Je garde mon calme extérieurement, mais l´intérieur bouillonne quand même. Ils ne nous reste plus alors qu´à rejoindre directement Goris, notre ville étape. Nichée dans les forêts recouvrant les montagnes environnantes, la localité a été créée à l´époque soviétique. Jusque là les habitants de la région vivaient comme au 5e siècle avant notre ère, dans des habitations troglodytiques ! Ici nous logeons chez l´habitant, une formule économique. C´est à dire que les occupants nous laissent entièrement leur appartement et vont loger ailleurs ! A part les problèmes habituels d´eau chaude, le gîte est bien tenu et confortable. N´est ce pas Barbara qui dormira à même le sol, sur le matelas tout de même, car les lits dans ce pays sont généralement creux ( bonjour le dos ). Mais avant, tout l´après-midi s´offre à nous pour une excursion au village de Khndzoresk, banal me direz-vous, plutôt fascinant à la vue de ces curieux cônes de pierre crayeuse hérissant les pâturages et les versants des montagnes. Ces cheminées de fées qui donnent à ces paysages des faux airs de Cappadoce s´appellent chez nous « les demoiselles coiffées », un véritable chef d´oeuvre caché de tout tourisme. Très remonté en début de journée, la conclusion est plutôt réconfortante.
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Samedi 8 juillet: Goris-Goris: 31 km: 1 col
Le ciel est couvert et orageux, assez rare depuis le début du séjour. Au programme auto + vélo = 1 col, une formule pratique! Nous suivons la route vers l´Iran qu´il a fallu réaménager de telle sorte qu´elle permette le transit des poids lourds Iraniens qui ne pouvaient s´aventurer sur ces mauvais chemins de montagne, à peine carrossables. Après avoir joué à saute-moutons pendant une cinquantaine de km, nous atteignons la ville de Gaban ( alt. 750 m ), la plus basse altitude du voyage, petite localité nichée dans une vallée encaissée qui attirèrent des ingénieurs français pour les riches mines de cuivre que renferment les montagnes de Zanguezour. La ville est dominée par de puissantes montagnes dont les cimes neigeuses attirent les alpinistes. La chaîne de Zanguezour, aux sommets très déchiquetés ( altitude maximum 3830 m ), a en effet une physionomie typiquement alpine qui la différencie des autres montagnes d´Arménie, aux formes plus arrondies. La couverture forestière court tout le long, ou presque, de la route qui conduit à l´Iran, en passant par la ville minière de Kadjaran ( alt. 2000 m ) où nous débarquons du van. Comme bouquet final le Debaklu Pass ( alt. 2535 m ), col routier le plus haut du pays, une belle conclusion avec un début d´ascension pénible certes, mais une fin convenable, l´air y est frais. Barbara est loin derrière, mais c´est prévu! car je dois continuer sur ma lancée au Col d´Aycinqil ( alt. 3707 m ), 1200 mètres plus haut. Je suis trop gourmand et téméraire car je pars dans l´inconnu. Sur la carte un sentier y est mentionné alors pourquoi pas ? Mais après quelques km à pied sur une piste élargie par des travaux de terrassement, je déchante. Devant moi l´impasse, une énorme cascade me fait face et en y réfléchissant de plus près, j´admet que la photo de la carte datant d´une quarantaine d´années ( ! ) me laisse peu d´espoir de retrouver ce sentier bouffé par la végétation depuis, tant pis. Quant au site, il est impressionnant avec les sommets aux crêtes enneigées engluées dans la brume. De retour au véhicule à Kadjaran, Barbara et le chauffeur se délassent...chacun de leur côté dans une sieste en m´attendant. Après cette escapade dans les montagnes du sud-Arménien longtemps tenue à l´écart des itinéraires touristiques, mais considéré comme l´une des régions les plus authentiques du pays, nous rejoignons nos foyers à Goris, fatigués et satisfaits d´avoir en quelque sorte réussi cette expédition dans l´inconnu aux confins du Caucase.
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Dimanche 9 juillet: Goris-Erevan ( auto ): 300 km
Avant de prendre la direction de la capitale, c´est à dire, la traversée de tout le pays sur près de 300 km, nous ne pouvons quitter la région sans avoir fait un détour par l´un des plus beaux monastères d´Arménie, Tatev, situé au bout d´une route d´un revêtement d´un autre âge, en lacets serpentant dans les canyons vertigineux, aux versants boisés. Entouré de puissantes murailles, le monastère s´est effondré en 1931 à la suite d´un violent séisme ( déjà ) aïe... attender, et a été relevé ouaih... dans son ensemble tel qu´il avait été construit aux IXe et XIe siècles. Peu ou pas de visiteurs en ce week-end, les Arméniens ont d´autres chats à fouettés. A présent nous pouvons prendre l´axe principal pour Erevan par delà les montagnes et vallées tantôt verdoyantes ou sèches par endroits, puis comme par enchantement face à nous, mais au lointain, se dresse majestueusement cerné de sa couronne enneigée le Agri Dagi, plus connu sous le nom de Mont Ararat ( alt. 5165 m ) et flanqué de son petit frère le Kuçuk Agri Dagi, haut de 3925 m « seulement ». Une montagne magique au même titre que le Fuji Yama ( alt. 3778 m ) pour les Japonais, l´Ararat constitue un élément essentiel du paysage géographique et symbolique arménien, mais se situe côté turc. Nous sommes à présent dans la plaine de l´Ararat renommée et illustre, fertile et féconde, abondante en choses utiles, de vastes espaces agricoles, vergers, champs et vignes qui valent à cette région son nom de grenier à blé d´Arménie. A l´approche de la capitale Erevan, de part et d´autre de la route, une succession d´échoppes vendant un peu de tout 24 heures sur 24 nous rappelle peut-être que l´un des plus importants axes commerciaux de l´Asie passait par ici, mais il a bien longtemps. Il fait toujours chaud ( +30º ) dans Erevan et l´air est parfois douteux malgré l´altitude ( 1000 m ). Nous retournons à l´hôtel du premier jour, toujours 500 chambres! déposons tout notre attirail et allons restituer le véhicule « et son chauffeur » à l´agence, puis revenons à l´hôtel en métro ( eh oui ) pour quelque centimes. La boucle est bouclée, ouf...
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Lundi 10 juillet: le retour
Départ en navette de l´hôtel pour l´aéroport dès 8h30, où le décollage a lieu à 10h30. Pas d´interruption de travail ici, ils ne seront jamais champion du monde de la grève comme nous. Pas de Tupolev vétuste cette fois ci mais un bon petit Airbus d´Arménian Airlines ( 100 passagers ) leur seul en circulation, et après 4h30 de vol, nous atterrissons dans la fraîcheur de Roissy et de l´été ( 15º ) ! quel contraste !
Charles Winter
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Arménie, 1ère partie
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Barbara Leonard