Nombreuses sont les raisons pour se lancer dans un jeu vidéo. Certains veulent s’évader, d’autres cherchent à passer un bon moment en famille pendant que quelques-uns sont en quête du frisson de la compétition. L’envie de performer a donné naissance à de nombreuses disciplines et l’une des plus populaires est à n’en pas douter le speedrun. Pour parvenir à terminer un titre en un minimum de temps, nombreux sont les joueurs à avoir exploité des failles de game design, des bugs étranges, à avoir franchi les limites physiques d’un univers ou tordu les règles d’un monde. Revenons donc ensemble sur les exploitations de bugs et de glitchs les plus fascinantes de la scène du speedrun.
Des glitchs variés à l'exécution plus ou moins complexe
Si certains speedrunners ne sont pas friands de l’utilisation de glitchs majeurs lors de leurs courses, ces bugs sont globalement partout dans cette discipline. Pour rappel, “glitcher” revient à exploiter une faille/un bug de programmation d’un jeu pour se donner un avantage. Au vu de l’impact parfois démesuré qu’ils peuvent avoir sur le déroulé d’un essai, la communauté du speedrun décide d'elle-même de créer ou non une catégorie “glitchless”, sans glitch, du jeu parcouru. Il n’est pas rare non plus qu’une catégorie interdise certains glitchs spécifiques, mais autorise les moins puissants. Ces différentes approches permettent d’offrir de la variété, mais aussi un spectacle plus ou moins impressionnant en fonction des exploitations possibles.
Un des glitchs les plus connus est sans aucun doute l’OOB ou “Out of Bounds”. Traduit littéralement “en dehors des limites”, ce glitch permet, comme son nom l’indique, de passer par delà les barrières d’un titre. Le joueur peut donc progresser à l’extérieur du parcours et ainsi décider d’y retourner une fois la zone idéale atteinte. C’est un bug récurrent qu’il est possible d'effectuer dans de nombreux jeux, mais plusieurs titres sont particulièrement réputés pour avoir profité de cette technique. On citera volontiers Portal qui couple à ce bug déjà impressionnant sa mécanique de portails et offre ainsi un spectacle pour le moins saisissant. Certaines runs de titres légendaires comme Super Mario 64 et Link’s Awakening ont également recours à cette technique pour drastiquement réduire le temps nécessaire pour afficher les crédits de fin.
Le Clipping peut se présenter comme une version moins extrême de l’OOB et est souvent utilisé de pair avec ce dernier, car il revient à traverser une surface normalement solide. Il est généralement rendu possible en se coinçant dans certaines zones du décor ou en accumulant de la vitesse. Certaines runs nécessitent d’utiliser le clipping pour être menée à bien. Par exemple les runs Low% de Super Metroid nécessitent que les joueurs effectuent le Mochtroid Clip. En amenant un ennemi spécifique à un endroit précis, il est possible de le geler afin de l’escalader et traverser une plateforme autrement infranchissable.
Il n’est pas étonnant que Super Metroid soit inclus dans cet article tant il est fondateur pour la scène du speedrun. Une fois le titre parcouru en long et en large, des joueurs se sont mis en tête de se poser de nouveaux défis. Il est par exemple possible de finir le jeu en battant les boss dans le sens inverse prévu par les développeurs. Cette catégorie s’appelle le « Reverse Boss Order » et est impossible sans l’utilisation de nombreux glitchs et clips. Globalement, le sequence breaking, le fait de passer outre un passage normalement obligatoire d’un jeu, est indissociable du speedrun de Super Metroid. C’est pour cette raison qu’il est aussi populaire dans cette communauté et que le metroidvania est un genre particulièrement adapté à la discipline. Des variantes de ces techniques sont possibles dans de nombreux jeux. Par exemple, dans Sonic, le « Zip » permet de traverser des zones entières d’un niveau en se coinçant dans le décor. Le gain de vitesse est tel que la caméra peine à suivre le hérisson.
La manipulation de sauvegarde permet également de contrôler l’issue d’une partie. C'est le cas de la série des Souls, où il est généralement plus rapide de quitter et de relancer sa partie pour être téléporté à certains endroits, plutôt que d’y aller à pied, le tout sans perdre sa progression. Il ne s’agit pas ici d’un bug technique, mais bien d’une faille dans le game design que n’importe qui peut exploiter. Les premiers épisodes de Pokémon, quant à eux, disposaient de bugs de sauvegardes bien plus impressionnants. On pense notamment à Pokémon Jaune, qu’il est possible de terminer en quelques instants en corrompant sa sauvegarde. La console affichera alors les crédits et un temps de jeu de 0 minutes une fois ce dernier déroulé.
Il est également possible de manipuler la mémoire de la console et ainsi lui faire interpréter des résultats erronés. C’est le cas du Wrong Warp d’Ocarina of Time qui additionne entre elles des valeurs d’entrée et de sortie de cut-scenes pour altérer le résultat et ainsi placer Link à un tout autre endroit du jeu. Ces manipulations sont complexes et très spécifiques. Elles demandent par exemple de mourir d’une explosion de bombe lors d’une frame précise, tout en utilisant l’ocarina, juste après un combat de boss. Ces techniques avancées découvertes parfois par hasard et parfois par assistances logicielles sont précieuses, car elles permettent de passer outre tout un pan de l’aventure.
Tordre et briser les moteurs de jeu pour le sport
Les glitchs les plus impressionnants restent surement ceux altérant les déplacements du joueur. Ils prennent de nombreuses formes et sont généralement uniques au jeu dans lesquels ils interviennent. S’il est possible de se propulser à l’aide d’un tronc d’arbre et du pouvoir Cinetis dans Zelda BOTW, cette technique ne tord pas les règles du jeu mais pousse le moteur physique dans ses retranchements. Il ne s’agit donc pas d’une véritable faille comme les exemples suivants. On pense évidemment tout de suite au BLJ de Super Mario 64. Le Backwards Long Jump consiste à enchainer de longs sauts dans la direction opposée à celle que Mario regarde. En bloquant Mario, contre des escaliers par exemple, il est possible d’accumuler énormément de vitesse et ainsi parcourir de grandes distances ou de clipper à travers une porte normalement close.
La scène speedrun de Resident Evil 4, de son côté, a été bouleversée lorsque le Ditman Glitch a été découvert. En manipulant le fusil à pompe Striker selon certaines conditions et en s’équipant d’un objet léger, Léon peut multiplier sa vitesse par 1,5. Ainsi pratiquement toutes les actions qu’il entreprend sont plus rapides. La marche, la course, le tir, l’escalade, les animations de combat… Cette manipulation permet même de traverser certaines surfaces auparavant impossible à franchir. Nul besoin d’en dire plus pour comprendre qu’il s’agit là du Graal de n’importe quel speedruner. Il y a eu un avant et un après le Ditman Glitch dans la communauté du speedrun de Resident Evil 4.
Le bug bien connu des jumelles de Dark Souls 2 permet d’emmagasiner de la vitesse. Pour ce faire, il faut effectuer une roulade tout en utilisant l’objet. Une fois les deux touches relâchées, l’avatar est catapulté vers l’avant. Cette manipulation relativement aisée n’a aucun désavantage, car le jeu ne considère pas que le personnage est en train de courir. Ainsi, le guerrier peut récupérer son endurance tout en se déplaçant à grande vitesse. Ce glitch a très vite été corrigé par les développeurs, mais rien n’empêche les joueurs de désinstaller la mise à jour de leur machine et ainsi de continuer à utiliser le bug en question.
Récemment c’est Doom Eternal qui a vu une faille de programmation exploitée au profit du speedrun. Cette faille utilise le système de roue des armes qui ralentit le temps pour permettre au joueur de sélectionner son équipement en toute quiétude. En activant ladite roue des armes tout en se laissant tomber d’un rebord, il est possible de s’élancer dans les airs en martelant la touche de saut afin d’accumuler de la vitesse et donc de la hauteur. Cette technique a très rapidement fait chuter les temps des speedrun. D’autant plus que la technique a été découverte dans les 24 heures qui ont suivi la sortie du shooter d'id Software. Ça ne s’arrête pas là, car en passant par l’invite de commandes il est possible d’assigner le saut à un mouvement de molette de souris. Certains modèles de souris Logitech disposent d’une option pour décranter la molette et ainsi lui permettre de tourner à une grande vitesse en conservant son inertie. La suite est logique, en utilisant cette technique il est possible d'entrer un nombre gigantesque de commandes de saut en une fraction de seconde. Conjointement utilisées avec le glitch de la roue des armes, ces souris permettent aux runners de littéralement survoler les niveaux et donc de briser le level design.
Le speedrun est indissociable de l’utilisation de ces failles techniques. Si certains bugs sont moins appréciés que d’autres, il est généralement aisé de contenter l’ensemble des joueurs en créant de nouvelles catégories. Ainsi des runs aux contraintes plus spécifiques peuvent conserver leur intégrité et les spectateurs peuvent trouver du contenu qui leur correspond. Souvent difficiles à exécuter et impressionnantes, ces techniques sont présentes depuis les balbutiements de la discipline et continueront probablement de nous émerveiller pour un bon moment. Et vous ? Quelle faille technique et glitchs vous impressionnent ?