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Si vous habitez en France, que ce soit dans la capitale ou non, vous connaissez forcément la Paris Games Week. Ce salon dédié au jeu vidéo accueille à chaque édition des centaines de milliers de joueurs venus se réunir autour de leur passion commune. Le SELL vient d'ailleurs de nous confirmer la tenue d'une nouvelle édition cette année. Mais si aujourd'hui la PGW est devenu un incontournable français, cela n'a pas toujours été le cas. Retour sur l'histoire de la PGW, de challenger à top 3 mondial des salons dédiés au jeu vidéo.
Sommaire
- Quand la France voulait son propre salon du jeu vidéo
- La montée fulgurante de la Paris Games Week
- Mieux que l'E3 ?
Quand la France voulait son propre salon du jeu vidéo
Retournons vingt années en arrière, en 2002. Alors que l’E3 et le Tokyo Game Show existent depuis plus de cinq ans, l’envie de lancer son propre salon émerge dans différents pays. En Allemagne, on voit notamment arriver la Games Convention. Se tenant à Leipzig, sa première édition rassemble pas moins de 80,000 visiteurs (journalistes non compris) pour 166 exposants, pas mal du tout pour un début. Cette année-là la France inaugure également son propre salon : le Micromania Game Show. Comme son nom l’indique, ce salon fut créé par la chaîne de magasins bien connus : Micromania. C’est son directeur marketing, Grégory Tizon, qui eut l’idée du projet. Initialement, il devait permettre aux clients fidèles de Micromania d’avoir leur propre événement privé. Mais si cette foire du jeu vidéo permettait de jouer et découvrir des jeux à venir, sa nature même en fit un salon à l’audience limitée, n’intéressant que trop peu les éditeurs et développeurs.
C’est donc sans grande surprise qu’une autre initiative émergea en 2006 : le Festival du jeu vidéo (ou Paris Game Festival), organisé par la société Games Fed. Les 7 et 8 octobre, ils furent 21 000 curieux à venir découvrir ce nouveau salon (pour une vingtaine d’exposants). Si ces chiffres sont bien moins importants que ceux de la Games Convention quatre ans plus tôt, ils n’empêchèrent pas le Festival du jeu vidéo de retenter l’expérience les années suivantes et de grossir pour devenir le plus gros salon du jeu vidéo en France. Il se démarquait même de ses concurrents, notamment avec sa volonté de récompenser les jeux vidéo français de l’année à travers différentes récompenses (les Milthon ). Mais impossible de rattraper son homologue allemand, qui dès 2004 dépassait la barre des 100 000 visiteurs. Si à l’échelle de la France le salon est un événement, au niveau mondial il pèse peu dans l’industrie et se voit manquer d’exclusivités ou même de jeux à présenter.
C’est pour palier à cette bien grande lacune que Games Fed se rapprocha en 2009 du SELL, le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs. À cette époque, cette grande organisation visant à promouvoir les intérêts des éditeurs de jeux comptait déjà 23 adhérents, dont Microsoft, Nintendo, Ubisoft ou encore SEGA. De plus, elle avait déjà lancé, à partir de 2006, son propre festival, l’Interactive Digital Entertainement. Pensé comme un rendez-vous business to business, il rassemblait déjà plus d’une cinquantaine d’acteurs incontournables du milieu. Autant dire que le syndicat avait un rapport plus que privilégié avec les développeurs, éditeurs et autres constructeurs. Sans surprise, s'associer avec eux sur un salon fait pour les joueurs fut la meilleure chose qui soit arrivée au Festival du jeu vidéo.
C’est en effet un record de fréquentation qu’enregistre le Festival du jeu vidéo en 2009. Ils sont 60 000 à avoir pris leur place pour enfin découvrir de véritables exclusivités et pouvoir profiter d’une offre rivalisant avec n’importe lequel des salons à l’international. Ainsi épaulé, le Festival du jeu vidéo est prêt à atteindre des sommets et s’imposer comme un incontournable de l'industrie vidéoludique, et ce dans le monde entier. Oui mais voilà, la vision du SELL n’est pas forcément compatible avec celle de l’événement. Ce dernier veut s’adresser à ceux que l’on appelle les hardcore gamer, tandis que le syndicat espère toucher un bien plus large public. C’est pourquoi, si le Festival du jeu vidéo eut bien lieu en 2010, ce fut face à un concurrent de taille : la Paris Games Week, organisée par le SELL.
Sachez que la Games Convention connaîtra un sort similaire, remplacée par la gamescom du syndicat des éditeurs allemand dès 2009. Mais en se concentrant sur les jeux sur navigateur, le salon parvint à survivre malgré tout.
Pour le FJV, c’est la chute. Les organisateurs ont eu beau prévenir que le salon serait bien moins ambitieux cette année, rien n’y fait : les visiteurs sont déçus. Pour pallier la désertion de nombreux éditeurs, ils avaient pourtant essayé de trouver des solutions, misant beaucoup sur les jeux indépendants et dédiant une partie de l’événement aux jeux de société et de rôles. Mais cela ne suffira pas. Si les visiteurs sont plus nombreux que l’année passée (et même plus qu’à la PGW 2010), le futur du Festival du jeu vidéo est déjà tout tracé. L’année d’après, Jonathan Dumont, fondateur du festival, abandonnera son bébé pour fusionner avec la PGW et y intégrer un espace dédié à la création française, seul vestige de l’ancien plus gros salon de jeu vidéo dans le pays (qui sera ensuite remplacé par l’Espace Jeux Made In France de Capital Games).
La montée fulgurante de la Paris Games Week
Ainsi naquit la Paris Games Week, salon ayant pour but non dissimulé de devenir la référence française dans le monde des salons de jeu vidéo. Pour ce faire, le SELL mène une campagne de communication particulièrement agressive. Car le salon bénéficie non seulement d’un grand nombre d’éditeurs mais aussi de personnalités publiques (Omar et Fred, Sébastien Loeb, Amel Bent…) prêtent à jouer avec leurs fans. Si bien que même le Micromania Game Show, jouant pourtant sur un autre terrain, change de format et de date pour finalement s’orienter vers une seule soirée dédiée au jeu vidéo en parallèle de l’E3. Dès 2011, la Paris Games Week devient donc le seul événement du genre dans la région parisienne. Et cela se ressent bien sûr sur le nombre de visites, qui explose. Cette année-là, le salon du SELL parvient à rassembler 97 608 visiteurs certifiés, soit presque deux fois plus qu’en 2010.
Au fil des éditions, le SELL voit les choses en grand, augmentant toujours un peu plus la surface pour proposer plus d’événements. Outre les présentations de jeu, l’événement se paye ainsi le luxe d’accueillir les finales de différentes compétitions mondiales de l’ESWC. Pour un événement toujours plus grand public, il s’attaque même à d’autres secteurs, comme les sports extrêmes avec la finale du FISE en 2012 notamment.
Mais le salon atteint son point culminant en 2015. Cette année-là, Sony décide de présenter l’une de ses conférences en direct de la Paris Games Week. La veille de l’ouverture du salon, Jim Ryan, président de Sony Computer Entertainment, est venu nous montrer de nouvelles images d’Horizon : Zero Dawn, Tekken 7, No Man's Sky, Uncharted 4 : A Thief's End ou encore Ratchet & Clank. Pour ce qui est des petits world premiere de la soirée, on se rappelle notamment du jeu créatif Dreams et de la présentation par David Cage de Detroit : Become Human. Rebelote lors de l’édition 2017, où on avait eu le droit à l’annonce de Ghost of Tsushima et de Concrete Genie, tandis que God of War, Marvel's Spider-Man ou encore The Last of Us Part II s’étaient dévoilés un peu plus avec des images exclusives.
Ajoutez à cela de nombreux stands gérés par des créateurs de contenu, des associations ou encore des écoles, et vous obtenez un salon très grand public qui rivalise désormais avec les événements internationaux les plus emblématiques. Ainsi, en 2018, la Paris Games Week devenait le troisième plus grand salon de jeu vidéo au monde en termes de visiteurs, devant le Tokyo Game Show et, surtout, le saint E3.
Mieux que l'E3 ?
Mais alors, si la Paris Games Week reçoit plus de visiteurs que l’E3, cela veut-il dire qu’elle serait meilleure que cet événement iconique ? C’est ce que certains pourraient penser. Mais il est important de rappeler que premièrement, l’E3 n’est accessible au public que depuis peu de temps. De plus, les places pour le grand public sont très limitées. Si cela n’était pas le cas, il y a fort à parier que l’E3 serait loin devant. Surtout que les deux événements ne jouent pas dans la même cour.
Si l’un est plutôt orienté vers la presse et les annonces, l’autre donne tout sur le divertissement et un public plus jeune. C’est d’ailleurs pour cette raison que beaucoup l’ont peu à peu désavoué, ne se reconnaissant plus dans ce tournant pourtant amorcé dès le commencement. Il faut dire qu’attirer ainsi un jeune et large public peut avoir ses inconvénients. En 2013, le salon avait été le théâtre d’une émeute autour du jeu Call of Duty : Ghosts. Activision souhaitait offrir aux 500 premiers arrivants sur son stand une édition prestige de son jeu (d’une valeur de 200€). On le sait maintenant, quand il y a des objets de valeur (ou bien une photo avec son influenceur préféré) en jeu, il y a surtout danger. Les retardataires n’ont pas tardé à forcer le passage, détruisant et blessant tout ceux qui pouvaient se trouver sur leur chemin. Ajoutez à cela les longues files d’attente pour mettre la main sur une petite démo et vous obtenez un salon détesté par certains.
D’autres n’y voient tout simplement plus d’intérêt. Les annonces se font aujourd’hui rares à la PGW. Les conférences de Sony et ses world premiere paraissent bien lointaines, presque oubliées. La PGW est devenue un lieu de pur divertissement, où on imagine mal découvrir de grosses annonces. Mais cela ne veut pas dire que tout espoir est perdu. Avec l’absence, encore une fois, de l’E3, la PGW pourrait bien saisir l’occasion pour se replacer sur ce créneau. Surtout qu’avec les deux éditions précédemment annulées, le SELL a eu le temps de travailler son programme, nous réservant ainsi peut-être quelques surprises pour l’édition 2022. En tout cas, si Nicolas Vignolles, délégué général du SELL, met l’accent sur le côté fête avant tout (et donc divertissement), il nous promet tout de même des retrouvailles “inoubliables”. Reste à voir ce qu’il entend par là.
Restez jusqu’à la fin de la vidéo, on a une petite surprise pour vous… 😉 pic.twitter.com/VarvpOaP4I
— Paris Games Week (@ParisGamesWeek) April 13, 2022
Notez que l’édition 2022 de la Paris Games Week se tiendra du 2 au 6 novembre à Paris Expo (Porte de Versailles, Paris). La billetterie ouvrira, elle, dès le 15 juin prochain sur le site officiel de la PGW.