En avril 2018, La Commission des Jeux de Hasard en Belgique a pris une décision importante : considérer les « loot boxes » comme des jeux de hasard. Un choix fort qui pointe du doigt un pan entier des micro-transactions dans le jeu vidéo, mais dont tout le monde n'a peut être pas encore compris l'impact et l'importance.
Vous avez sans doute déjà entendu parler de cette décision, comme de nombreux gamers, que vous soyez en Belgique ou ailleurs. Depuis maintenant plusieurs mois, les éditeurs retirent les systèmes de lootboxes payants pour le plat pays afin d'éviter de potentielles poursuites pénales. Compte tenu de la manne financière que représente ce type de micro-transaction, il fait nul doute que l'impact sur le marché Belge est gigantesque, raison pour laquelle il est important de se demander quelles seraient les conséquences d'une globalisation de cette décision dans le reste du monde. Mais pour mieux expliquer pourquoi je crois, qu'une généralisation de cette initiative serait bénéfique pour le secteur, expliquons plus en détail le problème initial.
Le hasard pour tous ? Non merci
La décision de la Commission des Jeux de Hasard belge ne vise pas toutes les micro-transactions, mais bien les loot-boxes : ces éléments représentés par des coffres/packs/whatever, qui peuvent être obtenus par de l'argent réel et dont vous ne connaissez pas le contenu avant ouverture. Acheter une skin de Fortnite, par exemple, n'est pas un acte touché par cette décision. Nous parlons par exemple d'un pack de cartes dans HearthStone/FIFA19, ou même de l'obtention de nouveaux persos dans la plupart des free-to-play mobile comme Final Fantasy Brave Exvius. En considérant ces « loot boxes » comme des jeux de hasard, cela veut donc dire que les produits qui en contiennent doivent forcément être interdits aux mineurs, comme l'indique la loi dans pratiquement tous les pays industrialisés.
Or, fait important, la Belgique ne dispose d'aucun système de classification qui interdit la vente aux mineurs : le PEGI, valable pour toute l'Europe, n'est qu'un système de recommandation. Même avec un PEGI 18, les jeux contenants des loot boxes resteraient donc dans l'illégalité, et leurs éditeurs pourraient être poursuivis par la justice belge. Ainsi, de nombreux éditeurs se sont pliés à la loi en supprimant les systèmes de loot boxes sur leurs jeux en Belgique avec de l'argent réel, créant ainsi une certaine forme de déséquilibre en matière de game design, mais aussi par rapport aux autres pays. Quand aux jeux dont les loot boxes n'étaient accessibles qu'avec une monnaie pouvant être obtenue, entre autres, par de l'argent réel, ils ferment carrément leurs portes aux joueurs résidant en Belgique. C'est justement le cas de Final Fantasy Brave Exvius que nous citions plus haut.
Loot-boxes, un vrai mal du jeu vidéo
La question que l'on peut alors se poser est la suivante : les loot boxes sont-elles un si grand problème dans le jeu vidéo ? Pour moi, cela ne fait aucun doute. L'idée n'est pas de remettre en cause comment chacun dépense son argent, mais plutôt de rappeler la dangerosité de mettre des jeux de hasard dans les mains de n'importe qui. Aujourd'hui encore, en France, un joueur de 11 ans peut acheter FIFA 19, jouer à Ultimate Team et se retrouver devant une véritable roulette de casino s'il veut que son équipe évolue convenablement. Dans la plupart de ces titres, ne pas dépenser d'argent ralentit drastiquement votre progression, surtout lorsqu'il s'agît de jeux compétitifs. On ne peut raisonnablement pas demander à des enfants d'être assez responsables pour se « restreindre », et c'est d'ailleurs pour cela que les portes des casinos leur sont, légalement, fermées. Ainsi, je trouve réellement inconcevable que de nombreux pays n'aient pas encore pris une décision similaire, bien que la question soit souvent posée, y compris en France ou aux Etats-Unis. En cause, les gouvernements ne veulent pas se mettre à dos les acteurs du marchés du jeu vidéo tant le secteur est prospère. Mais ces barrières sont indispensables.
Au-delà de l'aspect légal de l'accès à des jeux de hasard par des mineurs, il faut aussi se rappeler que les loot boxes ne sont pas seulement des jeux de hasard. Ils sont de très, très mauvais jeux de hasard. Pour revenir à notre exemple de casino, non seulement vous connaissez vos chances de gagner (via un calcul mathématique basique), mais l'argent que vous empochez en cas de réussite a une valeur réelle et immédiate. Les loot boxes, elles, sont perfides : les chances d'obtenir ce que vous voulez sont rarement claires (quand elles sont connues) et vous ne gagnez pas d'argent, mais des éléments soumis à un game design. Votre nouveau joueur de FIFA 19, pour reprendre cet exemple, peut très bien perdre de sa valeur en jeu à cause de l'arrivée d'une nouvelle version plus forte le mois suivant. C'est le cas dans tous les gachas et cela porte un nom, le Power Creep. De plus ce que l'on gagne n'a que rarement une valeur monétaire (vous ne pouvez pas revendre vos loots contre de l'argent réel). Si on ajoute les prix hallucinants de la plupart de ces loot boxes et le fait qu'une belle partie d'entre elles font partie de jeux payants à l'achat, il y a vraiment de quoi s'inquiéter quant à la tournure des choses.
En conclusion, si aujourd'hui les joueurs belges se sentent désoeuvrés, ayant l'impression d'être les mauvais dindons de la farce, je pense qu'ils peuvent être fiers d'être dans un pays qui a fait un choix important, qui on l'espère, sera précurseur d'un effet mondial contre un système malsain pour les mineurs, ainsi que pour le jeu vidéo en règle générale.