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Vous l'aurez compris, l'accessibilité dans le jeu vidéo est un sujet très actuel. Partant de solutions personnelles, le sujet du handigaming tend à se mouvoir comme un réel enjeu des constructeurs plus ou moins importants du secteur qui calquent le comportement volontaire et engagé des associations dédiées. Commerciales ou non, force est de constater que les raisons qui multiplient ces engagements d'inclusivité permettent, et permettront un progrès exponentiel dans un secteur singulier de par ses nombreuses particularités. Le chemin parcouru à ce jour est immense, mais il reste autant à parcourir pour réussir à gommer, le temps d'une partie, ces différences qui nous dérangent.
"Handigaming", c'est quoi ?
Ce mot-valise, composé des termes "handicap" et "gaming", se façonne lentement une identité dans un secteur dont l'expansion et la démocratisation ne sont plus à prouver. Il englobe tout ce qui se rapporte, de près ou de loin, à l'accessibilité de la personne en situation de handicap dans un contexte vidéoludique au sens global. Il s'agira pour les associations et sociétés concernées d'agir pour être en mesure de proposer des solutions viables à destination de cette catégorie de joueurs, et lui permettre ainsi de profiter, comme tout gamer, d'un jeu vidéo. En France, selon l'INSEE, on dénombre un peu plus de 12 millions de personnes souffrant d'un handicap, tout genre confondu. Ce chiffre correspond plus à de 17% de la population totale. Avec les données existantes, il serait difficile de déterminer avec certitude le nombre exact de joueurs pour qui il serait difficile de jouer. Néanmoins, si l'on se fie aux chiffres du S.E.L.L (Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisir) qui établit le profil des joueurs français et que l'on recoupe ses données, on pourrait parler d'environ 6 millions de joueurs touchés par une forme de handicap. Bien sûr, ce chiffre est à prendre avec des pincettes puisque tous les handicaps n'entravent pas la consommation de jeux vidéo.
(source : Seton)
2018, une année clé pour le handigaming en France
Si les premières actions menées en faveur de la cause lui sont antérieures, 2018 s'est avérée plutôt riche si on la compare aux années qui la précèdent. Reconnaissance de grands constructeurs, visibilité dans les salons, le tout, sous-couvert de médiatisation, autant d'axes qui ont permis au handigaming de faire un pas en avant non-négligeable.
Microsoft : pas le premier, mais le plus gros
Le 17 mai 2018 sera témoin d'une annonce historique pour le handigaming, et elle viendra d'un acteur majeur du secteur : Microsoft annonce le Xbox Adaptative Controller (XAC), sa manette adaptative, aux commandes modulables et personnalisables grâce à de multiples contacteurs (boutons). Ces derniers n'étant pas fournis, il est nécessaire de se les procurer soi-même. A en écouter l'avis des principaux concernés sur le XAC , le défi est plutôt bien relevé pour les problèmes qu'il est censé pallier, si l'on met de côté l'aspect financier. Ici, Microsoft n'invente rien et ne propose pas de solution universelle. Cependant, le progrès réside dans le fait qu'il s'agisse d'un constructeur à la renommée mondiale, ce qui, par effet "boule de neige", se veut initiateur des grands fabricants à s'ouvrir à ce marché de niche qui prend de plus en plus d'ampleur.
Si l'on félicite volontiers cette initiative pour l'inclusion, on ne pourra s'empêcher de penser que la loi Etasunienne votée sous Barack Obama en 2010, le Twenty-First Century Communications and Video Accessibility Act (CVAA), a certainement permis d'insuffler ce gain d'intérêt pour la cause. Mais pourquoi cela a-t-il pris autant de temps ? Si la loi, qui impose l'implication des sociétés pour rendre la communication et l'information de leurs produits accessibles a été votée il y a presque 10 ans, elle n'a concerné l'industrie du jeu vidéo qu'à partir du 31 décembre 2018. Alors certes, le XAC de Microsoft est arrivé avant cette obligation, et l'entreprise s'engage toujours plus pour l'inclusion dans le jeu vidéo, mais le constructeur s'est tout de même positionné 8 ans après "le coup de pied dans la fourmilière" de l'éxécutif nord-américain.
Les premiers stands à la Paris Games Week
Les premières entités à oeuvrer pour le handigaming remontent à plusieurs années, notamment avec la création de Cap Game en 2013 dont les actions se répartissent en 5 axes, allant de la recherche jusqu'à l'esport, plus récemment. En 2018, l'association, avec à sa tête Jérôme Dupire, enseignant-chercheur au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) s'associe avec le S.E.L.L pour leur première Paris Games Week commune. Après une arrivée timide et solitaire en 2017, le mouvement semble lentement sortir de l'ombre. A l'édition 2019 du plus grand salon du jeu vidéo de France, on parle déjà de 7 associations au sein d'un stand dédié à la cause : HandiGamer, Zyzomis, AccessiJeux, HandiFablab, Human Lab et Naturalpad étaient présents aux côtés de Cap Game pour partager leurs savoir-faire. Des compétitions d'esport inclusives sont mêmes organisées sur plusieurs genres de jeux : combat, course, simulation sportive. Pour la 2e année consécutive, la compétition trouvait bel et bien sa place dans le Hall 3 du salon français, seulement voilà, sa présence semblait bien discrète en comparaison d'un impressionnant stand de l'ESWC. "C'est un début", pourra-t-on dire...
2019 a suivi la cadence
Les actions de Microsoft n'auront pas été vaines l'année dernière, car 2019, à l'instar de 2018, fut particulièrement fournie en matière de nouveautés handigaming. Sans oublier la présence constante et incontournable de ces multiples associations françaises et ce, depuis plusieurs années, intéressons-nous à ce que les constructeurs, plus ou moins gros, ont pu faire pour démocratiser l'accessibilité dans le jeu vidéo.
Recalbox 6.0, le rétrogaming pour tous
Un peu moins d'un an après l'annonce du XAC, le système d’exploitation libre, gratuit et open qui permettait jusqu'alors de jouer à des milliers de jeux de consoles historiques sur un seul et même système et à moindre coût, a annoncé une compatibilité native pour la manette adaptative de Microsoft, permettant ainsi l'accès aux joueurs handicapés à une myriade de jeux rétros répartis sur pas moins de 100 consoles. Une première mondiale.
Les contacteurs de Logitech
Comme nous vous l'expliquions, le XAC, dont toutes les touches sont personnalisables, nécessite d'être utilisé avec des contacteurs, un genre de bouton relié par un câble à une manette ou un joystick, ce qui facilite donc l'activation des commandes d'un jeu.
Malgré le succès médiatique du controller de Microsoft, se procurer ces contacteurs n'était pas une évidence, pour les handigamers eux-mêmes, souvent. C'est alors qu'en novembre dernier, Logitech G, la filière gaming de l'équimentier multimédia suisse a lancé commercialisé l'Adaptative Gaming Kit, un pack de 12 boutons spécialement conçus pour se connecter à la manette adaptative. Encore une fois, si rien n'est inventé, le tout se démocratise par le biais de grandes sociétés. L'effet "boule de neige" semble fonctionner.
Vous l'aurez compris, l'accessibilité dans le jeu vidéo est un sujet très actuel. Partant de solutions personnelles, le sujet du handigaming tend à se mouvoir comme un réel enjeu des constructeurs plus ou moins importants du secteur qui calquent le comportement volontaire et engagé des associations dédiées. Commerciales ou non, force est de constater que les raisons qui multiplient ces engagements d'inclusivité permettent, et permettront un progrès exponentiel dans un secteur singulier de par ses nombreuses particularités. Le chemin parcouru à ce jour est immense, mais il reste autant à parcourir pour réussir à gommer, le temps d'une partie, ces différences qui nous dérangent.