PARTIE PREMIERE
C'était sur un banc du Cours Lafayette que je me réveillai, couvert d'alcool vomi par moi et refroidi par le mistral toulonnais. Comme chaque lendemain de violente soûlerie, je fis le bilan de mon état de santé ainsi que l'inventaire de mes quelques possessions. Outre l'habituelle migraine et une douleur au genou probablement causée par une chute dont je n'avais pas le souvenir, je constatai la disparition de mon portefeuille de la poche avant gauche de mon pantalon. Dans ma poche arrière droite se trouvait toujours mon téléphone qui avait échappé au larcin du fait soit que j'avais dormi face au ciel et qu'il eut fallu me tourner et me réveiller pour s'en emparer, soit que j'avais été tourné sans être réveillé et que le larron, voyant mon modeste Huawei sans puce, avait été pris de pitié et avait décidé de me le remettre dans la poche.
Une vision me vint comme appelée par le profond désarroi où me jetait ma situation et je me voyais de retour au symposium en compagnie de mes frères Voyageurs. J'étais en particulier ébloui par la flamboyante chevelure du Maître Intégrateur, le chanteur de vie aux mille hiboux. Je fus étonné quand celui-ci se mit à me parler : « Rappelle-toi le banc, oui, rappelle-toi car c'est là que tu dois aller. »
Et je me rappelai le banc de Saint-Mandrier et sus qu'il était temps de quitter le banc de Toulon.
Adonc je me levai de ma station et m'essayai à quelques pas dont la moitié me fit souffrir à cause de mon genou que j'imaginais à présent cassé. Quoi qu'il en soit, je me mis en route vers l'arrêt de bus qui se situait au débouché de la rue, face à la rade. Quelques minutes après que j'y fus parvenu, un bus vint me chercher pour m'emmener hors de la ville, à partir de quoi il allait falloir que je continue ma route à pied.
Assoupi par la chaleur et le confort de mon siège, je marmonnais des « Ouich ! c'est là que je dois aller ouich… », sous les regards inquiets des passagers, lesquels devaient par ailleurs se trouver fort incommodés par l'odeur que je dégageais. Je finis par m'endormir et fus troublé dans mon sommeil par l'apparition mystique d'une multitude de personnages et créatures qui semblaient plus ou moins provenir de mes souvenirs, bien que je ne les reconnusse pas tous.
« Il faut payer le ticket de bus ?
__ Les chauffeurs se la pètes, on vois que c'est fin de semaine.
__ Sombre illettré impénitent !
__ Oui, alors c'est comme cela que l'on enclenche la marche arrière du bicycle.
__ Ouer jmen ba les couille !
__ Ah ! ah ! ça tangue dans le bus ! Satan, sa langue, oui ça tend sa langue ! Ça bralebingue, ça branle le rouli bouli, charivari, le tohu-bohu car la route est pleine de fondrières. Hyères ? Saint-Fondrier ?
__ I'm losing my balance on the tight rope.
__ Saint-Christophe, protège-nous.
__ Ont été pénétrées les couches inférieures, les strates les plus denses de l'esprit du sage chanteur, mais il faut continuer à descendre, il faut descendre encore.
__ Il faut descendre. Oh ! Monsieur, il faut descendre. »
J'ouvris péniblement les yeux.
« C'est le terminus, je prends ma pause, moi.
__ Zglorgue ! éructai-je.
__ Vous avez besoin d'une ambulance ? »
Encore confus par ces chimères et croyant avoir affaire à l'une d'entre elles, j'envoyai mon poing dans la figure du malheureux qui s'effondra sur le coup. J'observai le corps quelques secondes et dis « Ah mince, ce n'est pas correc' ça, non. »
Ma quête pour le banc me revint en mémoire et je sortis du bus avec la détermination de ne pas cesser ma marche avant d'avoir atteint mon but. Saint-Mandrier n'était après tout qu'à une dizaine de kilomètres de là.
[ALERTE] Le texte est très très bon !
mmh, ouiche, ouiche (ici il renifle) ! le Banc désire ardemment la gnose multidécadaire qui vous a été prodiguée par le Gymnasium de Telo. gravez-y l'hap-en-soi. ensuite, jetez-vous dans la mer ( https://www.youtube.com/watch?v=1uWbEe7U3ZY )
J'avais décidé de longer le littoral afin de ne pas m'égarer. Je m'étais suffisamment éloigné de la ville pour ne plus apercevoir d'autres signes de civilisation que les quelques cabanes archaïques et les ruines d'anciennes structures agricoles. Le dénivelé du terrain rendait ma marche pénible et je haletais comme un bouledogue en rut. Mon nez, encombré de mucus et de vomi, ne me permettait pas de respirer normalement. Ainsi, je pris la décision de m'arrêter le temps de le décongestionner. Je pressai l'une de mes narines et soufflai de l'autre, mais rien ne voulut sortir. Alors je pris une grande inspiration, pressai et soufflai à nouveau mais plus fort. Mon corps tout entier se crispa sous l'effort, mes oreilles se bouchèrent et des étoiles se mirent à tournoyer devant mes yeux, si bien que je crus que j'allais perdre connaissance. Mais le bouchon céda finalement et fut expulsé en un bruit satisfaisant. Tandis que je reprenais mes esprits et m'apprêtais à réitérer l'opération sur ma seconde narine, une voix aiguë et grinçante s'éleva de sous un petit arbousier sur lequel je m'étais mouché : « Gninnn, parguienne ! L'injure que tu me fais en me souillant la tête ! »
C'était un petit animal de la taille d'une orange, rond et orange comme une orange et dressé en bipédie. Ma mouchure lui dégoulinait du crâne sur un corps dépourvu de cou.
« Oh là ! créature. Je ne t'avions point vu là-dessous, m'excusai-je.
__ Pas vu ? Gninhin, passons. Que fais-tu dans mes collines ?
__ Je suis parti de Toulon la laide et m'en vais en pèlerin à Saint-Mandrier-sur-Mer.
__ Gnin hin hin hinnnn ! Saint-Mandrier, oui, tu es sur la bonne route mon cochon. »
Il s'allongea et se laissa rouler le long de la colline en poussant des « Gnin hin hinnn ! » jusqu'à ce que je ne le visse plus. Je débouchai ma seconde narine et repris ma marche.
Mais qui est donc ce petit monstre orange ?
Arrivé au point culminant du relief, là où le soleil était le plus proche, je réalisai que je n'avais pas emporté avec moi de quoi me désaltérer et qu'il me serait impossible de continuer ma route. Ma jambe blessée et usée par l'effort me faisait de toute façon trop souffrir pour que je me risquasse à poursuivre mon chemin sans un moment de répit. J'estimais que ce devait être l'après-midi ; je m'allongeai contre une pierre, prêt à m'endormir. Mes narines dégagées concédèrent à ce que je humasse les parfums du maquis méditerranéen. Je sentais le thym et le romarin qui me rappelaient des plats cuisinés que je n'avais pas goûté depuis longtemps, l'odeur résineuse des pins maritimes que j'avais toujours aimée, mais aussi les exhalaisons moins plaisantes des mimosas, arbustes allochtones dont la présence sur nos côtes est à imputer aux nobliaux de la perfide Albion. Une odeur moins agréable encore vint agresser mon nez. Je relevai la tête et posai le regard sur l'anus béant d'un ruminant qui crottait mes bottes. Pris de rage, je me jetai sur l'animal et l'agrippai par les cornes puis, en les lui emmêlant dans les branches d'un arbre, je réussis à le pendre en hauteur de manière à ce que ses pattes ne touchassent pas le sol. Je pus l'observer plus en détail et conclure qu'il s'agissait soit d'un mouflon, soit d'une chèvre domestique errante. Cependant, en tenant compte des limites de mon instruction taxinomique, on peut admettre qu'il aurait très bien pu s'agir d'autre chose. Du reste, il était certain que le bovidé produisait du lait et que je mourrais de soif. J'empoignai deux trayons et les pressai vigoureusement. Le liquide qui en jaillit était d'un blanc cireux, bien différent du lait de vache marmoréen dont j'avais l'habitude. Dans le même temps que je me demandais s'il était propre à la consommation, je reçus un coup de sabot entre les deux yeux et tombai à la renverse.
Je restai là de nombreuses minutes sans bouger, sans rien voir, rien entendre ni sentir. Mon être tout entier semblait plongé dans une accalmie telle que je ne percevais plus mes propres pensées. Au bout d'un certain temps, j'entendis qu'on me parlait et je prêtai attention à ce qu'on me disait : « Petit Voyageur égaréééé, tu as été trompééé par le sournois agrume des collines qui t'a montréééé la route escarpéééée de Giens pour que tu y trépasses. De l'autre côtéééé de l'étendue maritime se trouve le port mandréen que tu cherches. »
Soudain le ciel s'ouvrit en deux et je vis la chèvre, majestueuse et surplombée de cornes d'argent lumineuses, en descendre, flottant dans l'éther comme un astre archangélique aux proportions cosmiques. Le paysage ondula, se tordit, puis finalement se dressa à la manière d'une toile, déformant les dimensions spatiales en de magnifiques arabesques formées par la flore, la mer, les îles et leurs tombolos, les villes côtières et leurs reflets scintillants. Tout le panorama se figea en ce que je pourrais décrire comme une carte topographique en deux dimensions et demie. La chèvre me montra où je me trouvais sur cette carte et où je devais aller pour me rendre à bon port.
Je me réveillai et me levai pour remercier la chèvre, mais je m'aperçus qu'elle était morte, toujours pendue à l'arbre. Je me signai en un dernier dab-hommage au saint animal, et construisit un petit cairn à sa mémoire.
Je me tournai ensuite vers la mer et au loin, en effet, je devinai le port de Saint-Mandrier et ses navires les plus imposants.
Suite toujours au niveau, c'est à publier ça
Je devais passer par la mer car je ne pouvais guère plus marcher. La traversée représentait trois kilomètres contre vingt si je faisais demi-tour. Je descendis de la colline sur les fesses jusqu'à une plage de sable couverte de banquettes de posidonie. Sur celle-ci je commençai à assembler du bois mort pour construire un radeau qui devait me porter jusqu'aux rives de la presqu'île, lorsque je discernai plus loin un homme assis sur une pierre et, vissée sur sa tête, une casquette de marin. Je fis une halte dans mon ouvrage et marchai vers lui pour lui demander conseil. Mais avant que je pusse le saluer, il me parla de cette façon : « Dupé par l'orange et guidé par Baphomet,
Le quéreur du Samadhi, cartésien du rêve,
Va braver la fange et son dernier schibboleth,
Pour le banc d'harmonie, pour ses peines la trêve. »
Je le regardai surpris et lui demandai : « Qui es-tu et comment sais-tu ce que tu sais ?
__ Je suis Paracharon, le vieux marin poète.
Je lis dans les vagues et les phases de l'air
Les secrets confiés en de fausses retraites.
La mer parle au marin comme on parle à un frère.
__ Ainsi, lui dis-je, tu sais où je veux aller et, comme tu connais la mer, tu me donneras conseil sur la manière de la franchir. »
À ces mots, il sourit et me prit la main. Il me mena sur le rivage et m'allongea dans l'eau comme pour me baptiser, puis posa sa main sur mes yeux pour que je les ferme. Enfin, il plaça une boule grasse entre ma lèvre et mes dents inférieures avant de me laisser flotter à la merci de la marée. Dans un premier temps et bien que je me gardasse de rouvrir les yeux, je fus nerveux et agité car chaque vague menaçait de me faire couler. Mais bientôt, mes muscles se détendirent et j'eus l'impression d'être porté par de délicates mains de femmes, animées par la même bienveillance que celle d'une mère pour son enfant. La voix du marin me parvint de loin pour la dernière fois : « Nul chemin n'est tracé pour qui cherche l'éveil. »
Comprenant le sens de ses paroles, je tâchai de me livrer entièrement au bon vouloir des flots, confiant que je serais porté là où je devais l'être.
La suite sinon fermeture du GV
Sweet ou fermeture
J'ai envoyé un télégramme au Sieur si d'ici 48h la suite qualitative n'est point publiée alors le courroux pro-puissanciard s'abattra pour anéantir DEFINITIVEMENT le Saint-forum
Bien.
Le 06 mars 2024 à 19:27:26 :
J'ai envoyé un télégramme au Sieur si d'ici 48h la suite qualitative n'est point publiée alors le courroux pro-puissanciard s'abattra pour anéantir DEFINITIVEMENT le Saint-forum
24h restantes ne favorisez pas l'escalade ou la puissancierie répondra de cet affront
Un court chapitre peut suffire on veut notre dose de littérature
Moins de 3h, je considère de très attentivement, de considérer, Sieur, de l'affront que vous allez commettre si tel est le présage que vous nous en donnez.
Vous avez jusqu'à 19h27et26s pour nous fournir l'épopée liturgique d'un des apôtres du Saint Forum
Puissancier,
attention la plage du banc est composée de /!\ galets /!\ (ça fait mal)
Le 09 mars 2024 à 21:20:55 :
attention la plage du banc est composée de /!\ galets /!\ (ça fait mal)
Tu dis cela à qui ? ce foutu auteur a quitté le navire et tout
La lune, presque pleine, trônait dans un ciel sombre et clair où s'étendait le bras de Persée dont les lumineuses constellations s'écrasaient et étincelaient sur les flots comme sur un tissu précieux. Des sons et des couleurs inconnus dansaient autour de moi. J'avais attiré la curiosité d'un banc de poissons qui, sur une zone d'un rayon de plusieurs mètres dont j'étais l'origine, émettaient une lumière douce au spectre chatoyant, et formaient, déformaient puis reformaient des volumes géométriques dont toutes les propriétés mathématiques m'étaient apparentes comme si on les y avait inscrites. Plus loin, des méduses aux couleurs et tailles diverses flottaient paisiblement et semblaient faire reflet aux astres. Plusieurs fois, une gigantesque créature au corps de serpent et aux éclats irisés jaillit de l'eau dans un cri mélodieux avant de retomber sans en déranger la surface, ni même y former d'ondes. Puis des nuages vinrent cacher la lune et tout s'éteignit.
Je dérivais dans le noir et commençais à perdre mon calme. Je réalisais à quel point l'eau était froide, la mer agitée et la côte éloignée. Je me mis sur le ventre et m'agitai pour essayer de nager, mais l'eau était épaisse et visqueuse comme de la mélasse et je ne savais pas dans quelle direction aller. Je m'épuisai très rapidement et j'étais déjà persuadé que j'allais couler lorsque je sentis quelqu'un me prendre par dessous les bras et poser ma tête sur sa poitrine. Je me rassérénai et me laissai mener par cette mystérieuse femme dont les intentions me paraissaient bonnes. Pour m'apaiser, elle entonna, sur un air que je ne connaissais pas, cette chanson : « Pèr passa la mar
Li fau este dous.
Pèr lo bèn passa
Fau saché dansa.
Anen passo passo
Anen passo adounc.
Pèr passa la mar
Li fau este dous,
E se fa creire,
Pas saupre nada.
Anen passo passo,
Anen passo adounc. »