Demon Slayer de son titre original Kimetsu no Yaiba est un manga de Koyoharu Gotôge publié en 2016. Le Shonen de la Shueisha connaît depuis un succès planétaire qui n’a rien à envier aux piliers du genre, celui-ci ayant même volé la couronne à One Piece dans le Weekly Shōnen Jump. A l’occasion de la sortie le 19 mai 2021 du film d’animation Demon Slayer : Le train de l’infini dans les salles obscures françaises, nous vous proposons un article rétrospectif sur la franchise dans son ensemble ainsi que sa genèse.
DEMON SLAYER, de quoi ça parle ?
Demon Slayer, se situe dans un Japon fantaisiste de l’ère Taisho, c'est à dire au début du XXe siècle. Le manga nous conte l’histoire du jeune Tanjiro Kamado qui mène une existence paisible et modeste avec sa famille, jusqu’au jour où cette dernière se fait massacrer par des démons. Cependant, sa petite sœur Nezuko survit miraculeusement, et se retrouve transformée en démon. Tanjiro fait alors la rencontre de Sakonji Urokodaki, puis entame son épopée afin de devenir pourfendeur de démons à son tour dans le seul but de trouver un remède qui permettra à sa sœur de retrouver toute son humanité.
Koyoharu Gotôge et la genèse du manga
Pour commencer, prenons le temps de revenir sur l'auteure du manga, représentée par un dessin d’alligator portant des lunettes, Koyoharu Gotoge, née le 5 mai 1989 à Fukuoka, Japon. L'année de ses 24 ans, Koyoharu, la future mangaka en herbe, participe en 2013 au 70ème Jump Treasure Rookie Manga Awards, un concours organisé par la Shueisha, avec une œuvre nommée, Kagarigari. Ce One-shot est un récit de 45 pages mettant en scène un chasseur de démons antipathique armé d’un sabre, et serait selon toute vraissemblance une première ébauche pour ce que deviendra Demon Slayer.
Ce dernier introduit notamment certains personnages bien connus du grand public comme Tamayo pour ne citer qu’elle. Le One-shot en question obtiendra la mention honorable tout comme l’attention de son premier éditeur Tatsuhiko Katayama. Un an plus tard, Gotöge se lance dans une série de trois One-Shot ; Monju Shiro Kyoudai publié dans le second numéro du Shonen Jump Next! en 2014 suivi de Rokkotsu-san publié dans le 39 ème numéro du Weekly Shonen Jump de la même année, et enfin, Haeniwa no Zigzag, une histoire centrée sur un chasseur de malédictions nommé Zigzag, paru en 2015 dans le Weekly Shōnen Jump. Avec ce dernier récit, Gotoge espère obtenir une publication régulière dans le Weekly Shonen Jump, mais ce dernier ne rencontre pas le succès escompté. Son éditeur, Katayama, conscient des erreurs scénaristiques de sa dernière œuvre, suggère à Gotöge d’écrire une série avec un thème plus accessible aux lecteurs, c'est à dire les jeunes adolescents. Il prend alors pour exemple, le manga de Kohei Horikoshi, My Hero Academia, inspiré du précédent One-Shot de l’auteur : "My Hero".
Sur les conseils de Katayama, Gotöge retourne aux sources de son premier One-Shot Kagarigari, et réalise un premier storyboard intitulé Kisatsu no Nagare ayant pour piliers des sabres et des démons, artifices auxquels le public japonais n’est pas étranger. Malhreuseusement pour la mangaka, le calibrage trop sérieux du récit et le manque d’humour en filigrane de l'œuvre lui interdisent une publication dans le Weekly Shōnen Jump. Consciente de ses erreurs, elle décide sur les conseils de Katayama de donner une dimension plus charismatique et empathique au personnage principal à l'instar des têtes d'affiche du Shonen Jump. L’éditeur expérimenté lui conseille de s’inspirer de Gon Freecss, le protagoniste de Hunter x Hunter, un garçon solaire au grand coeur entouré de personnalités excentriques. Sur la même longueur d’onde que Katayama, Gotoge puise également son inspiration dans l’oeuvre d’Hirohiko Araki, Jojo’s Bizarre Adventure, notamment pour son système d’énergie, à savoir le “souffle” qui ressemble fortement au système “d’Onde” présent dans Demon Slayer.
Dorénavant, Gotöge a toutes les cartes en main pour lancer son chef-d'œuvre. Un seul problème demeure... le titre. En Effet, le titre original Kisatsu no Yaiba (le terme “Satsu” signifie "tuer” en japonais) est remanié en Kimetsu no Yaiba, littéralement “Pourfendeur de démons, en raison de sa résonance trop violente. À présent doté d’un héros attachant, de personnages secondaires atypiques et d’une histoire correspondant à la ligne éditoriale du magazine de prépublication, le Weekly Shonen Jump, le premier chapitre de Demon Slayer voit le jour dans le 11ème numéro de 2016. Le premier volume relié paraît quant à lui en juin de la même année au Japon. La série est publiée dans le Shonen Jump durant plus de 4 ans, pour finalement s'achever le 18 mai 2020. Demon Slayer compte au total 23 tomes et 205 chapitres. A noter que le dernier tome propose plusieurs pages bonus.
Des débuts mitigés en France
L’éditeur français Panini Manga révèle en 2017 l’obtention de la licence Demon Slayer sous le nom Les Rôdeurs de la Nuit, mais en raison d’une communication inexistante, le manga est un échec commercial et la publication est interrompue dès Janvier 2018. Cependant, Panini Manga tire partie du succès de l’adaptation animée, et annonce une réédition de la série en 2019 avec cette fois-ci sur la couverture le nom international... Demon Slayer. Grâce à un remaniement en interne de l’éditeur, le manga jouit dorénavant d’une meilleure communication ainsi que de dialogues fidèles au matériau d'origine.
Le phénomène Demon Slayer
C’est en 2019 que Demon Slayer fait l'objet d’une adaptation animée orchestrée par Ufotable, le studio derrière les adaptations de haute volée des franchises Fate de Type-Moon ou des Tales Of, la série de jeux vidéo de Namco Bandai. La série animée Demon Slayer propose une animation soignée, mélangeant avec brio CGI et animation 2D ainsi qu'une bande originale de qualité. Mention spéciale à Go Shiina qui sublime les dessins par ses compsitions musicales, un savant mélange de musique industrielle, de chœur et d'instruments traditionnels japonais qui n'est pas sans rappeler le travail du compositeur Yasuharu Takanashi sur Naruto. La chanteuse Lisa, notamment connue pour les openings de Sword Art Online et Fate Zero, répond présent avec son emblématique Gurenge. Forte de toutes ces qualités, l’adaptation rencontre très rapidement un succès public et critique. Grâce à la plateforme de simulcast Wakanim, l’animé connaît en France un succès similaire. Cette popularité phénoménale va même jusqu'à faire de l’ombre aux indétrônables L’Attaques des Titans et Sword Art Online.
Souhaitant capitaliser sur ce succès, Koyoharu Gotöge épaulée par Ryoji Hirano se lance dans la publication de deux histoires parallèles, dites Gaiden. La première est centrée sur le personnage populaire de Giyu Tomioka. “Kimetsu no Yaiba : Giyu Tomioka Gaiden” se compose de deux chapitres qui sont publiés successivement dans le 18ème, puis le 19ème numéro du Weekly Shonen Jump de 2019. La seconde histoire, quant à elle, est centrée sur le personnage de Kyojuro Rengoku. Cette dernière compte aussi deux chapitres publiés dans les 45ème et 46ème numéros du Weekly Shonen Jump de 2020. Ryoji Hirano réalise également un spin-off au format quatre cases intitulé Kimetsu no aima! mettant en scène les personnages en version Chibi. Ce projet est directement associé à l’adaptation animée, et sert de base pour les passages comiques diffusés à la fin de chaque épisode. Les travaux de Ryoji Hirano sont désormais disponibles à la lecture sur l’application mobile, Shonen Jump+. Fort de son succès, et en amont de l’adaptation cinématographique du manga, Koyoharu Gotöge reprend la plume en 2020 pour dessiner un One-Shot centré sur le personnage de Kyojuro Rengoku, qui sort en octobre de la même année dans l'un des magazines de la Shueisha. Celui-ci a le droit à son propre volume relié en édition limitée intitulé Rengoku Volume 0, et est même distribué aux spectateurs du film d’animation Demon Slayer : Le train de l’infini. Pour finir, le manga de Koyoharu Gotöge connaît les joies d’une adaptation vidéoludique avec Demon Slayer : Hinokami Kappûtan. Ce titre confié à CyberConnect 2 prend pour cadre la première saison de l'anime. Le gameplay s'inspire de son côté de la série des Naruto Shippuden : Ultimate Ninja Storm, également développée par les studios japonais précédemment cités. .
Comment l'oeuvre de Gotöge a su s'imposer ?
Demon Slayer n'est pas dépourvu de charme et bien que partant d'un postulat simple et efficace, le manga a su tirer son épingle du jeu. En effet, ce dernier possède tous les codes du Shonen. Pour beaucoup de fans, il rappelle certaines œuvres majeures des années 2000, telles que D. Gray Man pour la partie exorciste et son protagoniste Tanjiro Kamado, ou encore Bleach pour l'aspect combat au sabre. Demon Slayer dépeint un univers impitoyable qui trouve un certain équilibre entre humour et sérieux. Le titre est facile d'accès et fort en émotions. Les arcs s'enchaînent remarquablement bien, et le rythme effréné des combats où rien n'est joué à l'avance happe lecteurs et spectateurs. De plus, les personnages sont en tout point réussis que ce soit au niveau de leur design ou de leur mentalité, deux aspects qui contrebalancent leurs caractéristiques physiques primaires. Prenons pour exemple le personnage de Zenitsu. Ce garçon à l'apparence frêle et sensible passe son temps à se lamenter sur son sort et est apeuré à la moindre occasion, mais sait se montrer décisif et "badass" lorsqu'il prend conscience des enjeux. Gotöge a su avec Demon Slayer concocter un plat singulier et attractif à partir dune recette vieille comme le monde, pour finalement s'imposer durablement auprès du public japonais et occidentale.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le manga de Koyoharu Gotöge totalise 16 tomes en France et 23 au Japon. L'œuvre publiée dans le magazine hebdomadaire Weekly Shonen Jump s’est achevée le 18 mai 2020. Pour ce qui est de l’animé, Ufotable a confirmé l’arrivé d’une saison 2 qui fera suite au film tant attendu, Demon Slayer : Le train de l’infini qui explose le box-office nippon en surpassant "Le voyage de Chihiro". Pour finir, l’auteure se pencherait sur sa prochaine œuvre qui selon ses dires pourrait être "une comédie romantique de science-fiction qui nous exploserait les abdos en 8 morceaux après l’avoir lue." Avec une adaptation animée réussie qui déchaîne les passions, nul doute que la saga Demon Slayer a encore de beaux jours devant elle.