Face au conflit qui s’intensifie de jour en jour en Ukraine, la société américaine Clearview AI a décidé d’offrir son logiciel de reconnaissance faciale au ministère de la Défense ukrainien. Les objectifs visés sont multiples.
Sommaire
- Pourquoi l’Ukraine s’intéresse-t-elle à Clearview ?
- Une banque d’images alimentée par… la Russie
- Clearview, une entreprise floue ?
Clearview AI est un logiciel de reconnaissance faciale qui n’a pas pignon sur rue partout dans le monde. Il faut dire que son principe de base ne s’accorde pas vraiment avec le respect de la vie privée, puisque cet algorithme utilise l’immense base de données de vidéos et de photos accessibles publiquement sur Internet pour identifier des personnes. En France, la CNIL a mis en demeure Clearview AI d'y cesser ses activités en décembre dernier.
En Ukraine, en revanche, le logiciel Clearview AI reçoit un meilleur accueil. Depuis le samedi 12 mars, les autorités du pays se forment à son utilisation. La start-up américaine qui est à l’origine du logiciel l’a offert au ministère de la Défense ukrainien. Son utilisation devrait se faire de différentes manières.
Pourquoi l’Ukraine s’intéresse-t-elle à Clearview ?
Il faut souligner que si les autorités ukrainiennes ont bien accepté l’aide de Clearview AI, elles n’ont pas communiqué publiquement sur la manière dont elles comptaient utiliser cette technologie. Hoan Ton-That, directeur général de Clearview AI, a cependant exposé son point de vue à Reuters.
Le premier des usages est probablement le plus évident : reconnaître et identifier les visages des assaillants russes qui prennent part au conflit actuel, mais aussi détecter ceux qui chercheraient à passer les points de contrôle en toute discrétion, pour espionner.
L’autre usage qui pourrait intéresser l’Ukraine concerne l’identification des corps de soldats tombés au combat, mais aussi des civils. L’utilisation de Clearview AI serait même plus rapide et plus fiable que la vérification des empreintes digitales dans certains contextes, a expliqué Hoan Ton-That. Enfin, cela pourrait aussi servir pour désamorcer certaines mécaniques de désinformation, notamment sur les réseaux sociaux où circulent beaucoup de « fake » et de mises en scène.
Une banque d’images alimentée par… la Russie
Pour fonctionner, le logiciel Clearview AI utilise une base de données mondiale de plus de 10 milliards de photos, qui servent à identifier les personnes à l’aide de son algorithme. Parmi ses 10 milliards de clichés, on en trouve plus de 2 milliards venus du réseau social russe VKontakte. De quoi confirmer l’intérêt de cette technologie au sein du conflit.
Il faut ajouter que Twitter, Google, Facebook, Venmo ou encore LinkedIn font partie des entreprises qui se sont opposées à l’utilisation de leurs bases d’images par Clearview dès 2020. Mais VKontakte, de son côté, ne s’y est pas opposé, faisant de Clearview AI une méthode d’identification plus fiable que d’autres dans la guerre actuelle, comme PimEyes, un système de reconnaissance faciale en ligne accessible à tous.
Clearview, une entreprise floue ?
Forcément, l’utilisation d’une telle technologie en temps de guerre pose question, notamment en ce qui concerne les risques d’erreur et les conséquences que pourrait entraîner une mauvaise identification dans un tel contexte. Hoan Ton-That défend Clearview en estimant que cette technologie ne devrait pas être utilisée seule pour identifier une personne avec certitude. La démarche est encadrée et les autorités ukrainiennes suivent une formation pour utiliser le logiciel avec précaution.
Cette médiatisation de Clearview AI et son investissement au sein de la guerre en Ukraine permet à cette technologie de revenir sur les devants de la scène, mais cela ne signifie pas qu’elle parviendra à redorer son blason. Interdite dans de nombreux pays dont la France, le Royaume-Uni et l’Australie, et rejetée par une bonne partie des GAFAM, la proposition de Clearview se cherche encore une place et une utilité concrète, et surtout légitime. L’aurait-elle trouvée ?