À la fin des années 1990, Squaresoft a le vent en poupe. Éditeur incontournable de la PlayStation, le studio japonais compte parmi ses rangs les créateurs les plus ambitieux et visionnaires du moment. Si la franchise Final Fantasy – et son pendant tactique – demeure, à l’époque, la tête de gondole de l’entreprise tokyoïte, certaines œuvres (Xenogears, Parasite Eve…) parviennent à se défaire de « l’emprise » de la série née en 1987. La compagnie nippone surprend également en s’éloignant du genre J-RPG pour s’essayer à la baston, avec l’excellent Tobal, le shoot, avec Einhänder ou même la course avec Chocobo Racing (qui conduira au tristement célèbre Driving Emotion Type-S). Année après année, Squaresoft élargit son offre et surplombe, de sa majesté, la galaxie PlayStation. En février 2000, alors que tous les yeux sont rivés vers l’avenir, avec l’arrivée imminente d’un monolithe noir qui entrera dans l’Histoire, un certain Vagrant Story bouleverse les joueurs. Plus de vingt ans après sa sortie, nombreux sont ceux à espérer une suite d’une œuvre qu’ils estiment, sans doute à juste titre, mésestimée. Retour et prédiction sur un thriller qui mériterait une renaissance.
Pour comprendre d’où vient Vagrant Story, il est nécessaire de revenir sur les traces de son chef d’orchestre, Yasumi Matsuno. Né en 1965 à Myōkō, dans la préfecture de Niigata, le Japonais grandit dans un environnement rural et entouré de montagnes. Curieux du monde extérieur, il s’évade grâce au cinéma, la télévision et la littérature. Dans une interview accordée à 4Gamer, il explique :
À cette époque, nous n’avions ni Internet, ni téléphone portable. En été, vous pouviez jouer avec vos amis à l’extérieur ou au baseball, mais en hiver, nous étions enterrés sous trois mètres de neige et il n’y avait rien à faire. Sortir pour acheter des magazines était problématique, donc les bandes dessinées, les romans, les films à la télévision étaient les seuls divertissements. Si vous vouliez faire autre chose, rêvasser était la seule option. (Rires)
Durant son enfance, il s’imprègne de longs-métrages comme Star Wars et se passionne pour les évènements historiques liées à la Seconde guerre mondiale, au point de fabriquer des maquettes de chars et des dioramas revisitant les grands conflits de cette triste période. Soucieux du détail, Yasumi Matsuno effectue de longues recherches dans les ouvrages de la bibliothèque de sa ville et développe une certaine appétence pour le monde occidental. Alors étudiant, il rejoint l’université privée d’Hosei à Tokyo, où il suit des cours de politique étrangère, mais ne termine pas son cursus. Il rejoint finalement une rédaction en tant que journaliste économique puis glane un poste de concepteur chez Quest Corporation en 1989.
Un appétit… d’ogre
À son arrivée, le studio japonais n’a qu’une année d’existence et se cherche enocre. Yasumi Matsuno apprend son métier en participant à la réalisation de Conquest of the Crystal Palace sur NES, un titre connu au Japon sous le nom Matendōji. S’il n’est pas question pour le garçon de brûler les étapes, ce dernier aspire néanmoins à un poste à responsabilité. C’est chose faite, quelques années plus tard, lorsqu’on lui confie la direction et la création d’un tout nouveau titre.
À cette époque, les RPG comme Final Fantasy et Dragon Quest étaient d’énormes succès, mais beaucoup de gens commençaient également à en avoir assez. Les joueurs étaient prêts pour quelque chose de nouveau – le moment était venu pour un RPG stratégique à la Fire Emblem, quelque chose à mi-chemin entre des jeux de simulation extrêmement difficiles comme Nobunaga’s Ambition et des RPG classiques. J’ai d’abord regardé l’état du marché, et ce n’est qu’alors que j’ai décidé de créer un RPG stratégique. À ce moment-là, je me suis dit : « Ok, si on peut faire ça, intégrons une grande histoire. » et c’est ainsi qu’Ogre Battle a débuté.
Pragmatique, Yasumi Matsuno ne résonne pas comme la plupart des créateurs avides d’innovations basées sur des envies purement personnelles. Avant de confirmer son idée, il a analysé le marché, la fiabilité commerciale du projet et s’est appuyé sur les données démographiques des joueurs. Une fois le processus validé, il s’est alors lancé dans sa toute première œuvre : Ogre Battle : The March of the Black Queen. Inspiré par le groupe britannique éponyme – dont Matsuno est fan et qui possède les chansons « Ogre Battle » et « March of the black queen » ainsi que par Carthage sur Amiga – ce jeu (Densetsu no Ōga Batoru au Japon) est d’abord paru sur Super Nintendo avant d’être adapté sur PlayStation, Saturn et mobiles. Le script s’intéresse à un groupe de rebelles, aux prises avec une impératrice diabolique, luttant pour sa liberté et celle de sa terre natale. Mêlant exploration et combats tactiques, Ogre Battle a surtout eu une résonnance japonaise. Il n’a été distribué qu’à 25 000 pièces aux États-Unis (autant dire qu’il était introuvable chez la plupart des revendeurs) et n’a jamais fait l’objet d’une sortie en Europe. À l’époque déjà, Yasumi Matsuno s’entoure d’artistes et compositeurs talentueux (Akihiko Yoshida, Hiroshi Sakimoto…) qui deviendront ses fidèles lieutenants.
Après avoir terminé Ogre Battle, Quest était en manque de personnel et j’ai dû m’occuper moi-même du service après-vente. Les gens appelaient et me disaient des trucs comme : « Ce jeu n’a aucun sens ! Qui est responsable de cette pagaille ?! Il doit être sanctionné ! » et je répondais : « Ah, je suis désolé, je pense que c’est moi. » (Rires) De cette manière, pendant quatre mois, j’ai pu tout entendre des principaux concernés… Psychologiquement, c’était épuisant, mais c’était aussi un bon apprentissage.
Marqué par les évènements yougoslaves, et notamment le terrible 11 juillet 1995 à Srebrenica, Yasumi Matsuno livre une suite à Ogre Battle en octobre de la même année. À une époque où les jeux du genre misent sur des thèmes plus poétiques, Tactics Ogre : Let Us Cling Together est un uppercut. L’œuvre, initialement intitulée Lancelot : Somebody to Love (puis Tactics Ogre : The Bequest of King Dorgalha), se veut plus moderne et réaliste que son prédécesseur. Se déroulant dans un univers mêlant Moyen-Âge et Empire romain, il distille moins de fantasy, assume un ton plus sombre et délaisse la stratégie en temps réel d’Ogre Battle pour du tour par tour sur un damier. Par cette manœuvre, Matsuno voulait laisser le temps au joueur de planifier sa stratégie. Dans une ancienne interview, il déclare :
Après avoir terminé le développement d’Ogre Battle, nous avons estimé que faire un autre jeu de simulation en 3D temps réel pour la Super Nintendo allait être difficile. Il existe maintenant une puce spéciale pour la console qui offre plus de possibilités, mais elle est également très coûteuse. Par conséquent, nous avons abandonné l’idée de faire une autre version améliorée d’Ogre Battle, et avons plutôt décidé de développer un tout nouveau système.
À sa sortie, Tactics Ogre et sa 3D isométrique rencontrent le succès. Une nouvelle fois, le titre n’est distribué que subrepticement aux États-Unis mais la série s’ouvrira finalement à l’occident avec l’adaptation PlayStation (au contraire de la mouture Saturn exclusive au Japon) mais surtout PSP. Comme pour Ogre Battle, Yasumi Matsuno assure le support clientèle et profite des appels des joueurs insatisfaits pour noter les recommandations.
De Final Fantasy Tactics à Vagrant Story
En 1995, après plusieurs années de bons et loyaux services au sein de Quest, Yasumi Matsuno quitte l’entreprise pour rejoindre la firme montante : Squaresoft. Dans son sillon, il parvient à emmener avec lui ses plus fidèles collaborateurs. Pour le garçon, cette embauche est une véritable aubaine mais il ne s’attendait probablement pas à ce que le hasard soit si généreux…
Hironobu Sakaguchi, créateur de Final Fantasy, confie en effet :
Le titre Final Fantasy Tactics était quelque chose que j’avais imaginé en 1993. Nous avions même déposé le nom. Je suis moi-même fan de jeux de stratégie et j’avais réfléchi à l’idée d’un Final Fantasy en mode tactique. Je suis le genre de concepteur qui trouve d’abord le nom, donc il n’y avait rien de concret mais j’avais fait un document préparation « Final Fantasy Tactics ». Malheureusement, j’ai été pris dans le tourbillon des développements autour de FF – qui sortaient à un rythme effréné, un tous les 12 à 18 mois – donc mes plans concernant cette itération tactique sont restés sans lendemain.
Lorsque Yasumi Matsuno entend parler de ce jeu oublié, il s’empresse d’aller voir son supérieur pour lui demander les clés de cette production. Il doit toutefois attendre le feu vert de sa direction. Lorsque celui-ci arrive, Hironobu Sakaguchi lui présente alors le document préparatoire réalisé quelques années auparavant. Celui-ci n’excède pas les six pages et se montre assez succinct. Le Japonais décidera finalement de ne pas adopter le système imaginé par Hironobu Sakaguchi. Cela montre en tout cas, alors qu’on aurait pu penser le contraire, que Squaresoft n’a jamais embauché Yasumi Matsuno dans le but de réaliser FF Tactics. Il faudrait d’ailleurs des heures pour parler de ce chef d’œuvre de l’ère PlayStation mais on retiendra que l’équipe a volontairement instauré un sentiment d’urgence dans les combats tout en misant sur une animation en 60 images par seconde (d’où les cartes restreintes). Le jeu imprime un rythme génial, la direction artistique est fabuleuse et on ne parle même pas de la musique de Hitoshi Sakimoto. Du côté du gameplay, l’œuvre innove en permettant au joueur d’anticiper grâce à une interface affichant une estimation des dégâts, la probabilité de réussite de l’attaque et, surtout, la capacité de réaction de l’adversaire. Les possibilités sont très vastes et le système, avec les classes, les affinités zodiacales, la configuration du terrain ou encore les relations entre partenaires, est passionnant.
Le succès de Final Fantasy Tactics est immédiat et Squaresoft donne alors carte blanche à Yasumi Matsuno pour son prochain jeu. En accord avec ses compagnons, et en adéquation avec leurs aspirations occidentales, l’intéressé imagine une toute nouvelle licence. Il explique :
Faire une suite de Final Fantasy Tactics était une option, mais je devais aussi tenir compte des souhaits de mon équipe et j’ai pris très au sérieux leurs préférences. Après avoir discuté ensemble, nous avons convenu que ça serait probablement notre dernier jeu sur PlayStation. Après cela, nous passerions à la PlayStation 2, Dolphin (future Gamecube) ou Dreamcast. Nous avons décidé qu’il serait préférable de créer un jeu en 3D au lieu d’une œuvre en 2D. Comme notre équipe était composée d’experts en 2D, on a senti que nous devions acquérir un certain savoir-faire – à la fois en graphisme et programmation – pour aller au bout de notre projet. C’est ainsi que le projet Vagrant Story a débuté.
Un petit bout de France
En compagnie de ses plus fidèles collaborateurs, Yasumi Matsuno se lance dans une grande réflexion et fait un constat : les joueurs sont en demande d’expériences inédites et ils peuvent se lasser très vite. Au lieu de s’appuyer sur un concept prémâché et des personnages stéréotypés, l’intéressé décide de s’ouvrir à une multitude de genres et de faire de sa prochaine production un pot-pourri de diverses influences. Au point de mélanger la plate-forme, la stratégie et les combats au tour par tour.
Ce dernier précise :
Pour des raisons de commodités, on peut dire que Vagrant Story est un jeu d’aventure mais notre souhait était de ne pas cantonner notre travail à un genre spécifique. La plupart des actions du personnage se déroulent en temps réel (course, saut, suspension aux murs, prise et utilisations d’objets) mais, au combat, le temps se fige comme dans les jeux de rôle conventionnels. Les joueurs peuvent ensuite utiliser la magie, diverses techniques, des coups de grâce et bien plus encore. C’est comme un jeu de stratégie où les joueurs doivent utiliser leur matière grise pour optimiser l’utilisation de leurs armes. Les paramètres affectant le personnage – et les décisions qui en découlent – sont nombreux, y compris les HP (points de vie) ou les points d’impact pour les bras, jambes et autres parties du corps. Quand l’aventure débute, les joueurs doivent également trouver des artefacts pour résoudre les énigmes qu’ils rencontrent.
Vagrant Story a de quoi décontenancer au départ et demande un temps d’adaptation. Concrètement, les déplacements se déroulent comme n’importe quel jeu d’aventure en 3D, avec une caméra que l’on peut tourner à 360°. Le personnage interagit avec son environnement mais doit, par exemple, ranger son épée pour s’agripper aux parois. Il y a certain réalisme dans les actions, même si certains trouveront le rythme un peu trop lent. Lorsque l’avatar rencontre un ennemi, il doit le scanner dans un premier temps pour ensuite lancer l’offensive et choisir les parties du corps à viser. Il faut prendre en compte la position des ennemis (notamment si ces derniers surplombent le joueur) et la distance. La progression est émaillée de petites énigmes avec des mécanismes, des caisses à porter, à pousser, etc. Le système de forge est très poussé mais il ne se livre qu’aux plus téméraires. Mais une fois que l’on a appris à le dompter, c’est un régal !
Alors que les responsables du système de jeu s’affairent, les designers modèlent le monde dans lequel évoluera le joueur. Et c’est en s’inspirant de la France, et notamment d’une cité médiévale de Nouvelle-Aquitaine, que les développeurs japonais vont donner corps à l’univers de LéaMundis. Yasumi Matsuno a en effet découvert des photos de Saint-Émilion, située dans la région de Bordeaux, qu’un collègue à lui a pu visiter quelques temps auparavant. En découvrant les clichés, le Japonais est sous le charme et décide d’exploiter le caractère médiéval de la petite ville. Matsuno fait alors une demande à sa direction pour constituer une petite équipe afin de faire du repérage sur place. Le voyage, dont il fait partie, se déroule en septembre 1998 et les concepteurs japonais ramènent avec eux une quantité de souvenirs, photos et vidéos. Le staff est notamment marqué par l’église monolithe de la cité, fondée au XIIème siècle et reconnaissable à sa conception hors-normes. Ainsi, c’est toute l’architecture de cette bâtisse mais aussi le charme médiéval que l’on retrouve dans Vagrant Story. D’autres bâtiments proviennent, quant à eux, de monuments et structures parisiennes.
Tout a commencé avec le voyage, à Bordeaux, du producteur d’un autre jeu de Square, qui s’était rendu là-bas pour faire avancer un projet avec une société dont nous tairons le nom (Monolith ? Project X ?). Aimant beaucoup le vin, il a poursuivi sa visite jusqu’à Saint-Émilion. À son retour, il m’a raconté à quel point le paysage était fantastique et m’a montré les photos qu’il avait prises. En fait, à ce moment-là, j’étais en pleine réflexion pour l’environnement du jeu de ma nouvelle création. J’avais déjà choisi de mettre en scène une ville ancienne qui, à bien des égards, ressemblait énormément à Saint-Émilion. Personnellement, ce n’est pas seulement la beauté de Saint-Émilion qui m’a plu, mais plutôt son histoire, longue d’environ 2000 ans. J’ai eu envie d’aller découvrir cette petite ville de moi-même, de la voir de mes propres yeux. Elle présente un relief étonnant, que j’ai eu envie de fouler de mes propres pieds. Nous sommes partis à 5 en France, avec les responsables principaux des graphismes des décors et paysages, afin de donner forme aux images que nous avions déjà en tête pour le jeu. C’est à partir de là que l’aspect graphique de Vagrant Story s’est consolidé.
C’est donc sur cette base visuelle que naît Vagrant Story, même si Matsuno reconnaît qu’ils ont eu un contre-temps.
En fait, le responsable de la modélisation des décors n’est pas venu avec nous et ça a été une erreur car nous aurions vraiment dû l’emmener (Rires). Au départ, on ne savait pas que ça allait être lui. Nous sommes partis à Saint-Émilion avec des appareils photos et des caméras et nous avons tout photographié et filmé, du début jusqu’à la fin du séjour. Au total, c’est plus de 1 000 photos que nous avons prises ! À notre retour, nous les avons passées au responsable de la modélisation en lui disant « Reproduis ceci. » mais il n’arrivait pas à jauger l’échelle. Finalement, après plusieurs semaines à travailler et à étudier les clichés, et bien qu’il ne soit jamais allé à Saint-Émilion, il arrivait à faire le lien d’une photo à l’autre, à savoir qu’une telle ruelle débouchait sur tel endroit et à comprendre parfaitement la géographie de la cité.
Bien que l’équipe ait eu d’autres inspirations géographiques, le budget ne leur a pas permis de visiter d’autres lieux que la France (région de Bordeaux et Paris). Malgré cela, et grâce au talent du designer responsable des décors, Vagrant Story propose des environnements absolument superbes, ce qui est une vraie prouesse quand on sait que chaque map ne dépasse pas… 1 200 polygones. Pour dégager une atmosphère particulière, les artistes sont passé beaucoup de temps à appliquer les textures, à définir les sources de lumière, à jouer avec les ombres, etc. C’est tout cet ensemble qui donne un charme unique à Vagrant Story mais les personnages étaient, au départ, bien plus statiques dans leurs expressions. C’est finalement un autre jeu qui va bouleverser l’équipe.
En créant Vagrant Story, nous avons vécu ce que j’aime appeler le « Metal Gear Shock » … l’aspect émotionnel de ce jeu et sa qualité de gameplay, c’était stupéfiant. C’était durant l’été 1998. Vagrant Story n’était pas censé sortir avant douze mois mais cela nous a poussé à nous surpasser pour réussir le défi auquel nous étions confrontés. Dès lors, nous avons ajouté une quantité de nouveaux éléments au jeu, comme les expressions faciales des personnages. Nous ne voulions pas que les émotions soient uniquement transmises par les mouvements et les dialogues. Cela représentait beaucoup de travail, mais c’était quelque chose que nous jugions absolument nécessaire, et nous avons affiné ces expressions jusqu’à la toute fin du développement.
Pour rester fidèle au caractère médiéval du jeu, Hitoshi Sakimoto a essayé d’apporter une touche européenne à Vagrant Story. En raison des capacités sonores de la PlayStation, ce ne fut pas de tout repos, notamment pour reproduire les orchestrations. Au départ, le compositeur a commencé à travailler sur des mélodies joyeuses mais Yasumi Matsuno lui a demandé d’opter pour des thèmes plus sombres, plus atmosphériques. La musique, discrète, ne devait être remarquée qu’à certains moments-clés et c’est en suivant ces recommandations que le musicien a mis en place une cinquantaine de musiques. Là où ses précédents jeux lui demandaient 6 mois de travail, Vagrant Story a été le fruit d’un effort s’étant sur plus de deux ans ! Le résultat est remarquable, avec de très belles mélodies.
Vagrant Story est le fruit d’une certaine philosophie. Alors que la plupart des studios évitent, à l’époque, de se confronter à de réelles difficultés et à prendre des risques, Squaresoft parvient à tirer le meilleur de la PlayStation (malgré des ambitions qui semblent bien au-dessus des capacités réelles de la machine). Par exemple, l’utilisation de la vue subjective était un énorme risque car cela implique que le joueur peut observer l’environnement sous toutes ses coutures.
Il y a beaucoup de masos dans notre staff. Même lorsque les circonstances font qu’il est impossible de faire quelque chose à cause des limitations techniques, ils trouvent toujours une solution ! Quand quelqu’un dit « on ne peut pas faire ça », un autre rétorque : « si on peut toujours ! » C’est la mentalité qui règne au sein de l’équipe. (Rires)
Dès lors, on comprend pourquoi le jeu est une telle performance technique pour son époque.
Un jeu oublié ?
Vagrant Story est une œuvre majeure de la ludothèque PlayStation mais elle n’a pas traversé les années comme certains autres classiques. À la fois exigeante et singulière, elle mériterait pourtant un remake ou même une suite, surtout quand on sait que la moitié des idées de Yasumi Matsuno et son staff a été mise de côté. Le titre de Squaresoft a, en effet, demandé de longs mois de travail et a considérablement évolué en cours de route (d’abord mignon et coloré, à la FF Tactics, il est devenu plus sombre et réaliste). Il a fallu plus d’une cinquantaine de personnes pour finaliser le jeu mais certains aspects, comme des PNJ venant épauler Ashley, ont été remisés au placard. À l’époque, les problèmes de mémoire étaient omniprésents et un remake ou une suite permettrait, de nos jours, de sublimer l’œuvre originale en la modernisant. Mais voilà, cela fait plus de vingt ans que ce soft demeure un one-shot et que l’on ne voit rien venir. Yasumi Matsuno a expliqué à l’époque que Vagrant Story n’aurait pas de suite et qu’il avait servi à prendre de l’expérience en vue de la nouvelle génération de consoles. Pourtant, en avril 2020, une personne a demandé à l’intéressé s’il n’avait prévu un hypothétique Vagrant Story 2… et il s’avère que Matsuno, lui-même, a posté à la surprise générale une ébauche de scénario parlant d’un traqueur, appelé Jack, à la poursuite de fugitifs et personnes disparues. Le système restait à définir mais ce protagoniste avait un don, hérité de sa mère, qui lui permettait de « lire » dans le cœur d’autrui.
It's someone else.
— 松野泰己🐈⬛ (@YasumiMatsuno) April 22, 2020
well... I put only a prologue in the proposal I wrote before.
( I can't translate it in my poor English, so plz do it ! ) pic.twitter.com/oOaHSnsn5U
Cela montre bien qu’il avait dans l’esprit une possible séquelle et ça s’annonçait assez mystérieux. Malheureusement, cette ébauche ne restera, probablement, qu’une ébauche. Aussi légendaire soit-il auprès de certaines personnes, Vagrant Story est un titre qui divise et il n’a jamais eu l’aura d’autres licences chères à Squaresoft. Yasumi Matsuno a quitté l’entreprise il y a plus de quinze ans et l’éditeur n’a jamais cherché à faire revenir cette franchise (même si Final Fantasy XII a des airs de suite spirituelle par moments). Même si les relations entre les deux parties sont aujourd’hui apaisées (Yasumi Matsuno ayant conçu des scénarios additionnels pour Final Fantasy XIV, d'ailleurs inspirés de sa réflexion à propos de Vagrant Story 2), on ne peut pas dire que les signaux soient positifs pour un retour de Vagrant Story. Il faudra donc se contenter d’une œuvre, certes, exigeante mais surtout unique dans son approche.
Et qui sait, peut-être que l’avenir nous donnera tort de ne pas croire à une renaissance….
Trivias :
- Les temps de chargement sont remarquables. Il s’agissait même d’un argument de vente pour Vagrant Story mais selon le programmeur Taku Murata, aucun magazine n’a repris cette information. En fait, la majorité des accès au disque se font durant les cinématiques ou pendant l’affichage des dialogues, rendant imperceptible – ou presque – le chargement des données.
- Pour que Vagrant Story insuffle une touche occidentale, les développeurs ont opté pour un système de dialogues avec des bulles, d’où l’approche « comics ».
- Vagrant Story en chiffres, c’est 1 200 (nombre de polygones pour les décors), 300 (nombre de polygones pour les personnages, FF VIII en comporte 700), 1 000 (nombre de photos/vidéos prises lors du repérage en France) ou encore 50 (nombre de musiques et nombre de développeurs à la fin du projet).
- Vagrant Story était, au départ, un jeu assez coloré et reprenant des décors proches de ceux des Moumines (Moomins en V.O) et des protagonistes mignons. C’était un titre à la Final Fantasy Tactics mais son approche visuelle a fortement évolué durant sa conception, passant à des tons plus sombres et des personnages plus réalistes.
- L’histoire de Vagrant Story est surnommée « The Phantom Pain ». Intriguant comme on sait que Metal Gear Solid a eu un impact sur le développement du jeu.
Sources :
Site officiel Vagrant Story
Interview équipe Vagrant Story - Shmuplations.com
Interview Yasumi Matsuno - 4Gamer
Interview Hitoshi Sakimoto – Joypad n°98
Interview Yasumi Matsuno – Playmag n°48
Interview Hitoshi Sakimoto – Playmag n°48
Page Wikipedia anglaise de Vagrant Story