Retranscription du compte rendu oral de la pilote Camil Tora :

Nous avons capté un appel de détresse d'un convoi UEE en difficulté. Ils signalaient une attaque d'envergure et demandaient assistance. Uji, qui commandait la mission, a immédiatement ordonné qu'on change notre trajectoire pour rejoindre les coordonnées de la balise de détresse.

À quelques distances de la zone de combat, il nous a fait couper les systèmes pour observer silencieusement la situation. Les pilotes UEE combattaient à un contre trois, et les assaillants n'étaient pas des amateurs. C'était de toute évidence des mercenaires, mais ils n'avaient pas d'emblème sur leurs coques et leurs identifiants étaient masqués.

Le convoi lui-même se composait d'un Idris et de deux starfarer lourdement chargés. L'idris avait les boucliers bien amochés et un de ses moteur avait été détruit, sans doute par une torpille… Les pilotes UEE étaient en train de céder à la panique.

On a relancé les systèmes, chargé l'armement, et on a foncé dans la mêlée. Uji a passé sa radio sur la fréquence de l'UEE et a crié aux militaires « tenez bon, on arrive en renfort » avant de se mettre à leur jouer un air d'harmonica. Ça ressemblait à la chevauchée des Valkyries.

Nous avons rallié les défenseurs et accroché quelques chasseurs. Uji continuait de lancer des encouragements dans la radio, et chaque fois qu'un pilote de l'escadrille ou de l'escorte UEE parlait de repli, un solo d'harmonica couvrait ses propos et nous mettait du baume au cœur.

Malgré nos efforts, nous avions perdu Jacques et deux autres pilotes UEE quand une corvette pirate est entrée dans la mêlée. Sa première salve a balayé le pont principal de l'idris après avoir achevé son bouclier. L'Idris était tout ce qui protégeait les deux transporteurs. Son artillerie tenait les chasseurs en respect et il constituait un abri pour fuir la mêlée quelques instants, le temps de régénérer les boucliers.

On ne pouvait pas se permettre de le perdre, les officiers de l'UEE ont été clairs : nous devions tous charger la corvette. C'était un plan stupide, notre armement ne pouvait pas percer son bouclier, l'Idris était perdu. Il suffisait de voir les explosions qui le parcouraient chaque fois qu'une nouvelle salve le touchait pour s'en rendre compte… Et il a explosé. Les starfarers avaient eu le temps de s'éloigner suffisamment pour ne pas être détruits par l'explosion, mais la corvette a dirigé ses canons sur leurs moteurs.

Nous avons bien essayé de la détruire, mais entre la DCA et les chasseurs ennemis, on se faisait massacrer. Un pilote, je ne sais pas qui c'était, peut-être un des nôtres, peut-être un des pilotes de la flotte, a déclaré qu'on allait tous mourir, qu'on avait échoué. Il a ajouté qu'il ne voulait pas mourir, il pleurait.

C'est alors qu'Uji est intervenu par radio. Il a dit que la honte n'était pas de mourir, mais de mourir sans un sourire aux lèvres et un trémolo dans le cœur. Et puis il s'est remis à jouer de son fichu instrument… et il a chargé ses moteurs de croisière. Son appareil s'est encastré dans la passerelle de la corvette. Le bouclier n'a pas pu l'arrêter et l'impact a littéralement tout pulvérisé sur bien trente mètres.

L'impact a détruit plusieurs ponts et sans doute tué les officiers. La corvette a été évacuée. Leurs chasseurs ont marqué une pause, ils devaient être surpris.

De notre coté, on était estomaqué, mais on a aussi surtout eu envie de tous les tuer. Du coup, nous leur sommes tombés dessus comme jamais, avec une rage que nous n'avions jamais ressentie. Et ils sont partis. Comme des lâches. Nous avions gagné, mais Uji et Jacques n'étaient plus là.

Lettre de l'état-major de la flotte UEE :

Chers responsables de la JVCorp,

Il y a quelques jours, vos pilotes ont porté assistance à un convoi Impérial en difficulté.

Il est bien évident que je ne peux pas vous révéler la nature de la cargaison que vous avez sauvé, mais sachez que c'était important. J'ai appris par les rapports qu'un de vos pilotes a été jusqu'à écraser son appareil sur la corvette adverse, coupant court à l'assaut et renversant la situation. J'ai consulté son dossier. Un pilote émérite, et sans aucun doute une grande perte pour votre organisation. Le fait qu'il se soit ainsi sacrifié pour l'UEE alors qu'il n'en était même pas citoyen ne peut pas rester sans récompense.

Par la présente lettre, je vous annonce que le pilote Uji Veedo reçoit la citoyenneté à titre posthume et que son nom a été ajouté à la liste des pilotes morts au combat pour l'Humanité.

Vous êtes de plus conviés à une cérémonie en hommage aux morts qui se tiendra sur les lieux de l'incident dans trois jours. La présence des pilotes de votre escadrille a été réclamée par les survivants du détachement d'escorte et j'approuve leur demande.

Je vous informe également que les recherches n'ont pas permis de retrouver le corps de votre pilote. Il aura sans aucun doute été détruit dans l'explosion. Nous avons en revanche trouvé son harmonica, coincé entre deux poutrelles métalliques. Cet instrument de musique semble avoir joué un rôle crucial dans la bataille et a été signalé à de nombreuses reprises dans les rapports qui me sont parvenus. Je le restituerai personnellement à vos pilotes lors de la cérémonie.

En dehors de cette cérémonie et du présent échange, il est bien évident que ces événements tels qu'ils se sont déroulés n'ont jamais eu lieux. Vous avez porté assistance à une patrouille de l'empire qui pourchassait un groupe de pirates et nous vous en remercions. À bon entendeur...

Je vous remercie encore une fois pour l'engagement désintéressé de vos pilotes ainsi que pour les sacrifices qu'ils ont consentis au service de l'UEE et vous promets que je vous renverrai la pareille à l'occasion.

Cordialement,

Commandant Ojerra.