Jusqu'à maintenant, Fantasian était un projet plutôt mystérieux. Hormis le fait que ce J-RPG sort sur Apple Arcade et qu’Hironobu Sakaguchi est aux commandes, nous n’avions que très peu d’informations à son sujet. En amont de la diffusion d’un trailer et de nouveaux visuels, nous avons pu nous entretenir brièvement avec l’un des plus grands concepteurs de jeu de rôle japonais. Si nous avons désormais une vision plus claire de ce qu’est Fantasian, cette rencontre nous a surtout permis de réaliser que le prochain projet du papa de Final Fantasy est issu de choix audacieux.
Un parti pris artistique unique
Si les réactions ont été diverses et variées en ce qui concerne le style visuel de ce Fantasian, on ne peut pas nier qu’il dispose d’une personnalité certaine. Plutôt que d’user de modèles 3D créés de toute pièce pour y faire évoluer ses protagonistes, le dernier titre de Mistwalker utilise des dioramas. Au total ce sont plus de 150 artistes qui ont modelé autant de maquettes constituant l’univers du jeu. Une fois ces modèles réduits construits, ils sont digitalisés à l’aide d’appareils photos en utilisant la technique de la photogrammétrie. Certains éléments de ces photos sont ensuite projetés sur les modèles 3D afin de servir de textures. Il en résulte un rendu extrêmement réaliste qui donne l’impression que les héros évoluent directement dans les dioramas. C’est un choix artistique radical qui peut diviser et dont l’appréciation repose avant tout sur la sensibilité de chacun. On se demande toutefois rapidement quelle volonté a pu motiver ce choix. Selon Sakaguchi, c’est avant tout dans un souci d’originalité et d’identité que Fantasian s’est vu affublé de cette esthétique.
Sakaguchi : Il y a plusieurs raisons à cela. La plus grosse est que nous sommes constamment en recherche de nouveaux moyens d’expression visuels. Cette technique a donc satisfait ce besoin. L’histoire et les thèmes en sont également responsables. Bien que les personnages doivent surmonter des défis et des obstacles, les thèmes sont très réconfortants. Je pense qu’il y a un charme unique et une chaleur spécifique qui ne se dégage que des dioramas faits à la main. Enfin, étant donné que Fantasian sortira sur Apple Arcade, beaucoup découvriront le jeu sur un écran tactile, sur leur iPhone ou leur iPad. Je pense donc qu’il y a une vraie synergie entre les contrôles tactiles et les dioramas faits à la main. »
Il est évident que cette technique s'accompagne de différentes contraintes. Tout d’abord, d’après Sakaguchi, le level design se doit d’être pensé en amont et finement calibré. Si le designer change d’avis quant à l'agencement des lieux et veut créer un nouveau sentier après coup, ce n’est pas possible. Tous ces blocs doivent être composés avec précaution en prenant en compte les précédents afin de s’emboiter à la perfection les uns dans les autres. De plus, quelques challenges techniques sont également à prendre en compte.
Sakaguchi : À l’origine nous voulions scanner l’intégralité des environnements à l’aide d’un scanner 3D mais ce processus n’était pas adapté à notre projet et était fastidieux. Certaines compagnies font planer des drones par-dessus des villes afin de les modéliser. Nous nous sommes finalement décidés à imiter cette technique et à prendre 200 à 300 photos par diorama afin de reconstituer les modèles en jeu. Il y a donc eu quelques phases d'essais et d'erreurs pour trouver un processus qui convienne à ce projet.
Un J-RPG pur jus ?
Fantasian n’est cependant pas qu’un défi technique ou un challenge artistique. Derrière une esthétique originale semble se dessiner un J-RPG traditionnel, que ce soit dans sa structure ou dans ses promesses. Dans cette aventure, Leo, un héros partiellement amnésique découvre un monde corrompu par une infection mécanique engloutissant l'humanité. Les royaumes et les dimensions de cet univers sont donc régies par les machines. Ce prémice est classique mais le tout se dote toutefois de quelques idées originales que nous avons pu découvrir dans le trailer diffusé récemment. Certains sorts peuvent cibler plusieurs ennemis simultanément. On peut par exemple déplacer l’arc désignant la trajectoire du projectile afin de le faire traverser toutes les lignes ennemies. Nous avons également demandé à Sakaguchi-san quelle mécanique de jeu de Fantasian il préférait.
Sakaguchi : Le système de Dimengeon (NDLR : Contraction de Dimension et Donjon en anglais) car il permet au joueur de téléporter les ennemis qu’il rencontre aléatoirement dans une autre dimension. Il peut ensuite aller les affronter tous à la fois quand il le désire. C’est une mécanique de « Quality of Life » qui autorise le joueur à contrôler un peu plus le rythme du jeu qu’à l’accoutumée.
L’immense Nobuo Uematsu est à la composition musicale de Fantasian. C’est évidemment une excellente nouvelle pour quiconque est sensible au travail du monsieur qui a accompagné avec maestria les plus grands moments de la saga Final Fantasy. Ce n’est pas la première fois que les deux créateurs collaborent, car tous deux ont longtemps travaillé sur la franchise phare de Square Enix. Leur relation de longue date semble avoir positivement impacté leur travail sur ce projet et facilité la communication.
Sakaguchi : Nous travaillons ensemble depuis maintenant 35 ans. Je pense que nous avons une entente implicite et une grande confiance l’un en l’autre. Je lui partage évidemment le scénario, les concepts arts et les dioramas lorsqu’il sont terminés. Il peut ainsi voir ce à quoi le monde ressemble et les émotions qu’il procure. Nous avons parlé de l’histoire et des thèmes profonds que je veux partager avec les joueurs très tôt dans le développement. Une fois cette base établie, la confiance que j’ai en Uematsu-san me rassure quant au fait qu’il ait comprit ce que je recherche.
S’il reste encore de nombreuses inconnues quant à l’ampleur de ce projet et son univers, nous voyons désormais où le titre de Sakaguchi veut nous emmener. Les nombreux dioramas imaginés par le créateur donnent envie d’être explorés tandis que son système de Dimengeon s’annonce comme un excellent moyen de rythmer soi-même l’aventure. Si la proposition s’annonce classique, la présence de grandes pontes de l’industrie et son identité visuelle marquée intriguent et l'on a hâte d'en voir plus.