La réalité virtuelle dans l'industrie du jeu vidéo est un sujet qui suscite parfois des débats houleux, qui opposent les défenseurs farouches de cette technologie à ses réfractaire, tandis qu'une grande majorité de curieux aimerait pouvoir au moins s'y essayer pour en juger les charmes, mais, nous le savons, la VR n'est pas la manière de jouer la plus abordable. Sans jamais avoir connu de véritable explosion, les casques de réalité virtuelle semblent toutefois toujours en bonne santé et séduire une partie du public, raison pour laquelle Sony a enfin dévoilé les premiers détails sur le successeur du PlayStation VR. Mais conquérir le marché ne sera pas une mince affaire et Sony devra tirer son épingle du jeu pour rattraper le retard de la première version de son casque.
Un marché en évolution mais difficile à prendre d'assaut
Se lancer dans le marché de la réalité virtuelle n'est pas une mince affaire. Pour le public, c'est avant tout une technologie qui s'essaye avant de s'acheter et aujourd'hui, et plus encore en période de crise sanitaire, les stands des commerces généralistes ou spécialisés proposant des bornes d'essai de n'importe quel casque se comptent sur les doigts d'une main. Et comment reprocher au consommateur de ne pas se précipiter sur l'investissement de plusieurs centaines d'euros dans un appareil dont ils ne savent rien et dont ils ignorent même leur réaction physique face à l'immersion en VR, qui, chez de nombreuses personnes, crée un fort motion sickness, qui génère déséquilibres et parfois des nausées. Difficile alors de trouver attirant un casque susceptible de générer de telles sensations sans l'avoir essayé au préalable.
Certes, la technologie a fait de grands progrès et l'ère des premiers kits de développement débarqués il y a 7 / 8 ans est bien lointaine. Le motion sickness quasi systématique des premières livraisons s'est progressivement érodé pour proposer des déplacements plus naturels pour l'oreille interne, la défintion des dalles s'est considérablement affinée et l'installation d'une session de jeu en VR, si elle ne se libèrera malheureusement jamais des contraintes de place, est devenue plus simple, le risque de s'empêtrer dans des câbles multiples étant désormais bien amoindri. Ces évolutions ont incontestablement aidé la VR à prendre un peu d'épaisseur et trouver de plus nombreux acquéreurs parmi les joueurs, raison pour laquelle énormément de constructeurs différents ont jugé opportun d'investir dans la conception et la fabrication d'un casque maison.
Un PSVR daté mais aux bases solides
Valve Index, Oculus Rift, HTC Vive, Samsung Gear VR... nombre d'entreprises de renom ont développé leur propre version de casque, et Sony, à l'inverse de son concurrent direct Microsoft, a choisi de tenter sa chance sur ce marché, qui, sans être moribond, n'a jamais non plus explosé comme on aurait pu le croire. Le PSVR est sorti en 2016, près de 3 ans après la sortie de la PlayStation 4. La réalité virtuelle a, à cette époque, eu le temps de faire ses preuves, et les charmes de l'Oculus Rift ou du HTC Vive n'ont pas été démentis par celles et ceux qui s'y étaient essayés. À cette époque, le PSVR avait un positionnement assez attractif, car en premier lieu, Sony a mené la guerre sur le terrain du prix. En 2016, les casques sur le marché affichaient des tarifs presque prohibitifs, sans compter sur le fait qu'il était nécessaire de disposer d'une configuration coûteuse pour profiter des différents jeux de leur catalogue, et que le tracking encore encombrant requérait alors un espace de jeu dédié, pas forcément accessible à tous.
Vidéo-test de Blood & Truth
Avec ses 400€, et la possibilité de recycler des accessoires qui prenaient, la poussière (la PS Camera et les PS Move), le PSVR limitait la facture lors du passage en caisse des joueurs. Si l'on oublie le PC musclé requis pour jouer à la VR sur ce support, les différents casques étaient proposés à des prix de plusieurs centaines d'euros supérieurs à celui du PSVR. Malgré tout, architecture de la console oblige, les limites de l'appareil se sont vite dévoilées. La définition des dalles, tout en étant cependant acceptable, n'atteignait pas les standards de la concurrence, et les PS Move créaient des imprécisions en jeu, le matériel étant trop daté pour donner la réplique aux autres technologies en place. Enfin, même si c'était le cas chez la concurrence, l'installation du casque, peu complexe, était toutefois laborieuse et le salon se retrouvait rapidement envahi de câbles encombrants. Du côté software, Sony a proposé quelques pépites au fil du temps, Astro-bot et Blood & Truth en tête, et est parvenu progressivement à diminuer le prix de l'appareil.
De 400€, le casque est passé à 200€, sans compter le très grand nombre d'offres proposées lors des périodes de soldes ou de Black Friday, opérations ayant sans aucun doute contribué à ce que Sony annonce pas moins de 5 millions de casques vendus en janvier 2020. Certes, au jeu des statistiques, sur un parc de plus de 110 millions de consoles vendues, cela ne représente que 4 à 5% de la population, mais tout de même, rien qu'en 2019, le PSVR aurait généré 2 milliards de revenus, software et hardware cumulés, selon certaines estimations.
Seulement voilà, le marché de la réalité virtuelle a beaucoup bougé et les principaux acteurs du milieu n'ont pas tardé à proposer des appareils encore plus performants, encore moins encombrants et surtout, nettement moins chers. Le pilier de la réalité virtuelle est sans aucun doute Oculus. L'entreprise a eu conscience des faiblesses des premières itérations de sa machine et a rapidement rectifié le tir. Même si l'on peut déplorer une prolifération de modèles pouvant laisser un peu perdus celles et ceux ne s'intéressant que de loin à la technologie, force est de constater qu'aujourd'hui la gamme Oculus permet à chacun de trouver chaussure à son pied pour environ 400€. La mobilité d'un Oculus Quest, casque autonome, qui peut, par l'intermédiaire d'un simple câble, être connecté à un PC pour déployer les performances d'un Oculus Rift S est un bon exemple d'adaptation du produit pour rendre la réalité virtuelle plus accessible et moins contraignante. Forcément figé dans le temps car intimement lié à l'architecture de la PlayStation 4, le PSVR est aujourd'hui un casque vieillissant et, s'il est toujours possible de jouer de cette manière sur PS5, il est nécessaire pour Sony de proposer une version modernisée de son approche de la réalité virtuelle.
La nécessité de moderniser sa technologie
C'est donc la raison pour laquelle tout récemment, Sony a dévoilé quelques informations sur la nature de son nouveau PSVR, que l'on surnommera ici par commodité le PSVR2. Le fait que le constructeur ait été depuis quelque temps à l'oeuvre sur l'élaboration d'un nouvel appareil n'était un secret pour personne et, finalement, si les informations communiquées concernant l'orientation du casque ont été minces, elles ont été celles que le public attendait. Ainsi, les principaux écueils devraient être rectifiés. Sony évoque ainsi une dalle de bien meilleure résolution, un champ de vision étendu, un seul câble à brancher pour s'adonner à la VR et de nouveaux contrôleurs, qui seront donc au programme de ce PSVR nouvelle génération, dont la sortie n'interviendra pas en 2021. Une commercialisation courant 2023 est donc plutôt envisageable, ce qui répéterait le timing adopté pour la sortie du premier PSVR, paru 3 ans après la mise en rayons de la PS4.
Les premiers éléments susceptibles de faire partie intégrante du PSVR 2 pourraient se trouver dans les multiples brevets déposés par Sony dans le courant de l'année dernière. S'il convient de rappeler que le dépôt d'un brevet n'est qu'une manière de sécuriser une idée et qu'il n'est en aucun cas synonyme de concrétisation lors de la fabrication du produit, il donne toutefois de bons indicateurs sur l'intention du constructeur. En l'occurrence, les brevets ont été assez nombreux et semblent répondre pour la plupart aux contraintes et aux nécessités d'améliorations des bases posées par le PSVR premier du nom. Ces bases, d'ailleurs, semblent avoir été aujourd'hui savamment pensées puisqu'il est évident que le design du PSVR adopte un mimétisme assez marqué avec celui de la Playstation 5, tout courbes de noir et blanc.
Ce sont en premier lieu les contrôleurs qui feront sans doute peau neuve, et ils devraient tirer parti des fonctionnalités introduites par la DualSense, la nouvelle manette de la PS5. Le brevet relevé par Letsgodigital laisse entrevoir un design adopté par les contrôleurs du Valve Index, unanimement reconnus comme étant parmi les meilleures manettes du marché, ce qui laisse à penser qu'une détection précise en jeu ainsi qu'un tracking individuel des doigts pourrait être à l'ordre du jour, ce qui autoriserait des mécaniques de gameplay particulièrement immersives. En outre, il semblerait que le casque track également lui même les manettes, ce qui adopterait l'approche d'un Oculus Quest ou d'un Rift S. S'affranchir d'une caméra supplémentaire pour un tracking affiné des mouvements du joueur serait un plus considérable, pour ne pas dire une nécessité, et abonderait dans le sens des déclarations de Sony faisant état d'un unique câble pour jouer en réalité virtuelle sur PS5.
Enfin, d'autres brevets évoquent le développement d'une interface dédiée uniquement au PSVR 2, là où le PSVR ne se contentait que d'afficher l'interface de la PS4 de base, tandis que l'eye tracking pourrait aussi être intégré dans les multiples fonctionnalités du PSVR 2. Si, encore une fois, ce ne sont là que des brevets qui ne gravent rien dans le marbre, ils apparaissent tout de même comme des choix logiques et indispensables pour que la VR façon Sony puisse donner la réplique à ses concurrents sur PC. Et nous connaissons aujourd'hui le potentiel technique de la PS5 qui, si elle n'a toujours pas dévoilé son plein potentiel, a montré qu'elle en avait suffisamment sous le capot pour offrir une expérience en réalité virtuelle de très bonne facture. Mais il faudra pour cela que les studios aient la volonté, mais aussi les moyens de produire des titres à la hauteur des ambitions du casque.
L'importance des jeux vitrines pour vendre
Disposer d'une technologie dans l'air du temps que l'on imagine assez mal afficher un tarif supérieur à la concurrence, à savoir environ 400€, cela ne suffira pas pour faire du PSVR un succès. Bien évidemment, nous ne pouvons en aucun cas parler d'échec du premier PSVR, qui a généré de solides revenus selon les estimations, mais le plébiscite n'a pas été total, comme nous l'évoquions plus haut, puisque moins de 5% des Playstation vendues ont été un jour ou l'autre accompagnées d'un casque de réalité virtuelle. Pour pousser un maximum d'utilisateurs à acheter un casque et donc à investir dans un périphérique qui coûtera sans doute à peu près le prix de la console qui le fait fonctionner, il faudra des licences fortes, des jeux incontournables, en somme, des system sellers, ce qui faisait cruellement défaut au PSVR.
Si l'on pourrait penser que des jeux coup de poing ne suffisent pas à faire vendre des casques, le marché à prouvé que cela y contribuait grandement, comme l'a par exemple prouvé Half-Life : Alyx, dont l'annonce a provoqué de nombreuses ruptures de stock chez Oculus tout comme chez le pourtant prohibitif Valve Index. Là encore, certes, cela ne concernait qu'une minorité d'utilisateurs Steam, mais Sony de son côté n'a pas vocation à proposer du matériel ou une expérience de niche. Par conséquent, il sera nécessaire pour le constructeur d'investir dans des jeux qui rendront justice à cette technologie. Bien évidemment, en premier lieu, il sera indispensable que le développement d'un titre phare soit exclusivement dédié à la VR. Certes, investir des millions dans le développement d'un jeu de qualité AAA pour ne le vendre qu'à une minorité de gens est un exercice périlleux, mais nécessaire. S'aliéner une partie de son public, en annonçant, par exemple, que le prochain God of War sera disponible exclusivement en réalité virtuelle provoquerait sans doute un tollé, comme lorsque les amoureux d'Half-Life ont appris que pour profiter de la nouvelle (et excellente) itération de leur franchise ne pourrait se faire que pour le prix d'un casque de réalité virtuelle.
Cependant, le temps l'a prouvé, les simples portages ne fonctionnent qu'assez moyennement en réalité virtuelle, voire pas du tout. Et c'est tout naturel. La VR, pour révéler ses charmes, doit être traitée comme un support différent de tous les autres et les mécaniques de gameplay doivent être spécifiquement pensées pour favoriser une expérience immersive. Certains jeux l'ont d'ailleurs bien prouvé, et même un jeu à la troisième personne peut être diablement efficace en réalité virtuelle, Astro Bot Rescue Mission en étant un parfait exemple. La vue à la première personne, qui est bien entendu l'approche reine de la réalité virtuelle, doit être assortie de déplacements fluides, mais aussi inscrite dans un univers réactif et interactif, pour que le joueur profite de cette parenthèse ô combien dépaysante.
Gaming Live d'Astro-Bot
Enfin, outre la possibilité de mettre sur le devant de la scène des franchises de renom, Sony pourrait aussi avoir un coup à jouer sur le plan de l'interactivité. S'il est assez facile de penser que la réalité virtuelle isole énormément, ce qui n'est pas totalement faux, elle peut aussi, si les idées sont bonnes, favoriser le jeu mulitjoueur sous une forme inédite. Un gameplay asymétrique comme Keep Talking and Nobody Explodes a permis à de nombreux joueurs d'expérimenter des soirées hilarantes. Mais aussi, pourquoi ne pas réitérer la possibilité de jouer à deux, en mode canapé ou en ligne, avec un joueur simplement équipé de son téléviseur, sa console et sa Dualsense, tandis qu'un autre serait équipé du casque dans une aventure entièrement coopérative ?
Les possibilités sont légion pour le PSVR 2, qui devrait sans aucun doute consolider les bases du premier casque, en rectifier les principaux écueils, afin de tenter de se hisser au niveau de la concurrence féroce du jeu en VR PC. Le nouveau périphérique de Sony ne devant pas voir le jour tout de suite, cela laissera le temps au constructeur d'exploiter le potentiel de sa PS5, et également aux développeurs, espérons-le, de développer des titres vitrines, spécifiquement dédiés à la réalité virtuelle, et suffisamment attractif pour attirer un maximum de personnes dans le monde encore de niche du jeu avec un casque solidement vissé sur la tête.