Créature mythique de la science-fiction au même titre que le xénomorphe et méchant charismatique du cinéma d’action “reaganien”, le Predator poursuit sa traque sanglante et cross média depuis plus de 30 ans. Mais le tableau de chasse vidéoludique de ce monstre sacré du cinéma est-il à la hauteur de sa réputation ?
Aux origines du mythe
Commençons par le commencement. La carrière du Predator débute en juin 1987 au Guatemala sous la direction de John McTiernan, réalisateur américain à qui nous devons Piège de Cristal, Last Action Hero ou encore Le 13e Guerrier. Petite anecdote avant de poursuivre. Jean-Claude Van Damme lui-même devait à l’origine incarner la créature avant d’être remplacé par un acteur plus imposant afin de faire face à Alan “Dutch” Schaefer interprété par nul autre qu’Arnold Schwarzenegger. Le costume est également repensé en cours de production pour devenir ce massif chasseur reconnaissable entre tous grâce à sa coupe “rasta” et son masque dissimulant des mandibules d’arthropode.
Predator ne fait pas l’unanimité à sa sortie dans les salles obscures auprès des critiques de l’époque. Pourtant, ce film devient rapidement un classique de la science-fiction encensé par les fans et reconnu a posteriori par ses pairs pour sa réalisation tout en tension et son atmosphère claustrophobique. La créature se hisse alors au rang d’icône de la S-F. Ce qui était un coup d’essai, se transforme en saga trois ans plus tard. Le Predator quitte les verdoyantes contrées guatémaltèques et sème la mort dans une jungle, cette fois-ci urbaine, celle de la ville de Los Angeles. Malgré un Danny Glover suintant et un indice révélant l’existence des Aliens dans la diégèse de la franchise, Predator 2 divise, voire déçoit, avant d’être partiellement réhabilité avec le temps.
Une traque cross média
Le Predator étend son territoire de chasse aux autres médias dès la sortie du premier film avec le Comic Book en ligne de mire. Massivement publiés par l’éditeur Dark Horse en Amérique du Nord, les massacres se multiplient sur format papier. Entre fin 80’s et 2020, la créature démontre ses talents à maintes reprises dans des séries limitées, des crossovers l’opposant à Batman, Superman, mais aussi Judge Dredd avant d’exposer son tableau de chasse dans des intégrales. Et les seuls mots, privés d’illustrations, n’effraient pas la créature qui débute sa traque littéraire en 1995 avec Concrete Jungle et sème par la suite des cadavres au cours de plusieurs histoires originales… jusqu’en Asie avec South China Sea publié en 2008.
Il faut attendre 2010, soit 20 ans après la fin des guerres de gangs qui ont embrasé la Cité des Anges, pour assister au retour du Predator au cinéma dans un métrage qui lui est entièrement dédié. Predators, avec un S (clin d’oeil appuyé à Aliens de James Cameron), manque sa cible malgré de bonnes intentions et un casting surprenant. Le film produit par Robert Rodriguez s’inspire du mythe et de sa première apparition sur grand écran sans parvenir à en extraire la substantifique moëlle au point de pousser le chasseur à prendre sa retraite cinématographique. Mais c’était sans compter sur Shane Black qui sort de sa torpeur le Predator en 2018 pour un résultat à des années lumières des attentes des fans. Au-delà de sa violence graphique, The Predator peine à intégrer les principes fondamentaux de la saga. Et le tour d’horizon cross média de la franchise se conclut avec Legendary Encounters : A Predator Deck Building Game, un jeu de cartes comme son nom l’indique.
Une chasse vidéoludique
Et le jeu vidéo dans tout ça ? Le chasseur s’attaque au 10e Art dès 1987, année de sortie du premier film et n’épargne aucune machine à l’orée des années 90’s. Predator, édité par Activision, est un jeu d’action-aventure efficace à défaut d’être révolutionnaire suffisamment fidèle au matériau d’origine pour contenter les fans. Et cette stratégie d’adaptation des films, mais aussi des romans, en jeu vidéo perdurent jusqu’en 2010. Predator 2 a l’infime honneur d’une double adaptation. Le Rail Shooter de 1990 et le jeu d’action de 1992 portent le même nom, grand classique de l’ère 8 et 16-bits, mais se destinent à des consoles différentes.
Le Predator ne réapparaît pour un rôle titre qu’en avril 2005 dans Predator : Concrete Jungle, un jeu d’action disponible sur PlayStation 2 et Xbox qui peine une fois de plus à convaincre... où quand une bonne idée tourne mal. La Predator-mania reprend de plus belle en 2010 avec l’arrivée sur mobiles non pas d'un, ni deux, mais bien trois jeux Predators pour accompagner le crash du film éponyme. Néanmoins, seul le titre de Chillingo et ses 70% sur Metacritic méritent notre attention ne serait-ce que pour ce sentiment de puissance qui se dégage d’un gameplay centré sur l’action.
Et si la rédemption se trouvait dans un caméo ? L’apparition du Predator dans les arènes de Mortal Kombat X était fun et sanglante, mais ne saurait être à la hauteur du mythe. Le Predator traque des proies qui représentent un vrai challenge. La mission spéciale de Ghost Recon Wildlands reprend parfaitement les codes du film de 1987 aussi bien dans son gameplay que dans ses codes visuels avec par exemple les corps dépecés pendus aux arbres. Pourtant, l’avenir vidéoludique de la créature ne s’annonce pas forcément radieux. Predator : Hunting Grounds et sa vision multijoueur asymétrique de la licence pourraient combler les fans à condition de parvenir à intégrer dans le gameplay cette philosophie de chasse et cette violence qui caractérise le personnage. Predator VR , annoncé pour 2021 sur PC et fort d’un concept similaire, semble une autre alternative en réalité virtuelle à surveiller du coin du viseur.
Prédateur versus Predator
La relation entre le Predator et l’Alien, xénomorphe rencontré pour la première fois dans le slasher spatial éponyme réalisé par Ridley Scott, débute en 1989 avec une série de Comics publiés par Dark Horse. La franchise Alien vs. Predator envahit ensuite les autres médias et plus particulièrement le jeu vidéo. La Super Nintendo et la Game Boy succombent en 1993 suivies un an plus tard par les bornes d’arcade avec un Beat’em Up édité par Capcom et salué pour ses visuels 2D et ses combats. En 1999, l’heure est à la consécration. Aliens versus Predator et ses trois campagnes solo mémorables permettant d’incarner Marines, Alien et Predator, trois races aux gameplays bien distincts, séduit les joueurs à raison. Aliens versus Predator 2 et son extension Primal Hunt confirment alors le potentiel de cette saga crossover respectivement en 2001 et 2002 à la différence d’Extinction, un jeu de stratégie en temps réel édité par Electronic Arts sur consoles de salon, qui tombe rapidement dans l’oubli.
Le conflit opposant ces deux mythes disparaît par la suite des radars vidéoludiques pour mieux reprendre au cinéma en 2004 et le résultat n’est clairement pas à la hauteur des attentes. Alien vs. Predator, réalisé par Paul W. S. Anderson, essaye sans parvenir à convaincre tout comme ça suite. Requiem de 2007 a tout de même pour lui la naissance du Predalien et la présence du xenomorphe sur Terre... en milieu urbain… au XXIe siècle… des excentricités fort appréciées par les fans. Une adaptation en jeu vidéo du film, sans véritable intérêt, sort en parallèle sur PlayStation Portable. Reprise par Sega, la licence effectue un retour remarqué à défaut d’être convaincant en 2010. Malgré une atmosphère fidèle et une formule qui a fait le succès de la saga par le passé, Alien vs. Predator ne peut se défaire d’un gameplay approximatif. Depuis, la franchise se terre dans le mutisme, exception faite d’AvP : Evolution sur mobiles en 2013.
Le Predator peine à retrouver sa gloire passée et le jeu vidéo n’a pas toujours su exploiter comme il se doit cette créature devenue avec les années une icône de la culture populaire.
Bien que je regarde religieusement chaque année le premier film en étant toujours autant admiratif de la maestria avec laquelle John McTiernan a conçu son film, je dois dire que je n'ai quasiment aucun souvenir d'un jeu vidéo Predator. Ceci est bien entendu lié au faible nombre de titres ayant mis en vedette ce personnage, et ce, malgré le fait que dès l'année de sortie du premier long-métrage (1987), une adaptation verra le jour. Nonobstant, cette désaffection de développeurs pour la licence reste terriblement frustrant.
En effet, outre les qualités plastiques du film de McTiernan, le premier Predator a également subjugué grâce à sa créature aussi massive que superbe, aussi létale que respectueuse de son ennemi. Cette philosophie du chasseur, ce code d'honneur (poussant l'extra-terrestre à ne jamais affronter un adversaire désarmé ou à préférer la mort plutôt que la honte de la défaite) n'a finalement jamais été mis à profit dans les jeux, davantage portés sur l'armement (mêlant high-tech et tribal à l'image du look du personnage) que les valeurs de la créature.
Ironiquement, si le crâne de l'Alien dans la salle des trophées de Predator 2 (1990) n'était au tout départ d'une private joke de Stan Winston (sachant que son équipe s'était également occupée du design de l'Alien dans les films éponymes), cette «rencontre» donnera dès 1993, sur SNES, le premier d'une longue série de cross-over. Le plus intéressant dans l'histoire est que si les comics (en 1989) ont ouvert la voie, c'est le jeu vidéo qui a rendu ce "partenariat" interactif puis a ensuite été rattrapé par le cinéma qui fera connaître à un plus large public ce spin-off, en 2004, via un sympathique Alien Vs Predator puis une suite, en 2007, qui aurait clairement mieux fait de ne jamais voir le jour.
Le plus étonnant reste cependant que le Predator n'a jamais finalement brillé dans un jeu vidéo lui étant entièrement dédié et que sa popularité vidéoludique est essentiellement due à ce face-à-face avec la créature mythique de H.R. Giger.
Un beau gâchis au final tant la matière première est riche et tant il y aurait à faire avec cet extraterrestre au charisme débordant. L'élément le plus représentatif de ce triste constat reste que le plus bel hommage fait au film de 1987 reste une mission bonus intégrée dans le jeu Ghost Recon Wildlands qui ira jusqu'à reprendre une partie du superbe travail musical d'Alan Silvestri, certains dialogues cultes et bien entendu le lieu de l'action pour un affrontement musclé.
Toujours est-il qu'on peut encore espérer en songeant notamment à Predator : Hunting Grounds (attendu le 24 avril prochain) même si la première approche que nous avons eu avec lui nous a un peu fait l'effet d'une douche froide au-delà, ici aussi, de plusieurs emprunts au matériau cinématographique original.