Couché dans l'attente interminable d'Orphée, cloîtré sous les réminiscences d'un passé dévoré et noyé de larmes, alité, Christophe maudissait son existence et les engeances de son Mal incarné. Cependant glissa sur son corps nu les huit griffes du tisserand infernal ; sphaigne et bryophyte emplirent la bouche de Christophe qui ne pu hurler de douleur la lacération de ses organes. Puis le noir fut total et dans un réveil tardif il vit le rouge vif de l'Enfer face à lui. Des chirites le surplombaient et lui gueulaient sans un son toute leur fureur. Christophe rit. Le Démon avait pénétré son âme, ses membres, le contrôlait. Dans un tour inextricable, il revint en ses mansardes, le Mal en lui. Ses dessins, dès l'instant de son retour ne furent plus que la recherche des larmes humaines, du sang, des visières, de la chaire. Christophe, pécheur pour l'éternel naviguerait en son monde qu'il détestait jadis. Christophe, plein de vengeance, n'avait plus qu'à réaliser ses méfaits, le monde était à lui désormais. Sans Dieu, sans morale, seulement diabolique, rien ne puis l'arrêter.
le monde est ainsi fait qu'il a fait de moi un monstre
Par quelque pouvoir magique ramené des Enfers, Christophe fit apparaître sa face obscure en la mansarde de Justine, sa première déception amoureuse. Cette douleur qu'il traînait depuis des années, il allait la reproduire chez l'objet de son mal, chez Justine, cette petite garce devenue grande, savoureuse comme la pulpe de quelque agrume ensoleillé. A l'âge de 15 ans, Christophe fut foudroyé par cette fille, Justine, bijou des millénaires d’orfèvrerie, poids sur son cœur de l'aurore à la Lune, larmoyante nymphe qui lui fit tant de tort. Avouant ses sentiments à cet être, Christophe fit un pas vers l'Amour. Il ne reçut que les mots du rejet et l'humiliation d'aimer seul, d'être seul. Cette solitude se prolongea jusqu'à sa tombée aux Enfers. Chaque jour la douleur montait d'intensité.
Sur le bord du lit de la Justine endormie, il se concentra sur les douloureux souvenirs de cet ancien temps. Il apprécia d'abord son visage. Cet ange. Tant d'années passées loin d'elle. Elle avait changé. Sa bouche, ces lèvres que Christophe avait tant imaginée sur les siennes. Il les voyait désormais arrachées, noyées dans leur propre sang.
Il découvrit le corps emmailloté dans l'édredon et fit apparaître la nudité de la jeune femme. Bien que devenu démon, il banda comme un homme. Ses seins, comme des odes à la beauté, blancs, criaient la douce violence de ses désirables mamelles. Ne pouvant attendre davantage, Christophe, d'une griffe de succube, étreignit sa gorge. Dans un sursaut haletant, Justine tenta un hurlement. Vain. La sueur commença a couler sur tout son corps, elle se savait prise au piège, elle venait de reconnaître le visage de Christophe. Cauchemar, réalité, plus rien n'avait de sens. Justine, sans option, s'offrit à Christophe, plein de vengeance.
D'abord, de ses dents devenues crocs, il serra les lobes des oreilles de Justine, sans les saigner. Puis il glissa plus bas et baisa sa nuque de multiples suçons. Justine fondit en larme. Il attaqua de plus belle, encore armé de ses griffes infernales. Il goûta la chaire de celle qu'il aimait, de celle qu'il avait ensuite détesté. Dans un caligo de ténèbres, le vice fut consommé. La semence noire du Diable entra en cet ange désormais condamné, souillé pour l'éternel. La sueur se mêla aux larmes, au sang, à la peur.
Dans un effroyable hurlement de jouissance, de rire étouffé, Christophe disparut, laissant Justine dans un silence et une solitude obscure ; il était trois heures du matin selon le radio-réveil, la Lune se cacha derrière un nuage.
Rejoue-moi ce vieux mélodrame,
Tu sais, celui qui tire les larmes
Allo Stéphanie, ne raccroche pas
Un peu sombre quand même ce texte