Il existe encore maintenant une part de la population qui n’a vraiment jamais baigné dans l'ère effervescente des jeux vidéo. Quel rapport les "seniors" entretiennent-ils aujourd'hui avec le loisir ? En mars 2022, le syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs indique dans son étude annuelle (conduite par Médiamétrie) que 63% des 50-64 ans s’estiment joueurs, de même pour 47% des plus de 65 ans. On les considère dès lors comme “des joueurs débutants”. Parmi les titres plébiscités, c’est sans surprise que l’on retrouve des productions mobiles gratuites à l’instar de Candy Crush, privilégiées le temps d’un trajet, ou des jeux de réflexion sur navigateur. N'excluons pas l'attrait de certains pour des productions plus énergiques. En termes de figures populaires, on peut d’ailleurs citer Shirley Curry, joueuse Skyrim, ou en France Mijo, passionnée de la licence Zelda. Mais il semble que les joueurs plus âgés doivent inévitablement faire face à la difficulté de suivre le rythme de l'action. C'est ce qu'affirme Stian Reimers, psychologue cognitif à la City University de Londres, dans les colonnes de Wired l'année dernière.

En ce qui concerne les processus tels que les temps de réaction, explique-t-il, nous atteignons un pic entre l'âge de 18 ans et le début de la vingtaine. "Ensuite, il y a un déclin à partir de là. Assez lentement au début, puis un peu plus rapidement après l'âge de la retraite." Bien que le déclin varie d'une personne à l'autre, la variation standard entre le pic et l'âge de la retraite est d'environ 20 %. "Donc, si quelque chose vous prend une seconde quand vous avez vingt ans, dit-il, cela peut prendre 200 millisecondes de plus quand vous avez soixante ans" - Wired.

En France, Gabrielle Lavenir est chercheuse et doctorante en sociologie, mais surtout spécialiste des joueurs et joueuses de plus de 65 ans. Elle participe à des ateliers jeux vidéo dans des EHPAD, assiste à des compétitions senior et rédige une thèse à l’université Concordia de Montréal. Au cours de ces observations, elle distingue une majorité féminine : “Autre chose que l’on peut remarquer chez les gens âgés, c’est que les femmes ont souvent été plus exposées aux technologies informatiques que les hommes. Au début de ce virage informatique en France, l’ordinateur a largement été utilisé par des femmes, car assimilé au secrétariat. J’ai rencontré des femmes qui ont tapé quinze ans de leur vie au clavier”. Des propos recueillis dans les colonnes du site d'Ubisoft. Mais d’après Lavenir, il est encore rare de croiser des seniors sur des productions gourmandes en hardware, pour d'autres raisons évidentes :

Leur façon de jouer est aussi contrainte à la fois par les ressources économiques, souvent plus limitées quand on est âgé, et par la maîtrise et l’accès à ces matériels. Car en EHPAD, il n’y a habituellement pas de Wi-Fi. Si vous voulez accéder à internet, il faut que vous achetiez une box personnelle pour votre chambre.

Les bienfaits procurés

Au-delà du plaisir procuré, le jeu vidéo apporte-t-il d’autres bienfaits aux joueurs senior ? “Sur le plan physiologique, où l’on trouve des recherches sur la mémoire, la motricité ou la prévention des chutes, les effets bénéfiques semblent minimes. En revanche, l’effet psychologique est très net : il a été montré que le jeu vidéo rend les gens âgés, et les joueurs en général, plus heureux et favorise la sociabilisation.”

Pourtant, lors de ses campagnes, le Programme d'Entraînement Cérébral du Dr Kawashima : Quel Age a votre Cerveau ? mise sur les vertus qu’il apporte aux personne âgées, plus sujets aux troubles de la mémoire. Le titre figure parmi les cinquante jeux les plus vendus de l’histoire. Le cerveau, est, selon les dires du docteur, un muscle qu’il est bon d’entretenir par de petites activités journalières. En 2013, une étude de chercheurs de l'Université de l'Iowa, menée sur 700 personnes de plus de 50 ans, souligne une amélioration de 70% de “la capacité de concentration, des progrès sur la vitesse de réaction, un élargissement du champ visuel, et une plus grande facilité à passer d'une tâche à une autre”. Et la même année, l'Université de Californie démontre “une amélioration de l'attention, de la mémoire court terme, et de la capacité à réaliser plusieurs tâches en même temps”. Mais ces travaux rencontrent toujours des contradicteurs. Difficile de savoir si les efforts réalisés dans les programmes d'entraînement cérébral peuvent vraiment être transférables dans la vie réelle ? Aujourd'hui, il existe en tout cas des serious games pour des pathologies bien ciblées : Le jeu de chasse aux trésors Voracy Fish pour rééduquer après un AVC, ou encore le jeu de voiture TOAP Run pour lutter contre la maladie de Parkinson.

• Lire plus en détail : Les jeux Dr Kawashima ont-ils un véritable impact sur notre cerveau ?

Le Wii Sport compétitif

Il y a un bien un avantage que l’on reconnaît volontiers au jeu quel que soit l’âge, c’est sa capacité à fédérer. En France, l’association Silver Geek lancée en 2014 charge des volontaires en service civique d'organiser des ateliers videoludiques pour les seniors. Au menu : des jeux sur tablette (Quizz, Scrabble, dominos, etc.) mais surtout Wii Sports Resort, dont le mini-jeu de bowling fait même l’objet de tournois Esport. Dans un précédent entretien mené dans nos colonnes, Vincent Blanchard, secrétaire de l’association, vantait les qualités motivationnelles du support :

Le jeu vidéo est un excellent support pour intéresser les personnes âgées au numérique car, il permet de démystifier ces technologies encore méconnues d'un grand nombre de personnes âgées. Les seniors sont plus facilement attirés par la découverte d'outils ludiques qui s'assimilent très rapidement à d'autres activités ou loisirs qui rythment en quelque sorte leur quotidien, surtout lorsqu'ils ne vivent plus à leur domicile.

Cette année, l’association était de retour à la Gamers Assembly 2022 pour la 8ᵉ édition du Trophée des Seniors Nouvelle-Aquitaine en présentiel. Les compétiteurs étaient présents sur scène, face à une foule en délire. Littéralement.