Annoncé il y a plusieurs années déjà, Skull and Bones, le jeu de pirates d'Ubisoft, n'a depuis quasiment pas fait parler de lui, excepté pour annoncer des reports... Et malgré 8 années de développement, le vent ne semble toujours pas prêt de se lever et le titre continue de voguer vers un horizon incertain.
De DLC à jeu complet
C’est une énorme enquête revenant sur la création de Skull and Bones que sort le média américain Kotaku. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la vingtaine de développeurs interrogés, anciens comme actuels, ne sont pas très confiants quant au développement du jeu et au résultat final. Rappelons que le projet remonte déjà à il y a 8 ans et qu’il était à l’origine prévu pour être une simple extension d’Assassin’s Creed IV : Black Flag. En interne, les sources de Kotaku évoquent donc des doutes quant à la période de sortie prévue, aux dernières nouvelles envisagée pour février ou mars 2022. De son côté Ubisoft se veut assez confiant concernant l’avancée du projet, en tout cas face aux investisseurs.
Alors pourquoi ne pas tout simplement annuler le projet ? Parce que, toujours selon les sources de Kotaku, le développement du titre a déjà coûté 120 millions de dollars à Ubisoft et qu’il est encore loin d’être fini. A titre de comparaison, cette somme représente autant - voire plus - qu’un épisode récent d’Assassin’s Creed. Le projet est trop gros et avancé pour être annulé, d’autant plus que cela passerait très mal du côté des investisseurs. Pour couronner le tout, il existerait un deal politique et économique entre Ubisoft Singapour, principale équipe derrière le jeu, et le pays. Le studio serait ainsi tenu de sortir une franchise originale dans un certain délai s'il tient à conserver ses avantages sur le territoire. La boîte semble donc pieds et poings liés.
Rien qu’une démo ?
Si vous suivez JV et plus particulièrement nos aventures lors de l’E3, vous savez peut-être que Panthaa - dont vous pouvez profiter de la douce voix dans la vidéo ci-dessus - avait pu jouer en duplex et en direct pendant près d’une heure au titre de piraterie d’Ubisoft en 2018. Le jeu était alors tout à fait jouable, mais il n'est pourtant toujours pas sorti. Une situation particulièrement étrange et assez inédite, mais que certains développeurs comparent au cas Anthem : Skull and Bones serait pour eux une sorte de vitrine technique, à la limite de la démo, mais avec peu de contenu derrière. Celui-ci peine en effet à arriver faute de ligne directrice claire. Le studio singapourien donne d’ailleurs à Kotaku des infos sur l’état actuel du jeu : la production vient de passer la phase d’Alpha (8 après le début de son développement, donc) et les équipes se disent impatientes de donner plus de détails.
Un concept nébuleux...
Toujours dans l’article du média américain, un des développeurs explique que la base du problème réside en réalité dans le statut-même du jeu : un DLC basé sur Assassin’s IV, qui n’était techniquement pas de dernière fraîcheur à sa sortie en fin de vie des PS3/360 et en début de génération One/PS4. A la même période, Ubisoft préparait Assassin’s Creed Unity, véritable épisode new-gen qui a rendu quelque peu ringard l’aspect technique de Black Flag. Et donc de Skull and Bones. S’est alors engagé un reboot technique pour celui qu’on appelait encore Projet Liberté.
L’information principale qui est ressortie des nombreux entretiens avec d’anciens et actuels développeurs du studio, c’est que le jeu s’est en réalité toujours cherché : on est passé de l’Océan Indien aux Caraïbes ; on était parti sur une version très inspirée de l’excellent Meier’s Pirates!, avec une campagne multijoueur à embranchements, avant de passer à une version proposant un hub central ultra-atypique, une ville décrite comme une “cathédrale d’eau” par les développeurs. Plusieurs pistes de ce genre ont ainsi été étudiées durant les longues années de développement, ce qui n’a pas vraiment aidé à faire du projet quelque chose de concret, fixe et rapide à sortir.
Empiler des systèmes
Dans le même style, on apprend que les différentes versions montrées en salon avaient à peu près toutes une philosophie différente. D’abord focalisé sur l’affrontement joueur contre joueur (PvP) pour sa première présentation en 2017, Skull and Bones intègre l’année suivante du PvE, avec des joueurs et des IA, lors de son retour à l’E3. A cette étape, le jeu inclut énormément de systèmes : bataille navale, système de jeu compétitif à la manière d’une Dark Zone de The Division, loot, management de ressources, crafting, achat et revente de marchandise… Ubisoft n'hésite pas à tenter des choses. Mais le tout aboutit à une accumulation indigeste de features, aussi bien difficiles à gérer en jeu que dans son interface.
Allers retours multiples
Apparemment, le fait de savoir si on incarne le bateau ou - nuance - un pirate pilotant le bateau a été reconsidéré plusieurs fois au fil des années. Face à tous ces changements de cap, le studio a passé entre six mois et un an à développer des outils visant à rendre possible l’exploration à pied. Les hésitations du genre se multipliant, les équipes se sont finalement senties perdues et obligées de rebondir du mieux possible sur chaque nouvelle décision prise par les managers. Les relations auraient d’ailleurs été compliquées entre le studio parisien et celui de Singapour, n’aidant pas le projet à avancer.
Selon les sources de Kotaku, le jeu continuerait d’évoluer aujourd’hui, mais celui-ci semble ramer et on ne sait pas clairement vers où il se dirige. Difficile donc de se projeter sur une date de sortie dans ces conditions. Espérons qu'il ne tombe pas totalement à l'eau...