Nous avons vu que la justice sociale était le reflet d'une justice inégalitaire et qu'il faut améliorer. Pourtant, ce concept fait débat. Friedrich Hayek, philosophe libéral, a dénoncé la justice sociale comme un « mirage » (c'est le titre du tome II de son livre Droit,législation et liberté). Pour Hayek, la justice sociale est à la fois une erreur et un atavisme. C'est une erreur car l'idée de justice sociale part de l'attribution des malheurs économiques des individus à l'injustice de l'ordre économique. Cet ordre est le produit du jeu de forces impersonnelles et donc la mauvaise situation d'une personne dans l'ordre économique ne peut être attribuée à aucune volonté particulière. Or la notion de justice n'a de sens que relativement à l'intention et à la volonté de l'homme : l'action d'un animal n'est ni juste ni injuste, la survenance d'un ouragan n'est ni juste ni injuste, et de même pour Hayek, l'ordre économique puisqu'il résulte d'un jeu spontané n'est ni juste ni injuste, mais seulement heureux ou malheureux. Parler de justice sociale est donc dépourvu de sens. La justice sociale est aussi un atavisme parce qu'elle commet un anthropomorphisme : accoler la notion de justice, qui n'a de sens qu'à travers l'intention de l'homme, à la société, entité dépourvue de volonté. De plus, la justice sociale commande une fin collective à la société ce qui est un trait des sociétés primitives et fermées, la grande société ne peut en effet être permise que par des mécanismes tels que le marché pour gérer les fins différentes et les connaissances éparses de ses membres.Hayek critique enfin les conséquences de la notion de justice sociale. La justice sociale implique de traiter différemment les personnes qualifiées de victimes, elle implique donc la discrimination, c'est-à-dire la violation de l'égalité en droit : « Il y a toute les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n'est qu'une nouvelle forme de servitude. » Hayek va plus loin, en considérant que la justice sociale, en donnant à l'État les moyens de tout contrôler pour tout égaliser, débouche sur l'accroissement démesuré des prérogatives de l'État. Ainsi, Hayek de déclarer dans Droit,législation et liberté (1976) : « C'est réellement le concept de justice sociale qui a servi de cheval de Troie à la pénétration du totalitarisme. » Même si Hayek est en 2008 considéré comme la figure de proue du libéralisme, ses conclusions ne sont en l'espèce pas originales par rapport à celles que défendait l’économiste franco-suisse Léon Walras, un siècle plus tôt, de manière plus systématique. Pour Walras, en effet, l’autorité, exorbitante, de l'État ne saurait être justifiée que s’il traite tous les citoyens d’une manière absolument égale. Hayek n'est cependant pas opposé à l'existence d'une assistance publique en faveur des pauvres, des handicapés, etc., mais il rejette l'utilisation de l'impôt à des fins de redistribution des revenus. Walras n’était pas favorable à l’impôt, quel qu’il soit, car il affirmait que tout individu était seul propriétaire de ses facultés personnelles et de ce qu’il pouvait en tirer. L’impôt apparaissait donc à Walras comme une forme de spoliation et il préconisait que l'État se finance à partir de la rente foncière après que les terres auraient été nationalisées. Il considérait en effet que les ressources naturelles, dont la terre, n’étant pas, par définition, produites par l’effort des hommes, elles appartiennent au patrimoine commun de l’humanité. Plus récemment, l'intellectuel noir américain Thomas Sowell, s'y est opposé, y voyant la marque de l'envie, camouflée par de la rhétorique, ce qu'il résume en : « Envie + rhétorique = justice sociale ». Nous avons parlé de l'ouvre de Mandeville : La Fable des Abeilles, il est important de dire que les moralistes spiritualistes Hutcheson, Berkeley réfutèrent la Fable des abeilles. Les juges menacèrent de faire un procès à son auteur. De plus, la portée de cette fable semble encore indésice. En effet, Friedrich Hayek vit en lui un précurseur du libéralisme tandis que Keynes mit en avant la défense de l’utilité de la dépense. Nous avons vu que Cesare Beccaria avait apporté des solutions pour améliorer la justice. Mais il est important de souligner que ses dires furent assez contradictoires. En effet, Beccaria propose comme substitut à la peine de mort l'esclavage perpétuel. Néanmoins, il admet la peine capitale dans deux cas :lorsque l'existence du malfaiteur peut produire une révolution dangereuse dans la forme du gouvernement établi, soit pour les crimes dits politiques, et lorsque la mort est le seul frein capable de dissuader les autres de commettre des délits. Beccaria ne développe pas ce dernier point et semble se contredire. Lors de notre étude sur les défaillances de la justice, nous nous sommes appuyés sur Hegel et Marx, mais sachez que ces deux hommes étaient en contradiction. En effet, Hegel reste pour Marx un philosophe idéaliste qui décrit le monde au lieu de le changer. Il a le tort d'admettre comme Nature un état historique du monde. Hegel fut aussi critiqué par Friedrich Nietzsche, ce dernier affirmait que l'État n'est pas l'incarnation d'un quelconque « intérêt général »(comme le disait Hegel), c'est un « monstre froid » au service d'intérêts égoïstes. On en déduit que Nietzsche rejette catégoriquement l'idée que l'Etat veuille appliquer une justice égalitaire car le pouvoir n'a pour objectif que de se maintenir et d'avoir toujours la main-mise sur le peuple. Plus récemment, Karl Popper, notamment dans le chapitre 12 de La Société ouverte et ses ennemis, où il critique l'historicisme hégélien, son style obscur et son opportunisme intellectuel. Il considère plus généralement que sa philosophie de l'histoire est un des fondements du totalitarisme. On en déduit que Popper accuse Hegel d'avoir une pensée anti-démocratique et qui est basée sur l'origine d'une dictature. Cela nous ammène à dire, que selon Popper, la justice hegelienne est celle d'un despotisme. De plus, il y a encore de nombreuses controverses, notamment celle-ci : la pensée de Hegel a fait l'objet de nombreux débats : Hegel était-il panthéiste (spinoziste) ?