La guerre de communication entre Sony et Microsoft autour des prochaines consoles de salon n’en est qu’à ses débuts, mais un terme est déjà très présent : le téraflops. Unités de mesure de la puissance de calcul d’une machine informatique, ces fameux téraflops deviennent de plus en en plus un argument marketing, à l’instar des “bits” dans les années 90. Mais au fait : c’est quoi un téraflops ? Et peut-on vraiment se fier à cet indice pour juger de la puissance de la Xbox Series X ou la PlayStation 5 ?
1910 commentaires : c’est ce qu’a généré notre récente news sur la puissance supposée de la Xbox Series X et de la PlayStation 5 , basée sur l’analyse de Digital Foundry. Selon ces spécialistes anglophones du hardware, la future console de Microsoft profiterait d’une puissance de calcul de 12 téraflops, contre 9,2 téraflops pour la machine de Sony. Dit comme cela, l’écart semble énorme, d’autant plus que les deux produits devraient être basés sur la même architecture de chez AMD. Mais peut-on vraiment se fier aux téraflops pour juger de la supériorité d’une console sur une autre ? Quand bien même la Xbox Series X est plus puissante que la PS5, est-ce que les jeux qui tourneront dessus seront plus beaux et, plus globalement, est-ce que l’expérience vidéoludique y sera de meilleure qualité ? Pour le moment, absolument rien ne permet de l’affirmer.
Vous vous posez peut-être cette question toute bête : qu’est-ce qu’un téraflops ? Pour bien le comprendre, il faut d’abord définir ce qu’est un flops. Acronyme de “floating-point operations per second”, le flops se traduit en français par “nombre d’opérations en virgule flottante par seconde”. Les processeurs modernes intègrent ainsi une unité de calcul en virgule flottante, qui sert à effectuer des opérations sur des nombres réels, fréquemment utilisés sur les ordinateurs. Pour résumer et vulgariser, plus le nombre de flops est élevé, plus le processeur et par extension la machine qui l’accueille, sont capables de traiter des opérations complexes. C’est aujourd’hui un indice plus parlant que la fréquence d’une unité de calcul, généralement affichée en mégahertz ou gigahertz.
Gigaflops au début du siècle, téraflops à la fin de la décennie
Le nombre de flops est depuis plusieurs années utilisé pour définir la puissance brute d’une console, mais ce n’est qu’à partir de la génération actuelle de console que l’on a commencé à parler de téraflops soit, 1000 milliards d’opérations en virgule flottante par seconde. Si l’on se fie par exemple à Gamespot , qui a classé en 2017 les consoles en fonction du nombre de flops délivré par leur carte graphique, la Xbox One X est à l’heure actuelle la machine la plus puissante du marché, avec 6 Tflops. À titre de comparaison, une Dreamcast affichait en 1998 1,4 gigaflops, soit 1,4 milliard d’opérations en virgule flottante par seconde. Deux ans plus tard, la PlayStation 2 surpasse largement la console de Sega, avec 6,2 Gflops au compteur. Au fil des années, la montée en puissance a été progressive et continue, bien que l’on constate que Nintendo a souvent fait cavalier seul. Les 12 Gflops de la Wii, ridicules par rapport aux 240 Gflops de la Xbox 360 sortie un an plus tôt, ne l’ont cependant pas empêché d’être la console de salon la plus vendue de sa génération. De même, si la puissance supérieure de la PlayStation 2 face à la Dreamcast est incontestable, il faut se rappeler que la console de Sony est longtemps restée un cauchemar de programmation tant et si bien que tous ses premiers titres faisaient pâle figure par rapport à la majorité du catalogue de sa concurrente chez Sega.
On en arrive d’ailleurs au coeur du sujet : 2020 verra l’arrivée de nouvelles consoles chez Sony et Microsoft, mais aussi de nouvelles cartes graphiques chez AMD et Nvidia. Le PC regarde d’ailleurs cette guerre des consoles avec un peu dédain, bardé de ses GPU à plus de 500 euros, théoriquement plus puissants que la dernière console à la mode. Cela dit, même Nvidia s’est récemment prêté au jeu des comparaisons , en arguant qu’un PC portable équipé d’une carte graphique RTX 2080 - d’une puissance théorique de 12,89 téraflops - est plus puissant que les futures consoles de salon.
Sur le papier, il est évident qu’un PC équipé d’une carte graphique à 600, 700, 800 ou même 1000 euros est plus puissant qu’une console, même pas encore sortie. Nvidia compare un produit qui devrait être vendu moins de 600 euros, destiné au grand public, à une machine que seule une clientèle de niche et fortunée est capable de s’offrir. Rappelons en effet que le PC Legion Y740 mis en avant par Nvidia est vendu aux alentours de 2500 euros. La comparaison reste donc délicate, d’autant plus que les téraflops ne sont pas nécessairement un indice totalement fiable. De nombreux éléments sont ainsi à prendre en compte : quid de la qualité du stockage, de la vitesse de la mémoire vive ? Dans quelle mesure la machine est-elle simple à programmer ?
Malgré son tout petit 1 Tflops, la Nintendo Switch impressionne par la qualité de certains de ses titres (Breath of the Wild en tête), grâce à un environnement de développement particulièrement accueillant. L’exemple du début de la vie de la PS2 face à la Dreamcast reste également parlant et il a fallu attendre de long mois avant de voir des titres techniquement satisfaisants sur la seconde console de Sony. Sur la génération actuelle, des jeux comme God of War , Uncharted 4 ou Forza Horizon 4 n’ont clairement pas à rougir face à la plupart des productions AAA sur PC. La raison ? Ses développeurs ont su tirer la substantifique moelle de leur support, en optimisant parfaitement chaque polygone. Imaginons un seul instant que la PlayStation 5 soit beaucoup plus facile à programmer que la Xbox Series X : il sera évident que ses titres exclusifs y seront les plus impressionnants, au moins dans un premier temps. Mais, encore une fois, rien n’indique que cela sera le cas et il y a fort à parier que l’environnement de développement sera très similaire, comme sur PS4 et Xbox One.
La réalité est finalement beaucoup plus pragmatique, voire un peu décevante : quel que soit le nombre de téraflops de ces deux machines, l’immense majorité de leurs jeux auront le même rendu, car le développement multiplateforme nécessite une uniformisation. Désolé, mais votre Call of Duty 2021 tournera très probablement aussi bien sur la PlayStation 5 que sur la Xbox Series X, même si la seconde affiche 3 Tflops de plus au compteur. Pour finir, rappelons une règle toute simple, que l’on a tendance à oublier en cette période de guerre de chiffres : ce n’est pas la puissance qui fait le succès d’une console, mais son catalogue de jeux.