Alors que le marché des consoles portables est progressivement mis de côté par nos géants du jeu vidéo, Sony étant sorti de la course et Nintendo ayant opté pour le choix de l’hybridation, la Playdate débarque avec plus d’un tour de manivelle dans son sac. En effet, cette radieuse petite machine pensée pour entrer dans toutes les poches, sauf celles ayant des oursins, promet une livraison régulière de jeux indépendants à découvrir en actionnant un drôle de manche. De quoi faire tourner des têtes ?
Une console portable très carrée
Nous avions déjà eu la chance de poser nos grosses mains sur la plus “indé” des consoles portables en juillet dernier. Nos heures passées sur la version finale de la Playdate confirment toutes nos bonnes impressions initiales. La Playdate est une petite machine parfaitement pensée pour tenir dans toutes les poches grâce à ses dimensions minimes et à son poids plume. Son design rappelle celui d’une Game Boy Pocket qui aurait reçu un coup de marteau sur sa tranche supérieure : le format est presque carré, la couleur jaune chatouille la rétine et le design est épuré. Les seuls éléments visibles sur la façade se limitent à la croix directionnelle, aux deux boutons “B” et “A”, à la touche “Menu”, au haut-parleur, ainsi qu'aux trois vis de fixation. Grâce à son revêtement délicat et à ses angles arrondis, la console conçue par Panic avec la collaboration de Teenage Engineering est agréable à prendre en main, même après de longues sessions de jeu. La croix directionnelle sent bon la robustesse : nous ressentons chaque direction aisément, avec ce qu'il faut de pression à effectuer pour éviter les inputs involontaires. Même constat pour les boutons "B" et "A" qui sont réactifs et rapides au rebond. Leur disposition sur la même ligne horizontale empêchera sûrement de bien prendre en main des jeux de plateformes classiques où "B" sert à courir et "A" à sauter.
La Playdate à la hauteur des autres consoles portables ?
Lors du premier démarrage, la configuration se fait en quelques étapes. Il faut tout d’abord connecter sa machine au Wi-Fi, puis enregistrer l’appareil en ligne afin de recevoir les dernières mises à jour. Rien de bien complexe pour qui est habitué au paramétrage des consoles de salon d'aujourd'hui. Au premier abord, l’écran de la Playdate rappelle celui de nos bonnes vieilles portables, puisque Panic a décidé d’afficher du noir et blanc. Les jeux sont donc en monochrome 1-bit pour une définition en 400x240 (5:3). Cependant, le rendu est beaucoup plus net que ce que nous avions jadis. Avec son CPU Cortex M7 à 180 MHz, la portable a pour objectif d’offrir les sensations d’antan tout en améliorant le confort visuel grâce à diverses améliorations techniques. Les quelques concessions opérées ont au moins le mérite de permettre une très bonne autonomie : nous avons eu besoin de recharger l’appareil qu’après 8 heures d’utilisation. Attention, télécharger/installer des jeux grignote la batterie plus rapidement. Si le rendu est plaisant par rapport à la taille de l’écran, l’absence de couleurs reste un choix discutable puisque cela empêchera les développeurs de lancer des concepts autour de certaines nuances visuelles.
En ce qui concerne l'interface générale, elle se révèle ergonomique. La bibliothèque de jeux laisse apparaître de grandes bannières animées représentant les différents softs installés alors que les options permettent de gérer différents détails. Nous regrettons tout de même l'absence d'un paramètre renforçant la luminosité de l'écran. Une liste de jeux moins graphique mais plus ergonomique est disponible dans la rubrique "Games" des options. Enfin, le mode veille affiche une horloge virtuelle plutôt sobre.
Caractéristiques de la Playdate | |
---|---|
Affichage | 400x240, 1-bit |
Taille | 76 x 74 x 9 mm |
Taille de l’écran | 2,7 pouces, soit environ 68 mm de diagonale |
Autonomie | 14 jours en mode veille (horloge), 8 heures en activité |
CPU | 180 MHz Cortex M7 |
Capacité de stockage | 16 MB RAM, 32 KB L1 Cache, 4 GB Flash |
Spécifications sans fil | 802.11bgn 2.4GHz Wi-Fi, Bluetooth |
Son | Enceinte mono intégrée, port pour casque stéréo, Condenser Mic + TRRS Mic In |
Touches | D-Pad, A, B, Veille, Menu, manivelle |
Prix | 179 dollars (hors frais de port) |
Plus de tours de manivelle que de magie ?
C’est à ce moment-là de votre lecture que vous vous demandez sûrement “pourquoi diantre débourser 179 dollars pour une énième console rétro”. La réponse est simple : malgré les apparences, la Playdate n’est pas une console rétro. À l’aide de la petite manivelle située sur la tranche droite de l’appareil, la portable conçue par Panic a pour ambition de séduire les fans de jeux indépendants à la recherche de sensations à la fois connues et nouvelles. En effet, ce drôle d’accessoire amène un vent de fraîcheur dans les manières d’interagir avec nos jeux vidéo. En quelques tours de manivelle, les planches de surf s’orientent, les personnages se déplacent, les balles rebondissent… bref, les mondes s’animent dans la joie et la bonne humeur. Il faudra bien évidemment s’assurer de la résistance de cette manivelle après plusieurs mois d’utilisation. Pour le moment, nous n’avons aucune réserve à formuler quant à la qualité du matériel. Cependant, les quelques doutes que nous avions lors de notre preview trouvent un nouvel écho aujourd’hui. Si nous avons pris beaucoup de plaisir à découvrir des softs au principe très arcade, où la manivelle jouait un rôle déterminant, nous sommes moins enthousiastes envers les jeux d’aventure plus classiques où l’accessoire passe au second plan (quand il n’est pas purement et simplement inutile). Les gauchers pesteront sur le fait que l'emplacement de la manivelle est pensé pour les droitiers, bien qu'une option existe pour retourner l'écran (ce qui permet de retourner la machine, et donc de faire passer le manche à gauche).
Les jeux de la Playdate font-ils la différence ?
Avant d’être une des consoles portables les plus atypiques jamais conçues, la Playdate est avant tout un concept qui repose sur une promesse : celle de fournir deux jeux gratuits chaque semaine, pendant douze semaines. Cela fait donc un total de 24 titres pour cette première fournée promise avec l’achat de la machine. À chaque fois qu'un nouveau titre débarque, un cadeau à ouvrir apparaît sur l'interface histoire de rendre l'événement festif. Nous avons pu avoir accès à la totalité de ces œuvres imaginées par certains développeurs renommés tels que Keita Takahashi (Katamari Damacy), Zach Gage (SpeelTower) et Bennett Foddy (Getting Over It). Au moment où nous écrivons ces lignes, la création de Lucas Pope (Return of the Obra Dinn) n'est pas dans le package. Étant donné qu’un des principes de la console est de surprendre les joueurs en apportant deux nouveaux jeux par semaine, nous n’allons pas vous gâcher la surprise en vous décrivant le contenu de tous les softs prévus. Nous dirons juste que dans le lot, il y en a pour tous les goûts avec du shoot, de l'aventure, de la plate-forme, de l'expérience textuelle, du puzzle-game, du rythme rythme, de l'arcade, etc. Nous notons malgré tout l'absence de jeux horrifiques et la quasi-inexistence de jeux de sport.
Dans la totalité des titres, nous retenons surtout huit créations qui sortent de l'ordinaire, et qui arrivent à vendre le concept original de la Playdate. Un des meilleurs n'est autre que Time Travel Adventures, projet que Panic a beaucoup mis en avant, et qui utilise parfaitement les fonctionnalités de l'appareil. Nous apprécions également Omaze, un puzzle-game/jeu d'adresse très intelligent, et Whitewater Wipeout, jeu de surf/scoring très efficace. Nous retenons aussi Echoic Memory, Flipper Lifter, Sasquatchers, Spellcorked et Forrest Byrnes Up in Smoke. Sachez que seulement un peu plus de la moitié des softs à télécharger utilisent la manivelle à bon escient, quand ils l'utilisent tout court, ce qui est étonnant puisque la Playdate est vendue en partie pour sa façon originale de jouer. À titre informatif, les 24 jeux de la première saison pèsent entre 59 Kb et 160 Mb. Une fois tous téléchargés sur l'espace de stockage interne de 4 Gb, 2,6 Gb restent disponibles.
Playdate Pulp : devenez développeur de jeux vidéo !
Jouer à des jeux de développeurs indépendants, c’est bien, mais devenir soi-même un créateur d’univers virtuels monochromes, c’est mieux ! Si vous vous sentez l’âme d’un/d’une game designer, sachez que l’achat de la Playdate donne accès à Playdate Pulp, un outil disponible directement sur navigateur qui octroie la possibilité de créer ses propres jeux pour la petite console. S’il existe bien une méthode pour faire ses softs simplement en se servant de bouts de code, il faudra rapidement se retrousser les manches et passer par le PulpScript pour donner vie à ses idées les plus saugrenues. Ce qui signifie que les utilisateurs devront composer avec un langage de script austère fait de fonctions et de variables. Les éditeurs de niveaux, de sprites, de musiques et de sons sont quant à eux suffisamment bien pensés pour permettre de produire rapidement. Les professionnels ne souhaitant pas passer par Pulp peuvent récupérer le SDK (gratuit) et créer leurs œuvres avec leurs APIs LUA et C préférées.
La Playdate, une console pour un public averti
Avec un prix d’entrée fixé à 179 dollars (241 dollars en comptant les frais de port pour la France et les taxes) et une livraison désormais prévue pour 2023, la Playdate est indéniablement chère, quand bien même le joueur aurait accès à 24 titres après trois mois d’utilisation. Ce tarif réserve la machine de Panic aux passionnés de productions indés, habiles avec la langue de Shakespeare (les jeux comme les menus sont en anglais), et qui n’ont pas peur de mettre le prix afin de posséder un objet sortant de l’ordinaire. Certains y verront un indiscutable vent de fraîcheur à destination de passionnés élitistes et bidouilleurs, d’autres ne comprendront pas l’engouement autour de cette onéreuse petite machine à l’écran monochrome. De notre point de vue, la Playdate est un bel objet qui offre déjà des expériences étonnantes, bien que nous aurions apprécié plus d'audace encore dans la façon dont la manivelle est utilisée à l'intérieur des univers pixellisés proposés.