Lors du X019 organisé à Londres, Phil Spencer (vice-président exécutif du gaming chez Microsoft) et Matt Booty (patron de Xbox Game Studios) ont tous les deux précisé que s’ils se concentraient pour le moment à livrer les jeux de leurs studios, ils n’excluaient pas d’agrandir (encore) leur famille de first party. Même si les regards se tournent naturellement vers le Japon, la firme de Redmond n’exclut pas à l’avenir d’investir plus globalement en Asie, en Europe et aux Etats-Unis. Nous dressons un panorama de studios qui pourraient se révéler intéressants pour le géant américain, en nous basant sur l’historique des sociétés ainsi que sur leurs politiques éditoriales.
Les opportunités asiatiques
Depuis l’E3 2019 et l’annonce du rachat de Double Fine, studio dirigé par Tim Schafer à qui l’on doit Psychonauts et Brütal Legend, Phil Spencer reconnaît “qu’il serait bien de posséder un studio asiatique, et particulièrement japonais” afin de “se concentrer sur les cibles importantes”, de la même manière que “Netlix investit aux endroits où le business se développe”. La multinationale américaine spécialisée dans la diffusion en streaming de contenus audiovisuels est décidément un exemple pour les équipes Xbox, elles qui cherchent à acquérir puis fidéliser des abonnés Game Pass tout en démocratisant son xCloud. Que ce soit au salon californien ou à l’événement londonien, les têtes pensantes de la marque au gros “X” répètent que des opportunités de rachat de studio pourraient arriver en Asie. Plutôt que de penser naturellement au Japon, nos regards se tournent avant tout vers la Corée. Depuis fin 2017 et la sortie en exclusivité (console) de PUBG conçu par Bluehole, nous remarquons un certain rapprochement entre les développeurs de cette région d’Asie de l’Est et Microsoft. Black Desert de Pearl Abyss est sorti avec une exclusivité temporaire sur Xbox One, et Smilegate comme Nexon ont été mis en avant aux derniers E3 et X0 avec CrossfireX et KartRider Drift, tous les deux annoncés seulement sur Xbox One et PC pour le moment. Il ne serait donc pas étonnant de voir le géant américain profiter de sa puissance financière pour investir dans cette partie du globe, d’autant plus que la Corée du Sud a fait du jeu vidéo son loisir le plus populaire.
Ce sont pourtant les développeurs japonais qui intéressent considérablement les joueurs occidentaux, qu’ils habitent en France ou aux Etats-Unis. Il est difficile de balayer d’un revers de main des années 1990 globalement dominées par des productions nippones. Malgré quelques exclusivités glanées grâce au tempérament chaleureux d’un Seamus Blackley devenu ami de Tomonobu Itagaki (Dead or Alive, Ninja Gaiden), l’entente entre Microsoft et les studios japonais a connu des turbulences dès la première Xbox au début des années 2000. Nous nous rappelons encore de True Fantasy Live Online, le MMORPG exclusif développé par Level-5 brusquement annulé en 2004. Dix ans plus tard, Microsoft annonce à sa conférence E3 Scalebound, un Action-RPG produit par PlatinumGames. Le titre est finalement annulé en 2017.
Si nous nous fions aux historiques des diverses sociétés, deux futurs hypothétiques partenaires sortent du lot. Le plus évident est Mistwalker. Le studio fondé par Hironobu Sakaguchi (Final Fantasy) avec la participation de Microsoft a engendré pendant les années Xbox 360 le charmant Blue Dragon (2006) et le mystique Lost Odyssey (2007), deux productions exclusives à la machine américaine. Depuis, le studio a pris ses distances avec Microsoft et développe des jeux pour d’autres supports, principalement mobiles. Renouer des liens forts avec Mistwalker apporterait des créations japonaises de type JRPG qui parleraient forcément aux fans du genre, au même titre qu’un Obsidian interpelle les fans de RPG occidentaux.
Le second partenaire japonais qui pourrait potentiellement intéresser Microsoft est From Software. Avant que Bloodborne devienne une exclusivité PlayStation 4, From Software a collaboré un certain temps avec Microsoft. Des titres comme Metal Wolf Chaos, Otogi (1 et 2) ou encore Chrome Hounds sont sortis seulement sur les consoles Xbox de l’époque. Depuis 2018, les jeux conçus par le studio japonais tels que Sekiro Shadows Die Twice et Elden Ring sont annoncés lors des conférences E3 tenues par Microsoft, preuve que les équipes de Spencer sont en contact rapproché avec From Software.
L’Europe des possibles
Depuis le rachat de Rare en 2002, la firme de Redmond a acquis trois autres studios européens avec Mojang, Ninja Theory et Playground. Sur ces quatre studios, trois sont britanniques, un est suédois. S’il y a bien un développeur européen qui semble posséder tous les critères pour se rapprocher définitivement de Microsoft, c’est Asobo. Les Bordelais entretiennent de bonnes relations avec Xbox. Ils planchaient sur Hololens alors que la technologie n’était pas encore présentée au public, et ils ont participé au développement de Zoo Tycoon, Disneyland Adventures, ReCore et Quantum Break, des softs qui ont été édités par le constructeur américain. Le studio conçoit actuellement Microsoft Flight Simulator grâce à une technologie basée sur Azure. Asobo s’est également révélé cette année avec A Plague Tale : Innocence, un jeu d’aventure/infiltration particulièrement bien réalisé. Sa suite serait en chantier chez Focus. Tous ces arguments pourraient peser en faveur du développeur français en cas d'un désir mutuel de rapprochement.
Du côté de l’Autriche, Moon Studios continue d’impressionner à chaque fois que ses équipes lèvent un morceau du voile qui entoure Ori and the Will of the Wisps. Lors de notre entretien avec Phil Spencer au Copper Box Arena, le grand manitou de Xbox avouait qu’Ori était sûrement son jeu préféré de cette génération. Bien qu’indépendante, la société Moon Studios fait partie des développeurs first party de la firme de Redmond. Pourrait-on assister à un mariage de raison au cours des prochains mois ?
Playdead est un autre studio indépendant qui a fait les beaux jours de la marque Xbox. Située à Copenhague, la société a accouché de Limbo et d’Inside, deux titres appréciés qui ont connu des exclusivités temporaires sur les consoles Xbox. Nous savons que les équipes travaillent sur un nouveau projet. Même si la cadence lente des sorties éloigne le studio des critères requis pour faire de l’œil à la firme de Redmond, ses propositions toujours très qualitatives en feraient un allié de choix pour le géant américain.
D’autres studios auraient évidemment leur place chez Microsoft. Playtonic pourrait développer des jeux de plateforme, mais le constructeur possède déjà Rare et Double Fine. Supermassive Games aurait de quoi apporter des jeux narratifs à la Xbox, mais la qualité trop irrégulière de leurs productions a de quoi refroidir les ardeurs. La société Remedy est entrée en bourse et s’est rapprochée de Sony avec Control, bien que le mode solo de CrossfireX soit pour le moment une exclusivité Xbox. Enfin, Dontnod est également entrée en bourse et produit des projets pour de multiples partenaires. Un de ces projets n’est autre que Tell Me Why, l’Interactive Drama financé par le constructeur américain. Il faut néanmoins se rappeler que la firme de Redmond n’a pas eu que des histoires heureuses avec ses développeurs européens, à l’image du studio Lionhead fermé en 2016.
À l’Ouest, rien de nouveau ?
Lorsque nous évoquons le sujet de futures nouvelles acquisitions avec Phil Spencer, le Canada et les Etats-Unis ne semblent pas sortis de l’équation. Situé à Oakville, le studio MDHR, à qui l’on doit Cuphead, a prouvé sa capacité à fournir un jeu qui ne ressemble à aucun autre. Les fondateurs ont souvent expliqué le succès de leur titre par la force marketing du géant américain. Enfin, il y a eu beaucoup de rumeurs l'année dernière à propos d’un éventuel rachat de Ready at Dawn (The Order : 1886). Cependant, le studio californien semble très attiré par la réalité virtuelle, ce qui n’en fait pas un candidat intéressant pour Microsoft, du moins pour le moment.
Bien sûr, il y a plusieurs studios dans le monde qui pourraient entrer dans le périmètre Xbox. Nous pensons à Playful (Super Lucky's Tale), IO Interactive (Hitman) ou encore Larian Studios (Divinity). D’anciens first party sont redevenus indépendants (Bungie) et d’ex-partenaires proposent encore des exclusivités temporaires (Crytek). Chaque signe ne doit pas être interprété comme une déclaration d’union, mais la firme de Redmond reconnaît elle-même ne pas en avoir terminé avec l’agrandissement de sa famille. Spencer et Booty ont déclaré qu’il n’y avait pas de planning imposé pour les rachats, et qu’il fallait savoir saisir les opportunités quand elles se présentaient. Les deux dirigeants savent néanmoins que le succès du Game Pass – mais aussi celui de la Scarlett – dépendra de la variété du catalogue d’exclusivités qu’ils seront capables de présenter.