Depuis près d’un an et demi, nous entendons beaucoup parler de ray tracing dans le jeu vidéo, notamment depuis la sortie de la génération de cartes graphiques Turing chez Nvidia (les fameuses GeForce RTX). Nous savons également que les prochaines consoles PS5 et Xbox Series X utiliseront cette technologie d’affichage. Bref, le ray tracing est bien parti pour devenir dominant dans la production AAA des dix prochaines années. Mais savez-vous vraiment ce que c’est, et comment ça fonctionne ? Tentons d’apporter une réponse la plus claire possible.
Lorsque vous levez le nez de votre écran et que vous regardez, par exemple, votre bureau ou votre salon, jetez un oeil par la fenêtre et regardez la façon dont la lumière du soleil va illuminer votre fauteuil ou votre table basse, puis va rebondir sur le meuble de votre TV : cette lumière vous permet tout simplement de voir ces objets. Sans lumière, et bien, on ne voit rien. Cette évidence devrait vous faire lever un sourcil, mais est importante à préciser si l’on veut comprendre le principe de base du ray tracing qui, dans l’informatique, fonctionne à l’inverse de ce que l’on vient d’énoncer. Wikipédia l’explique d’ailleurs très bien : “le ray tracing consiste à simuler le parcours inverse de la lumière : on calcule les éclairages de la caméra vers les objets puis vers les lumières, alors que dans la réalité la lumière va de la scène vers l'œil.”
Dans le jeu vidéo ou dans le cinéma en 3D, c’est donc le point de vue du spectateur qui sert de point de départ aux calculs des différents rebonds de la lumière sur un objet ou une surface. Cette méthode d’affichage permet ainsi de simuler de manière plus réaliste les reflets, les ombres, ou les rebonds de telles sources lumineuses.
D’abord dans le cinéma, maintenant dans le jeu vidéo
Bien qu’esquissé dès la fin des années 60, le ray tracing n’a vraiment pris son envol qu’au début des années 2010, notamment chez Pixar. Le studio d’animation a en effet été parmi les premiers à utiliser le ray tracing pour “éclairer” Monstres Academy sorti en 2013. Le coût en ressources matérielles étaient alors monstrueux, chaque image nécessitant 20 Go de mémoire vive pour être calculée et rendue.
Quelques années plus tard, comment se fait-il alors que le ray tracing soit possible dans le jeu vidéo, avec un PC doté d’une “simple” carte graphique à partir de 400 euros ? Avant d’y répondre, expliquons comment est rendue une image en 3D temps réel, et l’éclairage qui l’accompagne, sans usage du ray tracing.
Lorsque vous jouez à votre FPS préféré, avec ses belles textures fines et ses beaux objets en volume, sur votre TV ou votre moniteur, l’illusion de la 3D fonctionne à plein tube. Mais, bien entendu, afficher un objet en trois dimensions sur un écran en 2D demande un certain travail de traitement au processeur et, surtout, à la carte graphique. C’est là qu’intervient la “rasterisation” : un ensemble de polygones en 2D forme une image en 3D, qui va ensuite être “rasterisée” et ainsi être transformée en un ensemble pixels sur votre écran sur différents axes. On applique ensuite un “shader” en temps réel sur l’image, qui va influer sur le rendu final, en simulant la luminosité de la scène et ainsi appliquer des ombres ou des reflets. Voilà comment cela se passe aujourd’hui sur la très grande majorité des jeux.
Crédit : Nehru Richardson
L’usage du ray tracing, à la place de l’application d’un “shader”, offre un résultat bien plus réaliste en matière d’éclairage, puisque chaque rayon de lumière perçue depuis la caméra du jeu - et donc l’oeil du joueur - est calculé en temps réel et va alors rebondir sur l’ensemble des objets de la scène. On s’approche alors un peu plus du sacro-saint photoréalisme, jusqu’alors très difficile à atteindre en temps réel.
Sur quelles cartes graphiques profiter du ray-tracing ?
Nous l’avons dit en préambule : à l’heure actuelle, Seules les cartes graphiques GeForce RTX de Nvidia sont dotées d’unités de calcul dédiées au rendu en ray-tracing, bien qu'il soit possible de l'activer - de manière logicielle - avec une GeForce GTX, avec toutefois un niveau de performances bien moindre. Le constructeur les nomme “RT Core” et en intègre plus ou moins en fonction du modèle de GPU : de 30 pour la RTX 2060 à 68 pour la RTX 2080 Ti. Ces unités prennent en compte les lourds calculs liés au ray-tracing dans les jeux compatibles, libérant ainsi de la ressource pour le reste du traitement de l’image.
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A LIRE : Control sur PC : du ray-tracing qui vaut le coup d'oeil
L’impact du ray tracing sur les performances du jeu est donc réel, mais minimisée sur les GeForce RTX, notamment grâce à ces “RT Core”, mais également en fonction de la quantité de traitement de la lumière en temps réel que le développeur décide d’appliquer dans son jeu. Pour Control (ci-dessus), par exemple, Remedy utilise presque tous les effets possibles en ray tracing, pour un rendu particulièrement convaincant, mais qui divise en contrepartie par deux le nombre d’images par seconde. Pour Call of Duty : Modern Warfare, le ray tracing utilisé est beaucoup moins lourd , s’appliquant essentiellement à adoucir les ombres environnantes, avec cependant une perte de FPS qui ne dépassent pas 20%. Nvidia propose par ailleurs le DLSS (Deep Learning Super Sampling), qui utilise l’IA pour calculer l’image dans une définition inférieure, puis fait un “upscale” intelligent dans la définition fixée par le joueur, ce qui permet de gagner en fluidité d'affichage. Une technologie qui s’améliore au fil des mois et qui, sur les derniers jeux compatibles RTX, se montre particulièrement efficace.
Du côté de la concurrence, AMD n’a pas encore franchi le pas du ray tracing sur ses GPU Radeon, mais devrait dévoiler d’ici la fin de l’année sa nouvelle génération de cartes graphiques, qui ont de grandes chances d’intégrer des unités de calcul dédiées. Rappelons également que la PlayStation 5 et la Xbox Series X se dotent toutes les deux d’un GPU AMD et proposeront également du ray tracing. Bref, tout le monde s’y met.
Avant de conclure, faisons d’ailleurs un point sur les jeux compatibles ray tracing actuellement disponibles dans le commerce, et ceux annoncés dans les mois à venir.
Jeux compatibles ray tracing déjà sortis
- Battlefield V
- Call of Duty : Modern Warfare
- Control
- Deliver Us the Moon
- Metro Exodus
- Shadow of the Tomb Raider
- Stay in the Light
- Wolfenstein Youngblood
Les futurs jeux compatibles ray tracing
- Atomic Heart
- Cyberpunk 2077
- Doom Eternal
- Dying Light 2
- Justice Online
- Minecraft
- Synced : Off Planet
- Vampire : The Mascarade - Bloodlines 2
- Watch Dogs Legion
Avec cet article, nous espérons avoir apporté quelques éclaircissements sur le ray tracing, son fonctionnement et son intérêt. Nous ne faisons ici qu’effleurer le sujet et il faudrait un dossier de plusieurs dizaines de pages pour être exhaustif. Si vous souhaitez creuser, n’hésitez cependant pas consulter cet article - en anglais - très complet.