À l’heure de finaliser Assassin’s Creed Origins, les équipes d’Ubisoft Montréal ont commencé à se pencher sur l’avenir de la licence et les localisations potentielles d’un nouvel opus. Pendant qu’Ubisoft Québec était à pied d’oeuvre sur Assassin’s Creed Odyssey, leurs voisins montréalais ont opté pour une période et un territoire bien différent avec Assassin’s Creed Valhalla, qui vous permet d’incarner un viking au coeur du 9e siècle. Nous avons rencontré Julien Laferrière, producteur de ce nouvel épisode, afin d’évoquer avec lui les nouveautés et la philosophie générale du nouveau venu de la franchise phare d’Ubisoft.
Après deux épisodes axés sur l’Antiquité par le biais de civilisations majeures du bassin méditerranéen, la série revient donc au coeur du Moyen-âge pour la première fois depuis… 2007, c’est à dire son tout premier épisode. Une décision motivée par l’envie de “fraîcheur” de l’équipe principale, mais aussi les possibilités offertes par la période :
Toucher un peu au moyen-âge, ça nous permettait aussi en terme de géographie, topologie, constructions humaines, de jouer dans des nouveaux bassins, et aussi même en terme de combats, d’armes, d’ennemis, ça amenait quelque chose de frais (...) Être capable d'explorer une nouvelle période historique du moyen-âge dans une localisation nouvelle, ça ouvrait autant des possibilités narratives que des possibilités de gameplay.
Cette plongée dans l’univers viking se fera par le biais d’Eivor, personnage principal dont vous pourrez définir le genre, mais qui ne changera en revanche pas de nom selon votre décision. Un choix différent de celui d’Odyssey et son duo Alexios/Kassandra, qui implique donc une intégration là aussi différente du point de vue narratif. Interrogé sur ce point, Julien Laferrière n’a pas voulu trop en dire, pour une bonne raison : il y a une “belle justification narrative pour tout cela que les joueurs pourront découvrir”, mais il est trop tôt pour en parler car il ne veut pas “ruiner l’histoire”. S’il faudra donc probablement attendre la sortie du jeu pour connaître le fin mot de tout cela, le producteur d’Assassin’s Creed Valhalla a tout de même ajouté qu’il était “important d’amener la sélection du genre du personnage d’une nouvelle façon” et qu’il ne prenait “pas cela à la légère”, confirmant donc qu’il ne s’agira probablement pas d’une simple sélection préalable à l’aventure. Le nom “Eivor”, quant à lui, est le fruit d’un travail réalisé avec un expert du “Old Norse” (ou “Vieux Norrois”), la langue de l’époque, afin de s’assurer de trouver un nom authentique, fidèle au langage et avec une signification plaisante : “guerrier éternel”. Un choix que l’on imagine particulièrement approprié pour une guerrière ou un guerrier Viking en quête de Valhalla.
Une nouvelle structure de progression
Vous avez sans doute vu passer ces derniers jours une déclaration de Malek Teffaha (responsable de la communication d’Ubisoft au Moyen-Orient), disant qu’Assassin’s Creed Valhalla ne serait pas “le jeu le plus long ou le plus grand de la série”. S’il n’a évidemment pas de chiffres précis à nous donner sur la taille de son monde ou sa durée de vie, Julien Laferrière a tout de même précisé quelle était la philosophie derrière le game design global de ce nouvel épisode, à savoir ne pas reprendre la structure d’un Assassin's Creed Origins ou d’un Assassin's Creed Odyssey , mais s’en émanciper. Au lieu de déambuler sur la map au gré de ses aventures et en restant régulièrement ancré quelques heures dans chaque région, l’équipe de développement a ici estimé qu’il était ici “important de revoir la façon dont les joueurs allaient justement explorer la carte”. Concrètement, cela donne un titre proposant différents arcs de quêtes qui ont pour point commun de toujours démarrer depuis votre colonie, mais aussi de s’y conclure. Une structure narrative plus originale pour la série donc, et qui n’est pas sans rappeler le rapport au campement de votre petit groupe dans Red Dead Redemption II. Cette approche a changé la façon dont Ubisoft Montréal a conçu le jeu, et il était “important que chaque arc de quêtes ait un bon pacing (rythme, ndlr)” et qu’ils soient “capables de faire vivre une expérience possiblement différente d’un arc à l’autre” notamment en exploitant des thèmes variés :
Comme une de nos fonctionnalités principales dans Valhalla est la colonie, et donc le village viking au coeur de l'expérience, il faut comprendre qu'on joue un personnage en terre hostile. Le village représente un peu l'espèce de "safe zone" auquel on revient (...) Les quêtes dans lesquelles on embarque servent généralement à faire avancer la cause viking en angleterre, la cause de notre village - en allant chercher des ressources, notamment - donc on rentre dans un arc de quêtes, puis on fait une série d'aventures et on revient au village ensuite. Donc ça, ça change la façon dont le joueur va vivre l’aventure, on peut imaginer que chaque arc de quêtes est comme un épisode de série télé par exemple.
Pour conclure sur ce point, Julien Laferrière insiste aussi sur l’importance des choix du joueur, qui seront exploités autant du point de vue narratif qu’en terme de gameplay de par la position de notre personnage principal, un chef de clan amené à prendre de nombreuses décisions influant sur sa colonie, son clan, mais aussi d’autres personnages rencontrés dans l’aventure. Enfin, il rappelle que si le titre se place comme une nouvelle proposition dans la saga, il ne faut pas s’attendre à une échelle plus petite, bien au contraire :
Pour faire référence à ce qui a été dit dans la presse, on a un objectif différent qui mise sur la qualité de l'expérience, et c'est via les arcs de quêtes qu'on le fait. Mais en terme de carte, ça reste une offre très généreuse, c'est la façon dont on la consomme qui est différente.
Colonie, raids et assauts de forteresses
À l’heure de parler du système de gestion de notre colonie et de le comparer aux précédents essais de la série en la matière (la villa d’Assassin's Creed II , les QG et les quartiers de Brotherhood et Revelations ou encore le domaine d’Assassin's Creed III ), le producteur d’Assassin’s Creed Valhalla évoque sa différence principale résidant dans son caractère moins annexe : dans les précédents opus, il s’agissait certes de “beaux moments”, mais qui restaient en grande partie optionnels alors que l’approche de gestion light de votre colonie dans Valhalla se veut bien plus centrale dans l’aventure. Un choix découlant évidemment de la structure narrative évoquée plus tôt, et lié aux motivations profondes des scandinaves de l’époque :
Dans Valhalla, on espère que les joueurs vont embrasser ça (la gestion de la colonie, ndlr) pleinement car c'est au cœur de l'expérience et c'est vraiment comme ça qu'on se sent comme un Viking. Ils étaient certes des combattants hors-pairs, mais aussi des explorateurs, des grands marchands, et leur motivation première était la recherche de terres. On est allés en Norvège, on a vu que ce n'était pas nécessairement des terres hospitalières et propices à la culture, ou du moins que les zones disponibles pour en faire étaient assez limitées. Ils étaient à la recherche de ça, c'est donc une manifestation de cette réalité là que l'on cherchait à traduire dans le jeu.
Plus concrètement et en terme de mécaniques, vous pourrez donc vous attendre comme les premières informations l’ont déjà évoqué à l’implantation de différents bâtiments évolutifs (forgerons, tatoueurs, casernes…), mais également à l’accueil de personnages non joueurs et la possibilité de réaliser des quêtes pour eux. L’amélioration de votre colonie passera par le biais des raids, votre Drakkar étant ici utilisé pour ramener les ressources acquises pendant ces pillages. Détail intéressant, s’il existe en plus des raids classiques de véritables assauts qu’il sera possible de mener contre des forteresses, ceux-ci ne seront pas soumis à un système libre et dynamique de prise puis de perte des châteaux (contrairement à des titres comme Mount & Blade, ou Assassin’s Creed Revelations via les quartiers de Constantinople par exemple), mais les mécaniques de jeux changeront en revanche au fur et à mesure que vous enchaînerez ces assauts, qui sont par ailleurs “toujours reliés à un objectif avec un arc de quêtes”.
Ces choix découlent de la structure définie pour le jeu, Julien Laferrière estimant que l’équipe “trouvait que l'angle narratif était l'angle le plus historique, le plus intéressant pour le joueur” car il permet finalement d’offrir un compromis efficace entre le plaisir de la personne derrière la manette et le souci d’offrir une expérience crédible et fidèle à l’époque qu’elle entend décrire :
C'est un peu comme ça que l’on gère la progression du joueur en Angleterre, car ce n'était pas nécessairement une avancée de conquête jusqu’à l’occupation de toute l’Angleterre. Il y avait une notion de stratégie politique, des alliances, des mariages arrangés, c'était des royaumes fracturés avec énormément d'intrigues politiques et les Vikings étaient un acteur politique sur cet échiquier là. Il y a un niveau de stratégie politique via les arcs de quête, via les implications du joueur, et c’est ce qu'on essaie de traduire dans le jeu.
Une attaque de forteresse était brièvement montrée dans le dernier teaser d'Assassin's Creed Valhalla
Drakkar, montures et compagnons intimement liés
Dans ses interviews accordées à Carole Quintaine ou Julien Chièze , Julien Laferrière évoquait la présence du Drakkar comme d’un autre moyen de transport faisant ici office de “cheval des rivières”. Une annonce qui a pu semer le doute sur la présence de véritables chevaux en jeu : celui-ci est désormais levé, les chevaux seront bien là et pourront de nouveau être utilisés comme monture classique pour votre exploration des terres. Chevaux et Drakkars ont d’ailleurs la particularité commune de pouvoir être appelés à tout moment, même si ces derniers seront évidemment limités aux rivières. En plus d’une utilité de transport pur, le Drakkar permettra pour rappel de faire débarquer vos compagnons, puisque 8 d’entre eux peuvent vous accompagner sur votre navire. Notre entretien avec Julien Laferrière nous a permis d’en apprendre plus sur ce point, et notamment sur les conditions d’appel de vos coéquipiers : contrairement aux épisodes de la série permettant d’appeler des assassins à tout moment quel que soit le contexte, la présence du Drakkar à proximité est ici requise :
La façon dont ça fonctionne, c'est que c'est intimement lié au Drakkar. Les compagnons sont dessus, donc toute position qui est le long de l'eau, que ce soit pour un raid en bonne et due forme avec des ressources à obtenir ou un camp de bandits ayant pris position sur le long des rivages, devient en fait une opportunité pour ton équipage. Mais celui-ci est associé au Drakkar, donc ils sont capables de le quitter, t'accompagner dans des combats, mais ont une certaine portée autour de ça parce que c'est intimement lié au Drakkar.
De quoi donner au joueur un “sentiment de suprématie” quand il se trouve le long de la rivière, mais aussi potentiellement l’obliger à se montrer plus prudent s’il se trouve dans un lieu éloigné de tout rivage. Principal outil pour ramener vos butins issus de pillages, élément de transport pour vous et vos compagnons, le Drakkar n’était toutefois pas réputé pour être un navire de guerre, un point que nous avons souhaité là aussi éclaircir en demandant à Julien Laferrière si les batailles navales des précédents opus seraient reconduites :
C’est exact, le Drakkar n’était pas nécessairement un bateau pour faire la guerre sur la mer, les vikings ne procédaient pas ainsi. Historiquement, ce qu'ils faisaient c'est qu'ils accostaient deux drakkars ensemble, sortaient les haches puis se battaient. Il n’y donc pas nécessairement de mécaniques de tirs, de choses comme ça, on a choisi d'être historiquement fidèles à l'histoire à ce niveau là. Ça nous a forcé à repenser à quoi ressemblait le naval, c'est à ce moment là que l'on est arrivé avec l'idée de dire que l'on va tout simplement être justes au niveau de l'Histoire, et donner cet avantage tactique au joueur pour aller rejoindre des positions plus facilement, faire des raids, etc.
Malgré la disparition des combats navals sous leur forme classique, les joueurs pourront cependant toujours personnaliser leur navire comme bon leur semble afin de se l’approprier au mieux, et bénéficier des nouveautés liées à son statut de transport privilégié des scandinaves sur les rivières anglaises. D’ailleurs, concernant les compagnons, le site officiel d’Ubisoft évoque la possibilité de “recruter des mercenaires vikings conçus par d’autres joueurs” ou de créer et personnaliser le sien afin de le partager en ligne. Nous avons demandé à Julien Laferrière si l’ensemble des compagnons Vikings seraient issus d’un tel outil de création, ou si ces derniers pourraient également être des personnages créés par les développeurs et bénéficiant d’une véritable histoire :
Les deux. On offre la possibilité de personnaliser un combattant et le partager, il y a aussi des personnages qui peuvent vous rejoindre pour des raisons narratives, puis il y a des personnages qui sont là juste comme ça, évidemment. Mais l’idée, c’est d’avoir le sentiment que tu es avec ta bande de Vikings, et au fur et à mesure de ton aventure, il y a des visages que tu finis par reconnaître, des gens qui sont nommés aussi, et on voulait également offrir quelques options aux joueurs.
Un nouvel arbre de compétences… et la “Rap Battle” du Moyen-âge !
Le passage de la série à l’action-RPG depuis Origins et Odyssey s’est accompagné d’un arbre de compétences globalement bien fourni, une tendance qui ne devrait pas aller à la baisse sur Valhalla, bien au contraire. Si le producteur du titre nous a confirmé la présence de trois grands archétypes comme sur le précédent épisode (sans préciser s’ils seraient les mêmes), la progression du personnage se voudra beaucoup plus ouverte :
Pour Valhalla, on a beaucoup investi dans l'angle relié à la progression, on a revu l'arbre de compétences au complet pour justement offrir encore plus de personnalisation, donc on a complètement éclaté le nombre de possibilités par rapport à ça pour laisser le joueur personnaliser le type de jeu qu'il a envie d'avoir, le type de profil qu'il a envie de faire. Quand on jumelle ça à la très grande variété d'armes, le combat à deux armes, on espère qu'on va voir plusieurs types de styles de jeux émerger parce que l'arbre de compétences permet ça. Il y a moyen de vraiment faire son trajet comme on le veut. Il y a évidemment des grandes catégories pour guider le joueur là-dedans, mais il ne faut pas l'imaginer comme étant autant défini que sur Odyssey. C'est beaucoup plus “granulaire” qu'une sélection de capacités.
Enfin, pour terminer sur une note plus légère, nous avons souhaité en savoir plus sur un ajout presque passé inaperçu : le flyting. En plus de la chasse, de la pêche, des jeux de boissons, cet ajout sera l’une des activités annexes notables de l’épisode, qui permettra de vous livrer à de véritables joutes verbales. Julien Laferrière reconnaît de lui-même qu’il s’agit d’un “clin d’oeil à Monkey Island et ses célèbres duels d’insultes”, mais tient à préciser qu’il s’agit également d’un élément avéré de l’Histoire des scandinaves de l’époque, qui s’appuyaient sur une tradition orale aussi riche que variée :
C'était vraiment pour tester l'habileté verbale des gens. Ils rentraient dans une espèce de joute d'insultes stylisée, rythmée et rimée les uns envers les autres. C'étaient des “rap battles” vikings de l'époque, les sagas disent même que Thor et Loki se seraient affrontés dans un Flyting. Avec notre système de dialogue, c'était trop beau pour le laisser passer, donc c'est effectivement une des activités qu'on a dans le jeu juste pour amener encore une saveur authentique (...) Pour nous, c'était quelque chose de super original qu'on avait envie de faire, donc nos auteurs se sont éclatés à trouver des insultes de l'époque et les faire rimer avec une cadence intéressante. J'ai hâte de voir le retour des joueurs.
Les amateurs de la licence attendent aussi probablement d’essayer tout cela, pour découvrir qui fût le lointain ancêtre de Yo Momma. Ils devront toutefois se montrer patients, car Assassin's Creed Valhalla ne sortira qu’en fin d'année 2020 sur PC via Uplay et Epic Games Store, mais aussi sur PS4 , Xbox One , PS5 , Xbox Series X et Stadia .
Le trailer d'annonce d'Assassin's Creed Valhalla