Et oui, 30 ans. 30 ans que les joueurs peuvent prendre part à des combats épiques mêlant heroic fantasy et stratégie au tour par tour. Véritable pilier du Tactical RPG, Fire Emblem est une licence bien ancrée et respectée dans le paysage vidéoludique. Il n’en a pas toujours été ainsi. Revenons sur cette saga emblématique du jeu de stratégie qui aura mis du temps à trouver son public.
Trailer d'histoire de Fire Emblem : Three Houses
Le public nippon découvre donc Fire Emblem: Ankoku Ryû to Hikari no Tsurugi , développé par Intelligent Systems, le 20 avril 1990. Il y fait la connaissance de Marth, prince charismatique que les joueurs de Super Smash Bros. connaissent très bien, qui doit reconquérir son royaume. Il se met en quête de Falchion, une épée divine pourfendeuse de Dragon, et de l’Emblème du Feu, un artefact surpuissant prenant la forme d’un bouclier. Si l’Emblème du Feu revêt cette apparence dans le premier opus, sa nature diffère en fonction des épisodes. Objet de pouvoir et de convoitise, sa valeur est avant tout symbolique. Bouclier, force intérieure, blason familial, médaillon… L’Emblème revêt bien des aspects et son importance dans la trame narrative est variable. Il est cependant la source ou la motivation du courage de nos protagonistes dans la plupart des itérations de la licence.
Les joueurs japonais sont les seuls à pouvoir profiter de la saga jusqu’en 2003 et l’arrivée du sobrement nommé Fire Emblem . Ce sont deux autres jeux Nintendo qui provoquent l’arrivée de la saga en occident. Advance Wars , cousin de Fire Emblem, est un succès pour Intelligent Systems et confirme l’intérêt du public occidental pour le Tactical RPG. De son côté Super Smash Bros. Melee introduit Marth et Roy au joueur de tous horizons. La surpuissance de Marth dans le roster du jeu gamecube n’est sûrement pas étrangère à sa popularité.
Une expérience intimidante
Si plusieurs mécaniques présumées indissociables de la série sont absentes de ce premier opus, toutes les bases sont déjà là. Une quinzaine de classes différentes permettent d’établir maintes stratégies dans des combats au tour par tour. Ces derniers se déroulent sur des damiers et permettent au joueur de conquérir le terrain et de venir à bout de brigands ou de puissants adversaires. Il en revient au joueur de prendre en compte les unités, son environnement et son équipement pour éviter la mort. La mort d’ailleurs, parlons-en. Rares sont les licences a l’avoir autant embrassée, car en effet, cette dernière est permanente. Si un personnage meurt au combat, il disparaît, purement et simplement. Vos nombreuses heures consacrées à bichonner vos unités défilent alors devant vos yeux tandis que le râle d’agonie dramatique d’un de vos héros résonne. Si cette mécanique se voulait être un héritage de l’heure 8 bit, les développeurs eurent la bonne idée de capitaliser sur cet aspect en mettant au centre du jeu l’affect du joueur pour ses héros.
En effet le système de permadeath prend tout son sens une fois la dimension visual novel des épisodes plus récents introduite. Au fil des épisodes, des dialogues optionnels et des choix de romances s’ajoutent et permettent de construire les relations entre les personnages. Ces relations améliorent leurs stats au front et à fortiori si les combattants qui entretiennent des liens puissants lancent une offensive à proximité les uns des autres. Cet investissement émotionnel et de temps que le joueur place en l'un de ses personnages amplifie l’impact que provoque sa mort sur son expérience de jeu. D’autant qu’un héros de moins implique une difficulté accrue lors des missions suivantes. Cet aspect, couplé à un triangle des armes depuis le 4e opus et à des options stratégiques intransigeantes, a largement participé à conférer à Fire Emblem sa réputation de jeu difficile.
Cet affect que porte le joueur aux avatars est bien évidemment le fruit d’une écriture de qualité et d’une direction artistique forte. Ike, Marth, Micaiah, Lyn, Tharja… Beaucoup auront marqué les esprits. Chaque épisode a son lot de personnages charismatiques qui, lors d'événements tragiques, gagnent en profondeur. Autant d’épreuves qui transformeront nos protagonistes en véritable héros à même de venir à bout d’ennemis redoutables lors de joutes désespérées. La saga n’est pas avare en combats épiques, émotionnellement très forts, ni en retournement de situations dramatiques. Et c’est bien cela et le système de combat aux petits oignons qui conféreront ses lettres de noblesse à la série.
Une consécration tardive
La qualité globale de la licence est indéniable, les critiques positives sont légion, mais elle peine toutefois à trouver son public. Les épisodes sur consoles de salons, Path of Radiance et Radiant Dawn peinent à trouver acheteur. Ils vendront respectivement 150 000 et 170 000 unités. Les opus sur Nintendo DS rencontrent un peu plus de succès, mais sont loin de permettre d’assurer la pérennité de la licence. À tel point qu’il faudra attendre Fire Emblem : Awakening pour remettre les pendules à l’heure. Ce dernier bat largement les records de vente de la licence en dépassant les 2,2 millions d'exemplaires vendus. S’il doit en partie son succès à une 3DS en plein boum, ses qualités intrinsèques ne sont plus à prouver. La direction artistique sublime magnifiée par l’arrivée de Lucina, les systèmes de mariage et d’unité en duo… Autant de qualités qui sonnent comme un aboutissement pour une saga qui reçoit enfin l’attention qu’elle mérite. Dire qu’Awakening est un succès est un euphémisme, car selon un des producteurs de la saga, Hitoshi Yamagami, il aurait pu être le dernier, du fait des faibles ventes des opus précédents. (source : IGN ) Logique donc, que cet opus soit le favori de beaucoup de fans.
Fire Emblem Fates enfonce le clou en établissant le record de vente de la série avec ses 2,9 millions d’unités écoulées. Les spin-off/remake, Warriors et Echoes : Shadows of Valentia de leur côté ne font pas beaucoup de vagues de par leur nature plus secondaire. Mais le retour de la saga sur console de salon avec Fire Emblem : Three Houses sur Nintendo Switch nous confirme que la licence est ici pour durer. À tel point qu’il se permet de prendre des libertés avec des systèmes installés depuis des années. Exit le triangle des armes, bonjour la gestion du monastère, etc. Difficile de se projeter quant au prochain opus, à l’heure ou du contenu pour Three Houses sort toujours régulièrement.
Intimidant pour certains, jeu de weeb pour d’autres, Fire Emblem n’en a pas moins marqué l’industrie et les joueurs. Intransigeante, mais particulièrement généreuse, la saga d’Intelligent Systems a frôlé la disparition pour enfin rencontrer son public dans un épisode qui restera dans les mémoires. Espérons que ses bonnes ventes continueront de lui permettre de se réinventer et de nous laisser mener nos troupes dans des batailles toujours plus épiques aux côtés de héros toujours plus charismatiques.