Plus grosse secousse du monde vidéoludique de ces dernières années, l'accord trouvé par Microsoft pour engloutir Activision Blizzard s'est fait pendant deux mois en coulisses. Des négociations détaillées par la publication récente d'un document de la SEC.
Sommaire
- Microsoft très vif sur le rachat
- Des milliards en cas d'échec de l'accord
Microsoft très vif sur le rachat
À 68,7 milliards de dollars, l'accord trouvé par Microsoft pour absorber Activision Blizzard est le plus gros enregistré dans l'industrie du jeu vidéo. Officialisé le 18 janvier, ce deal ne s'est évidemment pas fait du jour au lendemain et il aura fallu près de deux mois à Phil Spencer (PDG Xbox, filiale de Microsoft) et à Bobby Kotick (CEO Activision Blizzard) pour se mettre d'accord. Et l'on en sait un peu plus grâce à un document publié par la SEC, la Security and Exchange Commission, une autorité responsable de la régulation des marchés financiers aux États-Unis. Le document, de plus de 150 pages, revient notamment sur le déroulement des négociations entre Bobby Kotick et Phil Spencer. Elles se seraient lancées le 19 novembre, soit trois jours après la longue enquête du Wall Street Journal : le média avait alors fait état de plusieurs faits d'agressions sexuelles au sein de l'entreprise que Bobby Kotick connaissait mais aurait passés sous silence.
Une enquête qui bouleverse le monde du jeu vidéo et voit plusieurs chefs d'entreprise réagir. Jim Ryan chez Sony, Doug Bowser chez Nintendo mais aussi Phil Spencer chez Xbox. Ce dernier estimait alors "évaluer tous les aspects de sa relation" avec Activision Blizzard (ABK). Nul ne se doutait alors qu'il s'imaginait contracter avec Bobby Kotick pour racheter l'entreprise... Bref, les discussions se poursuivent le lendemain avec Satya Nadella, le président de Microsoft qui indique être intéressé pour "une combinaison stratégique avec Activision Blizzard". Le 26 novembre, Phil Spencer revient à la charge et indique que selon ses propres informations, Microsoft serait prêt à racheter l'entreprise pour 80$ par action. Deux jours plus tard, le conseil administratif d'ABK revient avec une contre proposition : ils sont prêts à se faire acheter mais à condition d'augmenter le prix de vente entre 90 et 105$ par action. Un accord est alors trouvé entre les deux parties, mais à l'époque, Microsoft n'était pas le seul sur les rangs.
Des milliards en cas d'échec de l'accord
Au total, ce sont cinq entités qui sont intéressées pour étudier un éventuel rachat avec Activision Blizzard. Nommées A, B, C, D, E, certaines d'entre elles lâchent l'affaire assez tôt comme la A et la B. Et à partir du 10 décembre, le bras de fer indirect s'engage. Les entreprises C, D et E témoignent de leur volonté de racheter l'entreprise, tandis qu'Activision Blizzard essaie de durcir les négociations avec Microsoft : elle demande un rachat à hauteur de 100$ par action. Nadella explique vouloir bien monter son prix à 93$ par action en échange d'une période de négociations exclusive de 30 jours durant laquelle les deux parties peuvent trouver un accord final. Activision Blizzard renvoie la balle et souhaite un prix 95$ par action, qui est enfin accepté par Nadella. L'entité D, dernière participante sur le ring après le retrait de la C et E (qui ne se sentaient plus en capacité de procéder à une acquisition), est mise K.O à distance par Microsoft : ABK lui explique que la situation a changé depuis les premières échanges téléphoniques et qu'elle ne sera bientôt plus en mesure de négocier avec l'entreprise D. Cette dernière ne souhaitant pas s'engager avec le peu d'informations mises à disposition, elle préfère se retirer.
C'est grâce donc à la stratégie agressive adoptée par Microsoft qu'elle arrive à être la seule négociatrice pour acheter Activision Blizzard. À partir du 20 décembre, les choses s'accélèrent sérieusement et c'est finalement un accord à 95$ par action qui est signé, soit 68,7 milliards de dollars. Cela étant dit, il est bon de rappeler que l'accord n'est pas encore fait et qu'il reste deux "examens" à valider. Le premier est celui de la Federal Trade Commission (FTC). C'est une organisation visant à protéger les consommateurs, notamment dans le domaine du droit à la concurrence. À sa tête figure Rachel Khan, une professeur de droit américain spécialisée dans le droit de la concurrence et critique farouche des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et... Microsoft) pour le monopole qu'il constitue. Si la FTC venait à refuser le ''deal'', Microsoft devrait payer entre deux et trois milliards de dollars d'indemnité à ABK. Le deuxième examen est celui des actionnaires, qui doivent approuver la fusion par vote : s'il venait à échouer, c'est ABK qui devra sortir 2,27 milliards de dollars de sa poche...
Source : Security and Exchange Commission