Basé à San Mateo en Californie, le studio Manticore Games vient de lancer une alpha ouverte de Core, sa plateforme gratuite qui sert à créer des jeux. La promesse faite est simple : n’importe quel quidam peut façonner des expériences jouables, fussent-elles multijoueur ou non, à l’aide d’un espace rempli de modèles 3D et d’actions déjà codées. Un programme où les créateurs jouent, et où les joueurs créent. Si cela vous rappelle quelque chose, c’est normal, puisque Project Spark ou Dreams ont brandi les mêmes arguments pour attirer des centaines de milliers de curieux auprès de leurs outils. Oui, ce type de softs a toujours mis en avant un certain aspect communautaire, mais Core espère devenir le premier véritable YouTube du jeu vidéo. Explications.
Power-ups to the people !
Ils sont nombreux les jeux et autres logiciels ayant promis la création d’expériences ludiques sans avoir à poser une seule ligne de code. Sur PC, les plus anciens se rappellent peut-être de Klik & Play de la Clickteam, avant que d’autres softs ne s’infiltrent dans la brèche (3D Game Creator, GDevelop, et bien d’autres). Sur consoles, nous avons récemment eu l’opportunité de créer des expériences avec Project Spark et Dreams . “Fabriquer en s’amusant”, “jouer à concevoir”, les slogans ont défilé afin de convaincre le tout-venant qu’il pouvait devenir le Hideo Kojima de demain. En outre, sur PC aujourd’hui, il est possible d’utiliser des moteurs de jeux professionnels, tels que l’Unreal Engine et Unity, sans avoir à dépenser le moindre euro. Avec sa plateforme baptisée Core, Manticore Games n’a pas seulement pour ambition d’ouvrir la création de jeux vidéo à tous en effaçant les tâches ingrates qui font fuir les artistes. La société veut en fait bouleverser tout le processus qui mène à l’élaboration des œuvres vidéoludiques. “Encore aujourd’hui, il est difficile de faire un jeu multijoueur. La technologie est compliquée, le pipeline implique parfois une douzaine d’outils” explique Frederic Descamps, co-fondateur de Manticore Games. “Un designer même expérimenté touche rarement au code. Alors il demande des changements qui prennent des jours, voire des semaines, pour être intégrés. Dans Core, cela ne prend que quelques minutes” ajoute-t-il.
Cette idée de chambouler la manière de développer des jeux fait de Core une plateforme ambitieuse, dans son concept tout du moins. Il n’est pas question ici de n’intéresser que les artistes ou les game designers en herbe comme à l’accoutumée, mais bel et bien d’attirer les joueurs et autres youtubeurs persuadés que la création, “ce n’est pas fait pour eux”. “Après la vidéo et le streaming, la prochaine révolution en matière de contenu généré par les utilisateurs dans le monde du divertissement participatif sera les jeux vidéo” prophétise Manticore Games. Le studio vise les communautés déjà établies qui pourraient bâtir les expériences ludiques de demain. Avec en prime la possibilité de gagner de l’argent. À l’instar de Roblox , les créateurs vont effectivement bientôt avoir la possibilité de générer des revenus. D’après les prévisions, ils pourront gagner de l’argent grâce à des donations directes venant d’autres joueurs et via des recettes partagées dont le montant sera fixé selon le taux d’engagement du jeu. Parallèlement aux caractéristiques de monétisation, Manticore évoque un programme de partenariat. La réussite de son logiciel, Frederic Descamps la constate depuis que des spécialistes UI (interface utilisateur) ont développé “un des jeux les plus impressionnants de Core”. “Notre plateforme leur permet d’exprimer des idées comme ils n’ont jamais pu le faire auparavant” se félicite-t-il.
De la conception à Inception
Du côté de la pratique, quand on lance l’alpha de Core, il faut avant tout choisir entre le mode créatif et la partie dédiée aux jeux. La création d’un protagoniste est très simple. En quelques clics, il est possible de choisir son avatar principal parmi une librairie proposant différents styles (soldat, casual, aventurier, etc.) puis de le personnaliser selon quatre critères définis : la tête, le torse, les jambes et ce qu’il porte dans le dos. Les artistes peuvent créer un jeu en partant d’un monde totalement vide, en s’appuyant sur un projet remixable de la communauté ou en utilisant le “Core Games Framework”, à savoir un astucieux système donnant accès à des bases de travail (éléments de logique, assets graphiques) en fonction du genre choisi par le créateur (TPS, FPS, Top Down). Le voilà, le secret de Core pour espérer convaincre : une accessibilité à toute épreuve. S’il est effectivement possible de créer des choses sans inscrire une ligne de code grâce aux préfabs à modifier, il est permis d’utiliser du LUA Script quand cela est nécessaire. C’est-à-dire quand l’utilisateur souhaite développer une idée qui sort de l’ordinaire de Core. Qui dit LUA Script sous-entend lignes de code, et donc apprentissage. En ce qui concerne la Game Logic, Core s’appuie sur des boîtes à cocher dans la hiérarchie du projet. À titre informatif, le logiciel se base sur l’Unreal Engine.
La démonstration effectuée par Jordan Maynard, cofondateur de Manticore Games, expose la simplicité des outils. Un joueur qui veut créer sa carte pour un Battle Royal ou un FPS multijoueur n’a besoin que de quelques minutes pour façonner sa création. Un menu situé à gauche de l’écran donne accès à tout un tas d’éléments utiles à la création d’un jeu, à l’image de structures 3D, de matériaux, d’arbres, de sons ou encore d’effets spéciaux. Un simple glisser-déposer dans le niveau en cours d’édition permet de réussir l’importation. Vous voulez une ambiance hivernale pour façonner le Goulag 2.0 de votre Call of Killer ? Il suffit de choisir le material Snow dans la liste et relâcher le clic de la souris sur votre terrain. Vous rêvez d’ajouter des volcans au milieu de votre île paradisiaque pleine d'oeufs ? Pourquoi ne pas utiliser le sculpteur de terrain ? Avec son moteur physique intégré et des serveurs gérés par Microsoft Azure, Core rend certains aspects de la production de jeux moins contraignants. Bien que la plateforme soit avant tout pensée pour faire des jeux multijoueur, “les plus difficiles à concevoir” selon Manticore Games, il est possible de produire des RPG et autres projets 100% solo. Enfin, la compilation comme la publication se font en quelques secondes, à l’instar de ce que nous avons déjà l’habitude de voir avec les Project Spark et autres Dreams.
Core n’accepte pas l’importation de modèles 3D que les pros de MAYA pourraient fabriquer. Comme dans Project Spark, il est possible de créer des objets en mélangeant plusieurs modèles 3D avec des tailles, des textures, et des orientations différentes. Enfin, Core dispose d’un système de portails qui permet de téléporter celui qui entre dedans vers un autre jeu. Comme Jordan nous l’a montré, un groupe de joueurs peut s'écharper sur un TPS avant de continuer l’aventure dans un jeu de pirates en top down, grâce à ces portails (qui peuvent prendre la forme de téléporteurs mais aussi de n’importe quel autre élément décidé par le créateur). Cette fonctionnalité qualifiée de “magique” par l’équipe de développement invite à bâtir des multivers entre communautés, dont les portes mènent à l’infini vers de nouveaux horizons ludiques. Les promesses sont là, et il sera intéressant de voir la qualité ainsi que la diversité des créations dans les prochains mois.
Comme Manticore Games le rappelle justement, certains des plus gros jeux de ces dernières années viennent de la scène du modding, à l’image de League of Legends ou encore de PUBG . Il est donc urgent de donner le pouvoir créatif au peuple. C’est en tout cas le cheval de bataille du studio californien qui veut faire de son Core une plateforme accessible et viable pour ses utilisateurs. Au stade d’alpha, le programme va bien évidemment évoluer au fil des mois. Dans ses futures améliorations envisagées, nous notons l’ajout de nouveaux genres préfabriqués dans le “Games Framework”, ainsi que l’arrivée des NPCs. L’alpha peut être testée dès maintenant par ici.