Le livre d'image
Jean-Luc Godard
Palme d'or spéciale au Festival de Cannes 2018
Expérimental
1 h 34 min
"Te souviens-tu encore comment nous entrainions autrefois notre pensée ? Le plus souvent nous partions d’un rêve… Nous nous demandions comment dans l’obscurité totale Peuvent surgir en nous des couleurs d’une telle intensité D’une voix douce et faible Disant de grandes choses D’importantes, étonnantes, de profondes et justes choses Image et parole On dirait un mauvais rêve écrit dans une nuit d’orage Sous les yeux de l’Occident Les paradis perdus La guerre est là…"
Mon avis
Le dernier film en date de Godard, palme d'or spéciale à Cannes, est sans doute l'apogée de son cinéma, voire même l'apogée du cinéma. Il aura fallu quelque chose comme 130 ans pour arriver à ça, pour arriver à ce film.
Godard pousse à son paroxysme son idée du cinéma. Idée qu'il avait déjà développée en 1983 dans Scénario film Passion où montrait comment créer du beau par le montage. Il superpose les images, change la musique, les ralentis, change la colorimétrie, pour créer autre chose. Il fait un véritable collage cinématographique, où les bouts de films, de musiques, de vidéos, de pensées forment un tout uniforme, une œuvre nouvelle. Il lui faut puiser dans toute l'histoire(s) du cinéma pour faire son film. Il pille allègrement pour faire ce qui n'est pas un simple hommage, mais avant tout Le film, le seul, l'unique, celui qui fait la synthèse de ce qu'est le cinéma : l'émotion.
Il crée l'émotion de la manière la plus pure, sans personnage, sans véritable histoire (enfin il y en a une sur la dernière demi-heure, mais tellement éthérée que ce qui compte le plus c'est l'image), juste avec ses collages, il arrive à créer de la poésie. Il déstructure totalement le cinéma depuis le début des années 60, il réinvente à chaque film, sans se dénaturer, la manière de faire du cinéma, en essayant, en délaissant ce qui paraît essentiel à d'autres, en provoquant... et là, avec son film sans personnage, sans acteur, juste avec des images, il va plus loin qu'Histoire(s) du cinéma, qui bénéficiait encore de ses interventions face caméra, il va plus loin que les premières minutes de Notre musique où malgré le montage, le texte liait le tout ensemble... Ici il propose les images.
Certes il parle encore, un peu, étouffé... C'est beau... poétique...
Mais surtout il colle, il découpe... il arrive à créer quelques instants précieux de grâce absolue avant de couper brusquement, laissant un goût dans la bouche (et surtout les yeux du spectateur) de paradis perdu, de sensation d'harmonie parfaite entre des images, un texte, une musique, qui n'auraient jamais pu se rencontrer, qui n'auraient jamais dû se rencontrer et qui pourtant fonctionnent si bien ensemble, pendant un instant si fugace, si précieux.
On aimera, on n'aimera pas, peu importe, on est là dans l'histoire du cinéma. Après avoir révolutionné la 3D avec Adieu au langage, osant l'utiliser pour faire autre chose qu'un spectacle de foire, proposant de manière ludique de jouer avec la 3D, avec ses possibilité, filmant le champ et le contre champ et les diffusant en même temps. Permettant au spectateur de choisir de voir à sa guise le champ ou le contre champ. Là, encore une fois il propose une manière de faire du cinéma, il n'est pas là le premier à utiliser les images des autres pour les sublimer. Il y a fort à parier qu'il ne sera pas le dernier non plus. Mais comme Adieu au langage qui n'était pas le premier film en 3D non plus (et pas le dernier), il fera date. Il propose autre chose qui ne serait que poésie. L'avenir dira s'il était un génie, c'est à dire un précurseur rattrapé par les autres ensuite lui faisant perdre sa valeur car ils feront au moins aussi bien que lui, ou bien un apôtre, ne faisant que montrer la voie vers un autre cinéma que celui classique, morne, que l'on connaît tous que trop bien.
La poésie de Godard n'est pas vaine, il y a un message lorsqu'il propose une nouvelle version des 1001 nuits, où il propose un conte de Shéhérazade moderne en reprenant Une ambition dans le désert (un roman de Albert Cossery) qu'il illustre avec ses collages habituels de films, d'images de propagande de Daesh, faisant raisonner à la fois les 1001 nuits et le bouquin (qu'il me faut lire) comme infiniment modernes et actuels, décrivant parfaitement la situation au Proche et Moyen Orient.
Il résulte surtout du film une expérience personnelle, intime, qu'on a envie de garder pour soi, comme si les autres pourraient la souiller avec leur regard malpropre, je ne peux pas conseiller de le voir, vos yeux saliraient le film, souilleraient cette expérience intime, dont j'ai envie de garder la préciosité.
Diffusion le mercredi 24 avril sur Arte !
... à 22h25. Mais c'est mieux que rien.
Même à 18h, je le regarderai pas.
Enfin vu
Je crois que je n'ai pas très bien compris , je vais le revoir
Je pense qu'on est vraiment dans le collage, assez abstrait, que visiblement il verrouille, il réduit tout à l'extrême, y compris le public potentiel, quasi-restreint, autistique, le grand-public n'aimera pas cette "narration", c'est un peu le clivage qu'il y avait dans Le Redoutable, formulé de manière maladroite. C'est pour ça qu'il ne sort pas au cinéma (on n'aura pas la réaction de Durendal, dommage, le lien sur son plaidoyer d'euthanasie de Godard : https://www.youtube.com/watch?v=u1GnoJCdbtw)
Y a que le générique de normal mais il est obligé, c'est le droit moral de citation comme on dit.
C'est une expérience, un truc spécial, en dehors du temps et de l'espace, expérimental, et même le jury de Cannes a compris, quand ils auraient pu ignorer le film (Palme d'or spéciale), ils déclarèrent à la conférence qu'ils en étaient émus, perplexe, boulversés, le film ne laisse pas indifférent.
Mais je crois sérieusement que ce film est plus fait pour les musées d'art moderne style MoMA, un peu découpé dans des écrans dans le musée et voilà.
Ca me donne envie de lire Cossery, oeuvres complètes en petits deux volumes d'ailleurs.
Morbleu ! J'ai raté la diffusion.
Il est toujours dispo en replay sur le site d'arte ou bien ?
Je connais pas très bien Godard mais elles servent à quoi les erreurs de montage ?
(cut au noir, format étiré, son qui coupe en plein milieu d'une phrase/musique)
J'ai tenu que 15 minutes.
Le dernier film en date de Godard, palme d'or spéciale à Cannes, est sans doute l'apogée de son cinéma, voire même l'apogée du cinéma
L'apogée du 7eme art rien que ça ? Chacun son avis mais bordel beh ça me ferait bien chier connaissant quelque peu le cinéma de Godard. J'ai pas vu le film mais ça freine assez ce genre de superlatifs ... Curieux j'irais voir un jour je suppose.
Donc si je comprends bien on lui a décerné une palme d'or alternative c'est ça ?
Le 29 avril 2019 à 18:24:24 Thinkpol a écrit :
Je connais pas très bien Godard mais elles servent à quoi les erreurs de montage ?
(cut au noir, format étiré, son qui coupe en plein milieu d'une phrase/musique)
J'ai tenu que 15 minutes.
Le son qui coupe c'est typique de Godard, il fait ça souvent, ça crée une forme poésie et surtout ça sert le discours. Je me souviens bien parfois ça coupe lorsque justement les personnages qui parlent sont tout ce qu'il déteste. Je crois que c'est dans un passage sur la Russie où il coupe au beau milieu d'un bal pour montrer les batailles.
Je suis enfin sorti de ma grotte pour rattraper le train Godard (tout pile avant la grève du 5 !) ; je crois que j'ai vraiment adoré, je dis "je crois" parce qu'en fait j'en suis certain. Difficile de ne pas faire de rapprochement avec les films de Debord, c'est peut-être même son plus debordien.
Où peut-on trouver le film ? J'ai cherché partout sur internet : ni VOD, ni streaming, ni torrent, rien. Si quelqu'un sait où le trouver, je suis preneur, merci.
Peut-être sur Arte ?
Le 30 avril 2020 à 21:02:25 resolution a écrit :
Peut-être sur Arte ?
Je suis passé voir sur leur site et pas de rediffusion non plus.
Disponible sur un certain site de torrent, je t'envoie le nom du site en mp.
J'avais coupé le film en plein milieu à cause de sa voix qui m'était insupportable, puis récemment j'ai revu certains films de Godard, dont Adieu au langage, et je comprends mieux sa démarche désormais, j'ai hâte de le revoir.
Yooo mes homies, je recherche la scène de 01/01/16 qui ne dure seulement que deux secondes, je veux dire damn, je kifferai faire la même qu'elle à une belle meuf !