Après avoir recueilli les témoignages de neuf actuels et anciens employés de chez Scavengers Studio, GamesIndustry.biz révèle dans une longue enquête que de nombreux salariés se plaignent du comportement du co-fondateur de la société, Simon Darveau, qu'ils accusent notamment de harcèlement moral ainsi que d'attouchements inappropriés.
Dans un communiqué officiel, Scavengers annonce susprendre indéfiniment le directeur créatif Simon Darveau. De son côté, Amélie Lamarche, auteure de la déclaration suivante, quitte ses fonctions de CEO. Un audit externe va également être mené.
"Montréal, le 27 janvier 2021 – Suite aux allégations de climat de travail toxique avancées dans les médias, Scavengers Studio tient à s’excuser pour les préjudices causés. De telles allégations sont graves et nous nous engageons à faire mieux tant pour nos employés et nos fans que pour nos partenaires. Nous avons tenu une réunion d’urgence auprès de notre conseil d’administration pour décider de la meilleure marche à suivre. Entrant en vigueur immédiatement:
- Simon Darveau est suspendu indéfiniment de toutes responsabilités au sein de l’entreprise et du conseil d’administration.
- Un cabinet d’audit externe effectuera une évaluation indépendante du milieu de travail et un audit au sujet de la culture d’entreprise et de ses pratiques.
- Daisy Lilly Best, actuellement directrice des opérations, est nommée COO (Chief Operating Officer) relevant directement du conseil d’administration, afin d’assurer transparence et rigueur pendant l’audit.
- Le rapport d’audit sera partagé dans son intégralité avec l’équipe et présenté par Daisy au conseil d’administration qui statuera sur les actions à entreprendre.
Pour garantir un processus transparent, équitable et impartial, j’ai proposé de quitter temporairement mon poste de présidente-directrice générale, pour la durée de l’audit. Je resterai disponible pour soutenir le cours normal des affaires du studio. D’ici là, nous demandons la patience et la compréhension de la communauté au cours de ce processus. L’équipe de Season a mis tout son cœur dans le projet. Nous avons pleinement confiance en leur direction créative et nous continuerons à soutenir le travail incroyable de notre équipe talentueuse."
Lors de la cérémonie des Game Awards 2020, Scavengers Studio avait fait parler de lui en annonçant Season, un nouveau jeu prenant la forme d'un road trip à vélo à la troisième personne qui se focalise sur la collecte d'artefacts et les rencontres avec la population locale. Le titre avait alors conquis de nombreuses personnes pour son côté poétique et avait remis le studio sur le devant de la scène après avoir récemment fermé les serveurs de Darwin Project, leur premier jeu, quatre mois après son lancement officiel.
Aujourd'hui, le studio de développement de Montréal refait parler de lui, mais cette fois-ci pour de graves accusations. Dans une enquête publiée par Gamesindustry et qui compile les témoignages de neuf actuels et anciens employés, de nombreuses accusations sont faites contre Simon Darveau, le co-fondateur et directeur créatif du studio, accusé notamment de harcèlement moral et sexuel ainsi que de mettre en place un environnement de travail hostile, notamment aux femmes.
Au cours de cette longue enquête, le site consacré à l'industrie jeu vidéo rapporte notamment un incident en 2019 au cours duquel Simon Darveau se serait saoulé lors d'une fête d'entreprise et aurait touché de manière inappropriée et sans consentement plusieurs employées. L'une des victimes de Darveau aurait démissionné dès le lundi suivant, tandis qu'une autre aurait quitté l'entreprise peu après.
Dans le cadre du travail, ces sources anonymes révèlent d'autres incidents remontant jusqu'en 2018 et décrivant un environnement de travail généralement hostile, en particulier envers les femmes, où les employés seraient publiquement dégradés, invectivés et se feraient hurler dessus.
À cause de la petite taille du studio, entre 30 et 40 salariés, l'entreprise ne comporte pas de service des Ressources Humaines auquel il serait possible de reporter ce comportement. Dans cette situation, les employés ne pouvaient se tourner que vers Amélie Lamarche, copropriétaire et aujourd'hui PDG du studio, qui était également dans une relation amoureuse avec Simon Darveau à l'époque des faits. Les salariés l'accusent notamment d'avoir minimisé à plusieurs reprises le comportement toxique de son compagnon de l'époque.
Darveau est également accusé d'être un chef désorganisé qui refuse d'écouter les conseils d'autres développeurs, comportement qui aurait joué un certain rôle dans la fermeture des serveurs de Darwin Project. Pour ce qui est de Season, plusieurs sources témoignent du rôle non-défini du co-fondateur au sein du projet qui force de nombreux changements indésirables au sein de l'équipe de développement, comme l'agrandissement du monde ouvert et l'ajout de quêtes et de marqueurs d'objectifs.
Contacté par GamesIndustry.biz, Scavengers Studios a tenu à réagir face à ces accusations. L'entreprise considère que certaines évaluations sont "fausses, quelque peu disproportionnés ou manquant d'éléments importants" mais qu'elle refuse de commenter davantage les allégations "pour des raisons de confidentialité". De plus, la société met également en avant une série d'actions qu'Amélie Lamarche a mises en place pour "prévenir les situations de harcèlement et maintenir un environnement sûr" :
Scavengers Studio se rend compte qu'il y a eu des situations au cours de sa croissance rapide et considère que tout type de harcèlement est indésirable et inacceptable et prend toute plainte à cet égard très au sérieux. Vous devez noter que Scavengers Studio a pris des mesures positives pour examiner sa culture afin de voir quels aspects doivent être ajustés.
Début 2019, Simon Darveau a été remplacé en tant que PDG par Lamarche qui a pris le contrôle total de l'entreprise. En tant que nouvelle PDG, Lamarche a commencé à constituer une équipe de gestion intermédiaire composée de membres compétents pour continuer à diriger l'entreprise dans sa mission de créer de nouvelles expériences de jeu avec des rebondissements empathiques très forts et innovants. La nouvelle équipe de direction a depuis recréé un sentiment de calme et de bonheur sur le lieu de travail où les talents sont rassemblés autour de projets intéressants et dynamiques et où les différences sont embrassées.
Selon les neuf employés interrogés par GamesIndustry, ces mesures ne sont pas suffisantes pour résoudre les problèmes de culture toxique et de harcèlement perpétués au sein du studio. Pour le moment, ni Lamarche ni Darveau n'ont commenté publiquement l'article.
Source : Gamesindustry
