Quand nous évoquons les grandes figures de l’industrie vidéoludique, les mêmes noms reviennent souvent : Shigeru Miyamoto, Hideo Kojima, voire Peter Molyneux. En cette journée internationale des droits des femmes, nous mettons sous le feu des projecteurs des créatrices qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo. Qu’elles soient conceptrices, programmeuses, compositrices, scénaristes, productrices, directrices, nous mettons à l’honneur des pionnières ainsi que des personnalités incontournables du médium.
Les femmes qui ont marqué le monde du jeu vidéo sont nombreuses et ne figurent pas toutes dans cet article. Nous pensons en particulier à Mabel Addis (première femme game designer de l’histoire), Dona Bailey (créatrice de Centipède avec Ed Logg), Jane Jensen (Gabriel Knight), Joyce Weisbecker (une des premières créatrices “indépendantes” de l’histoire), Ayanao Koshiro (co-fondatrice de Ancient), Risa Tabata (productrice sur beaucoup de jeux Nintendo) ou encore Jade Raymond (productrice d’Assassin’s Creed puis directrice de studio).
Sommaire
- Kim Swift
- Carol Shaw
- Yoko Shimomura
- Danielle Bunten Berry
- Rieko Kodama
- Roberta Williams
- Amy Hennig
- Ikumi Nakamura
- Bonnie Ross
- Muriel Tramis
Kim Swift
Kim Swift est une conceptrice de jeux vidéo au destin un peu particulier. Alors qu’elle est jeune diplômée, elle développe avec des camarades de classe Narbacular Drop, un jeu de réflexion en vue subjective où le joueur doit placer des portails pour progresser. L’idée est tellement géniale que Gabe Newell (patron de Valve) propose de l’embaucher afin de concevoir ce qui deviendra Portal, le fameux puzzle-game récompensé de multiples fois qui se déroule dans le centre d'enrichissement des laboratoires d'Aperture Science. Chez Valve, Kim Swift travaille sur les épisodes 1 et 2 d’Half-Life 2, ainsi que sur les deux volets de Left 4 Dead. Après un passage chez Airtight Games, Amazon, Electronic Arts et Stadia, elle est aujourd’hui directrice senior du Cloud gaming chez Xbox.
Carol Shaw
Il fut un temps où Atari faisait partie des géants qui régnaient sur le monde du jeu vidéo. À la fin des années 1970, le groupe américain propose à Carol Shaw de venir travailler pour développer des jeux. Cette dernière n’a alors aucune expérience dans le domaine, mais dispose d’un master en informatique en plus de savoir très bien programmer. Elle devient game designer pour la firme et développe différents jeux comme Polo, 3-D Tic-Tac-Toe, Video Checkers ou encore Super Breakout (avec Nick Turner). Lorsqu’elle est engagée par Atari, elle est la première femme conceptrice de jeux vidéo de l’entreprise. Elle ira ensuite chez Activision où elle créera River Raid, un shooter à défilement vertical. En 2017, elle est invitée aux Game Awards et reçoit un “icon award” pour l’ensemble de sa carrière.
Yoko Shimomura
Rares sont les compositrices à avoir eu un tel impact dans l’industrie vidéoludique. Yoko Shimomura n’est pas la première femme à avoir écrit des musiques pour le monde du jeu vidéo, mais son CV est impressionnant. Jugez par vous-même, Yoko Shimomura a fait les musiques de véritables monuments du jeu vidéo tels que Street Fighter II : The World Warrior, Live a Live, Front Mission, Super Mario RPG : Legend of the Seven Stars, Parasite Eve, Legend of Mana, Kingdom Hearts, Xenoblade Chronicles ou encore Final Fantasy XV pour ne citer que les plus importants. Elle a également travaillé sur Phantasy Star Online Episode I&II, et a participé à la bande-son de Super Smash Bros. Ultimate et de Streets of Rage 4. Une grande carrière qui force le respect.
Danielle Bunten Berry
Le nom de Danielle Bunten Berry (née sous le nom Daniel Paul Bunten) ne vous dit peut-être rien. Pourtant, elle fait partie des rares personnes à avoir reçu un Lifetime Achievement Award par la Computer Game Developers Association. Elle est une des pionnières du jeu de stratégie puisqu’elle a sorti Cytron Masters sur Apple II, puis le très novateur M.U.L.E. en 1983 sur micro-ordinateur. Par-dessus tout, Danielle Bunten Berry a misé sur le jeu à plusieurs avant tout le monde par l’intermédiaire de projets tels que Modern Wars et Global Conquest. Une vision “multi” qui n’était pas si démocratisée que cela à l’époque, et qui deviendra la norme des années plus tard.
Rieko Kodama
Après avoir évoqué les femmes qui ont brillé dans la programmation, le game design et la musique, il est temps de parler des graphismes ! Rieko Kodama est une artiste qui rejoint SEGA en 1984. Après plusieurs créations graphiques sur divers projets (version Master System d’Alex Kidd in Miracle World ou Fantasy Zone II), elle devient la directrice artistique de Phantasy Star en 1987, et réalisatrice de Phantasy Star IV en 1993. Lors des années Dreamcast, elle dirige la conception de Skies of Arcadia, un RPG qui a remporté un énorme succès d’estime. Elle reçoit un Game Developers Choice Awards en 2019 pour l’ensemble d’une carrière qui a réussi à mélanger graphismes, direction artistique et production.
Roberta Williams
Si vous appréciez les jeux d’aventure, dites-vous que d’une certaine façon, c’est peut-être un peu grâce à Roberta Williams. Avec son mari, Ken Williams, elle fonde Sierra On-Line et met au point des histoires interactives particulièrement marquantes comme Mystery House, King’s Quest, ou encore Phantasmagoria. À chaque fois, la conceptrice se sert des évolutions techniques pour plonger le joueur au sein des mondes qu’elle imagine. D’abord avec des fils de fers numériques pour Mystery House, puis avec des environnements plus détaillés dans King’s Quest, et enfin en intégrant des acteurs en vidéo (FMV) avec Phantasmagoria.
Amy Hennig
Bien qu’elle soit surtout connue pour ses talents de scénariste et de directrice créative sur des jeux comme Uncharted, Amy Hennig est en fait une touche-à-tout dans le monde du jeu vidéo. Animatrice et graphiste en 1989 sur des jeux NES, elle continue d’élargir son domaine de compétences chez Electronic Arts. Elle rejoint par la suite Crystal Dynamics afin d’avoir plus de liberté créative. En 1997, elle travaille sur Blood Omen : Legacy of Kain avant de réaliser et de produire Legacy of Kain : Soul Reaver, ainsi que ses suites. La qualité de son travail est particulièrement remarquée lorsqu’elle arrive chez Naughty Dog, où elle porte la série Uncharted. La BAFTA lui remet un prix en 2016 pour récompenser l’ensemble de sa carrière.
Ikumi Nakamura
Est-ce que vous vous souvenez de la présentation de Ghostwire Tokyo à l’E3 2019 ? Elle avait révélé au monde entier Ikumi Nakamura, alors en poste chez Tango Gamework. Certains joueurs ont peut-être découvert la développeuse pour la première fois lors de cet événement. Pourtant, Ikumi Nakamura est loin d’être une petite nouvelle dans l’industrie du jeu vidéo. Elle a travaillé sur Okami, Super Street Fighter IV et Marvel vs. Capcom 3 en tant qu’artiste. Elle devient ensuite concept artist sur Bayonetta chez PlatinumGames, avant d’être directrice artistique sur Scalebound, le projet exclusif Xbox annulé par Microsoft. Elle rejoint par la suite Tango Gameworks et devient l’artiste principale des deux épisodes de The Evil Within. Shinji Mikami, le patron du studio, en fait la directrice de création de Ghostwire Tokyo, mais Ikuma Nakamura quitte le studio en septembre 2019. Elle est aujourd’hui directrice artistique de son studio indépendant.
Bonnie Ross
Engagée par Microsoft en 1994, Bonnie Ross a travaillé en tant que productrice exécutive sur des jeux divers et variés tels que Gears of War, Mass Effect, Jade Empire ou encore Psychonauts. Quand Bungie se sépare de Microsoft en 2007, elle fonde 343 Industries à la demande de Microsoft pour continuer à développer la licence qui met en scène le Master Chief. On lui doit Halo 4, Halo 5 : Guardians et Halo Infinite sur les consoles Xbox. Engagée dans la promotion de la diversité dans l’industrie, elle cofonde la communauté Microsoft Women in Gaming. En 2018, Bonnie Ross reçoit le Hall of Fame attribué par l’Academy of Interactive Arts & Sciences. Preuve de son ascension, elle est aujourd’hui vice-présidente de Microsoft Corporate, en plus d’être directrice de 343 Industries.
Muriel Tramis
Après avoir travaillé dans l’Aérospatiale, Muriel Tramis décide de créer ses propres jeux d’aventure, genre qu’elle affectionne particulièrement. Entre 1987 et 1990, elle développe différents titres tels que Méwilo, Freedom, Emmanuelle et Geisha pour Coktel Vision. Ses deux premiers jeux mettent en avant des héros noirs, alors que les suivants proposent des modèles féminins (sous le prisme de l’érotisme, ce qu’elle regrettera). C’est surtout en 1991 qu’elle se fait remarquer avec Fascination (1991) et son travail de co-écriture sur Gobliiins avec Pierre Gilhodes. Tout au long de sa carrière, Muriel Tramis s’intéresse au traitement de l’image dans le jeu vidéo : elle développe différentes méthodes de production afin de tirer parti des multiples évolutions techniques. Pionnière du jeu vidéo en France, elle reçoit la Légion d’honneur en 2018. Elle travaille aujourd’hui sur Remembrance, un jeu d’enquête narratif qui se déroule au cœur de la société créole du XIXe siècle.