Comme pour chaque événement majeur, Riot a récemment publié un clip afin de promouvoir la compétition qui fait rage jusqu’au 6 novembre. En effet, le mondial de League of Legends bat son plein, et c’est donc logique que la communication autour du titre s’intensifie. Ces animations accompagnées de compositions musicales inédites sont monnaie courante chez Riot. L’éditeur semble avoir raison d’utiliser ce médium, car ces clips accumulent des dizaines voire des centaines de millions de vues. Mais pourquoi ce moyen de communication est-il si efficace pour League of Legends, et comment les équipes de Riot font-elles pour créer autant de hits ?
Riot Games n'a pas directement envisagé le clip vidéo comme un moyen de communication pour League of Legends. Si la version 1.0 du titre a bénéficié d’un trailer d’annonce en 2009, les joueurs ont dû attendre la cinématique A Twist of Fate de 2013 pour profiter d’une représentation fantasmée de quelques champions iconiques. Dans un premier temps, c’est de cette manière que Riot a utilisé les cinématiques en CGI.
En octobre de la même année, c’est le clip Get Jinxed qui fait beaucoup parler de lui. Si elle sert avant tout à annoncer et sublimer le personnage de Jinx, cette animation est également la première incursion de Riot sur le terrain du clip musical. Ce personnage, alors inédit, y ravage tout sur son passage, chevauche des obus nucléaires façon Dr. Folamour, et prend plaisir à détruire des mannequins inquiétants. Le tout s’effectue sur un fond de musique Punk, complètement raccord avec le personnage. Ce clip marque également le début de la collaboration entre Riot et le studio d’animation français Fortiche Prod qui a été impliqué dans quelques-uns des plus grands succès musicaux de League of Legends. On vous laisse apprécier le travail effectué sur Get Jinxed qui, malgré les 8 années qui nous séparent de sa publication, reste fichtrement impressionnant.
Warriors, la Hype à son paroxysme
Un an plus tard, Riot et Fortiche font appel à Imagine Dragons pour transformer l’essai avec Warriors. Cette vidéo d’annonce des Worlds désormais culte marque un tournant pour les clips de League of Legends. Car si le hit d’Imagine Dragons est pour beaucoup dans le succès de cette vidéo, l’approche privilégiée par Riot va avoir un impact considérable sur les productions suivantes de la firme. Tout le concept de ce clip est de mêler l’univers de League of Legends au nôtre, de brouiller les frontières entre les joueurs du mondial et les champions qu’ils invoquent. Cependant, les joueurs de tous niveaux peuvent s’identifier aux protagonistes du clip, car ces derniers évoluent dans un premier temps dans des lieux que chacun connait très bien. Le message est donc clair, que les joueurs soient issus des banlieues ou des cybercafés asiatiques, n’importe lequel peut devenir un champion. “Nous sommes les guerriers qui ont bâti cette ville.” Difficile de ne pas voir en ces paroles un moyen de célébrer et de motiver la communauté de League of Legends. Tous ces éléments ont fait du clip Warriors un carton monumental qui a marqué les joueurs et la compagnie.
Ce n’est pas pour rien que depuis lors, chaque vidéo annonçant le début du Mondial surfe sur ce concept. Rise, Burn it All Down, Take Over et bien d’autres clips musicaux représentent les meilleurs joueurs du monde ne faire qu’un avec leur champion fétiche pour mener des combats intenses. La plupart de ces animations en 2D sont réalisées par le prolifique studio The Line. En plus des multiples clips déjà cités, ce studio a travaillé sur les visuels de True Damage, un des groupes virtuels de League of Legends, mais aussi pour d’autres grands noms de différentes industries comme Gorillaz ou encore Blizzard Entertainment.
K/DA, le carton absolu
Mais le plus grand hit de League of Legends n’est pas un de ceux à avoir annoncé un mondial, mais bien le premier titre de K/DA : POP/STARS. Ce groupe virtuel de K-Pop est composé de 4 champions féminins : Ahri, Akali, Kai’Sa et Evelynn. Plus complexe qu’il n’y parait, ce projet a demandé une coordination de plusieurs pans créatifs de Riot. Pour cause, la K-Pop ne se limite pas à la composition musicale et au chant. Identité visuelle, style vestimentaire, chorégraphie… Chacun de ces éléments demande un soin tout particulier. Pour le studio, qui n’avait jamais travaillé sur ce genre musical, c’était un vrai challenge. D’autant que toute cette création se devait de s’articuler autour d’un évènement plus global qui allait célébrer l’arrivée des skins estampillés K/DA dans le jeu. Ce sont donc de nombreux pôles différents qui ont dû travailler de concert pour donner naissance au projet. Et ce n’était pas une mince affaire, car il fallait avant tout déterminer le ton qu’aurait K/DA.
En explorant le genre, les équipes créatives se mettent d’accord pour suivre une tendance de fond de la K-POP de ces dernières années, et décident de mettre en scène des personnages féminins forts et imposants. C’est Fortiche Prod qui revient au fourneau pour réaliser le clip de POP/STARS. En plus de profiter de la richesse visuelle du projet, ce clip bénéficie de vraies idées de mises en scène. La presque intégralité du clip se déroule en un traveling arrière continu, conférant ainsi plus de stature aux championnes choisies. De nombreux éléments directement issus des personnages de LoL et de leurs capacités sont utilisés dans la mise en scène. Par exemple, Evelynn et Akali peuvent toutes les deux se rendre invisibles dans League of Legends. La première prend même une forme démoniaque inquiétante une fois tapie dans l’ombre. C’est pour cela qu’une séquence place les deux personnages dans le métro, et alterne entre l’ombre et la lumière. En pleine lumière, Akali est invisible et Evelynn est décontractée. Dans l’ombre, le spectateur peut voir la jeune Ninja tandis qu’Evelynn regarde la caméra intensément, prête à exécuter celui qui se tient de l'autre côté. Cette séquence permet donc à ceux qui visionnent le clip de partager le point de vue des deux combattantes. On notera également que ce design d'Akali troque sa bombe fumigène contre une bombe de peinture afin de renforcer l’aspect urbain, assumant ainsi les influences Hip-Hop du groupe virtuel.
Il est clair que musicalement, POP/STARS était taillé pour être un hit, mais si le morceau a été un tel succès, c’est parce qu’il est un produit dérivé parfait. Respectueux du matériau d’origine et superbement produit, K/DA avait toutes les chances de son côté pour réussir. D’autant que comme Warriors en son temps, ce clip joue avec le quatrième mur, et intègre les personnages de League of Legends dans un univers à mi-chemin entre Runeterra et le monde réel. Cette intégration de la Faille à notre monde, Riot en a fait un crédo. Ce n'est pas pour rien qu'à de nombreuses reprises, des créatures ou des champions ont pris vie en réalité augmentée lors des finales des Worlds.
Séraphine, Un personnage un peu trop réel ?
Pour préparer le retour de K/DA et explorer davantage ce concept, Riot crée le personnage de Séraphine. En plein milieu du morceau MORE, cette fan chinoise de K/DA rejoint le groupe. Eh oui, vous avez bien lu, Chinoise. Ici, Séraphine fait office de lien entre les joueurs et l’univers de League of Legends, et ouvre la porte à tout un tas d'autres intégration méta. Il n’aura d’ailleurs pas fallu attendre la sortie du clip, car durant les semaines qui ont précédé la sortie de l’EP du groupe, ALL OUT, un compte Twitter très actif était tenu par la chanteuse virtuelle. C’est Bethany Higa, Marketing Writer chez Riot, qui s'occupait de ce compte twitter. Elle y postait des illustrations supposées représenter Séraphine dans le monde réel ou parlait de l’avancée du projet. Et si ce mécanisme de communication semble avoir plu aux fans, quelques tweets en particulier ont posé problème à de nombreuses personnes. Dans ces derniers, Séraphine exprimait son anxiété, son syndrome de l’imposteur et son manque de confiance en elle, allant même jusqu’à demander des messages d’encouragement à ses fans afin de les épingler sur son tableau.
i'm realizing that i can't do this alone. and maybe i need to be the one to ask for help... so could you give me some encouraging words? i need something to believe in right now
— Seraphine⭐🌊 (@seradotwav) October 10, 2020
Certains y ont vu de la maladresse, d’autres une forme d’instrumentalisation de troubles mentaux sérieux. C'est ironique quand on connait la réputaion du milieu de la K-Pop et des dérives présumées de ce star system. Higa est revenue sur ce bad buzz dans les colonnes de Polygon, où elle y explique avoir mis beaucoup de sa personne et des ses propres insécurités. Elle y voit un message positif, car dans le scénario qu’elle a écrit pour Séraphine, cette dernière dépasse ses troubles pour atteindre le succès. Chacun sera juge, mais c’est peut-être ce jour là que Riot a poussé son concept trop loin. Cela lui servira-t-il de leçon ou a-t-il d'autres idées méta dans sa besace ? Toujours est-il qu’en orientant son ton et sa communication autour de concepts forts, le studio californien est parvenu à toucher un large public et à faire rayonner plus loin que jamais la licence League of Legends. Car malgré ce dérapage, l'excellent clip MORE de K/DA a été un carton, et pour cause la qualité était au rendez-vous. Entre la très bonne production musicale, la CGI en 4K sublime d'Axis Studios et un renfrain particulièrement entrainant, il y a de quoi rester pantois face à l'excellence de ce clip.
Si la communication de Riot autour de League of Legends est variée et devient de plus en plus tentaculaire, elle n’a jamais autant brillé qu’en suivant un crédo clair : Mêler l’univers de LoL au réel. Cette stratégie a prouvé son efficacité, autant pour promouvoir les Worlds que du contenu premium, comme certains skins de personnages. Nombreux sont les joueurs à suivre le Mondial, enthousiasmés par les vidéos d’annonce, alors qu’ils n’ont pas lancé le jeu depuis des semaines. D’autres ont vibré au rythme des hits de K/DA sans jamais avoir touché à un MOBA. Toutefois, le studio californien ne semble pas vouloir s’arrêter là, car la série Arcane, produite en collaboration avec Netflix s’apprête à débarquer sur nos écrans. Cette extension de l’univers sera-t-elle aussi réussie que les clips vidéos auxquels nous avons eu droit ces dernières années ? Réponse en novembre.