projet fait de rêves d’inclusivité, la Bourse Jeux Vidéo est maintenant devenue grande et compte bien évoluer encore pour aider et accompagner encore plus de créateurs de demain.

La Bourse Jeux Vidéo : en quoi ça consiste ?

Mais concrètement en quoi consiste cet accompagnement ? Et bien comme son nom l’indique, il est d’abord financier. Le premier engagement de La Bourse JV est de rembourser dans leur intégralité les frais de scolarité. Selon les situations, peuvent s’ajouter à ceux-ci les dépenses liées au logement, les transports, l’événementiel et l’équipement. Si on veut parler chiffres, les membres de la Bourse Jeux Vidéo estiment à 17 000 euros le coût d’une année d’étude dans le domaine du jeu vidéo.

Autant dire que pour sortir cette somme pour une dizaine d’étudiants, il faut des fonds conséquents. Heureusement, la Bourse Jeux Vidéo peut compter sur ses nombreux partenaires et les dons ponctuels de gros groupes. À cet effet, le projet a d’ailleurs lancé un fonds de donation en décembre dernier. Le but ? Passer les dons faits pour le projet dans la catégorie “intérêt général”. Si pour certains cela ne voudra probablement rien dire, sachez que ce “label” permet de défiscaliser ses dons de façon plus importante et donc d'inciter les gros bonnets à être plus généreux. Si donner vous intéresse, sachez que vous pouvez vous rendre sur la page Hello Asso de Loisirs Numériques.

En plus du financement stricto sensu, la Bourse Jeux Vidéo s’engage à accompagner ses poulains. Chaque étudiant se voit attribuer un tuteur ou une tutrice qui est chargé de l’aider, le conseiller, l’aiguiller… En somme, l’idée est de fournir un véritable suivi qui ne s’arrête qu’une fois l’étudiant inséré dans le monde du travail.

Conditions, date limite… Comment s’inscrire ?

Une opportunité comme celle-ci paraît trop belle pour être vraie. Vous vous dîtes sans doute qu’il y a pléthore de petites conditions à respecter pour espérer entrer dans le projet. Et bien figurez-vous que non. La Bourse Jeux Vidéo s’adresse à tous les Français se dirigeant vers des études dans le secteur du jeu vidéo, de programmeur à chef de produit, en passant par graphiste, sound designer et compagnie (seules les formations e-sport sont encore non-éligibles). Si les écoles ne sont que trois à participer au financement de la bourse (IIM Digital School, Isart Digital et Game Sup), cette dernière s’adresse tout de même aux étudiants désireux de continuer leur parcours dans d’autres établissements, tant que ces derniers sont reconnus.

De façon plus synthétique, les trois seuls critères sont :

• Ne pas dépasser la limite de ressources fixée
• Avoir été accepté dans une école de jeu vidéo
• Être de nationalité française

Mais vous vous en doutez, ces trois critères ne sont pas suffisants pour départager les candidats. L’année dernière, l’organisme a reçu plus de deux cents candidatures (pour n’en retenir que sept). La sélection se fait selon les principes fondateurs de la bourse, c’est à dire les ressources, l’originalité du profil et le sérieux du projet.

Notez que si la bourse a jusqu’ici été reconduite pour tous les candidats, cela peut ne pas être le cas. En effet, cette aide est octroyée pour une année. Si l’étudiant ne la valide pas, il peut se voir stopper son versement pour l’année suivante. Les critères exacts seront définis avec l'étudiant au début de l’année scolaire.

En ayant tout cela en tête, sachez que vous pouvez candidater ici pour l’année 2022/2023. Il vous faudra y remplir un formulaire. Pour ce faire, vous avez jusqu’au 30 juin prochain. Après quoi vous serez informé par mail de la sélection ou non de votre dossier. La première étape ainsi passée, il vous faudra ensuite passer un entretien individuel. Ce dernier aura lieu entre la fin juillet et le début du mois d’août. Les réponses pour la sélection finale seront dévoilées le 11 août.

Et si vous avez envie de voir le travail de la promotion actuelle de la Bourse Jeux Vidéo, sachez qu’un événement est justement prévu pour cela. La deuxième édition de la BJV Game Jam va avoir lieu le week-end du 3 juin. Cinq équipes composées d’étudiants boursiers mais également d’anciens bénéficiaires et de professionnels du milieu vont se trouver autour du thème Trait d’Union. Sachez que l’événement sera retransmis en direct sur la chaîne Twitch de Loisirs Numériques. Il s'agit à la fois d’une Game Jam mais également d’une occasion de lever des fonds pour la rentrée prochaine et l’avenir de la Bourse. Si le cœur vous en dit, rendez-vous vendredi 3, samedi 4 et dimanche 5 juin.

Puisque l’on parle de l’avenir, il faut savoir que les organisateurs de cette bourse voient les choses en grand. Outre l’envie d’accompagner toujours plus de jeunes, ils espèrent étendre ce dispositif aux autres pays francophones, afin de limiter encore et toujours plus “les inégalités liées au contexte socio-économique du candidat et de sa famille”, à défaut de pouvoir les supprimer totalement.