Après les logiciels de la Clickteam, de la Team Dakota ou encore de Media Molecule, la plateforme conçue par Manticore Games nous promet à son tour les joies de la création de jeux vidéo sans avoir besoin de maîtriser un langage de programmation. Officiellement disponible en early access depuis une semaine, Core entame une opération séduction auprès du grand public en rappelant la convivialité de son multivers de jeux, la puissance de ses outils, et la robustesse de son modèle économique qui permet aux utilisateurs de gagner de l’argent. Frédéric Descamps et Jordan Maynard, les têtes pensantes du projet, nous expliquent comment Core peut apporter une nouvelle ère à la production d’expériences ludiques et connectées.
En Core, une foi
Souvenez-vous. Il y a presque un an jour pour jour, nous vous présentions Core, un logiciel gratuit servant à faire créer les joueurs, et jouer les créateurs. Depuis, la plateforme a évolué et s'est distinguée de quelques faits d’armes. Le premier est l’investissement d’Epic à hauteur de 15 millions de dollars, afin d’aider à construire “une communauté mondiale de créateurs”. Le second est l’organisation d’un concours qui a proposé 120 000 dollars de prix aux différents gagnants (dont 50 000 dollars pour le grand vainqueur). Un pactole rare dans l’univers du making qui prouve que les équipes de Manticore Games savent que l’on n’attrape pas les développeurs en herbe avec du chips au vinaigre. À l’instar de Roblox mais contrairement à Dreams, la rétribution du concepteur fait partie de la philosophie de Core. Qu’il s’agisse de donations directes envoyées, d’abonnements acceptés ou de microtransactions payées, plusieurs systèmes sont mis en place pour que les joueurs puissent soutenir un projet qu’ils apprécient. Les revenus engendrés sont partagés à 50 % avec la plateforme. Cela peut sembler important, mais ce chiffre est plutôt à l'avantage du créateur par rapport à ce qui se fait sur Roblox (qui ne redistribue que 24,5 % des revenus). “Core n’est pas seulement une plateforme pour la créativité, Core n’est pas seulement une plateforme pour une nouvelle génération de créateurs, c’est aussi une plateforme qui apporte des opportunités économiques et où les gens peuvent se faire de l’argent” affirme Frédéric Descamps, directeur général et cofondateur de Manticore Games. Il ajoute : “les créateurs peuvent s’y construire une carrière et un business, tandis que les joueurs disposent d’un multivers infinis de jeux”.
Mais avant de penser à se payer un voyage aux Bahamas grâce aux recettes d’un chef-d'œuvre publié sur la plateforme, encore faut-il le concevoir. En se servant des fondamentaux de l’Unreal Engine, Core propose des outils puissants pensés cette fois-ci pour être utilisés par des novices. Un terrain à la topographie variée peut être fabriqué en quelques clics, tandis que les matériaux s’appliquent en glisser-déposer. À l’instar de Dreams, les utilisateurs peuvent partager des modèles qu’ils ont confectionnés pour que n’importe quel quidam puisse en profiter. Les librairies aisément accessibles disposent de musiques, de sons, mais aussi d’éléments graphiques divers et variés afin d’habiller des mondes qui pourront être connectés entre eux par l’intermédiaire de portails. “Contrairement aux jeux traditionnels, vous n’avez pas besoin de logiciels particuliers pour créer quelque chose avec Core, comme Maya, Photoshop, ou Substance” affirme Jordan Maynard, cofondateur de Manticore Games. “Le système de portails est aussi simple à gérer que mettre un lien dans une page web. Il peut mener vers un jeu sélectionné aléatoirement où être choisi par le créateur”. Un jeu qui se déroulant sur plusieurs niveaux/chapitres est donc totalement envisageable. Comme dans Dreams, le fait que les objets soient confectionnés directement via les outils du jeu fait que les aventures se chargent rapidement, ce qui est pratique pour mettre en avant le système de portails. “Vous pouvez passer toute votre journée sur Twitch et YouTube à regarder des vidéos de voiture ou de cuisine. Nous visons la même chose avec Core : un divertissement infini” conclut Frédéric.
Code de bonne conduite
Histoire de trouver l’inspiration, le joueur créateur est invité à se balader dans le Core World, une sorte de HUB central à visiter pour aller de projets en projets grâce aux fameux portails. L’utilisateur est également incité à construire son avatar par l’intermédiaire d’options de personnalisation. Si vous ne souhaitez pas perdre trop de temps lors de cette étape, vous pouvez laisser la machine générer un protagoniste aléatoirement. Différents packs payants de cosmétiques sont disponibles, tandis que certains éléments se débloquent en fonction du niveau du joueur. Il est pour le moment regrettable de constater qu’il n’est pas vraiment possible de personnaliser trop précisément un avatar. Nous espérons que plus de paramètres seront proposés à l’avenir, permettant ainsi de gérer la couleur des yeux, la longueur du nez ou encore la pilosité des héros de nos jeux. “Nous avons tous les genres de représentés sur notre plateforme, nous avons des RPG, des jeux d’action, des MMO, des FPS, des jeux solo, multijoueur, des jeux d’arcade, des jeux au gameplay plus profond” indique Frédéric. Plus de 20 000 jeux sont accessibles sur Core au moment où nous écrivons ces lignes, et parmi eux, des titres narratifs pensés pour un seul joueur. Contrairement à ce que les vidéos du logiciel laissent sous-entendre, Core n’est pas qu’un éditeur géant de maps pensé pour fabriquer uniquement des TPS ou des FPS. “Quand nous avons commencé à développer Core, nous nous sommes vraiment concentrés sur le multijoueur et le netcode, parce que c’est ce qu’il y a de plus dur à faire” explique Frédéric Descamps. C’est pourquoi contrairement à Project Spark ou Dreams, Core dispose d’une pelletée de titres jouables en ligne.
“Si vous êtes comme moi et que vous n’aimez pas le code, il y a tout ce qu’il faut du côté du contenu généré par les utilisateurs” affirme Frédéric. La plateforme de Manticore Games épouse en fait le “no-code, low-code”. Cela signifie que des expériences peuvent être créées par un simple glisser-déposer, par le paramétrage de quelques options (gravité, dégâts d’un projectile, emplacement des armes, etc.), et par l’ajout si besoin d’un peu de code. Le low-code ne doit pas être vu ici comme une négation de la promesse initiale, mais comme une possibilité offerte aux professionnels d’aller plus loin avec la plateforme. C’est ainsi que certains systèmes pas encore intégrés dans Core ont pu être façonnés par des bidouilleurs futés, comme une fonction permettant de se déplacer sur une carte puis de monter dans un véhicule pour le diriger. “Core s’adresse aux débutants comme aux créateurs confirmés. Il ne faut pas oublier que développer un jeu, c’est normalement très dur. Nous avons rencontré des concepteurs qui évitent certains genres de jeux car ils estiment que c’est trop compliqué techniquement” témoignent les membres du studio. Ayant travaillé chez Electronic Arts ou encore Zynga, nous imaginons que les deux fondateurs de Manticore Games ont bien eu le temps d’identifier les nombreux problèmes liés au prototypage, à l’itération, et à la publication de jeux vidéo. “Je pense que les gros studios devraient y prêter attention. Parce que nous avons vu tellement de jeux ayant des centaines de millions de dollars de budget échouer. Nous pourrions mettre ça sur le dos du divertissement en général, il y a des films, des livres, des albums de musiques qui échouent. Mais faire un jeu est tellement cher, ça demande tellement de personnes, c’est si lent pour itérer...” insiste Frédéric.
“Nous avons considérablement baissé la barrière d’accès pour que tout le monde puisse faire des jeux. Que vous soyez une fille de 14 ans vivant à Leipzig ou un retraité italien de 60 ans, vous avez accès à la créativité” s'amuse Frédéric. Lorsque la simplicité d’utilisation de Core doit être prouvée, les exemples ne manquent pas d’être cités par les dirigeants du studio. Le gagnant d’une précédente game jam n’aurait jamais utilisé Core auparavant, et de nombreux adolescents se seraient déjà fait connaître grâce à différents titres. “Nous voyons de plus en plus d’étudiants qui choisissent Core plutôt qu’Unity, car c’est beaucoup plus simple et qu’en plus ça permet de gagner de l’argent” renchérit Frédéric. Les jeux que nous avons testés sont effectivement de genres variés. Nous trouvons des créations originales ainsi que des titres inspirés de ceux du commerce, à l’instar de Sir Pepe and the Goblins, sorte de Ghouls’n Ghost en 2,5D, ou encore de Infinity Arena, semblable à un Halo en multijoueur. Les softs sont classés via différents filtres dans la section “Play” de Core. Il n’est pas impossible que nous y revenions dans un avenir proche.
Avec ses nombreux jeux actuellement disponibles créés par sa communauté, Core a pour ambition de prouver qu’il n’a jamais été aussi simple de concevoir des jeux vidéo. En multipliant les concours et les partenariats, comme dernièrement avec American McGee, la plateforme continue son opération séduction à destination des communautés. Si la proposition vous tente, Core est disponible gratuitement dans l’Epic Games Store. Il nécessite d’être connecté à Internet pour fonctionner.