Le 19 juin 2018, le géant spécialisé dans la distribution de jeux vidéo GameStop annonçait être en discussion avec d’autres entreprises au sujet d’une revente possible de son activité. Le Wall Street Journal s’était même avancé sur quelques acheteurs potentiels en citant Sycamore Partners et Apollo Global. Des négociations qui ont échoué, comme l’a annoncé le groupe dans un communiqué datant du 29 janvier 2019. "Le conseil d’administration de GameStop a maintenant mis un terme à ses efforts en vue de la vente de la société en raison du manque de financement disponible à des conditions qui seraient commercialement acceptables" indiquait le rapport. Une annonce qui a engendré une chute importante du cours de la société, ce dernier étant passé de 15,90 dollars le 25 janvier 2019 à 11,20 dollars cinq jours plus tard.
L’onde de choc s’est ressentie jusqu’en France, où les dirigeants de Micromania ont dû trouver les bons mots pour rassurer leurs employés et clients suite aux déboires de la maison-mère américaine. Pour Laurent Bouchard, directeur général de Micromania-Zing, “il y a eu une interprétation particulière de ce communiqué en France”. Selon lui, les boutiques ne sont pas menacées de fermeture, et l’exercice 2018 du groupe serait le second meilleur exercice de toute son histoire. L’objectif reste inchangé : être au sommet de la distribution en France dans tout ce qui touche à la pop culture.
Combattre les rumeurs par les résultats
Rachetée par l’Américain GameStop en 2008 à hauteur de 480 millions d’euros, l’enseigne Micromania s’est trouvée au centre de différentes rumeurs suite aux annonces de sa maison-mère qui n’a pas trouvé de repreneur. Sous le coup d’une dette de 815 millions de dollars et toujours à la recherche d’un dirigeant depuis le départ précipité de Michael K. Mauler, GameStop a vu son cours chuter de plus de 26% en un mois et a suscité beaucoup d’interrogations. “Ma première réaction a été de démentir le fait que cela pouvait avoir des répercussions sur notre entreprise” nous explique Laurent Bouchard, directeur général de Micromania-Zing. “Je me suis beaucoup inquiété pour tous les salariés qui travaillent pour nous aux quatre coins de la France”. Avec plus de 400 boutiques situées dans l'hexagone, Micromania emploie près de 1500 collaborateurs directement au contact de la clientèle. Afin de ne pas nourrir de psychose dans ses propres rangs, la direction du groupe envoie rapidement un message en interne. “Nous avons écrit à nos équipes pour leur expliquer précisément quelle était la situation dans laquelle nous nous trouvons, et pour les rassurer sur la situation financière de Micromania”. Face aux rumeurs de fermeture apparues suite au communiqué de GameStop, Laurent Bouchard répond effectivement avec des chiffres (d’affaires). “2017 a été la plus grosse année réalisée par Micromania. L’exercice 2018 que nous venons de clôturer place l’année 2018 comme étant la seconde meilleure année jamais réalisée au niveau du chiffre d’affaires” indique le directeur général.
Ces bons résultats s’expliquent, selon le patron de Micromania-Zing, par une stratégie de diversification de l’activité. Commencée il y a quatre ans et officialisée en novembre 2017 avec l’arrivée de Zing, cette diversification s’articule autour de la vente de goodies sur les linéaires. “La croissance de ces produits dérivés est spectaculaire d’année en année. On leur accorde de plus en plus de place dans nos boutiques, et ils en prennent de plus en plus dans nos revenus” ajoute Laurent Bouchard. La société a un objectif de 150 millions d'euros en termes de revenus pour 2022 sur les produits dérivés. Même si la firme ne communique pas précisément sur les chiffres, le directeur général nous assure que les premiers résultats sont encourageants. “Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons déjà parcouru une grosse partie du chemin. Nous en sommes, en gros, au milieu”.
Micromania Zing ce n’est pas que du jeu vidéo, c’est aussi du loot. Majoritairement, nos clients viennent pour acheter du jeu vidéo. Puis ils se font plaisir en achetant des produits dérivés. La tendance est néanmoins en train de bouger. 16% de nos nouveaux clients sont des clients qui n’ont acheté que du produit dérivé. Nous constatons également que nous voyons plus de familles et de femmes dans nos boutiques.
Continuer les investissements
L’objectif affiché est de faire de Micromania-Zing une enseigne incontournable dans tout ce qui touche à la pop culture. Pour répondre à ce défi, la société investit et agrandit certains de ses magasins, faisant passer la surface habituelle de 110 m² à une surface oscillant entre les 150 et 200 m². Agrandir ces boutiques qui se trouvent dans des centres commerciaux signifie de les déplacer, c’est-à-dire fermer le magasin actuel pour aller dans un espace plus grand se situant à proximité. “Pour le moment, nous n’avons qu’une petite dizaine de magasins qui ont été transformés comme cela, mais nous espérons en avoir une trentaine d’ici la fin de l’année 2019” explique Laurent Bouchard. En outre, Micromania travaille sur une nouvelle version de son site internet (prévue pour la rentrée prochaine) pensée pour être “plus dynamique et performante” ainsi que sur de meilleures façons de le lier aux magasins. “Nous croyons en l’avenir, et nous investissons beaucoup d’argent” ajoute le directeur général.
Sur le marché physique, nous sommes leaders et nous avons gagné des parts de marché en 2018. Nous avons plus de 6 millions de clients uniques qui ont consommé dans nos magasins au cours de ces 3 dernières années, ce qui est colossal.
Accompagner ou contourner le dématérialisé
Selon les prévisions pour 2019 accessibles sur le compte officiel Twitter de Micromania-Zing, la stratégie des boutiques “s’accompagne d’une profonde prise en compte du phénomène de digitalisation du secteur”. Bien que le jeu physique garde une place importante dans le modèle économique de la société, les habitudes de consommation changent. Contre cette ombre menaçante qui plane sur le marché du physique, l’enseigne ne se considère pas désarmée. “La dématérialisation du jeu vidéo, elle est là, c’est le sens de l’histoire” concède Laurent Bouchard. “À une certaine échéance, nous sommes obligés de trouver un palliatif au fait que la numérisation ne nous revient pas complètement”. Il est certain que si l’entreprise décide d’accompagner la digitalisation des jeux, il est possible qu’elle assiste, petit à petit, à une baisse des recettes liées à la revente des jeux issus de l'occasion.
La vraie question pour nous est plus de regarder comment se passe le virage de la numérisation et comment nous allons accompagner ce mouvement. Ou comment nous allons le compenser, le cas échéant.
Aujourd’hui, Micromania-Zing vend des cartes prépayées de toutes sortes, pensées pour les plus jeunes et les personnes ne désirant pas enregistrer une carte de crédit sur des services en ligne. De l’aveu même de son directeur général, un des deux segments les plus dynamiques n’est autre que la vente de ces cartes permettant de télécharger du contenu grâce à une connexion Internet. L’enseigne se prépare également à l’avènement du Cloud Gaming, nouveau terrain de jeu des GAFAM, en nouant un partenariat avec Shadow (Blade), pour le moment dans une vingtaine de magasins. “Les premiers résultats sont très intéressants” déclare Laurent Bouchard. “Nous sentons que c’est aussi l’avenir, et plutôt que de se dire que c’est une menace, on a plutôt tendance à se dire que nous allons l’accompagner”.
Malgré les propos rassurants du directeur général de Micromania-Zing, il est difficile de ne pas voir en l’absence de repreneur pour GameStop un certain manque de confiance des marchés par rapport à l’avenir de la vente de jeux vidéo en magasin. “GameStop est une société cotée depuis très longtemps et à mon sens, elle n’a pas besoin d’être rachetée pour continuer ses activités” conclut Laurent Bouchard. En 2019, Micromania-Zing va continuer ses investissements et compte sur la vente à la fois de produits dérivés et de cartes prépayées pour contrebalancer un recul du physique. Il reste désormais à voir si l’enseigne réussira à maintenir son cap alors qu’il se murmure déjà que la prochaine génération de consoles pourrait proposer des modèles sans lecteur de disques dans leurs entrailles.