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« Pikachu bien sûr ! » « Mais non, Bulbizarre ! C’est le numéro un sur le Pokédex ! »… Et bien non ! Oubliez également Salamèche et Carapuce. Vous l’aurez compris, deviner quel est le premier Pokémon à avoir été imaginé n’est pas chose aisée. En effet, la réponse n’est pas l’une de ces dernières, qui pourraient pourtant paraître évidentes. Alors quelle est-elle ? Retour sur la création des petites créatures qui animent nos écrans depuis maintenant 25 ans.
Satoshi Tajiri, un dresseur en herbe
Mais tout d’abord, il faut remettre les choses dans leur contexte. Pour ce faire, il nous faut remonter en l’an 1965, année de naissance d’un homme qui changera à tout jamais la face du jeu vidéo et de la pop culture : Satoshi Tajiri. Né dans la capitale nippone, il évolue tout de même dans une zone plutôt rurale. Qui dit ruralité, dit ainsi espaces verts, et surtout, la présence de petits insectes en tout genre. Le jeune Satoshi se découvre une passion toute particulière pour ces derniers. Il s’amuse à les collectionner, les élever et même les faire s’affronter lors de courses endiablées. Si bien que Dr. Bug (comme ses amis le surnomment), s’imagine entomologiste. Mais, comme c’est souvent le cas avec les prospections enfantines, cela n’arrivera pas.
Ils me fascinaient. En premier lieu, leur façon de se déplacer était amusante. Ils étaient bizarres. Chaque fois que j’en découvrais un nouveau, il représentait une énigme pour moi. Plus je cherchais d’insectes et plus je trouvais de choses. En mettant la main dans la rivière, il arrivait que je la ressorte avec une écrevisse.
Satoshi Tajiri dans La Saga des Jeux Vidéo
En effet, Satoshi Tajiri se trouve très vite une nouvelle passion : les jeux vidéo. Éveillé par les salles d’arcade et Space Invaders, son intérêt grandit tant et si bien que le jeune homme finit par s’essayer à la création de ses propres jeux. Il gagnera d’ailleurs le prix de la meilleure idée de jeu lors d’un concours sponsorisé par Sega. En parallèle, il écrit et publie son propre fanzine (magazine à faible diffusion), Game Freak, spécialisé dans les jeux d’arcade. Le nom de cette modeste publication vous sera sans doute familier, puisqu’il le réutilisera au moment de créer son propre studio de jeu vidéo en 1989.
Une décision importante qui découlera d’un triste ressenti : la plupart des jeux vidéo, selon lui, ne sont pas assez qualitatifs. Dès lors, Satoshi et son acolyte Ken Sugimori ne voient qu’une seule solution viable : créer leurs propres jeux pour combler le manque. Ainsi naîtra Quinty, publié par Namco en 1989, mais surtout un projet dont les premières graines remontent à 1990 : Pokémon.
Mais alors, quelle activité passée aurait bien pu inspirer un jeu dont le but est de capturer, élever et faire combattre des petites créatures ? Et oui, Dr. Bug a encore frappé, mêlant ainsi deux passions. Surtout que le Japon a bien évolué pendant ces quelques années. La ruralité passée de son quartier de Machida a laissé place à l’urbanisation. Les jeunes enfants des villes n’ont, pour la plupart, plus la possibilité de s’amuser en faisant ce qui animait ses journées. C’est, d’une certaine façon, pour permettre à cette nouvelle génération de découvrir ce sentiment oublié qu’il décide de créer un vaste monde rempli de hautes herbes et de petits monstres à capturer. Ainsi fut créé Pokémon, licence devenue culte et ayant réussi à dépasser le simple médium du jeu vidéo. Ça c’est pour la petite histoire… Mais alors, quel fut donc le premier « Pocket Monster » permettant de la concrétiser ?
Un compagnon féroce
Ne laissons pas durer le suspense plus longtemps, le tout premier Pokémon est Rhinoféros. Pokémon de type Sol et Roche, il se place 112e sur le Pokédex. Comme son nom l’indique, il ressemble à un rhinocéros. S’il ne vous est sans doute pas étranger, il faut avouer que ce Pokémon ne fait clairement pas partie des plus remarquables et appréciés de la licence. Et pourtant c’est bien lui qui a précédé tous les autres, et c’est pourquoi un gros clin d’œil lui est fait dans Pokémon Version Rouge, Bleue et Jaune notamment. En effet, à l’entrée de toutes les arènes de la région de Kanto, c’est Rhinoféros que l’on voit exposé de façon triomphale, gardant les lieux avec ses statues.
Ce fut ensuite au tour d’Ectoplasma (le petit chouchou de Ken Sugimori) et de Nidorina de voir le jour. Ils ont, pour la peine, tous deux eu le droit à un petit traitement de faveur, en se retrouvant dans la scène d’introduction des jeux Pokémon Rouge et Bleu. Après quoi, ce sont plus d’une centaine de Pokémon qui prendront vie sous la coupe de Ken Sugimori et Atsuko Nishida, pour arriver à un total de 151 Pokémon pour la première génération. Un nombre qui s’élève aujourd’hui à 900 !
Et avec toutes ces créations, il y en a eu des anecdotes insolites. Par exemple, on pourrait penser que Salamèche fut d’abord créé, puis Reptincel, et pour finir le magistral Dracaufeu. Et bien Ken Sugimori a, à l’époque, pris la chose à l’envers. Il a d’abord imaginé Dracaufeu, Florizarre et Tortank, avant de réaliser qu’ils étaient bien trop évolués pour servir de point de départ à toute une aventure. Pour créer un lien tout particulier entre les dresseurs et leur premier Pokémon, les starters se devaient de commencer petits et mignons, et c’est ainsi qu' Atsuko Nishida, plus apte à produire de telles créatures, s’est chargée après coup de les créer.
On a très vite remarqué que le joueur serait plus à même de s’attacher à son premier Pokémon si ce dernier évoluait avec lui, rendant obsolète l’idée de commencer avec une machine de guerre.
Ken Sugimori pour le site Pokémon
C’est d’ailleurs également elle, et non le créateur légendaire des Pokémon, Ken Sugimori, qui se cache derrière Pikachu, la mascotte historique de la licence. Ce dernier ne devait initialement pas avoir une place aussi importante que celle qui lui a été attribuée. C’est initialement Mélofée qui accompagnait Red dans la toute première adaptation en manga du jeu, prenant place dans les pages de Coro Coro Comic. Mais voilà, au moment d’adapter le tout en dessin animé, les investisseurs ne veulent pas de Mélofée. Ils n’accepteront de signer que si le compagnon de Sacha est un peu plus mignon, et, de préférence, jaune. Coup dur pour la petite créature créée par Ken Sugimori, qui aurait pu être le visage de toute une franchise. Néanmoins, cela ne dénature pas le travail acharné qu’a fourni, et continu de fournir Sugimori, considéré pour beaucoup comme le père des Pokémon.
Ken Sugimori, le Maître du Poké-crayon
On ne pouvait parler du premier Pokémon créé sans évoquer celui qui leur a, pour la grande majorité, donné vie : Ken Sugimori. Il croise les pas de Satoshi Tajiri pendant l’époque du magazine Game Freak, pour lequel il réalisera moult illustrations. C’est main dans la main que les deux compères fondèrent le studio de jeu vidéo, Satoshi à la conception et Ken pour tout ce qui touche au côté artistique.
Comme beaucoup d’artistes, il est avant tout un grand observateur. En effet, pour trouver l’inspiration, il s’installe dans des zoos ou des aquariums et observe les différents animaux qu’ils hébergent. C’est donc pour ça que Rhinoféros ressemble à un rhinocéros, Ramoloss à un hippopotame etc. etc. Rien de bien extraordinaire en soit, mais il suffira d’ajouter à cette inspiration quelques simples ingrédients pour obtenir la recette du succès : des petits animaux mignons et cools.
Pour maintenir cet équilibre primordial, tout est parfois question de petits détails. Prenant comme exemple le petit Moustillon : pour que le bougre soit assez mignon, Sugimori a tenu à lui ajouter quelques petites taches de rousseur. Un petit détail me direz-vous, mais pour Sugimori ça veut dire beaucoup. C’est avec soin qu’il a supervisé ou réalisé le design de nombreux Pokémon, en faisant une figure majeure de la franchise.
Néanmoins, il met un point d’honneur à rappeler qu’il est loin d’être le seul à applaudir pour la réalisation des 900 Pokémon qui se sont succédés au fil des générations. Nous évoquions Atsuko Nishida, mais Motofumi Fujiwara, Shigeki Morimoto, Hironobu Yoshida, Muneo Saitō et Satoshi Ohta (et beaucoup d'autres) sont autant de noms qui ont participé à cette grande entreprise, de Pokémon Rouge/Bleue en 1996 à Légendes Pokémon : Arceus (prévu pour janvier 2022), de Rhinoféros à Paragruel... et sans doute beaucoup d'autres à venir !