Je viens de finir The Last of Us 2, rattrapant mon retard de 4 ans.
Enfin, je suis arrivé à me replonger dans ce jeu qui m'avait totalement déçu le jour de sa sortie.
Grand fan du premier opus, j'étais Team Xbox 360 à l'époque et, malgré que je considère que dans cette génération, la Xbox possédait les meilleurs jeux, TLOU m'avait toujours fait de l'œil.
Déçu de ne pas pouvoir y jouer, j'avais profité d'une semaine de vacances chez mon cousin qui possédait ce jeu, et j'ai pu toucher à ce chef-d'œuvre. Cela m'a poussé à passer chez Sony par la suite et à le refaire sur PS4, puis, récemment, sur PS5.

Alors, je me replonge dans la deuxième partie, ce jeu que, lors de sa sortie, j'avais lâché au moment où on contrôle Abby à Seattle.
Je me suis rendu compte que je faisais partie de la team des déçus par le fait que Joel soit mort dès le début.
Mort brutale, tué d'une manière horrible, surprenante. Et quand nous devons contrôler Abby, celle qui a tué notre Joel, j'ai lâché l'affaire.

Quatre ans plus tard, une chose a changé.
J'ai réussi à faire le deuil de Joel.
Bizarrement, commencer cette deuxième session en sachant ce qui va arriver m'a aidé à continuer sur la lancée.
À accepter que Joel ne fait plus partie de l'aventure, et qu'on suit Ellie dans sa revanche.
Et qu'on jouera Abby.
Alors, je lance.
Et oui, la mort de Joel me fait toujours de la peine, elle m'a encore retourné l'estomac.
Vous devez comprendre, Joel, pour moi, est un personnage superbement bien écrit, qui est le visage de TLOU.
J'ai adoré ses prises de position, ses tortures internes, et son acte horrible qu'il effectue à la fin du 1. Acte que je ne cautionne pas, mais qui est légitime pour lui à travers son histoire avec sa fille et son ressenti sur ce monde et les individus qui le composent.
Un monde fait de violence, violence par les infectés mais aussi par nous-mêmes, ce que nous en faisons, ce que nous construisons au sein de cet environnement violent.
Un acte égoïste, chose que j'avais remarqué à l'époque. Joel peut se cacher derrière des arguments de libre arbitre pour Ellie, qu'Ellie doit vivre non pas à travers un prisme de remède, de sauveuse du monde, mais par ses futures expériences, par ses futures rencontres, par ses propres choix.

"Quoi qu'il arrive, tu trouves toujours une bonne raison de te battre."

Joel, mon ami Joel, sois honnête avec toi-même, ta raison de vivre est devenue Ellie ; par elle, tu légitimes ta violence, par elle, tu te donnes une raison de vivre.
Égoïste, vaniteux, cruel de prendre en otage un enfant de 14 ans et de l'obliger à vivre dans ce monde auquel elle ne trouve pas de raison de vivre, auquel elle ne trouve pas de sens.
La fin du 1 est magistrale, une des plus belles fins, une fin de non-dit, une fin où certes ils vivent tous les deux, mais cette question d'Ellie.
"Jure-moi"
"Je te le jure"
"Ok".
Ce ok, ce ok qui m'a fait comprendre à l'époque qu'Ellie savait que Joel mentait. Elle ne sait pas qu'il a exterminé toutes les Lucioles, mais elle sait qu'il lui cache la vérité.
Et ce ok, écran noir, m'avait fait imaginer la suite, qui était qu'au final Ellie se détacherait de Joel, et qu'elle arrêterait de le voir en tant que père mais bien comme un homme qui a pris une décision à sa place.

Je n'ai jamais perçu la fin du premier comme une bonne fin, au contraire. Quand tu marches avec Ellie pour aller à Jackson, et que Joel commence à se livrer, à raconter ses anecdotes sur sa fille Sarah, j'ai trouvé cela malsain. Malsain, car Joel a trouvé une raison de survivre.
Ellie en a-t-elle une ?
Ok.

Maintenant, la deuxième partie arrive et, oui, mon pauvre Joel, tu as pu profiter de quatre années supplémentaires, quatre ans où tu as pu la voir grandir et essayer de lui transmettre une sécurité, de la faire grandir dans un environnement sain, loin des routes, des Lucioles, de cette folie.
Quand il meurt, je pensais qu'on n'aurait pas la confrontation qui fait suite au 1, sur le fait que Joel a menti. Que nous n'aurions pas l'explication entre ces deux personnages. Au final, merci Naughty Dog, car nous avons cette discussion à travers les flashbacks.
Et ce que j'imaginais à la fin du 1 se révèle être réel, qu'Ellie déteste Joel.

Alors, on plonge dans la descente d'Ellie, dans sa quête de vengeance. Déçu qu'on ne parte pas seul à Seattle. Dommage, sur le moment, qu'on me présente Dina (j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher à ce personnage à cause de son écriture), notre future partenaire.
Sur le moment, déçu, pensant que c'était un chemin qu'elle devait prendre seule, mais cela prend son sens à la fin du jeu.
J'ai adoré détester les Wolves, Abby, les Scars. En fait, détester tout le monde. Il n'y a ni gentils, ni méchants, juste de la haine envers l'humanité, de la haine de soi.
La haine de nous avoir enlevé Joel. Pas d'état d'âme durant ma partie, non, tu trouves toujours une raison de survivre, la mienne est de me venger.

Voir Ellie devenir un monstre, voir Ellie préférer sa vengeance à ses amis, à sa communauté, aux valeurs que Joel a essayé de lui transmettre durant son séjour à Jackson.
Oui, j'ai adoré plonger en enfer.
Puis arrive Abby. Le moment où j'avais lâché le jeu à l'époque, ne comprenant pas où Naughty Dog voulait nous emmener.
Aujourd'hui, j'étais prêt à essayer de comprendre sa psychologie, le pourquoi.
On joue avec elle. D'accord, son père est mort des mains de Joel. Cela rend légitime de torturer Joel.
Pour elle, oui.
Au final je comprends qu'Abby est comme Ellie, ayant une famille détruite par Joel. Et qu'elle aussi, son existence tourne autour d'une justice qu'elle doit appliquer.
Comme Ellie, elle est entourée d'amis, vivant dans une communauté à laquelle elle participe.
Mais durant sa phase de gameplay, bizarrement, je n'ai pas changé d'avis ; au contraire, je l'ai trouvée encore plus détestable.
Après avoir tué Joel, elle continue de faire des cauchemars, ne trouvant pas la paix malgré avoir rendu justice.
Alors, elle décide, non pas par gentillesse, ni par morale, ni par vertu. Mais pour elle-même, pour se sentir quelqu'un de bien. Elle décide alors de sauver les deux Scars.
Sympa, mais cela reste égoïste, pour un état d'âme.
Abby prête à renier sa communauté et à tuer ses anciens camarades par pur égoïsme, comme Joel, comme Ellie. Prête à tromper son amie Mel, enceinte.
Bref, durant son histoire, au final, c'est une personne comme une autre dans ce monde apocalyptique. Une personne qui définit son humanité par des actes qui ne prennent sens que pour elle.

Alors non, désolé, mais je ne suis pas Team Abby. Ce n'est pas parce qu'elle a perdu son père et qu'elle laisse vivre Ellie que je la pardonne. Comme Ellie, je n'ai qu'une idée : la tuer.

Quand on joue le combat contre Ellie, je ne voulais pas jouer Abby. Combat impressionnant, mais je voulais jouer avec Ellie (pensant que c'était le dernier combat). D'ailleurs, superbe parallèle avec la séquence du 1 en hiver, reprenant le même type de gameplay quand on affronte David.
Sauf que cette fois, Ellie est la méchante ; par son parcours, elle est devenue ce qu'elle détestait.
Elle est devenue David.

Et puis, on part à la ferme.
Et là, mince, je me disais non, ne finissez pas ainsi, pas par une pseudo bonne fin où Ellie élève un enfant et est heureuse avec Dina.
Non pas que je ne veux pas qu'Ellie soit heureuse, mais cela ne collait pas avec tout ce qu'on avait fait avant, et surtout par rapport à la fin dramatique du 1er.
Encore une fois, bravo au jeu qui m'a surpris.
Voir Ellie ne pas réussir à passer à autre chose, malgré qu'elle soit entourée de gens qu'elle aime.
Elle n'oublie pas la violence de la mort de Joel, le deuil n'est pas fait. Comme moi, avec la manette, je voulais rechercher Abby.

Alors, quand elle décide de partir (enfin seule), j'étais déterminé.
La dernière séquence est magistrale, même si le côté goulag dans un monde post-apocalyptique, où l'on ramasse des pommes, m'a semblé un peu trop. Mais je comprends, ce monde n'arrive pas à se construire dans la paix ou l'amour.

Et puis, on arrive à ce final dans la mer.

J'ai lu de nombreuses critiques disant que certains ne voulaient pas qu'Abby meure, qu'ils étaient déçus de contrôler Ellie à ce moment-là, voire qu'ils en sont venus à la haïr. Alors que, pour moi, au contraire, durant cette séquence de gameplay, je n'avais qu'une seule chose en tête : me venger pour Joel, après quatre ans de deuil.
Réparer une certaine "ordre des choses".

Et puis, quand elle ne l'achève pas, en pensant enfin à Joel dans un contexte où il n'a plus le visage en sang...
Malgré mon envie de la tuer, le fait qu'Ellie, en pleurs et en sang, trouve une sorte de lucidité sur sa haine personnelle, J'ai adoré cette séquence.
J'ai encore plus adoré Ellie, ma petite Ellie qui a perdu son innocence beaucoup trop tôt, à coups de machette.

C'est après cette séquence, et son retour à la ferme, que j'ai eu envie d'écrire ce pavé.
La fin du premier opus est magistrale, et la fin du second est tout aussi réussie.

Voir ce dernier flashback, voir les derniers instants et l'interaction avec Joel.
Enfin, tout le jeu prend son sens à partir de cette scène.
Ellie ne pardonne pas à Joel. Elle le dit frontalement, et cela amène Joel à pleurer.
Mince, la suite que je m'étais imaginée à la fin du premier jeu vit devant mes yeux.

Elle ne pardonne pas à Joel de lui avoir retiré le sens de son existence.
Elle attend son tour depuis qu'elle a perdu sa meilleure amie.
Elle attend son tour.
Ellie voulait mourir tout au long du jeu.
Elle prétendait vouloir venger Joel, mais en réalité, elle cherchait à donner un sens à sa vie.
Elle voulait que tous les malheurs qu'elle a vécus prennent enfin un sens.
Ellie avait tout : un toit, des amis, un amour, un futur avec cet enfant.

Toutes ces bonnes choses autour d'elle, mais elle n'arrivait pas à être heureuse.
Depuis qu'elle a tué David, elle attend son tour.
Elle préfère la solitude, la haine, plutôt que de se construire une vie.
Elle préfère se haïr.

Ellie, je ne sais pas si tu as pardonné à Joel.
Mais la vraie question est :

t'es-tu pardonnée à toi-même ?

Et je n'arrive pas à savoir, avec cette fin, si elle y est parvenue.
Mais comprendre que tout ceci n'était qu'une haine envers elle-même m'a fait encore plus aimer ce personnage, car cela fait écho à ma propre vie.

Pas besoin de suite (je disais la même chose pour le premier opus), la fin se suffit à elle-même.
Ellie partant seule, laissant ses souvenirs de Joel derrière elle.

Malheureusement, je pense que la haine de soi restera toujours présente.
J'espère que trouvera un sens a ton existence.

"Quoi qu'il arrive, tu trouves toujours une bonne raison de te battre."

Adieu Joel,
au revoir Ellie.

https://www.youtube.com/watch?v=pxPbZ-dogT8

Intéressant le début de ton texte.

Si tu avais pris la peine de prévenir des spoilers, c'eut été magnifique et j'aurais lu le reste.
Dans quelques temps peut-être, donc.

" Ellie voulait mourir tout au long du jeu.
Elle prétendait vouloir venger Joel, mais en réalité, elle cherchait à donner un sens à sa vie.
Elle voulait que tous les malheurs qu'elle a vécus prennent enfin un sens.
Ellie avait tout : un toit, des amis, un amour, un futur avec cet enfant.
Toutes ces bonnes choses autour d'elle, mais elle n'arrivait pas à être heureuse.
Depuis qu'elle a tué David, elle attend son tour.
Elle préfère la solitude, la haine, plutôt que de se construire une vie.
Elle préfère se haïr. "

ça me parait assez juste.
Ellie a tellement de raisons de se sentir coupable :