Les archives récemment déclassifiées de l'US Army et de la CIA contiennent plusieurs milliers de pages au sujet des collaborateurs nazis pendant et après la seconde guerre mondiale. Ces archives sont particulièrement riches concernant les relations établies du coté des Alliés avec les diverses organisations nationalistes ukrainiennes après 1945.
Cet exposé se concentrera d'abord sur l'Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN) sous Stepan Bandera, puis sur la formation en exil du gouvernement clandestin ukrainien, appelé le conseil suprême de libération de l'Ukraine (ZP/UHVR) et dominé par les anciens partisans de Bandera devenus rivaux, Mykola Lebed inclus. Le niveau de détail fourni par ces archives permet désormais de se faire une image plus complète et plus précise de leurs relations avec le renseignement alliés sur plusieurs décennies.
Le décor.
L'Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN), fondée en 1929 par des ukrainiens de l'Ouest dans l'Est de la Galicie, se déclare comme partisane de la constitution d'une Ukraine indépendante et ethniquement homogène. Son principal ennemi est la Pologne qui contrôle alors les régions de la Galicie de l'Est et de la Volhynie et où se mélangent plusieurs communautés ethniques. L'OUN parvient à assassiner le ministre de l'Intérieur polonais, Bronislaw Pieracki, en 1934. Parmi les personnes jugées, condamnées, et emprisonnées pour le meurtre en 1936, se trouvent les jeunes activistes de l'OUN Stepan Bandera et Mykola Lebed. La cour les condamne à mort, et l'Etat commue leurs peines en emprisonnement à vie. Les deux ukrainiens ainsi condamnés parviennent à s'échapper en 1939 lors de l'invasion de la Pologne par les allemands.
A la suite du pacte germano-soviétique qui fit passer les régions de Galicie et de Volhynie sous contrôle de l'URSS, l'OUN tourne tout naturellement ses espoirs vers les allemands, étant données leurs conceptions idéologiques proches sur la question raciale. A la fin de 1939, les allemands hébergent les chefs de l'OUN à Cracovie, capitale alors du Gouvernement général de Pologne sous l'occupation allemande. En 1940, L'OUN se divise sur sa stratégie politique. La branche des plus anciens (et modérés) se range derrière Andrei Melnik (OUN/M, M pour Melnik) qui souhaite collaborer de façon étroite avec les allemands en attendant d'œuvrer patiemment pour l'indépendance de l'Ukraine ; tandis que la branche de Bandera (OUN/B, B pour Bandera), elle, rassemble les plus jeunes et radicaux et se veut une organisation fasciste militante désireuse d'obtenir l'indépendance de l'Ukraine immédiatement.
Après le lancement de l'invasion par les allemands de l'URSS le 22 Juin 1941, les équipes de Bandera retournent dans l'Est de la Galicie. Puis en rejoignant la capitale de la Galicie de l'Est, la ville de Lviv, le 30 Juin 1941, son plus proche émissaire, Jaroslav Stetko, proclame la souveraineté et l'unité d'un état ukrainien au nom de Stepan Bandera et de l'OUN/B. Stetko devenant ainsi premier ministre et Lebed, qui avait été entrainé dans un centre de la Gestapo en Pologne à Zakopane, le nouveau ministre de la Sécurité.
Les allemands bien résolus à exploiter l'Ukraine à leur propre profit insistent pour que Bandera et Stetko annulent cette proclamation. Quand ils refusent, eux, ainsi que les autres leaders de l'OUN/B, sont arrêtés. Bandera et Stetko sont initialement conduits à Berlin en maison d'arrêt. Et après Janvier 1942, ils sont envoyés au camp de concentration de Sachsenhausen, mais dans les quartiers pour les hautes personnalités politiques, et donc dans un confinement relativement confortable. Les postes administratifs et supérieurs de police auxiliaire dans l'Ouest de l'Ukraine reviennent alors au groupe de Melnik (OUN/M). Les formations de la police de sécurité allemande, quand à elles, reçoivent l'ordre d'arrêter et de tuer les loyalistes bandéristes dans l'Ouest de l'Ukraine pour écarter tout risque de soulèvement contre les autorités allemandes.
Suite à son évasion, Lebed reprend le contrôle de l'OUN/B dans l'Ouest de l'Ukraine, qui désormais doit opérer dans la clandestinité. Finalement, l'OUN/B infiltre l'Armée d'Insurrection Ukrainienne (l'UPA) créée cette même année 1942 et qui, en tant que forces supplétives s'engageant à combattre tous les ennemis politiques et ethniques de l'Ukraine, est relativement tolérée par les allemands. Les ukrainiens de l'Est affirmeront plus tard que le groupe de Bandera prit alors le contrôle de l'UPA en assassinant les leaders originaux. Si bien qu'en 1944, les termes UPA et bandéristes étaient devenus interchangeables. Les relations entre les allemands et l'OUN/B dans l'Ouest sont de fait ambigües. D'un coté, l'OUN/B combat les autorités allemandes... la Gestapo allant jusqu'à mettre à prix la tête de Lebed. Mais de l'autre, elle poursuit ses propres opérations de nettoyage ethnique en parfaite coordination avec ces mêmes allemands et leurs objectifs.
Comme quand une proclamation bandériste en Avril 1941 décrète que les juifs d'URSS constituent le plus fidèle soutien du régime bolchevique au pouvoir, et l'avant-garde de l'impérialisme moscovite en Ukraine. Ou quand Stetko, bien que détenu en Juillet 1941, dit "J'apprécie pleinement le rôle indéniablement nuisible et hostile des juifs qui aident Moscou à asservir l'Ukraine... Je soutiens donc la destruction des juifs, et l'opportunité qu'apportent les méthodes allemande d'extermination de la juiverie en Ukraine. " A Lviv, une brochure avertit les juifs " Vous avez accueilli Staline avec des fleurs (quand les soviétiques occupaient la Galicie de l'Est en 1939). Nous déposerons vos têtes aux pieds d'Hitler." Juste après leur prise de Lviv, les loyalistes de Bandera décrètent lors d'une réunion le 06 Juillet 1941 que les Juifs doivent être traité sans pitié... "Nous devons les finir... Concernant les juifs, nous devons recourir à toutes les méthodes qui permettent leur destruction." Lançant ainsi les pogroms qui durant cette période dans l'Est de la Galicie vont conduire au massacre d'environ 12000 juifs, et comme le rapporte Stetko de retour à Berlin à Bandera.
Le commandement allemand mobilise les ukrainiens dans les unités de police auxiliaires, lesquels participent entre autre au nettoyage des ghettos. Bien que les quelques unes qui appartiennent à Bandera continuent à opérer de façon indépendante. Les bandéristes dans l'Ouest de l'Ukraine massacre les juifs. L'historien Yeshuda Bauer précisant que les bandéristes tuent alors tous les juifs qu'ils peuvent trouver, sûrement plusieurs milliers en tout. Moshe Maltz, un juif vivant caché à Sokal, témoignera à propos de 40 juifs qui vivaient cachés dans les bois, et qui, après la l'arrivée des bandéristes, furent tous assassinés.
Quand les soviétiques reprennent l'Est de la Galicie en Novembre 1944, très peu de juifs avaient été laissé vivants. Mais Maltz se souvient "Quand les bandéristes se saisissaient d'un juif, c'était pour eux un trophée. Et l'ukrainien ordinaire était exactement dans le même état d'esprit... tous voulaient participer à l'acte héroïque de tuer un juif. Ils découpaient littéralement les juifs à la machette."
Une fois que la guerre tourne en défaveur des allemands en 1943, les chefs des groupes bandéristes croient alors dur comme fer que les allemands et les soviétiques vont s'anéantir les uns les autres, laissant ainsi une Ukraine libre comme en 1918. Lebed ordonne à partir d'Avril 1943 l'éradication de toute la population polonaise sur l'intégralité du territoire de l'Ouest ukrainien, afin qu'en cas de résurgence de la Pologne, celle ci ne soit plus en mesure de revendiquer ces régions comme en 1918. On estime ainsi qu'il est responsable de la mort de plus de 100 000 polonais. Les ukrainiens servant comme forces de police auxiliaire des allemands rejoignent aussi les rangs de l'Armée d'Insurrection Ukrainienne (l'UPA). Maltz se souvient toujours " les hommes de Bandera ne firent alors plus aucune distinction sur qui ils tuaient, ils tuaient par balles des populations entières dans les villages où ils débarquaient. Une fois qu'il n'y a plus eu de juifs à tuer, les groupes bandéristes se sont alors rabattus sur les polonais. Ils ont littéralement taillés en pièces les polonais. Tous les jours... vous pouviez voir les corps des polonais avec des barbelés autour du cou flottant le long du Boug occidental". En la seule journée du 11 Juillet 1943, l'UPA attaque quelques 80 localités tuant ainsi 10000 polonais.
Quand l'armée rouge reprend l'Ouest de l'Ukraine (elle libère Lviv en Juillet 1944), l'UPA résiste à l'avance soviétique via une guérilla à grande échelle. La plupart des gangs de Bandera, des hommes et des femmes issus des villages locaux se cachent dans la forêt armés jusqu'aux dents et harcèlent les soldats soviétiques. Si bien que si les soviétiques contrôlent les villes, les campagnes, elles, demeurent complétement aux mains des gangs bandéristes qui y font régner leur loi, plus particulièrement la nuit venue. Les russes se retrouvent débordés, et pas un jour ne passe sans qu'un officier russe soit tué. Les bandéristes et l'UPA reprennent la collaboration avec les allemands, et jurent fidélité à Hitler. Bien que le SD (Sicherheistsdienst, les services de renseignement du parti nazi) soit pleinement satisfait par les renseignements fournis par l'UPA au sujet des soviétiques, la Wehrmacht, elle, estime que les exactions bandéristes à l'encontre des polonais sont "contre-productives".
En Juillet 1944, les nationalistes ukrainiens fondent dans les montagnes des Carpathes le Conseil Suprême de Libération de l'Ukraine (UHVR), qui devient de fait le gouvernement clandestin ukrainien. L'UPA qui opère désormais contre les soviets en plus petits groupes est son armée. Le parti politique majoritaire au sein de l'UHVR est celui qui rassemble les groupes banderistes. En Septembre 1944, les allemands relâchent Bandera et Stetko du camp de Sachsenhausen, Berlin espère ainsi former un comité national ukrainien réunissant les deux branches de l'OUN ainsi que les autres leaders ukrainiens. Le comité est fondé en Novembre, mais Bandera et Stetko refusent de coopérer. Ils s'échappent de Berlin en Décembre et fuient au Sud, ne resurgissant qu'après la bataille de Munich en Avril 1945.
En 1947, plus de 250000 ukrainiens vivent comme réfugiés en Allemagne, en Autriche, et en Italie. La plupart d'entre eux étant des activistes de l'OUN ou des sympathisants. Après 1947, les combattants de l'UPA rallient la zone sous contrôle américain, en atteignant ses frontières en passant par la Tchécoslovaquie. Toujours proches du bandérisme, nous ne pouvons pas décrire ici l'histoire particulière de chacun d'entre eux quand ils rejoignent la zone américaine ; mais l'histoire de Mykola Ninowskyj, qui figure dans un des rapports de la CIA suite à son arrestation en Allemagne de l'Ouest en 1956 est en la matière tout à fait typique du parcours de ces hommes. Né en 1920, Ninowskyj rejoint en Galicie de l'Est un bataillon ukrainien sous commandement allemand en 1941. Plus tard dans l'année, il rejoint la 201e Schutzmannschaft (bataillon de police auxiliaire), qui mène ce qu'il décrit comme une opération "anti partisans" en Biélorussie. Sous la direction des allemands, ces bataillons servent de forces supplétives dans la liquidation des juifs. En 1944, il retourne en Galicie comme combattant bandériste jusqu'en 1948, avant de finalement décrocher un emploi de coursier. Mais continue à se définir comme appartenant au camp Bandera lors de son arrestation par la police en 1956.
Dans les années d'après-guerre, les camps de réfugiés ukrainiens étant devenu le cœur du prosélytisme nationaliste, Bandera est déterminé à reprendre le contrôle sur la communauté des exilés. En février 1946, il forme la section pour l'étranger de l'OUN, une branche pour les exilés du groupe Bandera, dans laquelle il maintient une ligne dure concernant toutes les questions, éducation politique, unité idéologique et politique et discipline des membres. Bandera tente de fait de créer une dictature en exil, qu'il n'aurait alors plus qu'à transférer dans une Ukraine libérée. Selon les observations des services de contre-espionnage de l'US Army, la section étrangère de l'OUN use systématiquement de l'intimidation et de la terreur contre ses ennemis politiques. Les rapports du contre-espionnage fichent Bandera comme extrêmement dangereux du fait qu'il pourchasse tous ses rivaux ukrainiens via ces méthodes en Allemagne.
En Juillet 1944, avant que l'armée rouge ne s'empare de Lviv, l'UHVR envoie une délégation de ses officiels supérieurs pour établir un contact avec le Vatican et les gouvernements occidentaux. La délégation se fait reconnaitre comme la représentante diplomatique à l'étranger du Conseil Suprême de Libération de l'Ukraine (ZP/UHVR). Sont inclus en son sein le père Ivan Hrynioch comme président de la délégation, Mykola Lebed comme ministre des affaires étrangères, et Youri Lopatinky comme délégué de l'UPA. Hrynioch est un prêtre catholique ukrainien qui se trouvait à Cracovie avec Bandera et Lebed en 1940. Il servait à faire le lien entre l'archevêque de Lviv Andrei Shepsticki et l'évêque Ivan Buczko, le représentant de l'Eglise Uniate au Vatican. Lors de l'invasion de la Galicie par les allemands, Hrynioch entra aussi en relation avec Fritz Arlt, un "expert des juifs" pour le SD (Sicherheistsdienst, les services de renseignement du parti nazi) et qui avait travaillé pour le Gouverneur Général Hans Franck en 1940 puis s'était vu confié la charge d'entrer en contact avec les émigrés soviétiques afin de les recruter comme volontaires des alliés de l'Allemagne pendant l'invasion de 1941. Jusqu'en 1948, tous les trois sont membres de l'OUN/B et des fidèles de Bandera.
Dans son premier manifeste de Juillet 1944, l'UHVR appele à l'unité de tous les éléments responsables politiques, quelles que soient leurs convictions idéologiques ou leur affiliation politique, du moment qu'ils soutiennent la souveraineté politique de l'état ukrainien et une voie démocratique populaire afin de déterminer un système politique... Au moins, les ukrainiens de l'Ouest ont appris pendant la guerre qu'ils devraient faire appel aux ukrainiens de l'Est, desquels ils avaient été séparés géographiquement et religieusement depuis des siècles. L'UHVR rejettera plus tard les tentatives des ukrainiens de l'Ouest, Stepan Bandera y compris, d'ériger un état ukrainien sur une base étroitement religieuse, monopartite et totalitaire étant donné que pour les souverainistes ukrainiens de l'Est, une telle philosophie politique était tout simplement inacceptable.
Une querelle éclate en 1947 entre Bandera et Stetko d'un coté, et Hrynioch et Lebed de l'autre. Bandera et Stetko renouvellent leur volonté résolue d'établir une Ukraine indépendante organisée autour d'un parti unique, et dirigée par un seul homme, Stepan Bandera. Tandis que Hrynioch et Lebed, eux, considèrent que l'UHVR a été créée par le peuple de la patrie et que par conséquent, jamais ils n'accepteront Bandera comme dictateur. Lors d'un congrès de la section étrangère de l'OUN en 1948, Bandera prononce l'exclusion du groupe de Hrynioch et Lebed du parti et ordonne à ses hommes de démissionner. Bandera contrôle encore ainsi 80% du parti et revendique l'autorité exclusive pour diriger le mouvement nationaliste ukrainien à l'intérieur comme à l'extérieur (c'est à dire sur les émigrés dans les camps de déplacés). Il persiste aussi dans sa tactique de terreur à l'encontre des leaders politiques anti-bandéristes en occident et cherche à exercer un contrôle total sur les organisations d'émigrés ukrainiens. Le renseignement américain estime alors que plus de 80% parmi l'ensemble des ukrainiens expatriés dans les camps depuis la Galicie sont fidèles à Bandera. Mais Lebed, Hrynioch et Lopatinski restent les représentants de l'UHVR à l'étranger. A ce moment là, la scission n'est pas réellement un problème pour les émigrés ukrainiens. En revanche, en raison du blocus de Berlin, et du fait que la guerre froide entre les alliés occidentaux et l'URSS menace de plus en plus de faire reprendre les combats, les agences de renseignement alliées qui suivent de très près les ukrainiens, elles, ont à choisir un camp.
Les renseignements alliés et Stepan Bandera.
Les services de contre-espionnage U.S. ont commencé à s'intéresser pour la première fois à Stepan Bandera en Septembre 1945. Comme les personnels de l'UPA avaient réussi à rallier la zone d'occupation US en Allemagne, le contre-espionnage les interrogea sur la situation militaire dans l'Ouest de l'Ukraine, sur la composition des unités de l'UPA, sur leurs contacts à l'intérieur de la zone d'occupation US et sur leurs connexions avec Bandera lui-même. En 1947, le flux des comabattants de l'UPA ne cesse de s'accroitre du fait de l'opération Vistule, une offensive de l'armée polonaise pour anéantir les forces de l'UPA encore présentes dans le Sud-Est de la Pologne. Les combattants interrogés déclarent que le profil type des hommes de l'UPA est d'ordinaire bandériste, mais qu'on peut aussi rencontrer des hommes de la garde Hlinka (la garde nationaliste slovaque), des SS ukrainiens de la 14e division de grenadiers de la Waffen-SS (Galicie) et des SS allemands en fuite comme ceux présents parmi les forces de l'UPA. La plupart de ces combattants de l'UPA reconnaissent Bandera comme leur chef. Et ces réfugiés de l'UPA se vient eux-mêmes plutôt comme en attente d'une remobilisation et d'une réaffectation plutôt que comme déserteurs. Certaines sources confirment même en Septembre 1947 que les bandéristes continuaient à recruter dans les camps de déplacés, en désignant Anton Eichner, un ancien SS, comme principal recruteur. Les autres interrogatoires révèlent que l'UPA était persuadés de la fin du communisme dans un futur très proche... et qu'une fois cette guerre repartie... ils espéraient... soit combattre en première ligne comme troupe de choc ou soit recomposer leurs anciennes capacités comme combattants derrière les lignes russes...
En Aout 1947, les bandéristes sont représentés dans tous les camps de déplacés situés aussi bien dans la zone d'occupation américaine, que dans la zone britannique et la zone française. Ils ont déjà mis en place un réseau de communication sophistiqué qui coordonne les différents camps et qui est relié à l'Ukraine. Comme déjà indiqué, le contre-espionnage considère alors Bandera comme extrêmement dangereux, voyageant constamment sous fausse identité ou en se grimant, et est toujours entouré de gardes du corps prêts à faire disparaitre tous ceux qui représenteraient une menace pour lui ou pour le parti. Les combattants de l'UPA déclarent que Bandera est alors perçu comme le guide spirituel et le héro national de tous les ukrainiens...
Les bandéristes se perçoivent d'ailleurs eux-mêmes comme "des combattants héroïques de la résistance ukrainienne contre les nazis et les communistes" et qu'ils sont "victimes des déformations et des calomnies dues à la propagande de Moscou". "Bandera", ne cessent ils de répéter, "a été arrêté par les nazis et interné à Sachsenhausen. Et que désormais lui et son mouvement combattent pas seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour toute l'Europe entière". Il semble alors que pour ce qui est des activités des bandéristes avant et pendant la guerre , les responsables du renseignement US ne comprennent que très peu au delà de l'implication de Bandera dans l'assassinat de Pieracki en 1934. Ils ne comprennent rien du rôle joué par Bandera dans l'extermination raciale perpétrée pendant la guerre.
Les agents du contre-espionnage utilisent aussi des informateurs de l'UPA pour dénicher les espions soviétiques qui ont réussit à s'introduire en Allemagne en même temps que les partisans de l'UPA. Les espions soviétiques ayant réussi à infiltrer les bandes de l'UPA passées à l'Ouest. Youri Lopatinski se déplace dans le camp ukrainien de Deggendorf en Octobre 1947 avec pour mission de bébusquer les agents soviétiques. Les hommes de l'UPA peuvent aussi fournir des renseignements sur les soviétiques depuis que, selon les officiers de l'UPA, ils ont effectués un travail assez minutieux d'infiltration du MVD (troupes internes de gendarmerie du ministère de l'Intérieur polonais) et des unités du renseignement polonais. Sur le mémo du contre-espionnage figure l'annotation suivante "Ne pensez vous pas que c'est là une sacrée bonne opportunité de recruter des informateurs de toute première catégorie?"
En Novembre 1947, les autorités militaires soviétiques à Berlin insistent pour que les membres de l'UPA présents dans la zone d'occupation US leur soient remis. "La quasi-totalité d'entre eux" stipule le lieutenant-colonel Igor Bantsyrev, le représentant en chef soviétique en charge du rapatriement, "sont des citoyens soviétiques qui ont participés à la guerre et combattu les forces alliées du coté de l'armée fasciste allemande". Les officiers du contre-espionnage US s'y opposent. L'extradition des partisans de l'UPA dit l'un d'entre eux pourrait détruire pour des années toute la confiance que les forces antibolcheviques ont placé dans les Etats-Unis.
Les soviétiques apprennent que Bandera se trouve dans la zone d'occupation US et demandent son arrestation. Un commando d'agents secrets soviétiques pénètre même en Juin 1946 dans la zone d'occupation US pour kidnapper Bandera. L'unité des services stratégiques, le successeur après-guerre de l'OSS, et le prédecesseur de la CIA, ignorent tout de cette opération. Néanmoins, tout laisse à penser qu'ils n'auraient de toute façon pas bougé tant ils redoutaient alors les graves effets sur les relations soviéto-américaine susceptibles de découler d'une connivence ouverte des Etats Unis dans la poursuite sans entraves des activités anti-soviétiques de Bandera sur le sol allemand. Depuis que pour eux, Bandera n'était pas digne de confiance, ils auraient été ravis de s'en voir débarassés.
Malgré une recherche étendue et vigoureuse à la mi-1947, comprenant des mises à jour hebdomadaires, les responsable du contre-espionnage ne parviennent pas à localiser Bandera. Il n'y a que très peu de photos de lui. Un agent du contre-espionnage se plaint que les agents de Bandera en Allemagne ont en outre reçu pour instruction de dissiminer des fausses informations concernant la description personnelle de Bandera. Les agents de Bandera induisent en erreur le contre-espionnage au sujet de sa localisation également. Si bien que le contre-espionnage abandonne les recherches. Zsolt Aradi, un journaliste né en Hongrie avec des contacts très haut placés au Vatican et le principal contact au Vatican pour l'Unité des Service Stratégiques avertit d'autre part que la remise de Bandera aux soviétiques pourrait détruire toutes leurs relations avec l'UHVR, qui à une époque fut dirigé par des membres bandéristes (ce qu'ils ignoraient), et avec le clergé ukrainien au Vatican comme Buczko, qui avait une forte sympathie pour Bandera.
La CIA n'est jamais intéressée d'entrer en collaboration avec Bandera afin de se procurer des renseignements en Ukraine. " Par nature", mentionne un rapport de la CIA, "Bandera est un intransigeant politique animé d'une grande ambition personnelle, qui s'est depuis Avril 1948 opposé à toutes les organisations politiques dans l'émigration favorables à une forme de gouvernement représentatif en Ukraine par opposition à un parti unique structuré autour de l'OUN/Bandera en guise de régime. Pire, ses agents de renseignement en Allemagne ont été malhonnêtes et pas sécurisés". Les mises au point sur les missives en provenance d'Ukraine en 1948 confirment que "la pensée de Stepan Bandera et de ses soutiens émigrés immédiats est radicalement dépassée en Ukraine". En outre, Bandera est un assassin convaincu. Maintenant, la CIA a eu vent des luttes fratricides avec les autres groupes ukrainiens pendant la guerre et dans l'émigration. En 1951, Bandera affirme aussi des positions anti-américaines, depuis que Etats Unis ne plaident pas pour l'idée d'une indépendance de l'Ukraine. La CIA garde néanmoins un œil sur Bandera, ayant un agent infiltré à l'intérieur de son cercle proche.
Le renseignement britannique, le MI 6, lui est cependant intéressé par Bandera. Le MI 6 entre pour la première fois en contact avec Bandera par l'intermédiaire de Gerhard von Mende en Avril 1948. Allemand de souche de Riga en Lettonie, von Mende a servi dans l'Ostministrium d'Alfred Rosenberg durant la guerre en tant que chef de section pour la section du Caucase et du Turkestan, recrutant des musulmans soviétiques d'Asie centrale pour les utiliser contre l'URSS. En cette qualité, il était parfaitement au fait des actions et des capacités de l'UPA. Rien n'est venu des premiers contacts britanniques avec Bandera car, comme la CIA l'apprendra plus tard, les exigences politiques, financières et technologiques des ukrainiens étaient plus élevées que ce que les britanniques pouvaient assurer. Mais à partir de 1949, le MI 6 commence à aider Bandera, lui envoyant ses propres agents via des parachutages dans l'Ouest de l'Ukraine. En 1950, le MI 6 commence aussi a entrainer ses agents dans le but qu'ils parviennent à leur fournir des renseignements dans l'Ouest de l'Ukraine.
La CIA et les responsables du département d'état s'opposent catégoriquement à utiliser Bandera. En 1950, la CIA travaille avec le groupe Hrynioch-Lebed et avait commencé à déployer ses propres agents pour entrer en contact avec l'UHVR. Bandera n'avait plus de soutien au sein de l'UHVR ou même au sein des instances dirigeantes de l'OUN et du parti en Ukraine. Les agents de Bandera œuvraient aussi délibérément contre les agents ukrainiens utilisés par la CIA. En Avril 1951, les responsables de la CIA essayent de convaincre le MI 6 de retirer leur soutien à Bandera. Le MI 6 refuse. Car ils pensent que Bandera était en mesure de déployer ses agents même sans leur soutien, et le MI 6 cherche donc à influer et à progressivement prendre le contrôle sur la ligne de Bandera. Les britanniques pensent également que la CIA sous-estime l'importance de Bandera. "Le nom de Bandera" disent ils "a toujours un poids considérable en Ukraine... et que l'UPA se tourne toujours vers lui avant tout". Qui plus est, le MI 6 ajoutait que le groupe de Bandera était "l'organisation la plus influente à l'étranger, et ils restaient réputés compétents pour former les cadres du parti, et bâtir une organisation moralement et politiquement vigoureuse..."
Les responsables britanniques envisagent "la possibilité et la perspective d'engager une opération clandestine en Union Soviétique ayant pour objet un caractère autre que celui de simplement collecter du renseignement". Mais la CIA et les responsables du Département d'Etat sont fortement opposés à l'idée de Londres de faire revenir Bandera en Ukraine. Les américains stipulent que "Bandera est désormais en total décalage avec les sentiments présents en Ukraine, particulièrement dans les anciens territoires polonais où.... le gouvernement soviétique a réussi à un remarquable degrés à transformer la mentalité des générations les plus jeunes".
Pour la CIA, la meilleure solution pour le renseignement en Ukraine consiste en la neutralisation politique de Bandera en tant que personnalité. Les britanniques objectent qu'une telle décision aurait pour conséquence d'assécher leur recrutement et viendrait perturber leurs opérations à venir. Les britanniques ignorent donc les mises en garde de la CIA sur le fait que Bandera soit considéré comme politiquement inacceptable pour le gouvernement US.
Les opérations britanniques par l'entremise de Bandera s'intensifient. Début 1954, les comptes-rendus du MI 6 indiquent que l'aspect opérationnel de la collaboration britannique avec Bandera se développe de façon tout à fait satisfaisante. Graduellement un contrôle plus complet est obtenu sur les opérations d'infiltration et bien que les dividendes en renseignement demeurent encore faibles, cela vaut la peine de continuer... "Bandera est", selon ses commanditaires, "un professionnel clandestin efficace doté d'un excellent background de terroriste et avec une notion impitoyable des règles du jeu... Un caïd au profil type animé d'un patriotisme brulant, qui offre en outre pour garantie toute l'éthique et toute les justifications nécessaires à ses activités de grand-banditisme. Pas meilleur ou pire que ceux de son espèce"...
A l'intérieur de l'Ukraine, l'UHVR rejette l'approche autoritariste de Bandera et continue à appeler à l'unité de l'émigration. Dans les messages rapportés d'Ukraine par ses agents à la CIA, l'UHVR insiste pendant l'été 1953 sur le fait que Lebed représente "le mouvement de libération de l'Ukraine dans son intégralité au niveau de la Mère-Patrie". Les responsables américains et britanniques essayent de rallier Bandera au leadership de Lebed, mais Bandera et Stetko refusent. En Février 1954, Londres en a assez. "Il n'apparait plus y avoir d'autres alternatives", rapportent les commanditaires de Bandera, "que de rompre avec Bandera afin de sauvegarder les éléments sains restants du ZCH/OUN et de pouvoir les utiliser de manière opérationnelle... La rupture est complète". Le MI 6 laisse tomber tous les agents en formation loyaux envers Bandera. En Juillet, le MI 6 informe Lebed qu'il "ne reprendra ses relations avec Bandera sous aucune circonstance".
Le MI 6 maintient 4 liaisons en Ukraine, gérée désormais par un ZCH/OUN reconstitué, et partage le renseignement issu de son réseau avec Lebed et la CIA. "Le degrés avec lequel les liaisons du MI 6 ont été compromises tout du long due l'insécurité des réseaux (placés sous écoute) de Bandera n'est pas clair".
Bandera reste à Munich. Il a avec lui deux opérateurs radio entrainés par les britanniques et continue à recruter des agents pour son propre compte. Il publie un journal qui diffuse une rhétorique anti-américaine et utilise des hommes de main pour s'en prendre aux émigrés ukrainiens publiant aussi des journaux et pour terroriser ses opposants politiques dans l'émigration ukrainienne. Il tente d'infiltrer les bureaux militaires US et du renseignement en Europe et d'intimider tous les ukrainiens travaillant pour les Etats Unis. Il continue à gérer des agents en Ukraine, en les finançant avec de la monnaie US de contrefaçon. En 1957, la CIA et le MI 6 concluent que tous les anciens agents de Bandera ont été neutralisés par les soviétiques. La question est quoi faire. Les responsables du renseignement US et britannique se lamentent du fait que malgré leur volonté unanime de neutraliser Bandera, des précautions doivent être prises pour que les soviétiques ne soient pas en mesure de kidnapper ou de tuer Bandera... et qu'en aucune circonstance Bandera ne doit pouvoir devenir un martyr.
Entre-temps, Bandera cherche de nouveaux sponsors. Pour une courte période début 1956, le renseignement des forces armées italien, le SIFAR, le sponsorise ne comprenant probablement pas que ses réseaux étaient compromis. Le BND (Bundesnachrichtendienst), le service de renseignement Ouest allemand sous l'égide de l'ancien général de la Wehrmacht Reinhard Gehlen, établit une nouvelle relation avec Bandera. C'est de fait une union naturelle. Pendant la guerre, les officiers supérieurs sous les ordres de Gehlen arguaient qu'ils pourraient démembrer l'URSS juste en flattant la fibre nationale de ses différentes populations correctement. Bandera avait continué à développer ses réseaux en Ukraine, et offre de les mettre à disposition contre armes et financements. La CIA met en garde les Ouest allemands "contre toute relation opérative avec Bandera", précisant qu'ils "sont convaincus que les présumées cellules de Bandera en Tchécoslovaquie, en Pologne et en Ukraine sont soit non existantes ou soit non effectives". Et qu'en outre, ils ont noté également que " la rapidité et la minutie des réponses soviétiques suite à ses opérations passées indiquent une sécurité faible des réseaux de l'OUN/B".
Le gouvernement de l'Etat de Bavière et la police de Munich veut sévir contre l'organisation de Bandera pour ses crimes allant de la contrefaçon au kidnapping. Von Mende, désormais un haut responsable du gouvernement Ouest allemand, le protège. Bandera lui fourni en échange des rapports politique que celui là transmet aux bureaux des affaires étrangères Ouest allemandes. Von Mende intervenait régulièrement auprès du gouvernement de L'Etat de Bavière au sujet de ses titres de séjour et autres, et désormais intervient auprès des autorités bavaroises pour lui obtenir des faux passeports et autres documents. Le résultat précis de l'aide apportée par von Mende n'est pas clair, mais Bandera est laissé tranquille.
C'est pire qua ça.
Les ukrainiens et les allemands ont un ennemi commun depuis 1920 : la Pologne, ce nouvel Etat créé par le traité de Versailles. Et bien sûr l'URSS.
Dès les début les nationalistes ukrainiens trouvent financement soutien et refuge en Allemagne.
Hitler continue le soutien à ces nationalistes évidemment.
Ces nationalistes fournissent énormément de renseignements pour l'invasion de l'URSS en juin 41. Ils forment des interprètes, des guides et même un bataillon qui s'illustre par ses crimes (le bataillon Rossignol).
Les natios ukrainiens étaient très remontés contre les polonais. Ils génocideront littéralement les polonais pendant la guerre avec la complicité des allemands.
Il ne faut pas trop ajouter foi à la répression antinatio des nazis après juillet 41... les natios ukrainiens sont toujours bien traités et des alliés fidèles. Les natios ukrainiens sont surtout préoccupés à régler leurs comptes aux polonais, aux juifs et aux communistes... Ils restent de précieux alliés dans la lutte contre l'URSS.
Les allemands les arment. Ce sont les natios ukrainiens qui perpètrent nombre d'attentats en 44 contre l'armée rouge et ce jusqu'en 1953. Ils tuent notamment le général Vatoutine.
Après 45 les natios ukrainiens sont toujours soutenus par la RFA, les USA et le Canada. C'est de ces pays qu'opèrent les natios ukrainiens depuis 2014.
En Avril 1959, Bandera demande encore une fois au renseignement Ouest allemand son soutien, et cette fois Gehlen est intéressé. La CIA note qu'il est "évident que Bandera cherche du soutien pour monter des opérations illégales en Ukraine". Les Ouest allemands acceptent de le soutenir au moins sur une telle mission prétextant "le fait que Bandera et son groupe n'est plus le coupe-gorge qu'il était", et parce que Bandera a "apporté la preuve de contacts existants au sein de ses cellules". Une équipe entrainée et financée par le BND traverse depuis la Tchécoslovaquie fin Juillet, et le BND promet à Bandera le soutien nécessaire pour de futures opérations si celle là se montre même rien qu'un succès modéré. Le contact personnel de Bandera avec le renseignement Ouest allemand était Heinz Danko Herre, un des anciens adjoints de Gehlen dans la Fremde Heere Ost (armée de l'étranger à l'Est), qui avait travaillé avec l'armée d'émigrés russes et d'anciens prisonniers du général Andrei Vasslov durant les derniers jours de la guerre, et maintenant proche conseiller de Gehlen. Les responsables de la CIA à Munich réitèrent leurs mises en garde habituelles. Herre n'est pas dissuadé. "Bandera" argumente Herre "est connu de nos équipes depuis 20 ans (!)... Et avec ou sans l'Allemagne, il a plus d'un million d'admirateurs derrière lui". Herre signale que la base de la CIA à Munich est au courant de la réputation antérieure de Bandera. Mais celle là est consciente que rien ne se passe pendant la période de leur association avec le BND, ce qui indique que Bandera utilise toujours ses anciennes tactiques brutales... Herre pense aussi qu'en principe Bandera a plus à offrir opérationnellement que la plupart, si ce n'est que tous les autres groupes de l'émigration russe (sic) à l'Ouest aujourd'hui. Herre admettra que l'utilisation de Bandera avait été "méticuleusement gardée secrète" même au sein du BND et que cette relation n'avait jamais été "clarifiée avec Bonn en raison de connotations politiques". En Septembre 1959, Herre signale que le BND reçoit de "bons retours du renseignement étranger sur l'Ukraine soviétique" résultant de leurs opérations. Il propose de tenir la CIA pleinement informée quand aux activités de Bandera en échange d'une faveur. Bandera avait essayé d'obtenir un visa US depuis 1955 dans le but de rencontrer ses soutiens ukrainiens aux Etats Unis et de rencontrer les responsables du Département d'Etat et de la CIA. Herre pense que l'obtention de ce visa pourrait grandement contribuer à améliorer ses propres relations avec Bandera. Les responsables de la CIA recommandent de fait la délivrance de ce visa en Octobre 1959. Mais le 15 Octobre 1959, soit 10 jours après que la base de la CIA à Munich émette cette requête, un assassin du KGB nommé Bogdan Stashinskiy tue Bandera avec un pistolet spécial projetant du cyanure à la face de la victime. Les soviétiques qui avaient infiltrés l'organisation de Bandera et le BND des années auparavant avaient de toute évidence décidé qu'il ne pouvaient plus tolérer une autre alliance entre officiers du renseignement allemand et fanatiques ukrainiens. Stashinskiy fut décoré de l'Ordre du Drapeau Rouge pour l'accomplissement de cette mission.
Le consul général US à Munich Edward Page nota que "les assassinats n'ont rien de nouveau au sein du mouvement nationaliste ukrainien". Bien que la mort de Bandera soit démoralisante dans le sens où les soviétiques y soient parvenus sous le nez des gardes du corps de Bandera. Page ajoute que "beaucoup de figures de l'émigration ne déplorent pas cette disparition" étant données les méthodes de gros-bras qu'il employait avec ses rivaux politiques à l'intérieur de la communauté émigrée ukrainienne, particulièrement du coté de ceux penchant pour des institutions démocratiques. La faction Bandera continua à exister mais fut complétement infiltrée par le KGB même au sein de ses plus hautes instances. Malgré cela, Herre maintenu ses contacts avec les adjoints de Bandera en Allemagne de l'Ouest au moins jusqu'en 1961.
Les Etats Unis et Mykola Lebed.
La relation de Mykola Lebed avec la CIA s'est développé durant toute la durée de la guerre froide. Tandis que le plupart des opérations de la CIA se retournent contre elle, les opérations de Lebed augmentent l'instabilité fondamentale de l'Union Soviétique. Les tentatives de bâtir une relation en 1945 et 1946 entre la Strategic Services Unit (SSU), l'ancêtre de la CIA, et la faction Hrynioch-Lebed ne se sont jamais concrétisées due leurs manques de confiance initiale réciproques. En Décembre 1946, Lopatinsky et Hrynioch réclament l'aide US pour leurs opérations en Ukraine, tant sur le plan de la communication que de l'entrainement de leurs agents, du financement à l'obtention d'armes. En échange, ils proposent de créer un réseau de renseignement en Ukraine. Zsolt Aradi, le contact de la SSU au Vatican approuve cette mise en relation. Il note que "l'UHVR, l'UPA et l'OUN/Bandera sont les seules organisations suffisamment larges et efficientes parmi la communauté des ukrainiens et que Hrynioch, Lebed et Lopatinsky sont des hommes capables et déterminés... résolus à mener à bien leurs projets... avec ou sans nous... et tant qu'à choisir, il valait mieux les avoir avec nous plutôt que contre nous". La SSU décline. Plus tard, un rapport accable les ukrainiens pour "leur inaptitude à plaider leur cause et le factionnalisme qu'ils cultivent au sein de l'émigration". Un rapport du contre-espionnage en Juin 1947 cite des sources désignant Lebed comme "un sadique bien connu et collaborateur nazi". Quoiqu'il en soit, le contre-espionnage à Rome accepte l'offre de Lebed pour la raison selon laquelle Lebed fournissait des informations sur les groupes d'émigrés ukrainiens, sur l'activité des soviétiques dans la zone d'occupation US et des informations sur les soviétiques et les ukrainiens en général. A Munich, Hrynioch devient un informateur du contre-espionnage également. En Novembre 1947, Hrynioch demande au nom de Bandera lui-même que les autorités US transfèrent Lebed de Rome à Munich pour les protéger de la demande d'extradition soviétique avant que le gouvernement provisoire US encore présent en Italie ne se retire le mois suivant. Le contre-espionnage à Munich gagne la confiance de Hrynioch et espère organiser une rencontre avec Bandera lui-même. L'US army déplace Lebed et sa famille à Munich en Décembre. Dans le même temps, Lebed s'emploie à faire disparaitre toutes traces dans ses dossiers personnels de ses activités pendant la guerre et celles du groupe de Bandera ainsi que de l'UPA, ne conservant que 126 pages qui mettent l'accent sur leur lutte contre les allemands et les soviétiques.
Le blocus de Berlin en 1948 et la menace d'une nouvelle guerre en Europe incite la CIA à scruter de très près les groupes d'émigrés soviétiques et le degrés avec lequel ils sont en mesure de fournir des renseignements cruciaux. Dans le cadre du projet ICON, la CIA étudie 30 groupes et recommande alors une coopération opérationnelle avec la faction Hrynioch-Lebed, la considérant comme l'organisation la mieux dotée pour le travail en clandestinité. Comparés à Bandera, Hrynioch et Lebed représentaient un groupe modéré, stable et opérationnellement fiable, avec les connexions les plus solides vis à vis du soubassement ukrainien en URSS. Un groupe de résistance/renseignement derrière les lignes soviétiques pourrait s'avérer grandement utile si la guerre éclatait. La CIA assure alors argent, vivres, entrainements, matériel pour la transmission radio et parachutages d'agents entrainés pour améliorer l'efficacité des courriers à travers les lentes routes de Tchécoslovaquie, utilisées par les combattants et les messagers de l'UPA. Comme Lebed le rappellera plus tard, "les opérations de parachutages furent la première indication réelle... que les américains voulaient apporter un soutien actif dans l'établissement de lignes de communication en Ukraine".
Les opérations de la CIA avec les ukrainiens débutent en 1948 sous le nom de code CARTEL, changé plus tard en AERODYNAMIC. Hrynioch reste à Munich, mais Lebed déménage à New York où il acquiert le statut de résident permanent, puis la citoyenneté américaine. Ceci le tient sauf de toute tentative d'assassinat, lui permet de communiquer avec les différents groupes d'émigrés ukrainiens et l'autorise à revenir aux Etats Unis après ses voyages opérationnels en Europe. Son identification par les autres ukrainiens à New York comme responsable de meurtres de masse d'ukrainiens, de polonais et de juifs auraient été discutée par ailleurs (sic).
Une fois aux Etats Unis, Lebed devient le contact en chef de la CIA pour les opérations de l'opération aerodynamic. Ses superviseurs à la CIA soulignent son "caractère rusé", ses "relations avec la gestapo... et son entrainement par le gestapo" et le fait qu'il est un "opérateur particulièrement impitoyable". "Aucun d'eux" fait remarquer un responsable de la CIA en comparant Bandera et Lebed "n'est une blanche colombe". Comme Bandera, Lebed est aussi constamment irrité par le fait que les Etats Unis n'aient jamais encouragé la fragmentation de l'URSS selon des lignes nationalistes, que les Etats Unis travaillent avec des groupes d'émigré russes à l'esprit impérialiste aussi bien qu'ukrainiens, et que les Etats Unis aient suivi plus tard une politique de coexistence pacifique avec les soviétiques...
D'un autre coté, Lebed n'a pas d'ambition personnelle politique. Il était impopulaire parmi les émigrés ukrainiens du fait de sa prise en main brutale de l'UPA pendant la seconde guerre mondiale - une prise en main qui avait inclue l'assassinat de ses rivaux. Il est absolument sûr. Pour prévenir toute infiltration soviétique, il n'autorise personne dans son cercle interne étant arrivé à l'Ouest après 1945. On dit qu'il a un esprit opérationnel de premier ordre et il est, selon Allen Dulles (le directeur de la CIA), "d'une valeur inestimable pour cette agence et ses opérations". Les dossiers de la CIA sur l'opération aerodynamic contiennent une quantité astronomique de détails opérationnels sur l'opération, si bien qu'il n'est pas possible de tous les exposer ici.
Simplement l'opération aerodynamic implique dans sa première phase l'infiltration en Ukraine et l'exfiltration d'agents ukrainiens entrainés par la CIA. En Janvier 1950, le secteur de la CIA en charge de la collecte de renseignements secrets (Office of Special Operations/OSO) et son secteur pour la couverture des opérations (Office of Policy Operations/OPO) y participent. Les opérations durant cette année révèlent qu'un "mouvement sous-terrain bien établi et sécurisé" en Ukraine est "plus large et plus pleinement développé que ce que les rapports précédents avaient indiqué". Washington est particulièrement satisfait du haut niveau d'entrainement de l'UPA en Ukraine et de son potentiel pour des actions de guérilla plus avancées ; et avec "l'extraordinaire nouvelle... qu'une résistance active au régime soviétique s'étende régulièrement vers l'Est, en dehors des anciennes provinces polonaises et grecques catholiques".
Le 15 février 2023 à 23:48:43 :
C'est pire qua ça.Les ukrainiens et les allemands ont un ennemi commun depuis 1920 : la Pologne, ce nouvel Etat créé par le traité de Versailles. Et bien sûr l'URSS.
Dès les début les nationalistes ukrainiens trouvent financement soutien et refuge en Allemagne.
Hitler continue le soutien à ces nationalistes évidemment.
Ces nationalistes fournissent énormément de renseignements pour l'invasion de l'URSS en juin 41. Ils forment des interprètes, des guides et même un bataillon qui s'illustre par ses crimes (le bataillon Rossignol).
Les natios ukrainiens étaient très remontés contre les polonais. Ils génocideront littéralement les polonais pendant la guerre avec la complicité des allemands.
Il ne faut pas trop ajouter foi à la répression antinatio des nazis après juillet 41... les natios ukrainiens sont toujours bien traités et des alliés fidèles. Les natios ukrainiens sont surtout préoccupés à régler leurs comptes aux polonais, aux juifs et aux communistes... Ils restent de précieux alliés dans la lutte contre l'URSS.
Les allemands les arment. Ce sont les natios ukrainiens qui perpètrent nombre d'attentats en 44 contre l'armée rouge et ce jusqu'en 1953. Ils tuent notamment le général Vatoutine.
Après 45 les natios ukrainiens sont toujours soutenus par la RFA, les USA et le Canada. C'est de ces pays qu'opèrent les natios ukrainiens depuis 2014.
Oui.
En fait ici, le topic ne traite que de ce qui figure stricto sensu dans les archives de la CIA.
La suite et la fin demain.
Bandera sera assassiné à Munich en 1959.
Probablement par les Allemands.
Une enquête sur les crimes de guerre ukrainiens en URSS était en cours. Et les allemands craignaient qu'il ne balance ses liens avec eux.
Les services allemands feront passer son assassinat pour un coup des soviétiques avec le fameux parapluie empoisonné. Une scène digne de Hollywood !
Le 16 février 2023 à 00:30:20 :
Bandera sera assassiné à Munich en 1959.
Probablement par les Allemands.
Une enquête sur les crimes de guerre ukrainiens en URSS était en cours. Et les allemands craignaient qu'il ne balance ses liens avec eux.Les services allemands feront passer son assassinat pour un coup des soviétiques avec le fameux parapluie empoisonné. Une scène digne de Hollywood !
Oui, j'en parle ici.
Même si j'en reste à l'histoire du cyanure projeté à son visage afin de rester au maximum fidèle à l'ouvrage auquel je me suis référé.
Mais à titre perso, je trouve l'histoire de Lebed et de sa connexion avec la CIA encore beaucoup plus intéressante que celle de Bandera. Elle est en tout cas nettement plus éclairante pour accéder à une bonne compréhension des événements actuels.
Très long et très bon.
Par contre, pourrais-tu mettre tes sources?
La CIA décide d'étendre ses opérations "au soutien, au développement et à l'exploitation du mouvement sous-terrain ukrainien dans des objectifs de résistance et de renseignement". "En vue de l'ampleur et de l'activité du mouvement de résistance en Ukraine", dit le patron de l'OPC (Office of Policy Coordination) Frank Wisner, "nous considérons ceci comme un projet top priorité". La CIA apprend des activités l'UPA dans diverses strates ukrainiennes, l'engagement à essayer de détruire l'UPA des troupes de police soviétiques, la répercussion de l'UPA avec les ukrainiens, et le potentiel de l'UPA à pouvoir regrouper quelques 100 000 combattants en temps de guerre. L'opération n'est pas sans risque. Plusieurs hommes membres des équipes entre 1949 et 1953 sont capturés et tués. En 1954, Lebed perd tout contact avec l'UHVR. A ce moment là, les soviétiques reprennent la maitrise autant de l'UHVR que de l'UPA, et la CIA met un terme à la phase agressive de l'opération aerodynamic.
A partir de 1953, l'opération aerodynamic commence aussi à opérer une bascule (du hard power vers le soft power) à travers un groupe d'étude ukrainien placé sous la direction de Lebed à New York, qui collecte de la ressource littéraire et historique ukrainienne, et produit des journaux nationalistes ukrainiens, des bulletins, des programmes radio et des livres destinés à être diffusés en Ukraine. En d'autres termes, la CIA mise désormais sur l'idéologique. En 1956, ce groupe prend d'abord la forme d'une association à but non-lucratif de recherche et de publication appelée Prolog. Ce qui permet à la CIA de canaliser des fonds sans la moindre empreinte fiscale. Puis pour éviter les très fouineuses autorités de New York, la CIA transforme Prolog en une entreprise à but lucratif, appelée Prolog Research Corporation qui peut ainsi en apparence bénéficier de contrats privés. Sous la direction de Hrynioch, un bureau Prolog est maintenu à Munich sous le nom de Ukrainishe-Gesellshaft fur Auslandsstudien, EV. La plupart des publications sont créées là bas.
D'autre part, l'organisation Hrynioch-Lebed existait toujours, mais ses activités sont désormais entièrement gérées par l'intermédiaire de Prolog. Prolog recrute des auteurs émigrés ukrainiens qui restent le plus souvent dans l'ignorance du fait qu'ils travaillent en fait au sein d'une opération contrôlée par la CIA. Seuls 6 membres haut placés du ZP/UHVR sont des agents parmi les auteurs et autres rédacteurs. A partir de 1955, des dépliants sont largués au dessus de l'Ukraine, et une émission de radio intitulée "Nova Ukraina" est diffusée à Athènes pour les auditeurs ukrainiens. Puis ces activités laissent place à une campagne systématique de publipostage en Ukraine, via des contacts ukrainiens en Pologne et des contacts émigrés en Argentine, en Australie, au Canada, en Espagne, en Suède et un peu partout ailleurs. Le journal "Suchasna Ukraina (Ukraine Today), information bulletin", un journal pan-idéologique en langue ukrainienne pour les intellectuels appelé "Suchanist" (le Présent) et d'autres publications sont envoyés dans les librairies, les institutions culturelles, les bureaux administratifs, etc. en Ukraine. Tout ce battage culturel et médiatique vise à encourager le nationalisme ukrainien, à renforcer la "résistance" ukrainienne et à fournir une alternative aux médias soviétiques. Sur la seule année 1957, avec le soutien de la CIA, Prolog émet quelque chose comme plus de 1200 programmes radio, totalisant ainsi 70 heures (de propagande nationaliste) par mois, et diffuse quelques 200 000 exemplaires de ses journaux, et quelques 5000 pamphlets. Dans les années qui suivent, Prolog distribue, en plus de cela, des ouvrages d'auteurs et de poètes nationalistes. Un analyste de la CIA jugera qu'une "forme de sentiment nationaliste continue à exister en Ukraine, et... qu'il il y a obligation de le soutenir en tant qu'arme de la guerre froide". La distribution de littérature continue jusqu'à la fin de la guerre froide.
Prolog recueille aussi du renseignement après que les restrictions soviétiques se soient quelque peu assouplies à la fin des années 1950. Sont soutenus des voyages estudiantins ou scolaires d'émigrés ukrainiens dans des conférences académiques, des festivals internationaux pour les jeunes, des spectacles de danse ou de musique, les Jeux Olympiques de Rome et autres, afin qu'ils puissent parler avec les résidents de l'Ukraine soviétique et afin d'en apprendre plus sur les conditions de vie là bas ainsi que sur leur opinion vis à vis du régime soviétique. Les dirigeants de Prolog débriefent ensuite les voyageurs à leur retour et partagent ces informations avec la CIA. Sur la seule année 1966, les équipes de Prolog établissent des contacts avec 227 citoyens soviétiques. Début 1960, Prolog emploie également un observateur formé par la CIA du nom de Anatol Kaminsky. Il crée un réseau d'informateurs en Europe et aux Etats Unis composé d'émigrés ukrainiens et d'autres resortissants européens voyageant en Ukraine qui parlent avec les ukrainiens soviétiques en URSS ou avec les ukrainiens soviétiques qui voyagent à l'Ouest. En 1966, Kaminsky devient responsable en chef des opérations de Prolog, tandis que Lebed s'occupe de la gestion globale.
A cet égard, l'opération aerodynamic est l'une des opérations de la CIA les plus efficaces dans l'approche et l'instrumentalisation de citoyens soviétiques mécontents. Dans les années 1960, les dirigeants de Prolog fournissent des rapports sur des hommes politiques ukrainiens, sur des poètes dissidents ukrainiens, sur des individus connectés avec le KGB aussi bien que sur l'identité d'officiers du KGB, sur les missiles et avions soviétiques en Ukraine occidentale, et dans tout un tas d'autres domaines. Les attaques officielles soviétiques dénoncant le ZP/UHVR en tant que banderistes, collaborateurs nazis, agents américains et autres passent pour la preuve de l'éfficacité de Prolog, tout comme les répressions soviétiques vis à vis des auteurs ukrainiens et autres dissidents dans la seconde motié des années 1960. Durant cette période, Prolog influence une nouvelle génération d'ukrainiens. En 1969, les ukrainiens voyageant depuis l'URSS sont chargés par les dissidents là bas de n'apporter comme documents d'information sur la répression soviétique en Ukraine que ceux visant le personnel de la représentation externe du Conseil Suprême de Libération de l'Ukraine (ZP/UHVR). Les voyageurs de retour d'Ukraine rapportent avoir vu la littérature du ZP/UHVR s'être propagée désormais jusqu'à l'intérieur des foyers individuels. "Prolog est devenu", selon les mots mêmes d'un des haut-responsables de la CIA, le seul "véhicule des opérations de la CIA dirigées contre la République Soviétique Socialiste d'Ukraine et ses 40 millions de citoyens".
Lebed, avec le mouvement national ukrainien, prend ses distances vis à vis de l'antisémitisme manifeste dont il faisait preuve pendant sa période bandériste. En 1964, il condamne publiquement au nom de la représentation externe du Conseil Suprême de Libération Ukrainien (ZP/UHVR) la parution de "Judaïsme sans fioriture" publié par l'Académie Ukrainienne des Sciences à Kiev. L'ouvrage est typique des diatribes antisémites du début début du XXe siècle, à l'exception près que celui là lie en fait les juifs aux nazis lors de l'attaque cotre l'URSS... Le livre souligne l'accroissement de la répression soviétique à l'encontre des dissidents juifs, incluant la fermeture de synagogues et la prohibition de matza (galettes de pain juives). Lebed voit en fait l'ouvrage comme une tentative soviétique de dépeindre les ukrainiens sous des traits antisémites. Alors pour protéger le nom du nationalisme ukrainien, il condamne publiquement le "libelle provocateur" et la "déclaration calomnieuse" contre les juifs, ajoutant dans un dernier élan particulièrement frappé d'amnésie que "le peuple ukrainien est opposé... à tout discours de haine vis à vis des autres peuples". Ironiquement, la CIA s'occupe via Prolog de faire traduire le livre en français pour les organisations de gauche solidaires de l'URSS en Europe. En d'autres mots, les anciens bandéristes attaquent maintenant les soviétiques pour antisémitisme dans un renversement des rôles absolu.
Lebed se retire en 1975 mais demeurera un conseiller et un consultant de Prolog et du ZP/UHVR. Roman Kupchinsky, un journaliste ukrainien qui avait un an quand la guerre s'est achevée, devient le directeur de Prolog en 1978. Dans les années 1980, le nom de l'opération AERODYNAMIC est changé en QRDYNAMIC, puis en PDDYNAMIC puis encore en QRPLUMB. En 1977, le Conseiller National à la Sécurité du président Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski aide l'expansion du programme due à ce qu'il appele ses "dividendes impressionnants" et "l'impact sur l'audience spécifique dans la zone cible". Dans les années 1980, Prolog étend ses opérations pour atteindre les autres nationalités soviétiques, et dans une suprême ironie, celles ci incluant les dissidents juifs soviétiques. Avec l'URSS vacillante au bord de l'effondrement en 1990, l'opération qrplumb se termine avec un ultime versement de 1,75 millions de dollars. Prolog continuera ses activités, mais sur ses seuls financements propres après ça.
En Juin 1985, le US General Accounting Office (le bras d'enquête du Congrès américain) mentionne le nom de Lebed dans un rapport public sur les nazis et leurs collaborateurs s'étant installés aux Etats Unis avec l'aide des agences de renseignement américaines. Le bureau des investigations spéciales (OSI) au sein du Département de Justice commence à enquêter sur Lebed cette année là. La CIA s'inquiète du fait que cette exposition publique de Lebed n'en vienne à compromettre l'opération qrplumb et de l'indignation que pourrait produire dans la communauté d'émigrés ukrainiens une telle défaillance dans la protection de Lebed. Elle protège alors Lebed en niant toute connexion entre Lebed et les nazis et en martelant qu'il a toujours été un combattant ukrainien de la liberté. La vérité est bien sûr plus "compliquée". A la fin 1991, la CIA tente de dissuader l'OSI d'approcher les gouvernements allemand, polonais et soviétique en vue d'accéder à leurs archives de guerre relatives à l'OUN. L'OSI finit par abandonner l'affaire, dans l'impossibilité qu'elle fut de se procurer les documents définitifs sur Lebed. Mykola Lebed, collaborateur en chef de Bandera durant la guerre en Ukraine, meurt le 18 Juillet 1998. Il est enterré dans le New Jersey, et ses papiers sont conservés au sein de l'Institut de Recherche Ukrainienne à l'Université de Harvard.
Le 16 février 2023 à 01:55:18 :
Très long et très bon.
Par contre, pourrais-tu mettre tes sources?
Oui.
La principale source ici, c'est "Hitler's Shadow: Nazi War Criminals, U.S. Intelligence, and the Cold War" des historiens américains Richard Breitman et Norman J.W. Goda.
Par conséquent, personne ne pourra dire qu'il s'agit là de la propagande de Moscou.
Le 16 février 2023 à 00:56:06 :
Le 16 février 2023 à 00:30:20 :
Bandera sera assassiné à Munich en 1959.
Probablement par les Allemands.
Une enquête sur les crimes de guerre ukrainiens en URSS était en cours. Et les allemands craignaient qu'il ne balance ses liens avec eux.Les services allemands feront passer son assassinat pour un coup des soviétiques avec le fameux parapluie empoisonné. Une scène digne de Hollywood !
Oui, j'en parle ici.
Même si j'en reste à l'histoire du cyanure projeté à son visage afin de rester au maximum fidèle à l'ouvrage auquel je me suis référé.
Mais à titre perso, je trouve l'histoire de Lebed et de sa connexion avec la CIA encore beaucoup plus intéressante que celle de Bandera. Elle est en tout cas nettement plus éclairante pour accéder à une bonne compréhension des événements actuels.
Je te comprends, mais de mon côté je pense que ton livre est avant tout écrit par des américains et ils n'ont pas tout lu des archives de la CIA. Je connais ces archives, j'en ai lu des tonnes déjà. Et non, ils ne mettent pas tout, faut pas croire
Evidemment ils cachent leurs liens avec le plus gros poisson, le pire de tous : Bandera. Lebed c'est évidemment un petit poisson.
De toute façon les affreux ukrainiens ne se cachent pas aux USA ou au Canada... ils ont des officines de milliardaires financés par la CIA, Harvard et les milliardaires américains. Ils m'ont toujours choqué. Ce sont eux qui entretenaient le pire de la propagande antisoviétique. Ils se tenaient plus tranquilles du temps de l'URSS et avant 2014. Désormais, ils n'hésitent plus à se présenter comme des blanches colombes. Les médias mainstream occidentaux ont repris leurs récits (complètement pourri), alors qu'auparavant ils étaient laissés dans un coin. Le plus exemple c'est la propagande autour "d'holodomor". Ce canular créé par les nazis avec les natios ukrainiens dès 1933 n'avait jamais été repris en occident jusque 2014.