Vacances obligent, nous n’avons pas pu vous proposer un test des nouvelles cartes graphiques estampillées AMD et NVIDIA en même temps que nos petits camarades journalistes. Toutefois, ce n’est pas pour autant que nous esquiverons le sujet, notamment parce que cette nouvelle passe d’armes entre les deux fabricants devrait nous éclairer sur le potentiel de la nouvelle architecture Navi, avec laquelle AMD espère poser les bases d’une reconquête dans le domaine PC, et d’une conservation des acquis sur la sphère des consoles de salon. Notez toutefois que par manque de temps, nous ne rentrerons pas dans les détails techniques autant que par le passé, de même que nous nous contenterons d’aborder ces nouvelles cartes sous un angle classique, sans analyse pointue des fonctionnalités annexes comme les suites logicielles fournies ou les performances RTX / IA. Tout cela étant précisé, place au test.
NVIDIA et AMD vont donc s’affronter une nouvelle fois avant la trêve estivale, en lançant chacun plusieurs modèles de cartes graphiques, et avec des stratégies d’approche très différentes. Commençons par les camps des verts, qui a dévoilé son architecture Turing il y a à peine un an, un temps évidemment trop court pour envisager un nouveau bouleversement d’envergure. En annonçant 3 nouvelles cartes RTX sur le marché, NVIDIA ne fait à l’évidence que repositionner son catalogue par rapport aux annonces de son concurrent, et les données de spécifications fournies vont tout à fait dans ce sens : la RTX 2060 SUPER se différenciera ainsi de son ainée la RTX 2060 par un bonus d’unités de calcul et une augmentation du système mémoire associé, les fréquences de fonctionnement ne variant pas sensiblement. Même esprit pour la RTX 2070 SUPER, qui va elle aussi récupérer de la capacité de traitement, et un très léger plus de fréquence. En dehors de ces ajustements, on reste sur des produits fondamentalement inchangés, et nous vous renvoyons vers notre dossier de lancement sur la gamme RTX pour parcourir l’ensemble des caractéristiques de l’architecture Turing.
Du côté d’AMD à contrario, il s’agira de faire oublier la triste Radeon VII, en proposant une nouvelle architecture GPU baptisée RDNA, sur la base d’un process de fabrication 7 nm. Et qui dit nouvelle architecture dit forcément des changements à de nombreux niveaux. Moteur d’affichage, moteur d’encodage, algorithmes de compression, niveaux et structure des différents caches, ou structures des unités de calcul (Compute Units) : AMD a revu en profondeur ses compromis techniques, afin de viser une nette amélioration des performances à nombres d’unités équivalentes, et surtout, de gros progrès en matière d’efficacité énergétique. Rappelons à toutes fins utiles que ce dernier argument était l’un des aspects qui a mis les produits rouges en défaut ces dernières années.
Avant d’égrener les chiffres de performances, un dernier mot de présentation sur les designs de cartes. Les PCB et systèmes de refroidissement des versions SUPER n’évoluent pas significativement par rapport aux RTX originales. Si l’on met de côté l’ajout de quelques éléments visuels, on constate surtout que la RTX 2070 SUPER passe sur une alimentation externe 6+8 broches, tandis que la RTX 2060 conserve une configuration 1x8 broches. Dans les deux cas, NVIDIA continue de miser sur sa nouvelle ventilation axiale, au contraire d’AMD, qui propose sur ses deux 5700 et 5700XT un système de refroidissement de type « blower ».
RTX 2060 | RTX 2060 SUPER | RTX 2070 | RTX 2070 SUPER | Radeon 5700 | Radeon 5700XT | |
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Architecture / GPU | Turing TU106 | Turing TU106 | Turing TU104 | Turing TU104 | Navi | Navi |
Process de gravure | 12 nm FFN | 12 nm FFN | 12 nm FFN | 12 nm FFN | 7 nm | 7 nm |
Unités de calcul | 1920 | 2176 | 2304 | 2560 | 2304 | 2560 |
Tensor Core | 240 | 272 | 288 | 320 | NA | NA |
RT Core | 30 | 34 | 36 | 40 | NA | NA |
ROPs | 48 | 64 | 64 | 64 | 64 | 64 |
TMU | 120 | 136 | 144 | 184 | 144 | 160 |
GPU Base Clock | 1365 | 1470 | 1410 | 1605 | 1465 | 1605 |
GPU Boost Clock | 1680 | 1650 | 1710 | 1770 | 1725 | 1905 |
Mémoire | 6 Go GDDR6 | 8 Go GDDR6 | 8 Go GDDR6 | 8 Go GDDR6 | 8 Go GDDR6 | 8 Go GDDR6 |
Fréquence mémoire | 14 Gbps | 14 Gbps | 14 Gbps | 14 Gbps | 14 Gbps | 14 Gbps |
Bus mémoire | 192 bits | 256 bits | 256 bits | 256 bits | 256 bits | 256 bits |
Et maintenant que les différentes forces en présence ont été exposées, répondons à la question de ce qu’elles vont pouvoir offrir en termes de performances 3D. En haut du classement et assez loin devant le reste du groupe, on trouve la RTX 2070 SUPER. Le boost d’unités de calcul et de bande passante porte la nouvelle venue au niveau d’une GTX 1080 Ti, et à 17% au-dessus d’une RTX 2070 classique. Ce faisant, elle n’est qu’à 7% d’une RTX 2080 Founders Edition, et en attendant une future RTX 2080 SUPER, cette version 2070 survitaminée devrait présenter un rapport qualité-prix intéressant.
Le vrai match se joue quant à lui entre la RTX 2060 SUPER et la Radeon 5700XT, puisqu’elles sont au coude à coude. Sur notre panel de jeux DirectX 11, c’est NVIDIA qui est devant de 2 à 3% selon les résolutions. Mais sous DirectX12, et comme bien souvent, AMD refait son retard, et devance même son concurrent de 5 à 7%. Comme vous le constatez, le choix des jeux pris en référence peut influer assez nettement sur les performances de chaque architecture. Aussi il parait assez logique de considérer que 5700XT et 2060 SUPER se tiennent. La Radeon 5700, quant à elle, est en retrait d’environ 10% sur sa grande sœur, et va plutôt aller titiller l’actuelle RTX 2060.
Nous avons utilisé pour ces évaluations de performances notre protocole habituel, que vous pouvez consulter à cette adresse
Les résultats d’AMD sont donc honorables dans l’absolu. Toutefois, au-delà de ces premiers chiffres, AMD continue d’accuser un certain retard dans d’autres domaines. En matière de consommation notamment, une 5700 XT est aussi exigeante qu’une RTX 2080 ou qu’une RTX 2070 SUPER, sans en offrir les performances. Même musique pour la 5700, qui tire 180 Watts sur l’alimentation, alors que sa concurrente logique, la RTX 2060, demande plutôt autour des 165 Watts. En valeur, les chiffres ne sont plus aussi significatifs qu’il y a deux ou trois ans, preuve qu’AMD a réellement fait des efforts sur cet aspect, mais la concurrence garde une avance tout de même.
Autre cause de déception : le choix du système de refroidissement, qui comme nous nous y attendions, dessert les Radeon. En charge, les systèmes axiaux des Founders Edition proposent des prestations parfaitement maitrisées en termes de nuisances sonores, tandis que les blower AMD soufflent systématiquement plus fort, avec un plus haut à 54 dBA pour la 5700XT. On se consolera en constatant que les températures des Radeon sont en nette baisse par rapport à ce que l’on a connu sur certains modèles : 82°C en charge pour la 5700 et 86 pour la 5700XT. Il s’agit là de valeurs tout à fait classiques… Il n’en reste pas moins qu’AMD aurait gagné à délivrer en même temps que ses cartes de références des déclinaisons plus abouties et issues de ses partenaires habituels (comme Sapphire).
En l’état, les Radeon vont clairement avoir du mal à se faire une place sur le marché actuel. Outre les retards dont nous venons de parler, NVIDIA a évidemment pris soin de repositionner les tarifs de ses produits : commercialement, la Radeon 5700XT s’oppose frontalement à la RTX 2060 SUPER, avec des tarifs moyens de 450€ pour l’une et 481€ pour l’autre. Sans ray tracing, sans unités dédiées à l’IA, et avec des performances environnementales en retrait, la carte d’AMD a peu d’espace d’expression. Une conclusion qui va s’appliquer tout autant à la Radeon 5700 qui fait face à une RTX 2060 (402€ contre 413€ en moyenne), avec qui elle fait jeu égal niveau performances, mais qui lui est supérieure sur tout le reste.
Au regard de tout cela, nous n’avons pas le sentiment que les cartes Navi ont changé la donne, contrairement à ce que beaucoup espéraient. Certes, les performances 3D sont bonnes, mais NVIDIA a prouvé avec des modèles comme les RTX 2080 ou 2080 Ti qu’il avait les moyens d’aller bien au-delà, tout en offrant des nouveautés via des unités dédiées à l'IA ou au ray tracing. Sur la base d'une simple puissance brute, il reste difficile d’aller titiller un constructeur aussi installé. Il faut cependant replacer les choses dans un certain contexte : une architecture GPU représente 4 à 5 ans de travail, et cette logique laisse à penser que Navi s’est développé pendant une période encore compliquée pour AMD, d’un point de vue financier, et alors même que son concurrent engrangeait les bénéfices. Grâce à l’impulsion donnée par le succès des CPU Ryzen, AMD pourrait retrouver les moyens d’innover significativement sur une prochaine architecture GPU. C’est évidemment tout le malheur qu’on leur souhaite.