Je vous salue, fiers habitants du grand et fameux bourg d'Hyrule ! Pardonnez mon allure, je suis bien conscient de ressembler à un sac d'os ! Oh oh oh oh ! Mais suis-je impardonnable, je viens tout juste de monter les quelques marches de bois menant à cette estrade, je me pose tout droit devant vous et commence un monologue sans m'être présenté ! Ignorez ma rustrerie, je vous en prie. Je me nomme Lysios d'Ikana. Je porte le nom de mon pays. Je suis un guerrier pacifiste venu d'une contrée lointaine, arpentant le monde à la recherche de poésie et de beauté.
Je voyage, je regarde, je parle parfois, j'observe la nature. J'écoute les contes que l'on me souffle entre deux pintes. Je contemple le soleil, je prends garde aux sons des arbres… Ceux des bois perdus sont particulièrement intéressants, les avez-vous déjà écoutés ? Loin de l'aura bienveillante du Vénérable Arbre Mojo, le sempiternel gardien des forêts du Sud, vivent les bois perdus… C’est un lieu d’une magie puissante, un labyrinthe de plantes et de pierres, animé d'une atmosphère très particulière… Il est très facile de s'y égarer, et si vous laissez votre corps s’imbiber de la folle musique qui y règne, vous pourriez bien vous transformer à jamais.
Au milieu des ruines du passé et des mystérieuses pierres à potin, au plus profond des bois perdus, se tient le temple de la forêt. C'est un lieu oublié, ignoré, rempli de monstres, de plantes démoniaques à l’appétit féroce, et d'esprits maudits ! Les ronces qui couvrent le sol et les murs vous lacèrent la peau – heureusement que je n’en ai pas ! Oh oh oh ! La poussière vous remplit les poumons ; vos yeux doivent aussi savoir percer les ténèbres pour pouvoir naviguer dans l’obscurité étouffante.
Des ectoplasmes farceurs et tueurs vous y proposent des énigmes mortelles… Mieux vaut avoir l’esprit affuté et le corps en acier pour s’y aventurer.
Si je vous décris ceci avec tant de perfection, c’est que j’ai moi-même foulé de mes pieds ce temple perdu dans la forêt. Mes aventures et ma soif de l’inconnu, de l’inexpliqué, du magique et du secret m’avaient amené là où seul de rares aventuriers avaient eu l’occasion de poser les yeux. J’ai pris mon temps, et j’ai exploré ce lieu dangereux des jours durant.
Outre les lobos et les skulltulas qui vous assaillent, il y a quatre âmes très puissantes qui hantent le lieu. Je comprenais bien qu’elles avaient déjà menés des combats, qu’elles s’étaient frottées à de précédents aventuriers. Je ne les ai pas combattu, en tout cas, pas vraiment. Alors que je venais d’occire un Stalfos qui m’avait pris en grippe, deux des âmes m’attaquèrent par surprise.
Je fus blessé, et dans ma fuite, je tombai par hasard dans une fontaine de fées, au détour du bosquet marquant l’entrée du temple. Elles soudèrent les fêlures de mes os, et me redonnèrent une grande énergie.
Je n’ai jamais vraiment su pourquoi, peut-être les fées avaient elles sondé mon cœur et compris le but de ma quête ; mais tandis que j’étais allongé sur le sol, épuisé, elles m’offrirent un merveilleux spectacle.
Elles se mirent à briller de mille couleurs, et s’agitèrent pour créer des formes de leur corps. Elles s’assemblaient pour créer des formes. Cent fées formaient une roche, mille autre créaient un arbre. Une mystérieuse voix s’élevant de la fontaine emplit la cave, enrichissant ce qui se dessiner devant moi.
Les visions dont je fus le témoin, couplées à l’histoire qui me fut conté, je vais vous le raconter.
Elles m’emmenèrent dans un voyage vers le passé.
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Les Sheikahs, avant de devenir les protecteurs de la famille royale, était un peuple de mystiques qui se sentaient proche des dieux. Ils vivaient dans différents clans, dont un avait établi son village dans les bois perdus. En quête de spiritualité, ils avaient construit un temple, un lieu de méditation et de recueillement, en l’honneur de la Déesse de la triforce qu’ils chérissaient le plus : Farore la verte ; la créatrice de vie, l’âme de ce monde, la semeuse d’esprits. Le temple fut construit au fin fond de la forêt, pour plusieurs raisons ; l’abriter des gens indiscrets, le séparer de la bourbe impie de ce monde, et en faire un lieu de pèlerinage sacré.
Farore avait toujours été une des Déesses les plus… vénérées de la Terre d'Hyrule. Elle est celle qui a créé la vie. Celle par qui toutes les créatures ont eu la vie. Les Sheikahs lui vouaient un grand culte. Ils estimaient que c'est en la priant et en lui faisait des offrandes qu'ils resteraient connectés à cette grande divinité. Farore la verte, quoi de mieux qu'une forêt pour y construire un temple à sa grandeur. Une forêt regorge de vie : végétal, animal, humaine. La vie la plus sauvage, la vie la plus pétillante.
La construction du temple remontait en des temps immémoriaux, dans les débuts de la vie civilisé. Elle dura des décennies. Tout le savoir-faire du peuple Sheikahs fut requis pour édifier un pareil bâtiment dans un environnement si hostile. Les travaux furent souvent interrompus par l’agressivité des bêtes voraces de la forêt qui défendaient leur territoire, ou par un Skullkid facétieux qui venait troubler le chantier.
Un bosquet prenant la forme d’un labyrinthe fut dressé comme entrée du temple. Des monstres y furent placés. Le bosquet était une épreuve à passer pour être digne d’accéder au temple de Farore. On estimait que pour trouver la sortie du labyrinthe, Farore devait guider vos pas. Quant à la présence des monstres, il s’agissait d’examiner la présence de courage dans le cœur de l’aventurier.
La vision continua, s’engouffrant par delà le bosquet sacré pour s’arrêter dans la petite cour de l’entrée. Deux grands arbres encadraient la porte principale, et sur le côté du lierre grimpait aux murs de pierres…
Dans l’enceinte du temple, de grands jardins occupaient une place importante. Au nord-ouest et au nord-est de la salle principale s’étendaient de grands espaces. Des puits furent bâtis, et de beaux sentiers propices à la promenade serpentaient entre les différents massifs de fleurs. Il y avait même une petite rivière qui s’écoulait, et un beau pont pour la surplomber. Ces jardins étaient devenus des jungles hostiles, envahis par les Mojo Baba et les Octorok.
Les fées continuaient de tourner dans leur ballet de couleurs et de formes. J’étais totalement absorbé ! Imaginez-vous ça, ces petits bouts de Déesses qui vous tournoient autour, dessinant le passé !
Il y avait des salles de prières, des chambres rustiques, et même un gymnase. Soudain, le spectacle se brouilla, et quatre filles, quatre soeurs apparurent. Elles officiaient en tant que grandes prêtresses.
Les trois Déesses de Légende étaient liées, et bien que ce temple était dédié à Farore, les noms de Naryu et de Din se devaient d’être représentés en ce lieu sacré. Les quatre sœurs avaient une vocation différente, une affinité propre.
Joelle, la plus âgé, était la Voix de Din. Beth était la Voix de Naryu. Amy était la Voix de Farore. Quant à Meg, la plus jeune et la plus réceptive des sœurs, était la Voix de leur Volonté.
S’aidant de champignons translucides qui poussaient dans le bosquet sacré, Meg rentrait dans des transes psychédéliques où elle avait des visions du vouloir des Déesses.
La salle sacrée dans laquelle Meg parlait aux Déesses était dans une sombre partie du temple, en profondeur, à laquelle on pouvait accéder par un système de poulies qui soulevaient une grande cage en fer. Le passage se situait au centre de la place centrale, et ne pouvait être activé que par les quatre sœurs qui enclenchaient l’engrenage en faisant brûler quatre torches.
Des tableaux représentant les Déesses ornaient la salle.
Pendant des années, la vie s’écoula paisiblement, le temple étant empreint d’harmonie et de spiritualité. De temps en temps, un pèlerin se présenter, et rester quelques jours, parfois des semaines voir des mois, à méditer dans le temple. Meg dormait peu, et avait de plus en plus de visions. Un jour, elle déclara que la Volonté des Déesses était étonnante : Farore avait reconnu la parfaite foi des sœurs, et les estimaient dignes de poursuivre son travail. La mission leur était donnée de créer la vie.
Meg insistait sur l’honneur de la confiance accordée par les Déesses. Les sœurs étaient exaltées, et se mirent vite au travail. Dorénavant, tous les visiteurs du temple se devrait de se sacrifier pour une cause plus grande ; la Volonté de Farore. La salle de divination de Meg se transforma bien vite en un lugubre laboratoire… Versant un somnifère puissant, extrait de la sève de Mojo Baba, dans le premier verre d’eau qu’elles offraient au pèlerin, elles le descendaient ensuite dans la salle sacrée et l’attachaient à une planche de bois. De curieuses et sinistres manipulations s’ensuivaient, où le but premier de créer la vie changea bien vite au but d’extraire la vie, la flamme première, l’énergie vitale du sacrifié.
Les quatre sœurs usaient de toutes leurs potions dans des ordres aléatoires afin de trouver la divine combinaison qui permettrait de jouer avec le don de Farore.
Se proclamant elles-mêmes les filles de Farore, elles capturèrent tous les aventuriers qui arriver à atteindre le temple.
J’observai, hurlait Lysios à son public, terrifié, la macabre danse des fées ! Elles me montraient par leurs sinistres mouvements des centaines de sacrifices qui furent commit au nom des Déesses ! Les traits des prêtresses se changèrent ! La folie s’inscrivit sur leur visage ! Le temple périssait sous le regard courroucé des Déesses ! Farore avait honte de ce temple qui portait son nom, qui sombrait dans les plus mauvaises pratiques de la magie occulte.
La forêt se rebella, et reprit ses droits ! La végétation avala les constructions de pierres, les monstres envahirent le temple, qui fut plongé dans le chaos.