Dans le monde du jeu vidéo, les investissements et les acquisitions sont quelque chose dont on a l'habitude... Mais nous remarquons très vite que le porte-monnaie n'est pas le même selon les constructeurs. Dans ce cadre, où l’investissement est un risque à prendre pour rester compétitif, Sony a décidé de renforcer le savoir-faire de PlayStation en acquérant des studios, mais aussi en renforçant sa position dans l’industrie du divertissement en général. En face, la concurrence de Microsoft se fait de plus en plus forte. Le géant américain n’hésite plus à dépenser des dizaines de milliards de dollars pour sécuriser non pas des développeurs, mais des éditeurs avec Bethesda et Activision-Blizzard. Financièrement, PlayStation ne fait pas le poids face à Xbox, mais vous allez le voir, Sony a plus d’un tour dans son sac.
Sommaire
- Des investissements tous azimuts
- Faire face aux défis de demain
- Une concurrence féroce
- La transformation de Sony
- Endiguer la perte de confiance
Le texte suivant est une retranscription de la vidéo ci-dessus
Des investissements tous azimuts
Alors concrètement, qu’est-ce que Sony a acheté dernièrement ? Jim Ryan, le grand patron de Sony Interactive Entertainment, avait prévenu en juillet 2019 que le contenu serait plus important que jamais dans l’industrie. Telle était sa ligne directrice, son objectif à court et moyen terme. Nous rappelons que le segment PlayStation est très important pour Sony, puisque le chiffre d’affaires généré par la marque gaming représente presque 30 % de ce que génère toute l’entreprise lors des derniers résultats trimestriels publiés. Il est donc normal de voir le géant japonais racheter des studios de développement, car sans eux, il n’a pas de jeux, et donc pas d’argent. Depuis 2019, on note une accélération des acquisitions chez Sony. Avec Insomniac Games, Housemarque, Bluepoint Games, Valkyrie Entertainment, Nixxes Software, Bungie, et Haven, le studio de Jade Raymond, cela fait 7 nouveaux studios acquis en seulement trois ans. Avant cela, le dernier studio racheté était Sucker Punch, les développeurs d’inFamous et de Ghost of Tsushima en 2011. Et puis, en un peu moins de deux ans, le géant japonais a également investi presque 1,5 milliard chez Epic Games, les parents de Fortnite et les créateurs du moteur de jeux ultra populaire Unreal Engine. Enfin, il est bon de rappeler que Sony a racheté Crunchyroll, le mastodonte des animes japonais, ainsi que l’EVO, le tournoi de jeux de baston mondialement connu. Enfin, la société japonaise accélère l’adaptation de ses œuvres vidéoludiques sur le petit comme sur le grand écran grâce à ses antennes Sony Pictures, histoire de transformer ses licences gaming en licences crossmédia.
Mais que signifient toutes ces dépenses qui couvrent un vaste spectre et qui ciblent le divertissement au sens large ?
Faire face aux défis de demain
La réponse est simple. Sony place ses billes en attendant les confrontations de demain. Et ces confrontations, elles seront nombreuses, en plus d’être intenses. Il est important de rappeler qu’actuellement les méga-groupes, qu’on appelle les GAFAM n’ont qu’un mot à la bouche : le Metaverse, à savoir un grand monde virtuel où tous les services de toutes les marques de la planète auront pignon sur rue. Et la rue est ici virtuelle, évidemment… Pour aller dans ce sens, on se souvient que début 2022, Sony signait un étonnant partenariat avec le célèbre club de Manchester City. L’objectif ? Créer un espace en ligne où les fans peuvent interagir avec l’équipe au sein d’un “métavers” représentant le stade de foot d’Etihad. Sony s’attaque donc à différentes strates du monde du divertissement tout en consolidant sa mainmise sur le jeu vidéo, ce qui est plutôt logique pour un groupe qui possède un segment “music” et un segment “pictures” dédié aux films et séries. Peut-être voit-il en Fortnite le Metaverse de demain déjà disponible aujourd’hui ? Peut être… Et il est donc judicieux pour Sony d’y investir quelques billes. Faut se souvenir aussi qu’il y a quelques années, Sony misait sur les nouveaux supports pour vendre ses consoles : le CD avec la PS1, le DVD avec la PS2 ou encore le Blu-Ray avec la PS3.
Mais dans un monde où le dématérialisé prend toujours plus d’importance, il faut savoir se remettre en question et aller là où se trouve la tendance. Et cette dernière est clairement aux services. Plus précisément, elle est aux services de catalogues par abonnement, comme le GamePass, inspiré du boom de Netflix, Deezer, Spotify et compagnie. Cela explique notamment pourquoi Sony a revu et corrigé son offre PlayStation Plus récemment. L’autre tendance, ce sont les jeux service, ces titres qui accueillent des mises à jour régulières dans le but de garder les joueurs le plus longtemps possible, et de monétiser leur temps de jeu. Il s’agit ici de la spécialité de Bungie qui, comme vous le savez, s’est fait racheter par Sony pour son expertise dans le domaine. Quant au rachat de Nixxes Software, la boîte spécialisée dans les portages PC, c'est ici la preuve qu’à l’instar de Microsoft, le géant japonais ne compte pas laisser tomber les ordinateurs. Bien évidemment, les PC sont intégrés dans beaucoup plus de foyers que les consoles de jeux.
Le jeu service, les services de catalogue, l’importance du PC dans l’équation… finalement, est-ce que Microsoft n’est pas en train de piéger Sony en l’amenant sur son terrain de prédilection ?
Une concurrence féroce
Il est forcément intéressant de noter que la fièvre acheteuse de l’entreprise a commencé l’année suivant l’annonce du rachat de quatre studios chez Xbox : Ninja Theory, Playground Games, Undead Labs, Compulsion Games, sans oublier la fondation d’un nouveau studio, The Initiative, par Microsoft. La firme de Redmond a affiché un visage plus offensif en fin de vie de la Xbox One, en créant une Xbox One X plus puissante que la PlayStation 4 Pro, et en rendant l’offre Gamepass plus qu’alléchante. Et puis, comment ne pas citer les deux dernières acquisitions de la société dirigée par Satya Nadella ? En septembre 2020, la veille d’officialiser les précommandes des Xbox Series, Microsoft annonçait le rachat de Bethesda, l’éditeur à qui l’on doit les Elder Scrolls et les Doom, deux licences qui fonctionnent très bien aux Etats-Unis et en Europe. Puis en janvier 2022, c'est avec surprise qu’on apprenait le projet d’acquisition d’Activision-Blizzard, le groupe derrière les Call of Duty, World of Warcraft ou encore Crash Bandicoot.
Cette fois-ci, l’entreprise américaine semble prendre le jeu vidéo vraiment au sérieux, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour ses concurrents. Depuis, conséquence immédiate, il n’est pas rare de voir aux Etats-Unis ou en Angleterre que les Xbox Series se vendent mieux que les PlayStation 5, des consoles qui pourtant connaissent toutes des problèmes d’approvisionnement, rappelons-le, sauf peut-être la Series S. Ce constat des ventes, il a tendance à prouver que la stratégie de Microsoft était la bonne. Récemment, une enquête de YouGov montrait qu’un joueur PlayStation sur deux serait prêt à s’abonner au Game Pass si les jeux Activision intègrent le catalogue. Dans cette guerre d’usure, Microsoft a désormais toutes les armes. Il a les infrastructures, les services, le hardware et les studios. Après une excellente année 2021 où l’américain a remporté le prix d’éditeur de l’année décerné par Metacritic, il y a comme une petite odeur de revanche pour la firme de Redmond.
La concurrence est donc rude dans le monde du jeu vidéo, et Sony doit faire face à un adversaire largement plus réactif que pendant le début de vie de la Xbox One. L’objectif pour le géniteur des PlayStation est donc clair : se transformer sans laisser des fans sur la touche.
La transformation de Sony
Depuis le projet de rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft, ce qui est pointé du doigt par les analystes, c'est bien évidemment la question des exclusivités pour toutes ces licences, mais surtout l’immobilisme de Sony face à ce qui se trame. Sony a pendant longtemps ignoré le Game Pass jusqu’à proposer que dernièrement la refonte du PlayStation Plus… sans pour autant intégrer de formule incluant les titres first party en day one. Pendant que Microsoft tentait de toucher un maximum de personnes sur PC, sur mobiles et sur les consoles Xbox, la firme japonaise décidait d'augmenter les prix de ses productions first-party. Le message pouvait être lu ainsi : jouer sur PlayStation, cela se mérite. Sauf que les analystes estiment dorénavant que le leader doit suivre la voie ouverte par Phil Spencer. Je cite, “les investisseurs craignent que Sony ne soit pas en mesure de continuer à l’emporter si l'industrie s'éloigne du modèle basé sur le hardware” déclarait Kazunori Ito de Morningstar Research. Sony a donc pour mission de continuer à faire d'incroyables jeux solo, sa marque de fabrique, mais aussi de rattraper définitivement son retard sur les jeux-service trop longtemps mis de côté par le groupe japonais. Le rachat de Haven va dans ce sens, puisque le studio a déclaré travailler sur un “AAA systémique, évolutif, qui divertira et engagera les joueurs pendant des années”. Et si la bataille évolue définitivement vers des services de streaming permettant de jouer à des titres sur smartphones et autres téléviseurs connectés, il faudra que Sony prouve qu’il est capable de surmonter les défis technologiques et politiques liés à cette évolution.
Penser que ces évolutions ne sont qu’un détail serait méconnaître les attentes du marché. Car du côté des investisseurs, on s’aperçoit que Sony n’est peut-être pas le prétendu colosse imbattable. Certains estiment même que le groupe japonais pourrait connaître la crise.
Endiguer la perte de confiance
Comme Microsoft l’avait dit par le passé, ses concurrents ne sont plus Sony ou Nintendo, mais Google et Amazon. Et à force d’être répété, ce message a été entendu par les investisseurs. Financièrement parlant, la firme de Redmond est dans une forme olympique. Du côté de Sony, l’action n’a tout simplement pas réussi à retrouver le niveau qu’elle avait avant l’annonce du projet d’acquisition d’Activision-Blizzard par Microsoft. Il faut tout de même tempérer nos dires en avouant que les marchés financiers sont particulièrement agités en ce moment. Ce futur du jeu vidéo que prépare Microsoft pousse forcément les forces adverses à réévaluer les directions qui peuvent être prises pour lutter. Et l’une d’elle s’agit du rachat d’éditeurs. Alors, est-ce que Jim Ryan et ses équipes peuvent racheter un Square-Enix, un Capcom ou encore un Konami ?
Théoriquement, Sony a la possibilité de s’endetter pour tenter de posséder un éditeur japonais. Néanmoins, Paul Tassi, journaliste chez Forbes, expliquait que PlayStation ne pouvait tout simplement pas répliquer. “Microsoft est en train de construire quelque chose d'absolument énorme” disait-il avant d’ajouter “à un moment donné, il semble bien que Sony pourrait être éclipsé s'il ne trouve pas un moyen d'avancer dans la même direction”. '''Une avance prise par Microsoft jugée “insurmontable” par le volubile Michael Pachter, analyste bien connu des amateurs de jeux vidéo. Il est allé jusqu’à annoncer la mort de la marque PlayStation dans les 10 années à venir suite à la stratégie mise en place par Phil Spencer. Une déclaration qui a engendré des débats plus passionnés que passionnants, vous imaginez bien. De notre côté, on est un petit peu plus optimistes, et on pense que Sony a de nombreuses cartes en mains pour continuer de proposer un contenu qui poussera les joueurs à acheter leurs consoles pour en profiter.
Dans cette équation, les cartes l’EVO, Crunchyroll, Sony Pictures ou encore Sony Music n’ont pas encore été jouées par PlayStation. La bataille est donc loin d’être terminée.