L’affaire UFC-Que Choisir “versus” Nintendo prend un nouveau tournant : l’association vient de porter plainte contre la firme japonaise pour obsolescence programmée. L’objet du litige, ce sont les fameux Joy-Con, dont le dysfonctionnement est dénoncé par des organismes depuis l’année dernière en France et fin 2017 aux Etats-Unis. En novembre 2019, l’UFC avait déjà mis en demeure la société nippone, lui demandant de réparer les manettes des joueurs gratuitement, garantie ou pas garantie.
L’UFC-Que Choisir nous l’a confirmé : tous les signalements et tests réalisés dans le cadre du dépôt de plainte sont basés sur des Joy-Con détachables de la Switch standard. Pour l’instant, l’association n’a pas encore assez d’informations pour se prononcer sur les dysfonctionnements des joysticks du modèle “Lite”.
Nintendo a beau être en parfaite santé et surprendre son monde avec des annonces, il traîne le même boulet depuis la sortie de la Switch : le Joy-Con Drift. Le dysfonctionnement mène la vie dure à ceux qui possèdent la machine - que ce soit sur le modèle standard ou “Lite” - en faisant se déplacer un personnage ou le curseur des menus comme par magie.
Une magie dont on se passerait bien. Aux Etats-Unis, le Joy-Con Drift est de notoriété publique depuis fin 2017, quelques mois seulement après la sortie de la Switch. Les joueurs américains sont parvenus à décrocher la réparation gratuite de leurs manettes même hors garantie en juillet 2019. En France, il faudra attendre l’intervention d’UFC-Que Choisir la même année pour que les fans locaux bénéficient du même traitement.
Mais pour l’association des consommateurs, il faut aller plus loin. “La prise en charge sans frais des Joy-Con défectueux est une première étape” nous affirme Raphaël Bartlome, directeur juridique pour l’organisme. Ce mardi 22 septembre 2020, les arguments se sont joints aux actes : l’UFC-Que Choisir porte plainte contre Nintendo, lui reprochant une pratique d'obsolescence programmée en raison du Joy-Con Drift (le terme avait déjà été évoqué par l'entité en novembre dernier, mais cette fois, c'est le motif de la plainte).
Une affaire qui traîne depuis trois ans
Si certains cas d'obsolescence programmée ont déjà été avérés et très médiatisés par le passé (donnant à la pratique sa légende), les exemples concrets restent peu nombreux. Et pour le cas du Joy-Con Drift, l’association reproche notamment à Nintendo de laisser traîner l’affaire depuis trois ans. Contrairement à ce qu’a avancé la société nippone à la suite de sa mise en demeure, on ne peut pas vraiment parler d'un épiphénomène. En tout cas pas avec les nouvelles informations d'UFC-Que Choisir.
Notre objectif, c’était de comprendre cette histoire (...) Les plus de 9.000 signalements que nous avons reçu nous ont permis d’apprendre que le Joy-Con Drift touche tous les joueurs : ceux qui jouent beaucoup comme ceux qui jouent beaucoup moins. Et ça nous a aussi permis de déterminer dans quel délai le problème arrivait : à 25%, c’est moins de six mois après l’achat. À 65%, mois d’un an après l’achat. C’est colossal - Raphaël Bartlome, directeur juridique à l'UFC-Que Choisir
En quête de réponses, L’UFC-Que Choisir s’est aventuré dans les entrailles des Joy-Con, envoyant plusieurs manettes défectueuses achetées entre mars 2017 et fin 2019 / début 2020 à un laboratoire indépendant. L’association a ainsi pu dégager deux causes qui, de toute évidence, expliquent le problème : l'état d’usure prématuré des circuits électroniques et un défaut d’étanchéité, cause d’un taux anormal de déchets et de poussière à l’intérieur de la manette. Le laboratoire a également noté une petite évolution sur le circuit imprimé dans les modèles de Joy-Con plus récents, sans pour autant réussir à déterminer son utilité (il ne corrige en tout cas pas le fameux "Drift"). Mais pour l'UFC-Que Choisir, une chose est sûre : Nintendo est en mesure d'intervenir sur la structure interne des contrôleurs détachables.
50% des joueurs rachètent des manettes
Pour le directeur juridique, le Joy-Con Drift constitue un paradoxe. D’une part, Nintendo a déjà prouvé sa capacité à construire des manettes robustes par le passé. Mais surtout, un peu plus de la moitié des joueurs interrogés par l’association ont racheté un contrôleur Pro ou une nouvelle paire de Joy-Con pour palier au dysfonctionnement (sans doute pour éviter d’être privés de la console pendant plusieurs semaines). Pour Raphaël Bartlome, c’est la rencontre de ce phénomène et du fait que Nintendo n’a toujours pas corrigé le problème qui justifie le terme d'obsolescence programmée. Sans oublier cette modification de rien du tout repérée par les experts, qui suggère que Big N fermerait volontairement les yeux.
Switch Lite - Nos impressions en quelques minutes
L'obsolescence programmée, c’est lorsqu’une entité organise un taux de rotation du produit plus rapide. Et là, on se rend compte que c’est ce qu’il se passe. Les joueurs, les parents, rachètent ces manettes. Nintendo dit “on répare”. Ok, c’est une première chose. Mais ce n’est pas satisfaisant. Il faut solutionner ce problème.
Même si Nintendo faisait un rappel de tous les Joy-Con et qu’il en fournissait de nouveaux, ben on se revoit dans six mois et c’est la même chose. C’est la même chose parce qu’on sait que ces manettes sont par nature défectueuses. Il faut une réponse définitive (...) Si Nintendo sait réparer, pourquoi il continue de vendre des produits défectueux ?
- Raphaël Bartlome, directeur juridique à l'UFC-Que Choisir
L’ambition d’UFC-Que Choisir, c’est donc d’amener Nintendo à prendre une décision sur le long terme. Il y a aussi un enjeu d’image pour le constructeur japonais, surtout dans l’éventualité d’une Switch Pro (le Joy-Con Drift était déjà connu à l’époque de la Lite mais n’a pas été corrigé). Bien sûr, on imagine toutes les conséquences d’un changement sur une chaîne du production aussi complexe que celle d’une console de jeu. Mais Big N n’a pour l’instant pas donné de véritables explications sur la durée du Joy-Con Drift. La procédure lancée par l’association devrait durer un an et demi. En attendant, Raphaël Bartlome espère que Nintendo fera ce qu’il faut.