Returnal vient de sortir sur PS5. Légèrement en mal d'exclusivité, la machine de Sony a choisi, pour sa première nouvelle franchise dédiée à cette plate-forme, de capitaliser sur Returnal, un très bon jeu, ayant recueilli 16/20 dans nos colonnes et ayant fait la quasi-unanimité au sein de la critique. Cependant, le public s'est heurté à un élément qu'il n'avait peut-être pas bien estimé : Returnal est un jeu difficile. Trop, pour certains. C'est en tout les cas le jeu qui divise la communauté en ce début d'année. Essayons alors de comprendre les raisons de la discorde.
Comme un parfum d'indé
Les joueurs et joueuses qui aiment fouiner du côté des jeux vidéo indépendants savent bien que le roguelite est un genre prépondérant, décliné à l'envi et particulièrement populaire, les consommateurs plus occasionnels du jeu vidéo n'ont finalement qu'assez peu, voire pas du tout été confrontés à ce genre particulièrement exigeant. Si Hadès a eu un succès public qui dépassait les frontières de la niche dans laquelle il évolue, rares sont les roguelite/roguelike à bénéficier d'une telle exposition. Returnal est un jeu de tir à la troisième personne qui a pour particularité, comme le veulent les règles du genre, d'impliquer le joueur dans un nombre incalculable de morts. Cependant, à l'inverse de jeux réputés « difficiles » qui, en dépit des écrans game over récurrents, ont des mécaniques qui ralentissent la progression du joueur, le roguelite la réinitialise complètement. Comprenez tout simplement que si vous venez de passer une heure à remplir des objectifs, à parcourir des couloirs en survivant à l'assaut des monstres, la moindre erreur fatale vous reconduira au début de votre parcours.
La frustration a donc été grande pour les joueurs et les joueuses qui étaient peu ou prou préparés à ce type d'expérience. Et pour cause, comme nous le précisions à l'instant, rares sont les AAA à verser dans ce genre d'expérience, et la PS5, pour sa deuxième exclusivité, n'a pas choisi de miser sur un jeu accessible à tous, bien au contraire. Après Demon's Souls Remake, déjà plutôt réputé pour ne pas être un parcours de santé, Returnal enfonce le clou et les deux exclus PS5 sont des jeux difficiles, ce qui reste globalement inhabituel dans l'industrie, aussi la surprise a-t-elle été d'autant plus grande. C'est sans doute la première raison qui est responsable de la grogne générale des joueurs. Là où les productions à forte exposition médiatique sont plutôt des jeux accessibles au plus grand nombre, accessibilité qui peut toutefois être mitigée par différents modes de difficulté, Returnal prend la tendance à contre-pied. En s'affranchissant de tout système de sauvegarde, il demande une implication très active du joueur pour être maîtrisé, ce qui n'est assurément pas du goût de tout le monde. Malgré tout, la difficulté d'un roguelite peut toujours être mitigée, car si la mort fait partie de l'expérience de jeu, plus le joueur meurt, plus il aura des chances de devenir meilleur, autant grâce à sa lecture plus précise des mécaniques du titre qu'aux items qu'ils est possible d'obtenir pour booster ses compétences. En outre, plusieurs approches peuvent être adoptées dans ce type de jeu, et un joueur misant sur l'agressivité permanente devra peut-être revoir ses habitudes de jeu pour faire une partie un peu plus prudente, qui bien souvent favorisera largement la progression. En résumé, un jeu difficile demande une capacité certaine d'adaptation, qui peut demander un temps plus ou moins long selon les profils, profils qui ne seront de toute façon pas tous enclins à s'acharner sur un jeu dans le seul but d'au moins le maîtriser.
Une difficulté clairement identifiée
Les développeurs de Returnal ne s'en cachent pas, et une planche « d'avertissement » introduit le jeu une fois lancé : le jeu est difficile, et il a été conçu pour l'être. Malheureusement, pour peu que l'information n'ait pas circulé en amont chez certains consommateurs, qui légitimement désirent profiter de leur PS5 avec des jeux qui lui sont exclusifs, la réalité peut-être rude. C'est donc à nouveau le sempiternel débat sur la difficulté qui a ressurgi, les amateurs d'expériences tendues s'opposant à celles et ceux désireux d'avoir un jeu plus facile d'accès. Et à vrai dire, si certains peuvent se sentir logiquement lésés ou déçus, il se pose la question de savoir si un jeu délibérément développé pour malmener les compétences des joueurs devrait être modifié. C'est en tout les cas la question qui s'est posée dans les allées de Housemarque, studio responsable de Returnal, qui semble pencher en faveur d'un système de sauvegarde plus flexible qu'à l'origine.
Une expérience difficile par nature
Car effectivement, le roguelite en général ne permet pas de sauver sa progression en pleine partie. C'est même ce trait particulier qui fait la saveur et qui crée la tension au sein de l'expérience de jeu, qui s'avère forcément gratifiante une fois que l'on parvient à accéder au générique de fin. Returnal est un peu plus particulier, puisque chaque session demande un temps assez conséquent pour être menée à son terme. C'est donc parfois une heure ou plus de jeu qui peut se voir réduire à néant à la moindre erreur, ou pire, si la vie vous appelle loin de votre console. Ce déséquilibre entre longue session de jeu et impossibilité de sauvegarder reviendrait presque à contraindre les joueurs à ne pas éteindre leur console et la dédier exclusivement à Returnal s'ils n'ont parfois pas le temps de finir une run complète d'une traite. Contraignant, assurément.
Introduire un système de sauvegarde pourrait grandement faciliter l'expérience. Et là encore s'élèvera sans doute la grogne des joueurs les plus hardcore, qui ne verront peut-être pas d'un bon œil cette concession à la facilité, tandis que les autres pourront en revanche accorder une nouvelle chance à Returnal. Nous vous en parlions dans un article que nous avions rédigé il y a quelque temps : la difficulté est un curseur très délicat à maîtriser. C'est d'ailleurs d'autant plus vrai que la difficulté sera perçue d'une manière très différente selon les profils de joueurs. Lorsqu'un jeu est difficile, il l'est à dessein dans le but d'offrir une expérience gratifiante aux personnes parvenant à le maîtriser. Modifier en profondeur l'essence du jeu en le rendant plus accessible pourrait tout à fait revenir à dénaturer la vision initiale des développeurs et l'équilibre qu'ils cherchaient à insuffler à leur création. Reste désormais à savoir de quelle manière Returnal sera modulé pour satisfaire un maximum de joueurs, même s'il sera quoiqu'il arrive difficile de contenter tout le monde.
Pour ses deux premières exclusivités, Sony envoie un message fort. Avec Demon's Souls Remake et Returnal, le positionnement très « gamer » de la PS5 est affirmé avec force. Cependant, en choisissant de s'orienter (pour le moment) vers ce type de productions, la déception peut être grande chez les consommateurs habitués à des AAA plus accessibles. La difficulté de Returnal fait partie de son propos. Le jeu a délibérément été pensé pour être difficile et gratifiant. Cependant, Housermaruqe semble être attentif aux doléances d'une partie du public et pourrait à terme modifier ou du moins rendre plus accessible son Returnal, dont la difficulté n'a pas fini de faire débat.