Test de Shadowrun sur SNES par masterpad.
Il y a longtemps que le dernier souvenir du ciel ensoleillé s’est estompé. Dans l’éternelle nuit sous les nuages foncés de pollution, les « encore vivants » déambulent. Cybermonde parallèle, nano machines, greffes mécaniques, les sciences et techniques n’ont jamais autant été évolués. Mais au pied des gratte-ciels délabrés, entre prostitués et drogués, la vue anarchique suggère plus un retour à l’ère primitive. Humains et créatures d’ailleurs cohabitent, l’argent en mètre étalon. Et au milieu de tous autant que tous autour de lui, Jack Armitage : Une épave humaine affublée d’une amnésie totale qui dans l’entame de sa quête d’identité, n’a cependant pas oublié que là où il se trouve le bien et le mal sont des sosies.
Shadowrun ou comment un jeu de rôle de société est à la source d’un des plus intrigant et immersif titre de la SNES. À l’origine Shadowrun est un jeu de plateau qui connaît un franc succès au début des années 90. À ce titre, il inspire plusieurs romans qui reprennent son aspect le plus marquant : l’héroic-fantasy couplé au cyberpunk. Le cyberpunk : un attrait important a toujours été suscité par ce courant tordu de la science-fiction. Celui-ci qui dépeint sans concessions les décadences du monde futuriste d’ultra-consommation vers lequel les sociétés glissent inexorablement. Parmi les livres stimulés par Shadowrun, une œuvre : Méfie toi des dragons… de Robert Charrette. Celle-ci sert de matière première à Beam Software qui en 1993 sur la 16 bits de Nintendo donne vie à l’objet de notre voyage.
Vos yeux s’ouvrent et reconnaissent un lieu immaculé, hautement aseptisé tandis vos narines sont brusquées par des odeurs de chlore et de formole. Vous venez de vous réveiller dans une morgue et êtes ni plus ni moins allongé dans un tiroir à cadavre. Dès le début, l’histoire de Shadowrun excite insidieusement notre curiosité. C’est un véritable kidnapping de l’attention du joueur qui s’opère. Fait principal, Jack Armitage le personnage central qu’on incarne n’a de son passé aucunes réminiscences. On est à Seattle à l’an 2050 et en suivant les pistes que vous fournissent quelques objets retrouvés dans vos poches, vous découvrez que vous êtes un shadowrunner ; Un mercenaire qui opère salement pour des groupes d’intérêts aussi bien dans la réalité que dans le suprême réseau d’informations : La Matrice. Et oui ! Vous sillonnerez le monde virtuel en même temps que les quartiers malfamés pour savoir pourquoi vous êtes classé décédé et accessoirement à qui rendre l’appareil. Un léger éclaircissement peut être trouvé à cette situation initiale en patientant un instant à l’écran de titre. Nous y voyons jack se faire abattre dans la rue par une bande d’affreux avant que sont cadavre ne soit approché par une curieuse lycanthrope qui lui jette un sort puis s’enfuie. Les faits singuliers de cet acabit se multiplient tout au long de l’histoire. Des revirements d’attitude d’un arrogant employeur au shaman indien que vous soignez dans un cimetière puis qui se téléporte, les péripéties sont de bonne facture. Nous avons droit à des dialogues matures et les thèmes de trahison, de dépendance, de mal de vivre ou de lobbying sont souvent visités. Même si les rebondissements sont peu nombreux et sans grande envergure, le fait de découvrir le passé de jack via les divers PNJ rencontrés garde en haleine et procure satisfaction à chaque pan franchi. Le joueur est donc habilement tenu en éveil dans ce mélange de mondes moderne et fantastique ; une union qui prend encore plus effet avec le système de jeu.
Le gameplay de Shadowrun est très atypique : Les phases d’exploration relèvent des jeux d’action-aventure et de point’n’click tandis que celles de combats se rapprochent des jeux de stratégie-temps-réel. Effectivement, on peut déplacer le héros avec la croix directionnelle mais aussi à tout moment faire apparaît un pointeur à l’écran et le balader dans le décor via la même croix. Il est ainsi possible d’interagir avec tout élément -êtres et objets- pour entamer une discussion ou inspecter l’environnement. Le périple obligera à des va et viens entre les 3 principales zones de la mégalopole et à accéder à des domiciles privés comme des lieux publiques pour recueillir des indices. Pour l’exercice, des infos bulles et mini menus sont adroitement incrustés afin de rendre la tache facile. Toute information importante glanée constitue un sujet de conversation qui peut être abordé lors des dialogues avec divers personnages. Dès lors plus rien n’est laissé au hasard, la manie du « tout voir, tout entendre » s’installe et une accroche de plus au titre s’opère. Suivant le même mécanisme la collecte des objets clés est de mise. Chacun d’eux est d’une utilité capitale et ne pouvoir obtenir l’un d’eux est synonyme d’une impasse future dans l’évolution de votre quête (Ah ! ces sacrées lunettes noires !). Mais rassurez-vous, La progression est non linéaire car la plupart des objectifs peuvent être rempli dans des ordres différents. L’avancée dans la matrice est l’élément qui assure véritablement l’ambiance science-fiction. Lorsque vous êtes transporté dans le monde binaire, vous devez traverser des terrains quadrillés regorgeant de pièges cachés pour atteindre les données informatiques à subtiliser dans divers ordinateurs. Un moment vraiment tripant, la détection des pièges : elle se fait suivant une méthode semblable au Démineur avec une barre de résistance qui diminue en cas d’échec. Sachons que l’incursion dans la matrice n’est possible qu’en utilisant l’équipement adéquat pour hacker la machine contenant les données cibles. Ce dernier fait vous obligera d’ailleurs souvent à laisser tomber votre cyberdeck obsolète pour embaucher quelqu’un possédant un modèle approprié. Le partenaire engagé pouvant être un orque tueur-à-gages ou un rastafari jeteur-de-sorts (Oui!oui!), il sera aussi d’un secours non-négligeable pendant les affrontements.
Dans Shadowrun, les ennemis sont toujours visibles et sont croisés dans des bâtiments ou en pleine rue où ils vous tirent dessus sans aucun avertissement. En effet, Les combats sont essentiellement des fusillades et s’engagent sans aucun temps mort. Notre Jason Bourne des temps apocalyptiques riposte à l’aide d’un pointeur de tir que nous pouvons faire apparaître à tout moment et déplacer grâce à la croix directionnelle. L’utilisation de la croix pour gérer le viseur immobilise le héros qui ne peut tirer en bougeant durant les rixes, ce qui est plutôt énervant. Les ennemis humains comme monstres sont de robustesse croissante est certains ne peuvent être défait seul. Lorsque notre héros est accompagné c’est tout une autre paire de manche. Vos alliés attaquent automatiquement avec toute leur puissance de feu. Il est cependant possible via un menu qui met le combat en pause de leurs : définir une cible prioritaire, assigner une action précise (soigner, invoquer…) ou changer de position comme dans un jeu de stratégie tactique! Ce mélange des genres permet une grande flexibilité même si devoir cesser de tirer pour changer de position et ainsi s’exposer demeure frustrant et est souvent fatal une fois que l’on a assez avancé dans l’histoire. Par ailleurs, les chances de survivre aux assauts peuvent être augmentées en améliorant des facultés propres au héros. Les caractéristiques de Jack sont régies à la façon d’un jeu de rôle. Il a une jauge de vie, des points d’attaque et de défense qui peuvent être améliorés par des équipements (armes à feu, gilet) à acheter ou des points d’expérience –appelé karma- obtenus après un certains nombre d’affrontements. Dans les lieux de sauvegarde, les points de karma servent aussi à faire progresser des aptitudes plus personnelles comme la précision de tir, les facultés de hacker et le charisme. Le charisme s’avère très utile dans les négociations pour par exemple réduire la paie des recrues. Le « nerf de la guerre » local le Nuyen, s’obtient parfois par piratage des PC et plus souvent sur le corps des adversaires que nous venons de faire passer de vie à trépas. Investigation-Affrontement, le système fonctionne bien : C’est avec joie que l’on détourne de l’argent d’un ordinateur pour s’armer valablement contre un gang belliqueux lourdement équipé ou un boss monstrueux qui nous vend cher l’accès à des PNJ ou des données révélatrice sur la suite de l’histoire.
Abordons pour finir le véritable point noir du jeu, la réalisation. Shadowrun pèche par un terrible manque de détail visuel bien que nous ayons droit lors des dialogues à des visages en gros-plan qui rattrapent quelque peu le coup. La 3D isométrique choisie simule au mieux la liberté de mouvements dans les rues post-cataclysmiques du jeu qui malheureusement se ressemblent toutes. Les couleurs toujours ternes recréent bien l’atmosphère torturée de l’univers cyberpunk mais laissent parfois une impression mitigé car plus d’éclat aurait aussi servi comme en boite de nuit ou dans certains bureaux. La bonne idée c’est l’ambiance dans la matrice. On évolue en vue de dessus dans un décor holographique bleuté qui produit un contraste efficace avec le monde externe. Les musiques quand à elles sont peu nombreuses et de qualité moyenne. Seuls les thèmes des ruelles, de la boite de nuit et de l’arène retiendront notre attention. Les bruitages eux, sont anodins et ne tiennent vraiment la route qu’au cours des fusillades. Bien ficelé et souvent frénétique, le titre de Beam Software étonne par son action barré sur fond de quête identitaire. Malgré ses limites techniques claires, Shadowrun offre un excellent moment d’évasion sur SNES.
GRAPHISME : 14/20 - Si le design est sans finesse, le tout est rattrapé par des environnements glauques aux couleurs pâles dans l’esprit cyberpunk. Le choix d’un plan de jeu différent pour les virées dans la matrice est astucieux. L’ensemble visuel ne casse pas des briques et assure l’ambiance tourmenté du titre de justesse.
JOUABILITE : 15/20 - Par un mixage inattendu le titre offre un résultat très inspiré. Les phases de recherche sont millimétrées et agréables tandis que les combats souvent rigoureux assurent en parfaits intermèdes pour servir une épopée sans prétention mais de grande valeur.
DUREE DE VIE : 15/20 - Trois secteurs de Seattle sont à visiter et à revisiter pour mener l’histoire à son terme. Les combats étant exigeants, certains seront parfois à refaire. Avec des incontournables PNJ à rencontrer et plusieurs quêtes annexes, Shadowrun nous occupera suffisamment pour ne pas voir le temps passer mais une fois l’histoire bouclée l’on y reviendra très difficilement.
BANDE SON : 14/20 - L’ambiance sonore est répétitive. On passe le plus de temps dans les rues où la musique est la même qu’importe la zone. Les compositions sont très peu mémorables. La variation de thème au moment des combats est qu’en même bien exécutée.
SCENARIO : 16/20 - Entre Bladerunner, Judge Dreed et Matrix, l’univers de Shadowrun nous émeut facilement. Saupoudré avec justesse de magie, le monde dépeint est attirant. Avec un pitch de polar très prenant, le récit est une balade adroitement orchestrée dans les travers de l’humanité. Les protagonistes sont de caractère franc et même peu approfondis ils arrivent sans mal à nous tenir en haleine tout au long du récit.
NOTE GENERALE : 16/20 - Avec une démarche imprévisible dans sa narration comme son gameplay, Shadowrun est audacieusement exécuté malgré une réalisation faiblarde qui peut en rebuter plus d’un. Suivant un rythme à suspense dans son déroulement, le titre nous transporte entre séquences tantôt crues tantôt caricaturales mais toujours satirique jusqu'à un dénouement haut en forme. Fort de ces étincelles, c’est avec mérite que nous pouvons le compter parmi ces parutions qui nous rappellent que le jeu vidéo est capable de surprendre de fort belle manière. Ainsi, c’est le cœur coupable que nous savourons la fin de cette excursion au coté de Jack Armitage, qui n’a lui plus que ses ruelles monotones aux portes de l’Armageddon ; extinction qui le narguera on l’espère, pour que nous puissions un jour le revoir, un jour peu être.