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News jeu World of Warcraft : comment une épidémie virtuelle a été utile à la science !
Profil de [87],  Jeuxvideo.com
[87] - Journaliste jeuxvideo.com

S'il y a bien un sujet qui occupe quotidiennement notre actualité depuis maintenant plus d'un an, c'est celui de l'épidémie de COVID-19. Événement à l'impact mondial, la propagation fulgurante du virus a chamboulé le quotidien d'une bonne partie de la planète. Il y a maintenant 16 ans, un cas étonnamment similaire était survenu au sein de World of Warcraft. L'épisode du Sang vicié a marqué les esprits de celles et ceux qui l'ont connu, et le comportement des joueurs et de l'épidémie en jeu a été étudié par des scientifiques pour confronter les constatations au monde réel.

World of Warcraft : comment une épidémie virtuelle a été utile à la science !
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Patient Zéro et porteur sain

Tout débute le 13 septembre 2005. Sorti depuis 2004 aux États unis et début 2005 en France, World of Warcraft jouit d'une énorme popularité. Les serveurs sont surpeuplés et l'enthousiasme de découvrir une licence culte en monde ouvert et persistant ne cesse de croître. Afin d'étoffer le contenu de cette période plus connue aujourd'hui sous le nom de « WoW Vanilla », Blizzard a déployé un tout nouveau Raid 20 joueurs, le bien connu Zul'Gurub. Son boss final, Hakkar, offrait un combat retors et l'une de ses capacités répondait au nom de Sang vicié. Son principe était simple. Si l'un des personnages était dans la zone du boss, il pouvait se faire infecter par le malus, qui, en plus de provoquer des dégâts sur la durée, pouvait se transmettre aux joueurs alliés à proximité. Cette affliction ne disparaissait qu'au bout de quelques secondes ou en cas de mort du personnage.

World of Warcraft : comment une épidémie virtuelle a été utile à la science !

Ce type de débuff est assez classique dans les MMORPG, et ce système de propagation aux alliés invite ces derniers à rester vigilants et les healers à utiliser leurs compétences pour éradiquer la maladie sur les joueurs infectés. Comme dans toute instance d'un MMO, ce malus ne pouvait théoriquement pas sortir de l'enceinte de Zul'Gurub. Cependant, un facteur n'avait pas été pris en compte par Blizzard : celui des porteurs sains, un terme qui nous est aujourd'hui bien familier. Effectivement, certaines classes dans le MMO de Blizzard, comme le Démoniste ou le chasseur, peuvent invoquer un familier. Ce sont des PnJ contrôlés par le personnage et qui font partie de son gameplay afin de, entre autres, booster leurs dégâts. Naturellement, dans une phase de boss de raid, chasseurs et démonistes ont la plupart du temps leurs familiers et serviteurs invoqués pour optimiser leurs performances. Malheureusement, ces partenaires non jouables pouvaient également être infectés par le Sang vicié, sans pour autant en subir les effets. Ils étaient donc porteurs asymptomatiques de cette affliction. Il s'avère que si les propriétaires de ces compagnons infectés les révoquaient rapidement, ils étaient toujours porteurs du Sang vicié, mais le timer de disparition du debuff était mis en pause. Et si d'aventure, à la fin du raid, une fois une capitale surpeuplée du jeu regagnée, le familier était invoqué à nouveau, le virus se répandait aux personnages à proximité, qu'ils fassent partie du groupe ou non. Ces mêmes personnages, porteurs du virus, étaient donc de nouveaux vecteurs de contamination.

World of Warcraft : comment une épidémie virtuelle a été utile à la science !

Des facteurs aggravants la propagation

C'est ce qui s'est produit, et si des débats ont longtemps été menés pour savoir avec certitude si la rétention d'un familier infecté et son déploiement dans une zone peuplée était délibérée ou non, les faits étaient là : l'épidémie a commencé à croître à une vitesse folle. Il faut rappeler que les capitales du jeu, quelle que soit la faction que vous occupez, sont le centre névralgique du MMO de Blizzard. C'est ici que les groupes se font, que les transactions s'opèrent ou que le matériel se répare. Quelle que soit l'heure à laquelle vous vous connectez, les capitales de World of Warcraft sont très peuplées, encore plus à l'époque compte tenu de l'immense popularité du jeu. Autant dire que c'étaient là les endroits parfaits pour une tentative de contamination de masse, et les effets du sang vicié ne se sont pas fait attendre. En seulement quelques heures, les capitales principales du jeu étaient décimées. Les joueurs infectés, plutôt que de rester immobiles, ont logiquement cherché à s'abriter sans forcément avoir conscience de ce qui leur arrivait, infectant au passage tout autre personnage à proximité.

World of Warcraft : comment une épidémie virtuelle a été utile à la science !World of Warcraft : comment une épidémie virtuelle a été utile à la science !

Plusieurs éléments ont favorisé l'accroissement de l'épidémie. Le premier est que les personnages de haut niveau avaient suffisamment de santé pour encaisser le debuff et donc attendre qu'il cesse d'être appliqué sur leur personnage, en l'échange de quelques soins. Cependant, cette résistance permettait au sang corrompu de faire l'intégralité de son cycle de dégâts et donc de contaminer plus de personnes si le joueur infecté n'était pas isolé. D'un autre côté, les joueurs de bas niveau avaient deux handicaps. D'abord, l'affliction les tuait quasiment instantanément, et d'un autre côté, la méconnaissance très probable du raid destiné aux joueurs de haut niveau les empêchait de comprendre les raisons du mal qui les rongeait de l'intérieur. Ils avaient donc tout loisir de se faire réinfecter par le virus en allant récupérer leur cadavre et en réapparaissant auprès d'un autre joueur infecté. Des images tout à fait saisissantes de capitales jonchées du squelette des joueurs ont rapidement circulé et montré toute l'ampleur et la férocité de l'épidémie qui a frappé sans prévenir quelques serveurs du jeu. La grande facilité pour se déplacer d'un continent ou d'une ville à une autre a clairement exacerbé la puissance de l'épidémie, qui est vite parvenue à s'installer dans la plupart des zones d'Azeroth.

Des comportements très... réels

C'est ici que le comportement des joueurs était assez intéressant. Certains d'entre eux ont fui les capitales pour aller se mettre au vert dans des zones moins densément peuplées, tandis que d'autres, généralement de haut niveau, répandaient volontairement la maladie, la plupart du temps en essayant d'aller s'infiltrer dans les rangs ennemis pour terrasser l'alliance ou la horde. Des joueurs avec des capacités de soin tentaient d'aider les personnages contaminés, tandis que d'autres activaient le mode PvP, ce qui prévenait toute propagation du virus aux joueurs restant en mode PvE. Mais naturellement, d'autres joueurs activaient volontairement ce mode pour s'inoculer la maladie puis la répandre. Cela a logiquement créé une grande confusion sur les serveurs. Si la mort n'est en aucun cas définitive sur World of Warcraft, elle impacte tout de même la durabilité de l'équipement et surtout, peut tout simplement être frustrante, à tel point que de nombreux joueurs ont préféré se déconnecter pendant de longues périodes afin d'attendre que l'épidémie soit endiguée. Et si Blizzard a encouragé les joueurs à se mettre en quarantaine, la consigne n'a (naturellement) pas été respectée et le comportement des joueurs refusant de s'isoler a exacerbé la propagation du virus. Dans les colonnes de PC Gamer, John Cash, Lead engineer sur le jeu à l'époque se souvient d'avoir été désemparé face à cet événement inattendu :

C'est devenu vraiment effrayant quand nous avons vu qu'on ne savait pas d'où ça venait. Même lorsque nous avons compris ce qui se produisait, c'était très difficile à corriger. Nos options se résumaient à analyser tous les familiers de toutes les régions, regarder s'ils avaient le sang vicié et le supprimer, ou développer un code très intrusif qui vérifierait la présence de la corruption et qui s'en débarrasserait.

World of Warcraft : comment une épidémie virtuelle a été utile à la science !

Il aura fallu attendre le 8 octobre 2005, presque un mois après le début de l'épidémie et après un grand nombre d'essais et de gestion d'appels au service client pour que le studio rectifie le tir. Une première mise à jour a empêché le debuff de s'appliquer aux familiers, et une seconde a purement et simplement ôté l'effet de propagation du sang vicié. L'histoire s'est donc arrêtée là et les joueurs ont pu reprendre tranquillement leurs quêtes. Bien évidemment, l'événement a été directement intégré dans le lore de World of Warcraft, avec des allusions introduites en jeu de différentes manières, compte tenu de la réaction paradoxalement assez enthousiaste de la communauté. Effectivement, plutôt que d'y voir là une erreur de contrôle qualité au cours du développement du raid et du sang vicié, c'était plutôt le sentiment d'avoir été impliqué dans un grand événement mondial virtuel qui a primé. Dans un MMO, quand bien même l'univers serait persistant, ce qui s'y passe est régi par les développeurs ou les mises à jour, et ne sort que rarement de ce carcan. Ici, c'est un événement incontrôlé, imprévu et ayant eu des conséquences inattendues qui a eu lieu, donnant plus de corps et de crédibilité à l'univers de World of Warcraft.

Un phénomène observé par le monde scientifique

Mais, vous l'aurez compris, l'épidémie et l'impact qu'elle a eu sur le comportement des joueurs de WoW n'est pas sans rappeler les événements récents apparus suite à la crise sanitaire qui n'en finit plus de durer. Déjà passé au crible dans certaines revues scientifiques lors de l'épidémie de SRAS et de grippe aviaire, l'incident virtuel a de nouveau été mis en lumière avec l'apparition du coronavirus. Ce ne sont naturellement pas des considérations scientifiques qui ont été ici passées au microscope, mais plutôt les facteurs comportementaux favorisant la propagation du virus qui ont été observés. Lors de l'explosion du coronavirus en occident, PC Gamer s'est entretenu avec les chercheurs qui avaient en 2007 étudié l'épidémie virtuelle en la confrontant à la réalité. Les docteurs Nina Fefferman et Eric Lofgren ont collaboré à la rédaction d'un article à ce propos, très complet et très sérieux, consultable sur The Lancet. Le Dr Lofgren, travaillant aujourd'hui à l'université de Wahsington, a depuis observé des parallèles entre l'épisode du sang vicié et le coronavirus.

Pour moi, c'était une bonne illustration de l'importance de comprendre le comportement des gens. Quand ils réagissent aux urgences sanitaires publiques, ces réactions façonnent réellement le cours des choses. Nous voyons souvent les épidémies comme des choses qui « arrivent » simplement aux gens. Il y a un virus et il provoque des choses. Mais en réalité c'est un virus qui se propage entre les gens, et la manière dont ils interagissent, se comportent et se fient ou non aux figures d'autorité sont les éléments qui sont vraiment importants. Ce sont des choses vraiment chaotiques. Vous ne pouvez pas vraiment prédire : « oh, tout le monde va être en quarantaine, ils iront bien. Non, ils n'iront pas bien.

De son côté, la doctoresse Nina Fefferman, joueuse de WoW au moment de l'épisode du sang vicié, est devenue coutumière de l'étude des comportements sociaux en cas de situation de crise, suite à ce qu'elle a pu constater en jeu. C'est d'ailleurs elle qui a diligenté une recherche sur le Sang vicié ayant conduit à la rédaction des conclusions mentionnées plus haut. Elle évoque l'impact qu'a eu l'incident sur sa vie professionnelle dans les colonnes du Washington Post :

Ce que j'étudie sont tous les aspects des épidémies de maladies infectieuses qui nous aident à nous préparer pour les pandémies. Nous avons vraiment vu toute la gamme de comportements que nous observons dans le monde réel dans celui des joueurs pendant le Sang vicié. (…)

Cet épisode m'a conduit à penser vraiment profondément à la manière dont les gens perçoivent les menaces et comment les différences de perceptions peuvent changer leur comportement. Une bonne partie de mon travail depuis a été de tenter d'établir des modèles de construction sociale autour de la perception du risque et je ne pense pas que j'en serais arrivée là si facilement si je n'avais pas pensé aux discussions que les joueurs de WoW avaient en temps réel à propos du Sang vicié et de comment se comporter en jeu selon ce qu'ils ont tiré de ces conversations.

En 2007, la scientifique désirait même aller plus loin. Dans le cadre d'une conférence « Game for Health » (littéralement, Des jeux pour la Santé »), Nina Fefferman avait émis l'idée d'introduire d'autres maladies, éventuellement non létales dans le jeu, comme l'avait rapporté Gamasutra. L'idée était alors de continuer à observer les réactions des joueurs et des joueuses. Comment la rumeur se propagerait-elle ? Comment le risque serait-il perçu ? Autant de questions qui sont cependant restées sans réponses, car, si Blizzard était initialement plutôt favorable à l'idée de collaborer avec des scientifiques, l'enthousiasme s'est peu à peu érodé sans pour autant que le studio ferme totalement la porte à cette expérimentation. Cependant, 14 ans après, le sujet semble clos et seul l'épisode du Sang vicié reste comme point de référence à l'observation du comportement du public virtuel face à une épidémie.

Si bien entendu, il ne faut pas mettre sur le compte de l'étude du Sang vicié de grandes avancées scientifiques, certains chercheurs ont tiré des enseignements de cet épisode presque prémonitoire et ont affirmé que le jeu vidéo était un terrain idéal d'observation des comportements humains dans ces situations extrêmes pour une raison très simple, comme l'a souligné Nina Fefferman : « les gens ne jouaient pas roleplay, ils étaient simplement eux-mêmes ». Cela a donc pour mérite de sortir les observations très mathématiques du monde scientifique et d'y intégrer une variable assez difficile à prendre en compte dans ces cas-là : le facteur humain et son imprévisibilité.

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Commentaires
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killswitch6313 killswitch6313
MP
Niveau 4
le 26 mars à 08:13

Désolé 87, a priori ton article n'était pas assez bien pour la rédaction de jv.com...

https://www.jeuxvideo.com/news/1868102/une-terrible-pandemie-dans-un-jeu-video-decouvrez-cette-histoire-folle-avec-notre-podcast.htm

Lire la suite...
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