Source Article du magazine l'Histoire "La Russie d'Ivan le Terrible à Poutine" juillet 2009 num 344
entretien de Leonid Sedov
- le gout pour le pouvoir fort -
Q: Comment caractérisez- vous, alors, le rapport du citoyen russe au pouvoir?
En 2004, j’ai introduit dans le lexique de science politique le terme de “régime d’auto-occupation” pour caractériser ce rapport très particulier du peuple au pouvoir. On peut en reprendre la définition proposée en décembre 2008 par Iouri Afanassiev, l’une des figures les plus marquantes du courant libéral post-soviétique, dans Novaia Gazeta : “Le régime d’auto-occupation, c à d le traitement par le pouvoir de son peuple comme un peuple étranger, occupé [...] me paraît être la définition la plus exacte de l’ordre étatique qu’a connu la Russie à toutes les périodes de son histoire, y compris aujourd'hui. J’appelle ce type de pouvoir le pouvoir “de la Horde d'Or (réf. à l’occupation mongole du 13em-15em siècle, qui a tant marqué l’histoire russe). “Ce pouvoir se caractérise par “la monologue en lieu et place du dialogue, par le diktat en lieu et place de la négociation, le refus de tout compromis, le manichéisme”.
Les changements économiques des dernières années et, d’une manière générale, les changements du mode de vie quotidien des Russes (ou plus exactement d’une minorité d’entre eux, qui résident à Moscou et dans quelques autres des villes dynamiques du pays) n’ont absolument pas ébranlé les fondements et l’organisation même du pouvoir. Celui-ci est resté, comme du temps de l’Union soviétique, comme du temps de l’autocratie tsariste, totalement indépendant de la société; il n’est soumis à aucun contrôle d’institutions émanant de la société civile et n’a d’autre but que l'autopréservation.
Q: Comment la société russe accepte-t-elle ce régime d'auto-occupation?
Il est important de souligner que ce régime bénéficie d’un fort consensus. “ Le Parti du peuple, le peuple et le pouvoir sont unis “ : tel était l’un des slogans les plus prégnants de l’époque stalinienne, mais aussi de l’époque brejnévienne. Le culte de Staline était loin d’être uniquement imposé d’en haut; il s’est formé d’abord dans la tête de dizaines de millions de simples sujets soviétiques. Aujourd’hui, on assiste à un phénomène analogue avec le culte de Vladimir Poutine. A ce jour, il est vrai que le président Medvedev n’a pas encore acquis la stature d’homme fort qui colle à son prédécesseur.
Toutefois, quand on parle de pouvoir, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit, pour l’essentiel, du pouvoir du seul président. Interrogés récemment sur le “degré de confiance qu[‘ils] porte[nt] envers les diverses institutions de l’Etat”, les Russes ont clairement montré qu’ils ne faisaient “pleinement confiance” qu’au président (70% des personnes interrogées). En deuxième, mais très loin derrière, venait l’armée (30% lui font "entièrement confiance”, 33% “partiellement confiance”, 19% “pas confiance”), puis le FSB, la sécurité d’Etat (25% pleinement confiance, 32% “partiellement confiance”, 16% “pas confiance”). En revanche, le gouvernement, les députés, les représentants du pouvoir local, les juges, les policiers ne recueillent que 12 à 18 % d’opinions favorables ("entièrement confiance”). Ces attitudes illustrent parfaitement ce que j’appelle le "syndrome du Guide”.
Par ailleurs, il est remarquable que les deux seules institutions qui bénéficient d’une certaine confiance sont l’armée et le FSB, deux “structures de force” dont la fonction est de protéger la population contre les “dangers extérieurs” et les pays. C’est ce que j’appelle le “syndrome post-impérial”. Le "syndrome du Guide” et le “syndrome post-impérial” me paraissent être deux composantes fondamentales pour comprendre l’attitude des Russes face au pouvoir.
https://www.lhistoire.fr/parution/mensuel-344
Désolé j'ai pas trouvé de scan librement accessible. J'ai juste repris 2 questions et réponses dans leur intégralité.
Vu le contexte j'ai trouvé ca assez intéressant pour décrypter comment les choses pourraient être perçu par les Russes et leur niveau d'opposition réel.
Oui, il faut regarder leur rapport au pouvoir en sortant de notre carcan occidentaux démocratiques.
C'est intéressant.
Comment les Russes ont réagi quand nous leur avons montré des photos d'Ukraine.
Micro trottoir fait en Russie.
https://youtu.be/kELta9MLOzg
https://www.youtube.com/watch?v=JrMiSQAGOS4
C'est un problème de mécompréhension auquel l'auteur fait allusion : entre des modèles de gouvernance et d'organisation sociétale différents. A savoir des régimes qui excluent la démocratie de leur mode de gouvernance pour conserver un pouvoir personnel, ou/et parce qu'il ne considère pas cela comme apte à faire progresser leur pays. De fait, on retrouve un système de valeur entre média occidentaux contre la guerre (à juste titre pour les civils qui eux n'ont rien demandé) sans interroger clairement les origines à la sauce scientifique : c'est à dire se mettre à la place de l'autre même s'il ne nous plaît pas. Alors que l'origine de la guerre semble géopolitique, l'intervention russe peut ne pas nous plaire pour les raisons évidentes d'innocents qui périssent sans avoir rien demandé, mais la perspective appelle un regard décentré.
Point nodal : selon lui, les Américains et Européens n'ont pas pris en compte la position russe parce que l'Occident est complètement certaine d'elle-même quant à ses valeurs démocratiques universelles.
Point avancé par l'Occident : l'Ukraine est un pays souverain (démocratie vu de l'Occident) donc elle a le droit de choisir son camp.
Point avancé par les russes : l'Ukraine a une population russophone, une histoire forte avec nous, danger géopolitique d'un modèle occidental de gouvernance démocratique et d'alliance militaire à notre porte que l'on rejette à Moscou.
En d'autres termes, accepterions-nous que la Chine et la Russie fassent une alliance militaire avec des pays européens au point d'y amener des troupes ? Je ne pense pas car leur système de valeur démocratique diffèrent du nôtre.
Deux visions différentes, reste de la Guerre Froide pour sûr, deux modèles incompatibles.
Mais bon il n'empêche nous tous ici ,et je l'espère, préférons vivre dans un état à tendance démocratique et libertaire qu'un état autocrate à tendance tyrannique.
Je veux bien croire qu'il y a un conflit idéologique important dans cette guerre en Ukraine.
Mais j'essaie plutôt de mettre le doigt sur l'impossibilité pour les citoyens russes vivant en Russie de jouer un rôle dans une contestation permettant une fin du conflit ou au mieux une cessation des hostilités..
Ah mais je suis en faveur de notre modèle plutôt que du leur, c'est juste que lorsqu'on fait de la diplomatie, il faut accepter qu'on ne pense pas pareil que nous de l'autre côté de la Terre. On ne peut pas toujours y faire grand chose, ou en tout cas, on ne peut pas en faire trop au risque de provoquer une guerre. Poutine a sa responsabilité certaine, mais il n'est sans doute pas le seul.
Hello tout le
Afin de ne pas avoir à modérer ce topic, je vous remercie de ne pas aborder les tensions géopolitiques actuelles et vous concentrer exclusivement sur l’aspect historique de l’ex URSS.
Bon week-end,
Le 05 mars 2022 à 14:01:51 :
Hello tout leAfin de ne pas avoir à modérer ce topic, je vous remercie de ne pas aborder les tensions géopolitiques actuelles et vous concentrer exclusivement sur l’aspect historique de l’ex URSS.
Bon week-end,
Ce topic est politique.
L'article de l'histoire est aussi politique...
Exemple :
Q: Comment la société russe accepte-t-elle ce régime d'auto-occupation?
L'histoire ça fait longtemps qu'ils se détachent de plus en plus de l'histoire pour faire de l'actualité, plus proche du journalisme. Là c'est c'est évident.
Je n'ai rien contre ce magazine, mais il faut être conscient de ce qu'on fait.
En citant cet interview, on fait de la politique, pas de l'histoire.