Qu’ils soient connus ou moins, de nombreux joueurs ont donc déjà eu l’occasion d’apparaître dans un jeu. Et si le plus évident pour les développeurs semble être de créer un personnage à leur effigie, il ne s’agit étonnement pas du seul moyen employé par ces derniers, capables de trouver des solutions alternatives quand il s’agit d’offrir une place de choix à leur communauté.

Les grand-mères joueuses au rendez-vous

Ces derniers mois, une tendance plutôt amusante s’est dégagée par le biais de deux titres, Animal Crossing : New Horizons et The Elder Scrolls VI, qui ont choisi d’intégrer deux joueuses de respectivement 88 et 83 ans parmi les personnages visibles en jeu. La première citée n’est autre qu’Audrey, surnommée “Audie”, qui s’est fait un nom auprès de la communauté d’Animal Crossing grâce à ses 3500 heures passées sur l’épisode New Leaf. Une anecdote partagée début 2019 sur Twitter par son petit-fils, un game designer du nom de Paul Hubans :

Ma grand-mère de 87 ans a joué à Animal Crossing New Leaf sur sa 3DS chaque jour depuis maintenant 4 ans. Sa 3DS s’est finalement cassée cette année, donc nous lui en avons offert une nouvelle pour les fêtes. Pendant un transfert de système, j’ai été vérifier son journal d’activité :

Le tweet a reçu plus de 90 000 “j’aime” et presque 25 000 retweets, suscitant un écho important auprès de la communauté, qui s’est ensuite cotisée pour lui permettre d’obtenir le dernier titre en date de la série, ainsi que la Switch spéciale Animal Crossing et quelques accessoires pour la console. Mais la plus belle surprise est finalement venue des développeurs, qui ont ajouté un nouveau personnage répondant au nom de… Audie, référence directe au surnom de leur fan retraitée. L’hommage est toutefois seulement réservé à la version américaine, puisque le personnage adopte des noms différents selon les pays, dont celui de Monica au Japon et en France. Gageons que la principale intéressée ne leur en tiendra pas rigueur.

Si l’histoire d’Audie est surtout connue des fans d’Animal Crossing, celle de Shirley Curry a en revanche eu un écho légèrement plus prononcé auprès des joueuses et des joueurs, et pour cause : cette femme de 83 ans dispose d’une chaîne YouTube de plus de 800 000 abonnés, sur laquelle elle partage régulièrement ses sessions de The Elder Scrolls V : Skyrim. Sa notoriété croissante lui a d’ailleurs permis d’acquérir l’affectueux surnom de Skyrim Grandma. Visiblement peu rassurée à l’idée de ne peut-être jamais avoir l’occasion de jouer au prochain épisode de la série The Elder Scrolls, celle-ci aura tout de même l’occasion d’y jouer un rôle : suite à son commentaire, un internaute a lancé une pétition invitant Bethesda à modéliser Skyrim Grandma au sein de son prochain titre.

Une initiative couronnée de succès puisque quelques mois plus tard, l’éditeur américain annonçait au détour d’une vidéo célébrant les 25 ans de la licence (ci-dessus, à partir de 8:41) que la femme octogénaire serait bien au casting de sa prochaine production. Son rôle précis reste encore mystérieux, mais celle-ci a bénéficié d’une séance de motion capture qui laisse clairement entendre qu’elle sera un personnage non joueur, voire un compagnon. Si l’attente vous paraît trop longue, sachez que Shirley Curry sera également accessible en tant que compagnon d’arme dans Skyrim grâce à un mod annoncé en tout début d’année. Bethesda est d’ailleurs coutumier du fait, puisqu’il avait choisi de rendre hommage à l’un de ses plus grands fans, Erik “Immok the Slayer”, tragiquement décédé avant la sortie de Skyrim, en créant dans ce dernier un PNJ nommé “Erik The Slayer”.

Fans et célèbres, ils ont aussi le droit à leur modèle

Comme le montre l’exemple de Shirley Curry, intégrer son jeu fétiche sans bénéficier d’une mise en avant suffisante reste difficile. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreuses célébrités ont eu plus facilement l’occasion d’arriver dans leur titre favori ces dernières années. L’exemple ne vaut pas forcément pour les joueurs de football d’un certain niveau qui sont systématiquement ajoutés aux nouvelles moutures d’eFootball PES et FIFA, même si leur modélisation peut faire l’objet de discussions animées lorsque ces derniers n’ont pas eu la chance de bénéficier d’une séance de motion capture. Plus joueuses, les dernières générations de footballeurs n’hésitent pas à s’amuser de ces modélisations, signe de l’importance prise par les simulations de football auprès de ces derniers. Un cas qui a notamment concerné Franck Ribéry, dont l’avatar in-game n’était pas des plus ressemblants avec son pendant réel.

J’ai récemment joué à FIFA 20 avec mon fils. Hey EA Sports, qui est ce gars ?

D’autres jeux de sport ont su intégrer quelques célébrités certes extérieures au milieu, mais fans de leurs productions, comme la série des NBA 2K20. Fin 2012, le célèbre auteur, compositeur et interprète Justin Bieber, grand amateur de basket réel et virtuel, a ainsi été modélisé dans NBA 2K13. Plus proche de nous géographiquement et temporellement parlant, Mister V, le vidéaste et rappeur (entre autres) aux 5,5 millions d’abonnés sur YouTube a aussi eu droit à son avatar in-game, avec une petite subtilité : il était le seul à pouvoir l’utiliser, privilège certainement lié à son intégration à la bande-son quelques semaines plus tard. Ce qui ne l’a toutefois pas empêché de partager quelques clichés de son modèle avec ses abonnés sur son compte Twitter... avant que les internautes ne s’emparent de l’image pour en faire un meme. Bon prince, le vidéaste s’est par la suite amusé de ce dénouement imprévu :

NBA Playgrounds a lui aussi permis aux joueurs d’incarner certains youtubeurs amateurs du titre, tandis qu’une autre production en dehors des simulations sportives s'est également appropriée l’idée : Fortnite. Jamais avare en concepts originaux, à l’image du récent concert de Travis Scott organisé directement en jeu, le titre d’Epic Games a lancé en janvier dernier sa série de skins “Icons”. Celle-ci a été inaugurée avec le célèbre streamer Ninja, justement popularisé grâce à ses vidéos sur Fortnite. Une nouvelle évidemment accueillie très positivement par le principal intéressé, signe qu’aussi célèbres soient-elles, les personnalités intégrées à certains jeux n’en restent pas moins des fans et des joueurs avant tout. En attendant que d’autres intègrent le casting, des amateurs de Fortnite se sont déjà amusés à créer leurs propres concepts de skins basées sur leurs personnalités favorites.

Des intégrations sous une forme plus originale

Nous l’évoquions en préambule, en plus des intégrations “classiques” de personnages, d’autres titres ont optés pour des approches plus originales. Entré dans les mémoires des joueurs de World of Warcraft pour son improbable vidéo devenue un phénomène viral, le célèbre personnage de Leeroy Jenkins (joué par Ben Schultz) a ainsi été réutilisé plusieurs fois par les équipes de Blizzard. Il a d’abord eu droit à son propre haut-fait en jeu, ce qui tient plus de l’easter-egg que de l’intégration, avant d’apparaître comme sujet de fief à l’arrivée de l’extension Warlords of Draenor en 2014. Mais l’hommage le plus étonnant est celui opéré par un autre titre dans le giron de Blizzard, Hearthstone, qui l’a modélisé sous forme d’une carte légendaire disposant d’une charge et d’un cri de guerre, référence directe au comportement du personnage dans la vidéo qui l’a popularisé.

Beaucoup plus loin dans le passé, The Legend of Zelda : A Link to the Past s’est aussi prêté au jeu de l'intégration originale de fans avec la “Chris Houlihan Room”, une pièce secrète difficile d’accès qui servait probablement de test aux développeurs. Son nom, elle la tient d’un joueur ayant remporté un concours quelques années auparavant par le biais du 16e numéro du magazine Nintendo Power : en envoyant une photo du Warmech de Final Fantasy, un boss sur lequel il était difficile de tomber, le jeune joueur a gagné le droit d’apparaître en caméo dans le prochain opus de Zelda. Et si son voeu sera réalisé à la sortie d’A Link to The Past, sa notoriété n’atteindra toutefois pas nos frontières puisque son nom est curieusement absent de la version européenne. Les plus curieux d’entre vous peuvent toutefois le retrouver dans la version américaine, qui signifie clairement sa présence par un message inscrit sur une pierre télépathique au fond de la salle :

Mon nom est Chris Houlihan. C’est ma pièce la plus secrète. Que cela reste entre nous, ok ?

Pour revenir sur la dernière génération, Sea of Thieves a fait le pari, à l’image de World of Warcraft avec Leeroy Jenkins, de rendre hommage aux accomplissements mémorables de ses joueuses et joueurs en les intégrant ensuite dans l’aventure. Mais le titre de Rare a porté le concept à un tout autre niveau en ajoutant de nombreux clins d’oeils aux auteurs de ces hauts faits à différents endroits de sa carte, partiellement repértoriés dans un article de nos confrères d’Eurogamer. Ainsi, le tout premier joueur à monter à bord du bâteau fantôme, un certain hallower1980 a vu une partie de son gamertag être intégrée dans une inscription sur un pilier proche du passage vers l’autre monde, “Hallower MCMLXXX”. D’autres, tels que lOnEl-Falcon, ArchAngel-Aeon ou ZZ-DE-TOX-ZZ ont aussi été immortalisés pour leurs exploits respectifs, allant du record de mort liées à une chute du nid de corbeau à celui du nombre de grogs avalés en passant par la plus longue session de nage.

Pour une licence extrêmement populaire, rendre hommage aux joueurs qui lui ont permis de revenir à la surface est aussi une solution viable. C’est cette voie qu’a récemment emprunté le miraculé Shenmue III, attendu de pied ferme par ses fans pendant de longues années, passé au statut d’arlésienne, avant de sortir de l’ombre et d’être financé par une campagne Kickstarter. Un long chemin qui l’a mené jusqu’à sa sortie fin 2019, et l’implantation d’un musée mettant en avant certains de ses contributeurs les plus mémorables. En y entrant, vous pourrez y découvrir plusieurs murs abritant les portraits de certains contributeurs. Apparaître dans Shenmue III n’était toutefois pas donné, puisqu’il fallait tout de même contribuer à hauteur de 1500 $ pour bénéficier d’un tel honneur.

Si vous espérez avoir un jour la possibilité d’apparaître dans votre jeu favori, il vous faudra donc un peu de chance, un certain statut, de l’argent ou suffisamment de talent pour marquer sa communauté et entrer dans les mémoires collectives. Mais il existe aussi d’autres voies non évoquées, comme celle de travailler pour l’équipe à l’origine du jeu. Chez Sports Interactive - le studio derrière Football Manager - les employés ont ainsi la possibilité de voir leur nom être repris par un newgen, l’un de ces nouveaux jeunes joueurs créé par l’IA et qui viennent chaque année garnir les centres de formations des clubs de vos carrières. Le caractère aléatoire des statistiques des newgens ne vous garantit toutefois pas de devenir le nouveau Kylian Mbappe, mais auprès des employés, l’idée n’en reste pas moins amusante et appréciée.