Je croyais que l'Espagne avait expulsé tous les juifs du pays et qu'ensuite elle avait fait la chasse aux juifs convertis qui étaient restés. Je pensais que les juifs menaient une vie misérable, les boucs émissaires de la société.
Et puis j'ai plusieurs biographies de personnages de l'époque. On découvre que ce sont de très hauts dignitaires et qu'ils sont des juifs convertis, conversos.
J'étais choqué. Je pensais que la couronne était antisémite, comme on me l'avait appris à l'école, que les monarques et les chrétiens supportaient pas les juifs... or en réalité je découvre qu'ils étaient protégés par la noblesse et la monarchie (comme en Pologne) qui voyaient en eux des auxiliaires doués et dociles face à une peuple hostile.
Les conversos se sont dirigés vers les ordres monastiques pour se retirer de la vie publique en gros, profiter de la protection accordés en général à ces "saints hommes". En gros, ils continueraient à vivre et on leur foutrait la paix.
C'est ainsi que je découvrais l'ordre de Saint Jérôme, les Hiéronymites. Cet ordre était connu pour être bourré de conversos. Et effectivement il l'était. Mais Pourquoi cet ordre plutôt qu'un autre ? L'ordre des hiéronymites n'était pas un ordre mendiant. C'est à dire qu'il ne dépendait de l'aide apportée par la population chrétienne. Autrement dit, il n'était pas au contact du peuple. C'était un refuge créé en réalité par l'aristocratie pour se retirer du monde et vivre avec excès.
Les conversos évitaient donc de se retrouver au contact d'une population chrétienne qu'ils abhorraient et réciproquement. Fondé au XIV° s. cet ordre devait attirer de plus en plus de juifs vrais ou faux convertis. Alors que la Reconquête (années 1480-90) se termine, le scandale finit par éclater. Les moines du monastère de Guadalupe faisaient l'apologie dans leurs sermons du judaisme, pronaient la supériorité du judaisme sur le christianisme etc. Aussi incroyable que cela puisse être, c'était la réalité. Ces moines conversos argumentaient en faveur du judaisme. Ils furent donc publiquement accusés de "judaiser". Leur leader, Diego de Marcena, fut entendu par l'Inquisition. Il maintint ses déclarations. Mais problème : il n'était pas baptisé ! Un moine chrétien qui n'était pas baptisé... incroyable ?
Aussi curieux que ça puisse paraitre l'Eglise ne pouvait rien contre lui puisqu'il n'était pas baptisé... L'Eglise lui a alors demandé de se baptiser puisqu'il était officiellement chrétien. Il aurait du refuser. Mais alors il aurait été expulsé. Il finit donc par accepter. Une fois baptisé il tombait sous la juridiction de l'Inquisition. Il fut donc condamné avec 50 autres comparses au bucher et brûlés vifs.
Aussi curieux que cela puisse paraitre ce procès divisé l'Eglise qui était elle-même remplie à de hauts postes de conversos issus des hiéronymites. En réalité les juifs de cour se maintenaient à la Cour avec la complicité de la noblesse et du roi en affichant de fausses conversions. Parmi eux était Hernando de Talavera évêque d'Avila. La région d'Avila était rempli de musulmans et de juifs convertis. C'est dans cette région que le monastère hiéronymite de Guadalupe fut pourchassé par l'Inquisition. A l'occasion du procès, Talavero avait là l'occasion de prouver la justesse de sa conversion : rallierait-il les chrétiens de l'inquisition ou les conversos accusés ?
On aurait pu croire que la crainte de l'accusation ne le porte obligatoirement à rallier l'accusation. Et bien il n'en fut rien... L'évêque, lui-même conversos et issu des hiéronymites refusé d'assister au bucher et protesta. Il prônait la tolérance et de ne faire des conversions que volontaires et sans l'usage de la force et de la menace. Si le pouvoir avait écouté ses conseils, il n'y aurait eu aucun converti... les musulmans préférant garder leurs lois et les juifs aussi (c'est ce qui amènera les conversions forcées, 1492 pour les juifs et 1502 pour les musulmans, puis les expulsions (devant la fausseté des conversions) : juifs en 1492, musulmans "morisques" en 1609).
Quoiqu'il en soit l'évêque par son attitude rompait les rangs et se révélait sous son vrai jour de conversos... Pourtant il fut protégé par la reine dont il était le confesseur depuis 30 ans ! Il fut même promu archévêque de Grenade, la ville nouvellement conquise en 1492. Cette nomination n'était pas un hasard : Grenade était remplie de musulmans et de juifs. En nommant Talavera la reine jouait la carte diplomatique avec cette population. Le destin de Talavera était tellement lié à la reine qu'une ville s'appelle "Talavera de la reina" en Espagne encore aujourd'hui. Et il fallut attendre qu'elle meure pour que l'Inquisition ose s'attaquer à Talavera évêque relaps d'Avila. Mais à l'époque il était déjà très âgé et il mourut avant le procès. Le scandale était évité.
Les conversos étaient légion surtout dans la haute administration et avec l'aide du roi et de la noblesse ils s'y maintinrent malgré l'inquisition. Si bien que la rumeur disait que Torquemada, le leader emblématique de l'Inquisition espagnole, était lui-même un conversos.
Cécile CODET, « Hernando de Talavera : de la conversion idéale à l’utopie de la conversion », Atalaya [En ligne], 14 | 2014, mis en ligne le 01 juin 2015, consulté le 08 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/atalaya/1259 ; DOI : https://doi.org/10.4000/atalaya.1259
"Convertis et judaïsants dans l'ordre de Saint-Jérôme: un état de la question", Sophie Coussemacker, Mélanges de la Casa de Velázquez Année 1991 27-2 pp. 5-27
https://www.persee.fr/doc/casa_0076-230x_1991_num_27_2_2583#casa_0076-230X_1991_num_27_2_T1_0012_0000
L'historien Joseph Perez (Isabelle et Ferdinand) dit qu'on a beaucoup exagéré l'importance des juifs dans les métiers d'argent. Sur 500 précepteurs, seuls 15% sont juifs et ils prélèvent 25% des impôts. Ces chiffres dénoncent pourtant le contraire de ce que veut affirmer Perez... ils sont surreprésentés chez les précepteurs, et en plus ils sont chargés de récolter plus d'impôts que les autres.
Pas étonnant que les rois espagnols refusent d'appliquer le concile de Latran (1215) les concernant. L'Espagne devient donc le refuge des juifs européens chassés d'ailleurs.
Le peuple en vient à se demander si le roi Pierre Ier ne serait pas juif : la reine aurait accouché d'une fille mais les médecins juifs auraient remplacé le bébé par un bébé garçon juif. En 1391 des pogroms éclatent un peu partout en Espagne. Des juifs préfèrent se convertir, c'est le début des conversos ou "nouveaux chrétiens". Salomon Ha Levi, grand rabbin devient Pablo de Santa Maria évêque de Burgos. D'autres fuient en Afrique du Nord, en Méditerranée, au Portugal. La suspicion pèse sur les convertis. Pedro de la Caballeria, riche bourgeois converti, ne se cache pas : il récite des prières juives et fait le sabbat. Le père Garcia Zapata prieur des hiéronymites (encore eux) célèbre les fêtes juives du Tabernacle tous les ans ; pendant la messe il prononce des injures et des blasphèmes ; il a poussé le bouchon trop loin : il sera brûlé par l'Inquisition. Beaucoup de convertis continuent ouvertement de pratiquer le judaisme : pas de viande de porc, pas de poisson sans écailles, faire sabbat, lire la Torah, circoncision des enfants, etc. Pas étonnant que la colère gronde.
En 1449 sous l'influence d'un moine, la ville de Tolède interdit aux nouveaux chrétiens les magistratures. Jusqu'en 1474 des pogroms éclatent de nouveau dans les grandes villes.
Pour faire cesser les troubles le Roi crée l'Inquisition en 1478 qui sera chargé de décider après enquête si tel converti est sincère ou s'il est hostile au christianisme. Pendant 2 jusqu'en 1480 la méthode douce est appliquée : on demande aux conversos de suivre des cours de catéchisme pour apprendre les rites et les prières chrétiennes. Mais cette politique ne donne rien. Les conversos s'en moquent ouvertement. Surtout en Andalousie où la quasi totalité de la population est soit juive soit musulmane. Ceux qui prônaient la méthode douce (des conversos eux-mêmes le plus souvent) sont dépités... car désormais c'est une méthode plus dure qui va arriver.
En 1480 le roi nomme 2 inquisiteurs pour la première fois. A leur arrivée dans la ville de Séville à la fin de l'année, les conversos fuient la ville pour se réfugier dans les domaines des Nobles. De 1481 à 1488, 700 seront condamnés à mort, 5.000 auront des peines plus légères. En 1482 c'est à Cordoue que débarquent les Inquisiteurs. Puis dans les autres grandes villes... les conversos font de la résistance : à Séville, à Tolède et ailleurs ils fomentent des complots pour assassiner les inquisiteurs et soulever la ville, mais à chaque fois ils sont déjoués. Ils en appellent au Pape qui essaie de faire plier le roi sans succès. En 1485 l'inquisiteur est assassiné dans la cathédrale de Saragosse.
Tout au long de la période rois et nobles espagnols protègent les juifs/conversos. Les rois refusent d'appliquer le concile de Latran (1215). On le voit aussi de 1449 à 1492 lors des pogroms ou lors de l'arrivée des inquisiteurs dans les grandes villes : ce sont les nobles qui les accueillent et les protègent dans leur domaines à l'écart des villes. A l'heure où le roi trahit les juifs/conversos et crée l'inquisition, les nobles continuent à les soutenir. Il faut un énorme mouvement populaire, un mouvement qui dépasse le roi et les nobles, qui allie le clergé et le peuple pour que le Roi se résigne à installer l'inquisition.
On peut aussi se dire que le roi ménage juifs et musulmans tant qu'il n'est pas sûr de reprendre tout le territoire, tant qu'il n'est pas sur de sa force. A partir du moment où il n'a plus besoin de leur coopération, il peut les lâcher et instaurer l'inquisition. Il faut dire aussi qu'il a laissé le temps aux juifs et aux musulmans de bonne volonté de le rejoindre et de prouver leur sincérité... Quel intérêt de garder dans son royaume des milliers de juifs ou de musulmans qui se moquent ouvertement de sa religion, de lui-même donc ?
L'historiographie est clairement complaisante envers les musulmans.
André Clot l'Espagne musulmane 1999 :
"On comprend que les Juifs aient facilité la conquête arabe et accueilli les envahisseurs comme des libérateurs"
Il est étonnant que cette réflexion ne soit pas faite pour justifier l'expulsion des juifs au moment de la Reconquête, mais qu'elle serve uniquement à justifier la collaboration et la trahison des juifs au moment de la conquête.
"Sous la domination arabe tous les métiers sont permis aux juifs, surtout s'ils se convertissent."
C'est à dire, exactement comme chez les chrétiens, mais ça, André Clot ne l'écrit pas.
Clot nous décrit donc un paradis islamique pour les juifs qu'il oppose à l'enfer chrétien.
Clot évoque ensuite le pogrom de Grenade et le justifie : "(les juifs) ont entre leurs mains toute l'économie du petit royaume". En réalité, c'est le prince musulman qui tient toute l'économie du pays, pas les juifs auxquels ils la délèguent... les juifs ne dont donc objectivement que des bouc-émissaires lors de ces émeutes.
Clot parle ensuite de "peut-être 3000 victimes en quelques semaines"...
Mais les sources parlent de 4000 morts en un seul jour... https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Grenade Clot met en doute (peut-être) les victimes, mais il sous-estime leur nombre également et il diminue la gravité du progrom en l'étalent sur des semaines alors que tout s'est passé en 24h...
Clot conclue comme si de rien n'était : "puis la vie reprit son cours et les juifs vécurent comme par le passé". Autant dire que pour lui le progrom de 1066 est un non-événement.
Le traitement à géométrie variable en faveur de l'islam est assez criant chez cet auteur.
Pourquoi cette volonté de minimiser les crimes musulmans et d'exagérer les crimes des chrétiens ?
Clot écrit un livre sur L'Espagne musulmane, c'est à dire l'Espagne de 711 à 1492.
Il y consacre un chapitre sur "les Juifs" d'à peu près 70 lignes.
Sur ces 70 lignes il en écrit 28 sur le traitement des Juifs par les Wisigoths, c'est à dire sur l'Espagne d'avant 711.
Il ne consacre donc qu'à peine plus de la moitié de son chapitre au sort des Juifs dans l'Espagne musulmane.
C'est une singulière manière de faire. On voit bien que le travail est bâclé.
Le 13 janvier 2022 à 07:06:30 :
L'historien Joseph Perez (Isabelle et Ferdinand) dit qu'on a beaucoup exagéré l'importance des juifs dans les métiers d'argent. Sur 500 précepteurs, seuls 15% sont juifs et ils prélèvent 25% des impôts. Ces chiffres dénoncent pourtant le contraire de ce que veut affirmer Perez... ils sont surreprésentés chez les précepteurs, et en plus ils sont chargés de récolter plus d'impôts que les autres.
Perez répète (p.363) : "le rôle des juifs dans les services fiscaux de la monarchie étaient beaucoup plus limité qu'on l'a prétendu".
Mais, était-il si limité que le dit Perez ?
Perez (p.354) estime le nombre de familles juives en Castille à 15.000 vers 1470. Il donne le chiffre de 200.000 dans toute l'Espagne en 1492 (p.362), soit 4 à 5% de la population.
Si les juifs en étant 5% de la population représentait 15% des précepteurs. Il faut bien conclure qu'ils étaient surreprésentés 3 fois dans le métier des précepteurs d'impôts. Ce qui les rendait 3 fois plus exposés à la haine publique et habituelle contre les releveurs d'impôts. Ce n'est pas un détail anodin.
Perez donne une explication très simple concernant l'expulsion des juifs de 1492. Pour lui ce n'est pas de l'antisémitisme. C'est une mesure prise par l'Inquisition pour permettre aux juifs convertis, les conversos, de cesser de tendre vers le judaisme (judaiser).
En effet nous explique-t-il, les conversos au contact des autres juifs avaient tendance à reconsidérer le judaisme ou à comparer judaisme et christianisme, bref à s'écarter du christianisme. On peut imaginer des débats entre conversos et juifs restés juifs pour savoir quelle était la meilleure foi etc. des débats qui ne se passaient peut-être pas toujours très bien.
Quoiqu'il en soit Perez donne raison à l'Inquisition qui demandait l'expulsion des juifs au nom de la concorde sociale. C'est le bien commun selon Perez qui aurait poussé Isabelle et Ferdinand à expulser les juifs d'Espagne en 1492. En effet nous explique-t-il I et F étaient tout sauf antisémites. Il nous rappelle la protection offerte par le couple royal aux juifs. Il nous rappelle que les juifs espagnols se vantaient auprès des juifs italiens que les rois espagnols les protégeaient mieux que les autres etc. Il nie également tout antisémitisme "espagnol". En effet, il signale des communes qui ont interdit qu'on construise sur les cimetières juifs, même après leur expulsion. Et il donne l'exemple d'une ville où le cimetière était encore intact en 1945... 500 ans plus tard. Ce n'est qu'après la guerre qu'en signe de reconnaissance les juifs ont autorisé la commune à détruire le cimetière. Les juifs avaient accepté en remerciements du refuge qu'avait été l'Espagne pendant 39-45 (Franco n'a livré aucun juif à Hitler). L'Espagne "fasciste", franquiste, avait même accepté de reconnaitre comme juifs espagnols (et donc protégé d'Hitler) des descendants d'expulsés de 1492.
Donc selon Perez l'expulsion de 1492 ne peut pas être expliqué par antisémitisme, mais par souci d'intégrer complètement les juifs convertis (conversos) qui pâtissaient des communautés juives subsistantes. Il ajoute que cette expulsion n'a gêné en rien le royaume au niveau économique, fiscal ou politique.
Le 11 février 2022 à 17:05:16 :
L'historiographie est clairement complaisante envers les musulmans.André Clot l'Espagne musulmane 1999 :
"On comprend que les Juifs aient facilité la conquête arabe et accueilli les envahisseurs comme des libérateurs"
Il est étonnant que cette réflexion ne soit pas faite pour justifier l'expulsion des juifs au moment de la Reconquête, mais qu'elle serve uniquement à justifier la collaboration et la trahison des juifs au moment de la conquête.
Aucune trahison de leur part. Ils ne sont pas Européens. Ils s'implantent dans un pays européen et crée un monde parallèle. Aucune "trahison" possible s'il n'y a personne dans le pays capable de faire ça.
Etudions quelques cas de conversos célèbres :
La famille Davila
Diego Arias Davila (1400-1466) est né juif mais il se convertit à l'âge de 6 ans. Son ascension à la cour du roi est du à un personnage étrange : Alvaro de Luna. Il se rend utile à la Cour. La maison de Castille le protège. Il devient secrétaire puis comptable du roi, collectionnant les postes d'échevins et les bénéfices.
Ses enfants :
Pedro Arias "El Valiente" (le Vaillant) Davila devient un militaire de talent et meurt au service du roi
Sa fille Isabel se marie à un bourgeois de Ségovie et aura une grande descendance.
Juan Arias Davile suivra la carrière ecclésiastique où il connaitra le même succès que son père.
Dernier né, il connaitra la déchéance de la famille sur la fin de sa vie.
Il est connu comme l'introducteur de l'imprimerie en Espagne. C'est en effet à l'occasion d'un de ses synodes qu'est imprimé le premier livre imprimé en Espagne (le synode d'Aquilafuente, 1472). En tant qu'évêque il commande de nombreux livres imprimés destinés aux étudiants en théologie.
Il parraine de nombreux artistes et savants.
Evêque de Ségovie à 28 ans seulement, il collectionne d'autres bénéfices comme son père.
Les problèmes commencent en 1490. Quand l'Inquisition enquête sur la conversion du patriarche : sa conversion était-elle sincère ? L'Inquisition conclut que non. Les parents doivent donc être déterrés et brûlés en place publique. Ainsi le veut la coutume pour les hérétiques.
L'évêque proteste et crie au scandale. Mais rien n'y fait. Même le couple royal n'y peut rien.
Juan s'exile alors.
Il emporte avec lui les dépouilles de ses parents pour leur éviter le bûcher.
Il part à Rome retrouver son ami le Pape. Il vit à Rome jusqu'à sa mort en 1497.
https://es.wikipedia.org/g/wiki/Diego_Arias_D%C3%A1vila
https://es.wikipedia.org/wiki/Casa_de_D%C3%A1vila
https://es.wikipedia.org/wiki/Pedro_Arias_D%C3%A1vila_el_Valiente#Matrimonio_y_descendencia
https://es.wikipedia.org/rg/wiki/Juan_Arias_D%C3%A1vila
Bonjour,
félicitations à tous.
On comprends bien le terme conversos. Je préfère employer le terme marranes.Beaucoup étaient juifs, d'autres luthériens,. l'inquisition les pourchassait dans toute la péninsule ibérique, Espagne et Portugal compris. Ils se cachaient, pour ne pas renier leur religion, en communauté entière, au point de fonder des villages, un peu à l'instar des cathares, en France, quelques siècles plus tôt. Aujourd'hui, certains de ces villages font l'objet d'un certain tourisme. Y perdure un vrai fond culturel
https://journals.openedittion.org/ethnomusicologie/3641
On trouve ces villages, et ce n'est pas un hasard, surtout le long de la frontière entre Espagne et Portugal.. trao del montes, le pays des serranos.
El courriere internationale: https://www.courrierinternational.com/article/2005/10/13/la-judaite-retrouvee-de-belmonte
Je m'interesse plus aux luthériens dans la péninsule ibérique dont certains sont d'ascendance wisigothes, germaniques donc. Dans les rues, au XVeme siècle, à Lisboa, à Madrid, une blonde aux yeux bleus, ça ne devait pas passer inaperçu(e), je suppose.
Je trouve peu de références
Salutations
Le 16 février 2022 à 05:15:35 :
Bonjour,félicitations à tous.
On comprends bien le terme conversos. Je préfère employer le terme marranes.Beaucoup étaient juifs, d'autres luthériens,. l'inquisition les pourchassait dans toute la péninsule ibérique, Espagne et Portugal compris. Ils se cachaient, pour ne pas renier leur religion, en communauté entière, au point de fonder des villages, un peu à l'instar des cathares, en France, quelques siècles plus tôt. Aujourd'hui, certains de ces villages font l'objet d'un certain tourisme. Y perdure un vrai fond culturel
https://journals.openedittion.org/ethnomusicologie/3641
On trouve ces villages, et ce n'est pas un hasard, surtout le long de la frontière entre Espagne et Portugal.. trao del montes, le pays des serranos.
El courriere internationale: https://www.courrierinternational.com/article/2005/10/13/la-judaite-retrouvee-de-belmonte
Je m'interesse plus aux luthériens dans la péninsule ibérique dont certains sont d'ascendance wisigothes, germaniques donc. Dans les rues, au XVeme siècle, à Lisboa, à Madrid, une blonde aux yeux bleus, ça ne devait pas passer inaperçu(e), je suppose.
Je trouve peu de références
Salutations
Ça expliquerai pourquoi les Basques ont collaboré avec les Français pour obtenir la liberté de culte quand la République française à envahit l'Espagne en 1794...
Le 16 février 2022 à 05:15:35 :
El courriere internationale: https://www.courrierinternational.com/article/2005/10/13/la-judaite-retrouvee-de-belmonteLa synagogue Bet Eliahu date de 1996. Elle a été financée par l’homme d’affaires juif marocain Salomon Azoulay. Avant cela, les juifs de Belmonte pratiquaient leur religion chez eux, en privé, comme ils le faisaient depuis la conversion forcée de leurs ancêtres, à la fin du XVe siècle.
les années 1980. C’est au cours de cette décennie qu’ont eu lieu les premières circoncisions et la célébration du premier mariage juif depuis 1496. “J’ai été circoncis en 1989, ici à l’hôpital, et j’ai ensuite fait ma bar-mitsva”, raconte Moisés, qui s’est marié à l’église il y a dix-huit ans. Ses propres parents, en plein XXe siècle, l’incitaient encore à cacher son judaïsme et à le maintenir dans la sphère de l’intime. Ce n’est qu’en 1989, après sa conversion, qu’il a cessé d’aller à la messe.
Bel exemple qui montre ce pour quoi l'Inquisition avait été établi : les faux convertis étaient nombreux et que l'Inquisition était laxiste et pas terrible.
Ceux-là ont joué la comédie pendant 500 ans !
L'Inquisition s'est terminée en 1836.
92% des gens condamnés par l'Inquisition étaient des juifs convertis, les conversos.
Les musulmans ont préféré fuir en effet massivement en Afrique du nord plutôt que de se convertir.
Mais on s'est demandé sur les raisons sincères de l'Inquisition : antisémitisme d'Etat ? L'Etat espagnol était tout sauf antisémite. Les juifs y occupaient une place importante. Nous l'avons à travers plusieurs exemples de fonctionnaires royaux de très haut rang : confesseur du roi, trésorier du roi, évêque etc.
S'agissait-il alors uniquement de récupérer l'argent des juifs ? les juifs étaient en effet établis depuis longtemps dans les régions reconquises et comme avec les chrétiens ils jouaient souvent le rôle de trésorier, comptable, précepteur d'impôts auprès des musulmans... Les rois catholiques trouvaient donc toujours une communauté juive bien établie là où ils reprenaient les terres aux musulmans. Ces juifs proposaient leur service au roi qui acceptaient bien évidemment.
Mais il est possible que le roi et l'Eglise ait été intéressé par l'argent et les fortunes accumulées par ces juifs au cours des siècles et qu'ils supportaient mal de les voir s'être enrichi ainsi.
Tout condamné par l'Inquisition voyait en effet tous ses biens confisqués.
L'Inquisition aurait donc eu pour but de récupérer les fortunes juives. Effectivement, les procès se finissait rarement par un bucher... dans la plupart des cas le Roi proposait aux juifs de racheter leurs fautes en payant des amendes. C'est ainsi que de 1480 à 1510 le roi va amasser des richesses énormes.
Donnons quelques exemples :
1487 Cordoue 1,2 million maravédis
1495 1497 Espagne 20 millions de maravédis
rien qu'à Séville le roi récupère 5 millions de maravédis
à Tolède c'est 7 millions qu'il récupère
1508 1510 Cadix 20.000 ducats
1511 55.000 ducats Cordoue
Très vite dans ces années-à les conversos accusent l'Inquisition d'en vouloir à leur argent et pas à leur foi.
Petite anecdote sur le sujet, mais plutôt du côté Amérique latine, le musée de l'Inquisition de Cartagena de Indias a des archives intéressantes sur les procès et condamnations de plusieurs citoyens de la ville, en particulier des commerçants. Entre autres, ils mettent en avant une dispute commerciale entre deux marchants dont l'un accuse l'autre d'être un faux chrétien. Dans les documents de l'enquête, l'Inquisition remonte sur deux générations et le départ de la famille depuis l'Espagne, et qu'effectivement, ils s'agissaient de juifs convertis partis vers la Nouvelle Espagne.
Finalement, on apprend au travers des documents que le pauvre homme est condamné à mort bien que, on voit clairement que l'affaire est montée sur une histoire de corruption entre les institutions religieuses et les élites commerçantes de la ville.
Je dirai que c'était le seul point intéressant du musée, en-dehors de l'édifice historique aussi.
Niveau lecture, je conseille aussi le dernier livre de Nathan Wachtel sur les mémoires marranes au Brésil et Pérou.
Autre anecdote, en Colombie, certains villages sont considérés comme étant de culture juive (alors qu'en soit rien ne peut l'indiquer), mais en raison de comportements culturels particulier assez marqués. Je trouve ça fascinant personnellement, et c'est vrai que l'organisation de ces villages est souvent différente, de même pour l'aspect culturel de leurs populations. D'ailleurs, le département d'Antioquia, dont la capitale est Medellín, est considéré comme un bastion de la colonisation de juifs et arabes convertis, ce qui, soit disant, expliquerait leur côté très protecteur et communautaire et pourquoi il s'agit du département le plus développé de Colombie (et qu'ils ont formé une république indépendante avant d'être intégré au reste du pays). En plus d'avoir une cuisine, un vocabulaire et des marqueurs sociaux hérités de ces influences.
Aussi, ils disent que la préparation du chicharrón (cuir et graisse de cochon), où la viande est découpée en dents de scie, était une manière de rejeter la viande de porc et de faire comprendre que les convertis la consommaient contre leur volonté. Je trouve cette anecdote assez curieuse même si peu probable.
Et dernier point, les juifs convertis au Brésil ont souvent des noms de famille de plantes ou d'arbres locaux du continent américain, ce qui étaient une manière de se protéger en effaçant leur patronyme. J'ai une amie qui de cette manière, a découvert qu'elle était issue d'immigrés juifs pendant la colonie, et a même pu demander la nationalité israélienne une fois les archives vérifiées.
Le comté d'Antiloquia c'était le fief de Pablo Escobar en Colombie. Escobar descendant de conversos ?
Quand l'Inquisition condamnait des conversos, c'était très rarement à mort. Mais comme nous l'avons vu la très grande majorité des inquiétés étaient des conversos, des juifs convertis.
Nous avons expliqué que l'antisémitisme n'avait rien à voir là-dedans mais de toute évidence la couronne avait un intérêt économique à sanctionner financièrement les familles de conversos.
J'ajoute que ces familles de conversos condamnées par l'Inquisition étaient fortement encouragé à migrer vers le Nouveau Monde. C'était une manière de se débarrasser d'eux. C'était pour eux une solution amiable, puisque contrairement à une idée répandue les conversos n'étaient pas attirés par le monde musulman, ils désiraient rester en Espagne, mais partir en Amérique était une manière de rester en Espagne puisqu'ils restaient en affaire avec le roi Catholique.
Cette stratégie de l'Inquisition explique la grande prépondérance des conversos dans les colonies d'Amérique.
En effet à la lecture de ces lignes, un passage de Christophe Colomb qui m'avait frappé à l'époque m'est revenu à la mémoire.
Christophe Colomb se plaint dans cette lettre du comportement ignoble des colons espagnols envers les indigènes. Il vocifère contre ces colons qu'il accuse d'être uniquement composés d'anciens musulmans ou d'anciens juifs. A l'époque je m'étais dit que CC pétait les plombs... mais c'est connu : les colonies attirent toujours les criminels, les bandits de droit commun, des gens chassés de chez eux en somme... or à cette époque ce sont les juifs et les musulmans qui étiaent chassés d'Espagne. Il n'est donc pas impossible qu'une bonne part des colons maltraitants aient été d'anciens musulmans, d'anciens juifs, c'est à dire de "mauvais chrétiens".
Je me souviens aussi que Las Casas et les hommes d'Eglise se plaigaient aussi horriblement du comportement des populations du Nouveau Monde. Je me souviens de ce rapport d'un homme d'Eglise qui suppliait la reine d'envoyer les Jésuites et d'autres ordres monastiques aux colonies pour pouvoir épurer les comportements des uns et des autres. On invoquait même d'envoyer la Sainte Inquisition pour remettre de l'ordre là-dedans.
Je sais que du côté portugais, les juifs ont joué un grand rôle dans la traite négrière et dans le commerce coloniale dès le début. Ils ont ainsi colonisé l'île de Sao Tomé et Principe les premiers. Ils ont aussi les premiers développer les plantations au Brésil etc. depuis là ils ont développé la plantation au Surinam, puis aux Antilles françaises (c'est pourquoi le Code Noir de Colbert demande à ce qu'on bannisse les juifs des piles). Mais je ne connaissais pas l'importance des Juifs d'Espagne aux antilles et aux amériques espagnoles.
Excellent topic
très interessant
Las Casas, cité par mon VDD, participa pleinement à la controverse de Valladolid.
j'en reviens à ce mot 'marrane' qui se traduit par porc. C'était un terme d'irrespect de la part des catholiques espagnols ou portugais envers ceux qui ne pratiquaient pas leur religion. Essentiellement des juifs, mais aussi des protestants, des musulmans (c'est dire l'ignorance des pratiques religieuses), des animistes. Un certain nombre s'expatrièrent effectivement au nouveau monde. D'autres restèrent.
Je recherche toujours des éléments sur les peuples historiques constituant , habitant la péninsule ibérique. Il y a à faire.
Une citation assez parlante, faisant suite à mon précédent post, que j'ai trouvée sur ce site
https://portugalrectangle.wordpress.com/2014/01/04/2eme-episode-des-blonds-au-portugal/
"Une chose que David ne s’expliquait pas à notre rencontre c’est que j’étais portugaise et… blonde. Ce n’était pas le premier, ce ne serait pas le dernier à me demander: “Mais il y a des blondes portugaises?”
Ben oui! J'en connais déjà deux comme ça, et sans lien de parenté apparent, entre elles!
Il ne s'agit pas d'une teinture, mais d'une vraie couleur naturelle des cheveux. D'où ça vient?
Origine wisigothe? Viking? Angle? celte? Hébraîque? Autre? difficile à dire
Au Portugal, on trouve beaucoup plus d'anciens édifices religieux qu'en Espagne. La guerre civile est passée par là,entre 1936 et 1939 provoquant de nombreuses destructions là-bas. Le Portugal fut épargné..
à Porto, joli temple
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/de/Igreja_Evangelica_Metodista_do_Mirante_05.JPG/1280px-Igreja_Evangelica_Metodista_do_Mirante_05.JPG
Belmonte, c'est superbe.
de nombreux juifs du Portugal et d'Espagne émigrèrent aux Pays-bas, au XVIeme siècle, dans la république du même nom.Holland, Zuyderland, mais aussi en Suisse, en Allemagne, des pays d'accueil, à lépoque.
Un joli témoignage,à visiter, chargé d'histoire:
la synagogue portugaise d'Amsterdam, un des plus vieux monuments de la capitale néerlandaise.
https://www.tiqets.com/fr/activites-attractions-amsterdam-c75061/billets-pour-la-synagogue-portugaise-p974557/
Sincérement,
Le 18 février 2022 à 08:43:53 :
Excellent topic
très interessant
Las Casas, cité par mon VDD, participa pleinement à la controverse de Valladolid.
j'en reviens à ce mot 'marrane' qui se traduit par porc. C'était un terme d'irrespect de la part des catholiques espagnols ou portugais envers ceux qui ne pratiquaient pas leur religion. Essentiellement des juifs, mais aussi des protestants, des musulmans (c'est dire l'ignorance des pratiques religieuses), des animistes. Un certain nombre s'expatrièrent effectivement au nouveau monde. D'autres restèrent.
Je recherche toujours des éléments sur les peuples historiques constituant , habitant la péninsule ibérique. Il y a à faire.
Une citation assez parlante, faisant suite à mon précédent post, que j'ai trouvée sur ce site
https://portugalrectangle.wordpress.com/2014/01/04/2eme-episode-des-blonds-au-portugal/"Une chose que David ne s’expliquait pas à notre rencontre c’est que j’étais portugaise et… blonde. Ce n’était pas le premier, ce ne serait pas le dernier à me demander: “Mais il y a des blondes portugaises?”
Ben oui! J'en connais déjà deux comme ça, et sans lien de parenté apparent, entre elles!
Il ne s'agit pas d'une teinture, mais d'une vraie couleur naturelle des cheveux. D'où ça vient?
Origine wisigothe? Viking? Angle? celte? Hébraîque? Autre? difficile à dire
Je te suggère de faire un topic sur le forum, car ce n'est pas le sujet ici.
Mais méfie-toi, le modo actuel a bloqué un topic sur "l'origine des Européens". Il n'a pas l'air intéressé par l'histoire des peuples européens.
Au Portugal, on trouve beaucoup plus d'anciens édifices religieux qu'en Espagne. La guerre civile est passée par là,entre 1936 et 1939 provoquant de nombreuses destructions là-bas. Le Portugal fut épargné..
à Porto, joli temple
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/de/Igreja_Evangelica_Metodista_do_Mirante_05.JPG/1280px-Igreja_Evangelica_Metodista_do_Mirante_05.JPG
Belmonte, c'est superbe.de nombreux juifs du Portugal et d'Espagne émigrèrent aux Pays-bas, au XVIeme siècle, dans la république du même nom.Holland, Zuyderland, mais aussi en Suisse, en Allemagne, des pays d'accueil, à lépoque.
Un joli témoignage,à visiter, chargé d'histoire:
la synagogue portugaise d'Amsterdam, un des plus vieux monuments de la capitale néerlandaise.
https://www.tiqets.com/fr/activites-attractions-amsterdam-c75061/billets-pour-la-synagogue-portugaise-p974557/Sincérement,
Quelques juifs espagnols (sépharades) émigrèrent en Hollande, mais la masse préféra se convertir et rester en Espagne. On estime la moitié au moins.
Perez p.362 estime à 150.000 les juifs de Castille et 50.000 les juifs d'Aragon.
Il estime que sur les 50.000 d'Aragon seuls 10.000 ont été expulsé, et donc 40.000 se sont convertis.
20% seulement sont expulsés, la très grande majorité choisit de rester et devenir chrétienne.
En Castille, il estime que c'est très difficile de savoir. Mais au total les estimations oscillent entre 50.000 et 150.000. Ça fait quand même du simple au triple. Si on prend l'hypothèse basse (50.000), cela donne 10.000 pour l'Aragon et 40.000 pour la Castille ; ce qui donne 20% d'expulsés en Aragon et 30% en Castille. Mais si on prend l'hypothèse haute, ça monté à 140.000 expulsés en Castille, ce qui monte à 90% d'expulsés... On comprend que l'hypothèse haute soit fantaisiste. En effet, rien n'indique un mouvement d'une telle ampleur. C'est sans doute pourquoi Perez privilégie l'hypothèse basse de 50.000 (10.000 pour l'Aragon et 40.000 pour la Castille).
Ces 50.000 expulsés trouvent surtout refuge dans l'empire ottoman. Puis dans une moindre mesure en Afrique du nord, dans le sud-ouest de la France, en Angleterre, en Flandres (Amsterdam). Perez ne donne pas de chiffres pour chaque destination.
Michel Abitbol (historien juif) estime le nombre d'exilés à 160.000, 200.000 ou 250.000 ! On dira qu'il l'estime à 200.000. Ainsi selon cet historien les 3/4 des juifs d'Espagne choisirent l'exil... c'est bien évidemment grotesque. D'ailleurs Abitbol a la délicatesse de mettre des points d'interrogation et de souligner qu'on ne sait pas vraiment... Abitbol dans son article (Juifs d'Afrique du Nord et expulsés d'Espagne après 1492 https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1993_num_210_1_1415) est surtout intéressant pour les cas précis d'exilés qu'il cite... et on voit bien que ces exilés ont souffert mille maux quand ils sont partis en Afrique du Nord (maltraités par les musulmans), et on voit bien que bon nombre de ceux qui avaient choisi de partir ont finalement choisi de revenir en Espagne et de se convertir plutôt que de subir les mauvais traitements et le racket en Afrique du Nord.
J'invite donc à lire l'article d'Abitbol avec intérêt pour les cas particuliers qu'il cite, non pour ses estimations générales hasardeuses. Il cite d'ailleurs le cas très intéressant d'un riche juif autorisé exceptionnellement à partir avec toute sa fortune, alors que selon l'édit d'expulsion les exilés devaient tout laisser sur place... Cela a au moins le mérite de montrer que des exceptions ont existé.
Christophe Colomb et les conversos :
comme nous l'avons dit, les juifs convertis occupaient une place de choix dans la cour des souverains espagnols. Ces "nouveaux chrétiens" étaient mal vus des "vieux chrétiens". On reprochait en effet, comme nous l'avons déjà vu, à ces conversos d'entretenir des liens entre eux, de constituer une mafia se cooptant et torpillant les oeuvres des vieux chrétiens. En gros on les accusait de saboter la monarchie espagnole afin de favoriser la ruine du pays et le retour des mahométans et des judaisants. Ce sont ces craintes qui favoriseront l'expulsion des juifs de 1492 et l'Inquisition, nous l'avons vu.
CC lui était un vieux chrétien. Un gênois. Un italien. Un catholique pur jus. Il a toujours mis en avant l'oeuvre de dieu pour justifier ses voyages. Sa route vers les Indes devait financer la reconquête de Jérusalem le plus vite possible. CC avait fixé la fin du monde pour le siècle suivant. Le temps pressait.
Comme on le sait, CC était très bien intentionné. Mais on sait aussi que son projet a longtemps été retardé. Il présente son expédition au roi du Portugal vers 1483. Il attend donc 10 ans pour pouvoir le réaliser et il doit changer de pays pour le faire. La route de CC a donc été un long chemin de croix semé d'embûches.
CC acceptait mal ces frustrations, lui qui n'oeuvrait que pour Dieu.
On sait aussi que CC est déçu de ses premières découvertes : il est obligé de reconnaitre que les populations découvertes ne sont pas indiennes, qu'il ne rapporte pas les richesses attendues... il ne découvre que des îles... il n'a pas mis les pieds sur le continent indien.
Après son voyage de 1492 il repart en 1493 et ne fait pas plus de découvertes... Il repart en 1498. Toujours frustré, il s'en prend à ceux à qui il 'attribue ses malheurs : les conversos !
En effet, à la Cour beaucoup médisaient sur les aventures de CC. Les expéditions coutaient chères et ne rapportaient pas grand chose... cela avait le don de mettre en furie CC, qui toutefois en bon chrétien ne répondait pas et ne voulait pas choquer ses Majestés. Toutefois, il est un jour où CC s'est lâché. C'était le jour du départ de CC pour sa 3ème expédition, le 30 mai 1498. Son navire amiral était ancré dans le port de Cadix. Et un de ennemis intimes, courtisan, le fameux Ximeno s'invita à bord pour critiquer CC. Or, il faut savoir qu'un capitaine a pouvoir de vie et de mort sur quiconque met un pied à bord de son navire. Or, ce jour-là CC était là et il sauta sur l'occasion pour massacrer de ses mains le pauvre Ximeno. Voici comment Las Casas raconte l'événement quelques années plus tard :
"Ledit Ximeno qui n'était pas un vieux chrétien s'était aventuré sur le pont du navire amiral. L'amiral se jeta sur lui, le bourrant de coups de pied, lui arrachant les cheveux et le mettant en piètre état".
Ximeno alla s'en plaindre évidemment à la Cour. Mais CC sûr de son droit ne s'excusa pas pour autant. Il répondit avec assurance : Je supplie vos altesses de choisir ceux qui s'occuperont des affaires des Indes parmi des gens qui ne lui sont pas contraires. A ce propos je ne sais ce qu'il est advenu de Ximeno, mais il est de la race de ceux qui s'entraident jusqu'à la mort" (cité dans Mah-Lot p.132-133)
Allusion à peine déguisée à l'origine juive de Ximeno...
Colomb se plaignait donc de l'opposition des conversos à l'affaire des Indes.
Il se plaint à peu près à la même époque de l'attitude des colons envoyés aux Amériques qui ne seraient pas de bons chrétiens :
"ils ont tous deux ou trois indiens comme esclaves, et il sont tous polygames... cette façon de faire ne me plait pas et est contraire à Dieu. C'est pourquoi je demande qu'on envoie quelques bons religieux pour réformer les pratiques des chrétiens"
CC se plaint encore des opposants qu'il rencontre dans sa colonie même d'Hispaniola :
"ces gens me donnent chaque jour des surprises et des ennuis.. on parle mal de moi et d'Hispaniola. On m'a accusé contre toute justice afin que vos altesses me haïssent moi et mon entreprise ; il n'en aurait pas été ainsi si l'auteur de la découverte avait été un juif converti, de ces conversos qui sont les ennemis du bonheur de vos Altesses". (p.142)
CC se plaint en nommant directement cette fois les conversos, ces juifs convertis qui voudraient le ruiner.
Il est vrai que ce 3ème voyage marquera la déchéance de Colomb, lui qui est arrêté par le gouverneur Bobadilla et renvoyé en Espagne en 1500.
Bobadilla faisait-il partie de cette camarilla conversos ?