L’éternel débat pour savoir si oui ou non le jeu vidéo est un art à part entière... Vous espérez avoir la réponse claire et définitive dans ce billet ? Désolée, mais aujourd’hui je vais plutôt vous expliquer pourquoi je préfère laisser cette question en suspens.
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
Art et culture de masse
En plein confinement, l’OMS a déclaré que le jeu vidéo était bon pour la santé. Une nouvelle réjouissante qui combat un peu une réputation qui colle à la peau à notre média préféré. Même si cela évolue, il serait abrutissant, violent et isolerait les plus jeunes d’une quelconque vie sociale. A l’opposé, certains tendent à le légitimer comme objet culturel, voire, et c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui, en tant qu’art à part entière.
La création d’un jeu vidéo fait appel à des compétences artistiques mais aussi techniques, tout comme le cinéma, même si je rechigne à faire la comparaison facile (et éculée) avec le septième art. Difficile d'avoir une définition claire et complète pour ce divertissement encore assez jeune. Depuis qu’il s’est trouvé une place dans les musées (MoMa, musée de l’art ludique) nous parlons d'œuvre logicielle ou audiovisuelle, d’art interactif et même d’art total qui rassemble les arts qui l'ont précédé (écriture, musique, dessin). Nous l’oublions parfois mais le jeu vidéo en France est le dixième art et a été reconnu en tant que forme d’expression artistique par le ministère de la Culture il y a une quinzaine d'années. Si je me réjouis de voir les œuvres vidéoludiques traitées avec le même sérieux et étudié avec une approche analytique aux côtés des autres arts, c’est la suite qui me fait peur.
Certains jeux nous invitent à contempler et percevoir de la poésie dans ces mondes virtuels. Mais est-ce le cas de tous les jeux ? Peut-on considérer un Call of Duty au même titre qu’un Journey ? Si certains jeux apparaissent comme des œuvres d’art contrairement à d'autres, cela ne risque-t-il pas de laisser place à une forme d’élitisme ou de snobisme ? Allons-nous faire une liste de jeux, séparer les titres et laisser certains décider si c’est de l’art ou non ? D’ailleurs, je préfère parler des arts plutôt que de l’Art, comme si de manière totalement présomptueuse, nous attendions de la part de critiques ou de tout jury de décider si une œuvre correspond à ce qu’un microcosme pense. Qui serait le mieux à même d’évaluer les œuvres ? Les historiens qui cherchent les titres qui ont créé un genre ? Les esthéticiens et leur volonté de trouver ceux plus avant-gardistes et artistiques ? Les critiques de jeux vidéo et leurs palmarès annuels ? Ou alors devenons regarder les titres ou licences qui ont eu le plus de ventes ?
N’oublions pas que le jeu vidéo, même s’il fourmille de références aujourd’hui, reste un média encore jeune dans l’histoire de l’humanité. Il faut un certain recul pour définir quelles œuvres ont eu un impact dans l’évolution d’un médium. En peinture par exemple, il faut parfois attendre un long moment avant qu’un artiste ou un courant soit repéré et réévalué à juste titre. Comprendre les influences et offrir une pérennité demande une certaine vision d’ensemble et le passage du temps doit aussi faire son travail.
Chacun ses sensibilités
Je refuse de voir arriver des listes de jeux qui seraient considérés comme de l’art ou bien des discours classant ceux jugés mainstream et d’autres plus confidentiels, dits d’auteurs. En un mot, créer un fossé toujours plus grand entre les joueurs et renforcer cette idée qui me déplaît tant qu’il y a l’Art et les autres, soit une approche assez snobe. “Comment ? Tu n’as pas vécu cette expérience totalement transcendante et introspective de ce titre connu de personne, réservé à l’élite ?”
Chacun d’entre nous a sa propre sensibilité artistique, ainsi pour chaque mouvement l’accueil se fait différemment. Par exemple, toutes les formes de l’art contemporain ne séduisent pas et certains vont avoir du mal à y voir une expression artistique. Tout le monde ne s'émeut pas devant l'urinoir de Marcel Duchamp, pourtant considéré comme une œuvre majeure du XXe siècle. Et avec le jeu vidéo, où on demande aux joueurs et joueuses de s’investir et d'interagir, les expériences sont d’autant plus personnelles et uniques. Avec de tels débats c’est aussi la porte ouverte à la question du bon goût. Je ne sais pas si on peut faire plus antipathique que cela.
Les détracteurs disent que le jeu vidéo n'est pas de l'Art car il est pour eux trop éloigné des valeurs archaïques qu'ils collent à ce mot, notamment parce que le jeu vidéo est un produit, certes culturel, mais qui répond plus à une demande comme n’importe quel autre objet de consommation de masse. Au contraire, celles et ceux qui le défendent s’évertuent à démontrer tout le pouvoir émotionnel et artistique des jeux vidéo. Oui, le jeu vidéo est un art, mais laissons de côté ce débat stérile déjà connu par le passé avec d’autres formes d'expression artistiques.