La Nintendo Switch, sortie le 3 mars 2017, est un succès indéniable qui a marqué le retour de la firme de Kyoto sur le devant de la scène, remontant une pente plutôt raide pour Nintendo. Faire oublier l'échec de la WiiU, vendue à seulement 13,56 millions d'unités, était déjà un exploit en soit. Deux ans après, voyons ce que la console hybride a apporté, et ce qui lui reste à faire.
Dès la première présentation officielle de la Nintendo Switch en octobre 2016, le monde avait compris que Nintendo ne comptait pas reproduire des erreurs de la Wii U. Trois minutes et trente-sept secondes entièrement dédiées à montrer son concept, c’est bien ce qu’il fallait pour convaincre les joueurs de ses capacités. De son logo à son nom en passant par le bruit distinctif du clip de ses Joy-Con, l’univers Switch était déjà né 6 mois avant sa sortie. Une console hybride et simple d’utilisation, jouable en mode portable ou sur la télé, en solo ou à plusieurs. Avec une nouvelle présentation en janvier, et surtout grâce à la présence à sa sortie de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, un des jeux les plus acclamés de tous les temps par les joueurs et la critique, la machine est partie sur les chapeaux de roue sur la route du succès, avec des chiffres de ventes impressionnants. L’action Nintendo explose, le champagne coule dans les locaux de Kyoto et on peut déjà regarder l’avenir avec un œil confiant… N’est-ce pas ?
Un succès indéniable
Si on regarde au global ce qui s’est passé ces deux dernières années, il n’y a pas de doute : la Nintendo Switch est un vrai succès. Elle s’est écoulée à 32,27 millions d’exemplaires au 31 décembre 2018, c’est à dire bien plus que la Wii U et ses 13,56 millions de consoles vendues, ou que la Gamecube qui pointe à 21,74 millions. En moins de deux ans, c’est impressionnant, d’autant que tout porte à croire qu’elle a aujourd’hui dépassé la Nintendo 64 et ses 32,93 millions d’exemplaires écoulées, en faisant déjà la quatrième console de salon la plus vendue par Nintendo. Cette réussite, on la doit à plusieurs éléments.
Un message clair
La première évidence, c’est que son concept a été compris, et parfaitement intégré par les joueurs ciblés. Et les joueurs ciblés, ce sont les jeunes adultes, voire si possible, les jeunes parents. Avec son format transportable, il mélange le côté pratique de la partie dans le lit avec le confort du jeu sur TV, passant de l’un à l’autre en un instant. Un format idéal pour une utilisation familiale, notamment par ceux qui n’ont pas toujours le temps ou l’occasion de s’installer sur le canapé pour jouer plusieurs heures. La praticité des Joy-Con et des changements de format de jeu est un gros plus pour les jeunes enfants et les parties multi, deux arguments de ventes importants pour Nintendo.
Le game design au centre de son concept
Autre très bon point qui a su se confirmer sur ces dernières années : la présence de jeux parfaitement adaptés au concept de la console. Nintendo a lui-même montré la voie avec Breath of the Wild : un univers dense dans lequel on peut passer des heures, mais un game design qui n’interdit pas les sessions de jeu courtes avec l’idée de constantes découvertes et la présence de 120 sanctuaires, comme des mini-donjons à jouer sur le pouce. Super Mario Odyssey, sorti en octobre 2017, suivait la même voie avec ses lunes éparpillées dans les mondes. L’esprit de la console est ainsi respecté. De part sa structure qui facilite énormément les portages, notamment de jeux PC, les développeurs indépendants s’en sont donné à coeur joie, offrant une ludothèque conséquente à la Nintendo Switch. Tous ces jeux au design rétro, pour une console vendue à des gamers adultes qui jouaient dans les années 80/90 ? Bingo ! On ne compte plus les exemples de jeux indépendants qui se sont offerts une seconde vie sur Nintendo Switch, comme Shovel Knight : le titre de Yacht Club Games s’est plus vendu sur la dernière console de Nintendo que sur toutes les autres plates-formes réunies, en seulement un mois d’exploitation sur Switch. Si vous vous demandiez pourquoi tant d’indépendants ressortaient leur jeu sur cette machine, maintenant vous savez.
Nintendo Touch
Evidemment, l’historique de Nintendo est pour beaucoup dans ce succès. A ce niveau, il est évident que la firme nippone n’est pas logée à la même enseigne que PlayStation et Xbox. Le public Nintendo pardonne beaucoup plus les échecs du Big N que les fans des autres marques. On pourrait parler de naïveté ou de manque d’exigence, mais n’oublions pas une chose : cela fait maintenant presque 40 ans que Nintendo fait des jeux, et nombreux sont ceux qui ont atteint un niveau d’excellence tel qu’ils ont modifié la vision du game design par l’industrie. Oui, les joueurs ont confiance, et naturellement, les jeux Nintendo se vendent. Pour preuve, encore jeune et avec seulement 32,27M exemplaires vendus, la Switch a vu cinq de ces jeux se vendre à plus de 10 millions d’exemplaires selon des chiffres arrêtés le 31 décembre 2018 :
- Mario Kart 8 Deluxe : 15,02 M
- Super Mario Odyssey : 13,76 M
- Super Smash Bros Ultimate : 12,08 M
- The Legend of Zelda : Breath of the Wild : 11,68 M
- Pokémon Let's Go, Pikachu/Evoli: 10,00 M
Vous ne l’avez peut-être pas noté, mais Super Smash Bros. Ultimate, en troisième position ici, n’est sorti que le 7 décembre 2018. Il s’est donc vendu à plus de 12 millions d’exemplaires, sur une seule plate-forme, en seulement 24 jours. Invraisemblable. Il faut dire qu'avec une sortie juste avant Noël, il était difficile de se tromper. Comme le montrent les graphiques ci-dessous, la période de fêtes 2018 fut synonyme de record pour la Switch, avec des ventes bien supérieures à la fin d'année 2017.
Les points faibles du colosse
Devant un succès aussi résonnant, on serait presque tenter de dire que Nintendo a réussi tout ce qu'il a entrepris. Pourtant, la Switch garde quelques parts d'ombre qui ternissent le tableau, nous rappelant que la firme de Kyoto a encore du pain sur la planche.
Nintendo Switch Online
Le fonctionnalités en ligne font évidemment partie des griefs récurrents des joueurs, à juste titre. La qualité des services Online de Nintendo est constamment remise en question. D'abord gratuit, puis payant à raison de 19,99 € par an, il n'aura pas convaincu les foules, à un niveau qui ne peut s'expliquer par son prix amoindri par rapport aux autres plates-formes. Gestion des amis archaïque, chat vocal via téléphone portable, absences de serveurs dédiés sur des jeux comme Super Smash Bros Ultimate avec un vrai impact sur la qualité des parties, le résultat est pour le moins inquiétant. C'est d'autant plus notable quand on sait que Nintendo prône l'accessibilité et la simplicité de ses services, là où communiquer en ligne et avec ses amis est beaucoup plus complexe que sur les autres machines. La présence de oldies offerts est une compensation réelle, mais malheureusement bien légère quand les features de base ne sont pas à la hauteur.
La ludothèque
La Nintendo Switch n'a pas à rougir de son rythme de sortie de jeux, bien loin du désert de la Wii U. Cependant, Nintendo a encore du mal à trouver les armes pour attirer le public adolescent/adulescent, qui représente une portion loin d'être négligeable des joueurs. Dès le mois de novembre 2016, bien avant sa sortie, nous vous disions que la Switch allait avoir du mal à attirer les éditeurs tiers avant l'année 2018, car ces derniers voulaient voir la machine faire ses preuves (après l'échec de la Wii U) avant de s'y investir. C'est c'est effectivement ce qu'il s'est passé. Malgré de nombreux portages, rares furent les jeux développés avec la Nintendo Switch en tête en dehors de ceux estampillés Nintendo, sur toute l'année 2017 et début 2018. Depuis la fin d'année dernière, la donne change petit à petit et l'avenir semble meilleur pour 2019 avec des jeux comme Mortal Kombat 11 ou Dragon Quest Builders 2 qui sortent sur la Switch en même temps que les autres plates-formes. Toutefois, une chose ne changera jamais : les caractéristiques techniques empêcheront toujours certains jeux d'apparaître sur la console de Nintendo, ce qui reste un manque à gagner : quand Apex Legends fait un buzz mondial et qu'il n'est disponible que sur PC, PS4 et One, ce n'est pas Tetris 99, malgré ses qualités indéniables, qui va rattraper le coup en matière de popularité.
Quel avenir ?
Maintenant que nous avons observé ces deux dernières années, voyons ce que le futur peut réserver pour la Nintendo Switch. La bonne nouvelle, c'est que les deux plus gros défauts de la machine pourraient bien se voir résorbés dans les mois à venir et ce en grande partie grâce au partenariat avec Xbox qui ne fait guère de doute aujourd'hui. Non seulement l'arrivée de jeux issus du Gamerpass serait une aubaine pour la ludothèque de la machine, mais l'utilisation potentiel d'un service online Xbox performant pourrait palier les errances du Nintendo Switch Online. Oui, ce deuxième point est beaucoup plus conditionnel, mais cela reste une vraie possibilité qui serait un deal logique pour le Big N. En plus de cela, Nintendo a toujours ses exclusivités avec quelques monstres à venir pour 2019 : Super Mario Maker 2 en juin et surtout Pokémon Epée/Bouclier en fin d'année ont tous les deux la silhouette d'un carton assuré, aidés par des jeux comme Yoshi's Crafted World, Fire Emblem Three Houses ou encore Animal Crossing. A moins d'un accident industriel, on voit mal ce qui pourrait gêner l'ascension de la console cette année, tant elle semble seule dans sa catégorie. Pas de doute, la Nintendo Switch est sur une excellente dynamique, et ça risque de durer.