En février 1992, les possesseurs américains de la NES de Nintendo voient débarquer un jeu McDonald ! Intitulé M.C Kids, celui qui deviendra McDonald Land chez nous, va être au cœur d’une incroyable histoire qui va conduire à l’embauche d’un petit génie de la programmation au sein de Virgin : David Perry. À lui seul, il va écrire l’une des pages les plus mémorables de l’ère des consoles 16-bits.
Nous sommes au début des années 1990 et les temps sont durs pour le jeune Gregg Tavares. Sans emploi, il se retrouve dans une situation délicate et peine à payer son loyer et ses factures. Désormais interdit bancaire, il n’a pas le choix : il doit trouver un job ! Passionné de programmation et de jeux vidéo, l’intéressé décide de passer un coup de téléphone à son ami Dan Chang. Ce dernier travaille pour un petit studio de développement appelé Trilobyte et il se dit qu’il y a peut-être une opportunité à saisir. Dan connaît les capacités de Gregg et parvient à convaincre son patron, Graeme Devine, de le rencontrer… et de l’embaucher.
Gregg Tavares se souvient :
Lorsque Graeme m'a donné le poste, j'ai commencé à travailler sur Caesars Palace sur Game Boy. Deux semaines plus tard, il est venu me voir afin que je participe à un nouveau projet : Terminator sur NES. Mon ami Dan était en train de réaliser M.C Kids et Darren Bartlett travaillait sur les deux projets en même temps. Au bout de trois mois, Virgin a décidé que Dan et moi devions travailler uniquement sur M.C Kids. J'ai cessé l'activité sur Terminator.
L’histoire est parfois cruelle. Alors que Dan est celui qui a permis à Gregg Tavares d’entrer chez Trilobyte, voilà que celui-ci se fait virer ! Pour le jeu McDonald’s, il travaillait sur un logiciel permettant au duo de créer et d’ajouter des sprites (éléments du jeu) rapidement. Malheureusement, il a pris du retard et son employeur a décidé de l’évincer. Gregg Tavares se rappelle :
Je me suis retrouvé seul programmeur pour M.C Kids. J'ai continué à travailler sur le logiciel d'animation jusqu'à mars. Mais ils m'ont demandé au bout d'un moment de me mettre sérieusement à la programmation du jeu. Cela a pris six mois. Heureusement, Darren avait dessiné des croquis pour le design, mais avec du temps supplémentaire, on aurait pu ajouter quelques petits éléments en plus.
M.C Kids, ou McDonald Land chez nous, prend la forme d’un jeu de plate-formes calqué sur Mario. C’est un titre agréable, plutôt bien réalisé et qui distille des idées intéressantes. Mais là où l’histoire devienne un peu folle, c’est que la cartouche va se retrouver au cœur d’une drôle d’affaire.
NINTENDO VA REMODELER L’HISTOIRE
Peu de temps avant la sortie du jeu, Nintendo et son contrôle « qualité » valide la sortie de M.C Kids, mais pose une condition qui va bouleverser les plans de l’éditeur Virgin. En l’état, M.C Kids est un très bon jeu, mais il est surtout très ressemblant à Super Mario Bros. 3 ! Nintendo accepte donc de publier ce titre sur NES et Game Boy, mais à la condition qu’il soit… exclusif ! Gregg Tavares relate :
Le plus gros problème qu’on a eu avec Nintendo, c’est qu’ils n’ont pas interféré une seule fois, sauf à la fin où ils nous ont envoyé une lettre qui disait en gros que M.C. Kids était une copie de Mario, et qu’il fallait qu’on accepte de ne le sortir que sur Nintendo. Apparemment, Virgin avait un accord avec SEGA qui stipulait que s’ils sortaient un jeu chez Nintendo, ils devaient aussi le vendre chez eux. Ça a été la panique chez Virgin !
Vous avez bien lu ! L’éditeur de M.C Kids avait signé un contrat avec SEGA qui indiquait que chaque jeu sorti chez Nintendo devait aussi sortir sur les consoles SEGA. Autrement dit, si jeu McDo il y avait sur Nintendo, jeu McDo il devait y avoir chez SEGA ! Dans une impasse, l’éditeur n’a pas d’autre choix et doit trouver une solution pour ne pas perdre la face. L’une des pontes de Virgin Games a entendu parler d’un jeune développeur irlandais en pleine ascension à Londres : David Perry. Sans attendre, l’un des responsables de Virgin prend son téléphone et lui propose un contrat en or !
David, nous savons que tu es doué. Virgin Games a une offre pour toi, afin de réaliser des jeux pour la chaine de fast-food McDonald’s. Quel que soit ton salaire actuel, nous te payerons davantage !
Après réflexion, David Perry accepte la proposition et part s’installer aux États-Unis. Sur place, il participe à la création de l’excellent Global Gladiators et devient l’une des figures de proue de Virgin. Alors qu’il développe une adaptation du Livre de la Jungle, SEGA contacte Virgin afin que le studio prenne en charge la conception d’un futur mythe de la Mega Drive : Aladdin.
Cette histoire, fruit de nombreux hasards, montre que le jeu vidéo était décidément un univers qui pouvait changer très vite. Qu’en serait-il advenu de la carrière de David Perry, et de la Mega Drive en occident (ou même de Donkey Kong Country sur Super Nintendo puisqu’il est une réponse à Aladdin), si M.C Kids n’avait pas fait l’objet d’une telle clause ? Nul ne le sait.