Bon, et bien, que dire pour vous accueillir ? Je crois que j'ai épuisé mon stock de phrases toutes faites... Et puis non, pourquoi s'embêter à de telles formalités. De toute façon, tout ce que vous voulez, c'est la fic, je me trompe ?
Cette fic est, vous l'avez deviné, estampillée imhotep43, elle fait donc partie intégrante de la saga "Les Chroniques des Univers" qu'elle conclut (je pense après, c'est l'inspiration qui décide, m'voyez) d'ailleurs. Pour les lecteurs qui débarqueraient, Les Chroniques des Univers, c'est une saga en trois tomes (un tryptique diront certains, encore que ma fic soit bien moins étincelante que ces oeuvres ornementées), dont les évènements se suivent:
TOME 1: La légende des deux orbes https://www.jeuxvideo.com/forums/1-10266-1516652-1-0-1-0-0.htm
TOME 2: La voie des élus https://www.jeuxvideo.com/forums/1-10266-1877798-1-0-1-0-0.htm
TOME 3: Le cristal du destin que vous venez d'attaquer de lire.
Pour la petite histoire, le tome 2 n'est toujours pas fini, ne vous étonnez donc pas si vous n'avez pas l'impression que l'histoire avance dans les premiers chapitres de ce tome 3. Je tiens à garder le suspense qui m'a forcé à retarder d'autant la sortie desdits chapitres. Anecdotiquement, je me vois obligé de vous dire que je me dégage totalement de Nyarno sur cette fic-là. Il fut un temps où on bossait assez bien ensemble, et si la qualité et les conditions du travail ne se sont pas dégradées, il faut se faire à l'idée que la modération n'est pas de tout repos et qu'elle est décidément trop handicapante pour l'accoller à l'écriture. En tout cas pas quand quelqu'un dépend de nous. Avec son autorisation, je reprendrai cependant certains de ses personnages, car si les auteurs ne sont pas disponibles, les fics elles sont intimement liées. A ce sujet, si vous voulez vraiment comprendre les tenants et les aboutissants de tout ce qui est raconté ici, la lecture de sa fic est vivement conseillée.
La vie est faite ainsi https://www.jeuxvideo.com/forums/1-10266-230778-1-0-1-0-0.htm
Maintenant que j'ai fait amende honorable auprès de mon partenaire, revenons à toi cher lecteur... Comment te décrire ce que tu vas rencontrer ici ? Peut-être tout simplement en te racontant l'histoire qui t'as amené à ouvrir cette fic...
LE CRISTAL DU DESTIN
[Prologue]
20 ans se sont écoulés depuis la guerre à Hoenn. Les batailles de plus en plus violentes ont détruit des familles, brisé des vies prometteuses, cassé les idylles les plus magnifiques. L'ultime bataille sur les terres d'Eternara a marqué un tournant décisif dans cette violence amorale. Face à l'armée régulière de Sento, les forces unies des Elus, des êtres humains aux pouvoirs surnaturels, et de la nouvelle Armée, faction résistante proclamant le refus de toute forme d'oppression, ont lutté sans relâche. Nombreux sont ceux qui ont perdu la vie, et l'issue de ce combat n'a fait qu'attirer toujours plus de regards soupçonneux sur le camp vainqueur.
Les choses ont changé... En vingt ans, les îles de Kanto, Hoenn et Johto, à moitié rasées par la guerre, ont ressucité, pour le plus grand bonheur des survivants qui n'étaient que les otages de la sinistre mégalomanie d'un fou sanguinaire. La guerre, comme toujours, une fois terminée, a donné une poussée technologique incroyable, lorsque des applications civiles ont été trouvées aux inventions des scientifiques payés par l'armée.
Mais alors que partout ailleurs, la guerre semble n'être plus qu'un lointain souvenir, à Sinnoh, les choses ne se sont pas passées de la même manière. Les pouvoirs des Elus, naguère inconnus et discrets, ont éclaté au grand jour pendant la guerre, faisant de ces gens de véritables légendes... Et comme toutes les légendes, il ne reste aujourd'hui que peu de souvenirs de leur passage. Nul ne sait s'ils ont péri dans la bataille qui les opposa à Sento où s'ils ont choisi une retraite coupée du monde, mais toujours est-il qu'ils ont disparu de la surface de la Terre. De nombreuses personnes pensent même qu'ils n'ont jamais existé.
Mais parmi tous ces élus, il est un détail qui est certain. Si toutefois ils ont existé, il en manque toujours un à l'appel... Un élu qui va redistribuer les cartes. Et nombreux sont ceux qui le cherchent...
[Chapitre 1] Vingt ans après:
"Mais parmi tous ces élus, il est un détail qui est certain. Si toutefois ils ont existé, il en manque toujours un à l'appel... Un élu qui... "
Dans la salle 315 de l'académie Pokémon de Féli-Cité, le professeur d'histoire marqua un temps d'arrêt.
"Vous écoutez, monsieur Versili ?"
Au fond de la salle, à droite, un jeune homme sursauta. Ce jeune homme se prénommait Cyrian Versili, descendant d'une lignée de sang noble que son père tenait plus que tout à mettre en évidence aux yeux de tous, même si le dernier ancètre qui avait eu le sang bleu devait être mort depuis des lustres. Seul paraissait le côté superficiel de cette noblesse dans le choix des prénoms des enfants, depuis que la particule avait disparu de leur nom de famille.
"Désolé, monsieur, c'est si tentant de regarder par la fenètre."
Le professeur était strict, certes, mais pas non plus tyrannique. Et par dessus tout, il aimait les têtes bien faites comme celle de Cyrian. Il n'avait pas sa langue dans sa poche, mais il ouvrait rarement sa bouche sans y avoir été invité au préalable... Avec un sourire, le pédagogue s'assit sur son bureau.
"Je vous demande encore quelques minutes d'attention, Cyrian. Les vacances sont proches, je le sais, la fin de l'année aussi. Mais vous me connaissez maintenant. Le cours s'arrêtera lorsque la dernière sonnerie retentira, et pas avant. Même si nous avons quelques heures d'avance sur le programme et que vous n'avez pas d'examens cette année, je trouve très intéressant d'étudier cette période de l'histoire qui n'est pas dans vos manuels.
-Professeur, demanda poliment une élève, vous qui avez vécu cette période, vous pensez vraiment que les Elus ont existé ?"
L'attention de Cyrian se focalisa sur l'éventuelle réponse à cette question. Lui-même peu amateur de livres dont il tirait ce qui lui semblait essentiel avant de les abandonner, il ne crachait cependant pas sur toute forme de culture qui soit.
"Je serai bien incapable de vous répondre, ma chère. D'une part parce que le comité de la ligue ne souhaite pas qu'on en parle, et d'autre part parce que j'étais à plusieurs centaines de kilomètres lorsque la bataille d'Eternara a eu lieu.
-Et pourquoi n'en parle t'on pas ?
-Parce qu'on est en cours d'histoire, là encore, et je vous ai toujours appris à vérifier la véracité d'un fait avant de l'inclure dans une copie. Or, il y'a peu de témoins, et aucun qui ne dise la même chose à ce sujet. Les ragots, c'est pour les vieilles filles qui ont raté leur vie, pas pour des élèves brillants."
Oui, encore peu de choses à tirer de tout celà. Cyrian allait replonger dans ses contemplations lorsque la sonnerie finale se fit entendre. D'un air distrait, il quitta la salle de cours, alors que leur professeur distribuait des "Bonnes vacances, à l'an prochain !" à tout va. Il était peu amateur d'encouragements et de félicitations, les uns ne lui étant jamais adressés, les autres plus souvent pour son nom que pour ses compétences. Il n'aimait pas les discours en général. Se contentant d'un signe de tête assez vague en direction du professeur, il concluait ainsi cette année scolaire, la dernière avant d'entamer une carrière de dresseur. Rangeant dans son sac les quelques affaires qui n'avaient pas déjà quitté son bureau, il disparut presque littéralement de la pièce, sans que personne ne le voit...
"Cyrus, attends !"
Presque personne.
D'un air fatigué, Cyrian, ou Cyrus comme il préférait que les autres élèves l'appellent, se retourna, pour faire face à une ravissante jeune fille, d'un an sa cadette, et qui avait l'air aussi pressée que lui de partir. La tête du jeune homme s'illumina d'un bref sourire en voyant sa camarade de classe, dont le sac était plein et qui portait pourtant presque autant de livres dans ses bras.
"Attends, Nina, je vais t'aider, fit-il en revenant sur ses pas.
-Non merci, ca ira, protesta un bref instant la dénommée Nina avant que plusieurs ouvrages ne tombent de la pile qu'elle portait dans les bras.
-Tu sais, je suis peu chargé, et s'il est une chose que je dois bien admettre, c'est que les richards sont très pointilleux sur le savoir-vivre."
Profitant de l'aide de Cyrus, Nina déposa quelques livres dans ses bras, en plus de ceux déjà tombés. Elle était plutôt grande pour son âge, mince sans être maigre, belle sans être surfaite, vêtue d'une robe mi-longue noire qui mettait en valeur son charme naturel et ses cheveux noirs de jais d'une manière très discrète mais néanmoins efficace. Seuls son sourire blanc et ses yeux d'un bleu très clair contrastaient dans cette tenue très sobre.
"Ta robe est magnifique, contempla Cyrus, mais décidément pas pratique quand tu es chargée.
-Oh, ca va, pour la galanterie, tu repasseras, répondit Nina d'un ton faussement outré. Tu n'as pas emmené tes livres toi ? remarqua t'elle.
-Quand on vient d'une famille aussi "particulière" que la mienne, c'est limite si la galanterie n'est pas au programme des leçons de savoir-vivre de la gouvernante. Et pour les livres, je les ai ramenés à la maison au fur et à mesure. Il ne restait que l'histoire et basta. Enfin bon, je me demande encore pourquoi "organisation" est un mot féminin"
Quand Cyrus parlait de ses ancètres, le premier mot qui lui venait à l'esprit, et qu'il rejetait instantanément était "noble". Il n'y avait que son père pour croire encore à ces fadaises. Riche, célèbre, puissante ? La seule fierté de son paternel c'était son jardin trophée et le surnom stupide qui lui allait à ravir: "Mr Décorum". Effectivement, pour faire du décorum, de la figuration, il y'avait du monde. Mais dès qu'on sortait de la langue de bois et des "Bonjour madame la Comtesse", "Très joli veston, monsieur le Baron", il n'y avait plus personne.
Cyrus en avait plus que marre de cette atmosphère de non-dit. Il n'avait qu'une envie, partir... Demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, lui aussi, il partirait. Direction, le labo du professeur Sorbier, une des rares personnes qui traînaient derrière eux leur souvenir dans ce vieux monde depuis si longtemps après avoir disparu en accompagnant les Elus. A lui tout seul, il était la dernière preuve substantielle de leur existence, et si certains supposaient qu'il en faisait aussi partie, ceux qui savaient vraiment se détachaient de la masse par leur capacité impressionnante à la rétention d'informations.
"Je repense à ce que disait le prof', commença Nina pour faire la conversation. vingt ans, ca fait presque une éternité. Tu n'as pas l'impression toi aussi ?
-J'ai juste l'impression d'avoir raté le bus pour la gloire, répondit Cyrus. A quelques années près, c'était moi qui aurait été l'espoir de toute une nation."
Dans le couloir, Nina s'arrêta net.
"Tu vas pas me dire que tu regrettes tout ça ? C'est une légende, rien de plus...
-Peut-être, mais il faut admettre que cette légende a mis fin à plein d'autres. Le dresseur qui avait littéralement massacré la ligue à notre âge, enfin, plutôt au tien, et qui avait protégé Sinnoh pendant presque cinq ans, les chefs de toute une époque qui ont disparu de la surface de la terre, et surtout... les Pokémon légendaires.
-Tu ne vas pas me dire que tu crois aussi à ces fadaises ? continua la jeune fille sur un ton moqueur.
-Si j'y crois, et tu devrais y croire aussi. Parce que la personne qui relate tous ces faits, c'est un certain professeur Sorbier."
Cyrus avait un nom dans la haute noblesse de Sinnoh, mais Nina en avait un aussi, dans la recherche Pokémon. Elle s'appelait Nina Sorbier, petite fille désormais grande du professeur Pokémon le plus prisé sur l'île.
"Tu veux dire que... commença t'elle un brin dérangée...
-Ton grand-père a disparu en même temps que les Elus, que des dizaines de mythes, tant Pokémon qu'humains. Les meilleurs dresseurs de tous les temps ont disparu pour être remplacés par Cynthia, son conseil et ses champions, qui n'ont pas bougé depuis vingt années. C'est quand même extraordinaire ça, tu ne trouves pas ?
-Pas tellement, on retient l'information, et nous, on ne sait rien en fait.
-Justement, continua Cyrus enthousiasmé, c'est ça qu'ils n'ont pas deviné. Tout a disparu. Même en voulant retenir les informations, ils ne peuvent pas empêcher un cataclysme de se produire ou un Pokémon légendaire de se réveiller. Ca fait vingt ans que rien de celà ne s'est produit. Avant les Pokémon veillaient à rétablir l'équilibre du monde, aujourd'hui, le monde n'est jamais déséquilibré, et ces légendes ont disparu !"
Après un instant de réflexion, Nina haussa les épaules...
"Moui peut-être, mais dans tous les cas, ca ne répond pas à ma question...
-Qui était ? demanda poliment Cyrus. Désolé, quand je m'emporte, je peux aller très loin dans mes idées.
-Pourquoi tu regrettes de ne pas être né trois ans plus tôt ? fit-elle sans détour."
Ce fut à Cyrus d'être silencieux... Ca faisait deux ans qu'il fréquentait ce lycée académique. Deux ans qu'il connaissait Nina, et pourtant, ils ne savaient que peu de choses l'un de l'autre. Ils pouvaient discuter pendant des heures sans rien dire d'intéressant, mais dès qu'on abordait des sujets privés, la conversation se faisait plus hachée, moins naturelle, plus "sélective". Là encore, les propos de Cyrus n'échappaient pas à la règle:
"Mon père est un vieil excentrique. Quand il a vu que les élus pouvaient être le signe d'un nouveau changement, il s'est dit que la noblesse de sa famille pourrait enfin lui être rendue, qu'une personne née pendant cette période ne pouvait qu'être particulière. Pendant trois ans, il a essayé d'avoir un fils sans succès. Et c'est bien après les évènements que l'embryon que j'étais s'est finalement implanté et a grossi normalement.
-Et ta mère a supporté ses caprices pendant trois ans ?
-Plutôt bien en effet. A ce qu'on m'a raconté en tout cas."
Petit à petit, ils arrivaient devant l'entrée du lycée académique. Presque sans un regard, Cyrus et Nina franchirent le porche. Ils n'avaient aucun regret, c'est certain. Entre les brutes épaisses qui ne cherchaient que des noises à tout le monde, et les gens "normaux" qui n'en voulaient qu'aux deux adolescents de comprendre plus vite et bien mieux qu'eux, et de déchaîner l'admiration des professeurs, il y'avait beaucoup de gens qui les rejetaient ici.
Nina était précoce, un an d'avance dans sa scolarité, et si Cyrus, lui, n'avait que dix-sept ans, âge normal pour la fin de seconde année de lycée, son cerveau cogitait tout aussi vite que celui de son homologue féminin. C'était comme ça qu'ils s'étaient rencontrés, rejetés par le reste des élèves "compagnons de déroute" comme aimait le dire Cyrus. Nina, elle préférait le terme d' "amitié par défaut", et le jeune homme de lui répondre à chaque fois:
"C'est bien le seul moment où je pourrais utiliser le mot "défaut" en parlant de toi."
Ainsi, ils parcoururent les rues de la ville, en direction de l'appartement des parents de Nina.
"Pourquoi tu ne parles jamais de ta mère ? demanda à nouveau sans détour la jeune fille.
-Parce que ca fait un bon bout de temps qu'elle n'habite plus chez nous, fit Cyrus d'un ton gêné.
-Et elle ne téléphone pas ? Elle ne garde pas contact ? Au moins avec toi ?
-Elle aurait aimé je pense, mais c'est impossible. Là où elle habite, il n'y a pas le téléphone.
-Mais elle vit où au juste ?
-Tu devrais le savoir, tu as une magnifique vue sur sa barre d'immeubles.
-Tu plaisantes où quoi ? souria Nina, tu sais pertinement que de ma fenètre, on ne voit presque que le cimetière."
Et Cyrus d'avoir un sourire crispé. Il aurait espéré que Nina comprenne d'elle-même sans dire un mot, plutôt que d'en rajouter une couche.
"C'est ce que je disais, constata Cyrus, d'un ton désespérément neutre. Elle est morte en me donnant la vie. J'ai longtemps cherché à comprendre pourquoi mon père m'en voulait à ce point. J'ai cru qu'il voulait que j'arrive trois ans plus tôt. Mais en fait, c'est surtout que j'ai tué la femme qu'il aimait."
Presque arrivé devant la tour où vivait la jeune fille, celle-ci marqua un temps d'arrêt, murmura dans sa barbe un "Mais t'es vraiment une pauvre gourde, ma fille !" que Cyrus fit mine de ne pas entendre. Elle avait un peu raison, même si le jeune homme ne lui en tenait pas rigueur.
Au pied du digicode, au bord de la place sur laquelle le bâtiment imposant donnait, Cyrus posa une dernière question à l'adolescente, surtout pour changer de sujet et finir sur une bonne impression. Il ne voulait pas que Nina s'en veuille de quelque chose dont il avait fait le deuil des années auparavant.
"On se voit demain à la distribution des Pokémon ? fit-il avec un sourire forcé.
-Ah, c'est ce que je voulais te dire, en fait...
-Tu vas pas me dire que...
-Si, mon père refuse. Il dit que je peux être brillante sans m'encombrer de ces "bestioles" comme il les appelle.
-Arrête, tu te fous de moi ? fit le garçon interloqué.
-C'est un gars d'Hoenn, tu sais. Pour lui Pokémon égale arme. Et franchement, ca ne m'enchante pas plus que ça vu tout ce qu'il m'a raconté.
-Et tu comptes vivre toute ta vie en laissant penser tes parents à ta place ? Ton grand-père adorait les Pokémon.
-Ca ne compte pas. Et puis, Sorbier n'est pas mon grand-père en fait.
-T'en as d'autres des comme ça ?
-Si, je te jure, grand-père est un surnom affectueux. En réalité c'est l'oncle de mon père. Mon grand-oncle quoi. Il n'a même jamais eu d'enfants. Par contre, c'est mon parrain, même si je ne l'ai jamais vu réellement.
-Parce qu'il a disparu, je sais. En même temps, grand-père disparu, c'est comme parrain disparu. Mais dis-moi, si je ne t'avais pas posé la question, tu m'aurais dit que tu ne viendrais pas demain ?
-Si on n'avait pas parlé de ta mère, tu m'aurais dit qu'elle était morte ?"
Se regardant au fond des yeux, les deux répondirent d'une seule voix un "non" qui ne les surprit pas plus que ça, l'un comme l'autre.
Au moment où les deux adolescents allaient se séparer, la jeune fille reçut un appel sur son portable, qu'elle prit, se séparant de Cyrus d'un signe de la main discret, quand celui-ci eut posé les livres à ses pieds. La technologie avait fait un bond immense. Portables pour presque tout le monde, liaison internet étonnantes de rapidité, et transports routiers, même si le côté écolo des gens du coin se ressentait toujours dans la conception de chaque véhicule, garantie non polluante. Cyrus ne pouvait s'empécher de penser que la génération avant la sienne avait parcouru cette île à pied des dizaines de fois, des centaines peut-être, quand ils n'allaient pas relever le challenge des autres ligues, après plusieurs mois de bateau, alors qu'aujourd'hui, il fallait tout juste une demi-journée pour faire Sinnoh-Hoenn avec le TSA.
Alors que le jeune homme allait rejoindre le bus pour Unionpolis qui partait à deux rues d'ici, il entendit Nina retenir un cri au téléphone. Il n'était pas bête, après deux ans de contacts avec l'adolescente, il savait faire la différence entre un silence d'hésitation et un silence de stupeur. Se retournant vers elle, il ne put que la contempler une dernière fois, alors qu'elle lui sourait à son tour, d'un air de dire:
"Tout va bien, ne t'inquiète pas..."
A cette distance, nul n'aurait pu dire si ce sourire était forcé ou pas. Même pas Cyrus. Mais il lui faisait confiance et elle aussi. Si l'un des deux avait un problème, c'est immédiatement à l'autre qu'il en parlerait. Et puis revenir sur ses pas, c'était prendre le risque de rater son bus, et surtout de donner l'impression de lui faire du harcèlement moral. Cyrus n'avait jamais éprouvé cette amitié et il ne comptait pas le fait tout de suite pour des broutilles, si ca se trouvait. Et puis demain, en revenant de Litorella, il passerait la voir, et peut-être même qu'il changerait son avis sur les Pokémon. Oui, ce serait nettement mieux.
Quittant la petite place, il rejoignit l'arrêt de bus, et repartit chez lui.
[Chapitre 2] Page blanche:
Il ouvrit un oeil, puis l'autre. Même au travers des épais feuillages de la fôret de Vestigion, il avait du mal à supporter la lumière, mais la sensation dans son pied le gênait. Ca faisait longtemps qu'il s'était endormi là, apparement. Au moins...
Au moins combien de temps au juste ? Il ne se rappelait pas s'être endormi... A vrai dire, il ne se rappelait plus de rien. Ses souvenirs se limitaient à ces quelques secondes qui séparaient le moment de son réveil de l'instant présent. Malgré l'état comateux dans lequel il était, cette constatation fut assez effrayante pour le tirer vite fait de sa somnolence.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il s'aperçut que son pied bougeait parce qu'un petit animal était accroché au bout de sa botte. Pliant rapidement son genou pour le mettre hors de portée de la bestiole qu'il ne voyait pas encore nettement, il eut une pensée déstabilisante.
"Déjà que je ne me rappelle de rien, si en plus, je ne vois pas correctement, j'ai vraiment peu de chances de m'en sortir."
Mais après un temps d'adaptation, sa pupille se contracta enfin. A ses pieds, il reconnut le pokémon qui le regarda d'un air amusé.
"Liiiiiiii ? demanda timidement le petit être."
L'amnésique n'eut pas à se demander à quelle espèce appartenait ce pokémon. C'était presque sa fiche entière qui défilait dans sa tête.
"Evoli, pokémon évolutif, taille moyenne constatée: trente centimètres pour un poids de 6.3 kilos. Type normal, faiblesse combat, immunité aux spectres. Sa structure moléculaire instable le fait évoluer dès qu'il rencontre un objet attribué à un environnement particulier. Lieu de rencontre à l'état sauvage: Manoir pokémon, Sinnoh."
Regardant le ciel, il se situa instantanément dans la forêt de Vestigion. Dans sa tête, le plan de Sinnoh était gravé aussi sûrement que sur une carte. Il n'était pas capable de savoir qui il était, mais il avait les connaissances d'un expert en matière de pokémon, et un sens de l'orientation aiguisé au possible. Il ne savait pas d'où il tenait ses connaissances, mais son instinct savait les utiliser.
"Tu m'a l'air bien loin de ton habitat naturel" tenta-t'il de dire. Mais après tant de temps (jours, mois, années ?) inerte, tout ce que sa gorge réussit à laisser passer fut un grognement sourd que le pokémon interprêta comme une menace. Il fit un bond en arrière. Le cuir de la botte était doux à mastiquer, mais de là à se faire aggresser par cette créature qu'il croyait morte depuis longtemps, il préférait largement aller gratter des troncs d'arbre pour faire ses griffes.
"Non, attends !" tenta l'inconnu.
Cette fois-ci (était-ce parce que la phrase était plus courte, ou parce qu'il avait regardé le pokémon dans les yeux ?), l'animal s'arrêta. Celui-ci ne savait pas pourquoi, mais il savait qu'il pouvait faire confiance. Il ne savait même pas ce qu'était cette chose, lui qui n'avait jamais vu d'humains, mais une telle "chose" avec des membres aussi doux et délicats ne pouvait pas être foncièrement méchante. Il s'approcha donc timidement, et commenca à quémander le cuir de l'autre botte, car l'inconnu n'avait retiré qu'un pied en arrière.
L'homme, car sous la barbe de trois jours se cachait un être humain, dans la force de l'âge, mais que son réveil récent rendait bien plus vieux qu'il ne l'était réellement, contempla ses vètements sortis d'un autre temps et ses chaussures... Enfin, ce qu'il en restait. Son pied droit était déjà nu, et la botte éventrée n'avait pas suivi le mouvement de retrait de sa jambe. A sa jambe gauche, les dégats étaient plus limités, mais ses orteils étaient déjà bien à l'air libre.
"Ce n'est pas la première fois que tu me rends visite, non ?" pensa l'inconnu en jugeant de l'état de mastication avancé de ses chaussures.
L'Evoli le comprit, sans qu'il n'ait à parler. Tant mieux, il ne préférait rien dire pour le moment. Le jeune homme tira sa botte gauche de son pied, et la jeta devant le Pokémon en pensant:
"Au point où on en est, régale-toi. J'aurais toujours froid aux pieds, mais tu seras repu au moins."
Après avoir testé l'efficacité de ses muscles, il tenta de se lever. Tout d'abord à quatre pattes, puis, avec l'appui d'un arbre, il retrouva la stature debout, un milliard de fois plus vite que l'avaient fait ses ancètres au cours des millénaires d'évolution. Lorgnant d'un côté sur le petit être à ses pieds, nullement effarouché de tant de mouvements, de l'autre, il aperçut un reflet. Une mare, parfait pour se désaltérer et voir à quoi il ressemblait.
En réalité, il n'était pas trop laid. Il était même plutôt séduisant, même s'il n'avait personne pour lui en rendre compte. Les cheveux châtains, il arborait sur son visage deux grands yeux noirs ainsi que la barbe piquante qu'il avait senti au réveil. Une tenue un peu sophistiquée lui fit pressentir qu'il n'était pas un citoyen lambda, ou alors du genre à avoir des envies stupides et hors de prix sans avoir les moyens de se les payer. Il avait un pantalon en velours très bien ajusté à son corps, ainsi qu'un haut qui semblait assorti mais qui avait lui bien rétréci au lavage.
"Du sur-mesure, constata t'il, et fait pour impressionner les gens en face."
En effet, au dessus de ça, les résidus d'une cape imperméable flottaient encore, mais le temps et le contact avec l'humus de la forêt l'avaient rendu assez poreuse et abîmée.
En réalité, il ne se déplaisait pas ainsi. Mais deux choses le gênaient. D'abord le superflu de cet accoutrement qui ne lui apprenait rien sur lui et ensuite l'absence totale de réaction familière que suscitait la vue de son propre visage. Rien de neuf sous le soleil, en fait...
A nouveau, il regarda le petit pokémon mâchouiller le bout de cuir qui s'était appelé autrefois "botte". Au moins, il y'en avait un qui s'amusait... Quand l'Evoli s'aperçut que son bienfaiteur revenait vers lui, il laissa un moment son casse-croûte de côté pour faire la fête au garçon. Se roulant à ses pieds, il quémanda une caresse en frottant son pelage doux sur les pieds nus de l'humain. C'était agréable comme sensation, et c'était nouveau pour l'inconnu. Il ne savait pas ce qu'il avait vécu par le passé, mais il savait qu'il n'avait pas ressenti ça. Le pokémon s'était attaché à lui. Un seul geste de sa part, et le pokémon resterait... Et pas que pour le cuir des bottes.
L'amnésique s'accroupit, et glissa sa main dans le poil long, doux et humide du pokémon recouvert de rosée. Il devait être aux alentours de midi mais l'ombre du grand saule à côté avait gardé le frèle animal au frais. Ca y'est, "jusqu'à ce que la mort les sépare" aurait dit un homme de foi.
La forêt de Vestigion était un passage obligé pour les dresseurs venant du Sud-Ouest de Sinnoh. Sans bicyclette, il fallait passer par ces voies assez étroites, et même si la technologie progressait, cet endroit était sacré pour les habitants, presque mystique. Les légendes de Sinnoh parlaient d'un vieux manoir où l'esprit désincarné d'un homme était encore piégé, dans cette même forêt où les deux nouveaux amis apprenaient à se connaître. Pas question de travaux donc, et néophytes comme passionés passaient fréquemment par ici, dernier bastion des voyages initiatiques ancestraux, qui se faisaient encore entièrement à pied ou à vélo quelques décennies auparavant. Seul ce tronçon demandait de faire encore cet effort aujourd'hui.
Justement, voilà qu'une casquette se profilait derrière les arbres. Un nouveau dresseur certainement. Un privilégié qui avait eu son premier pokémon la veille de la date officielle. Oh, bien sûr, comme tous les privilégiés, il ne comprenait pas la juste valeur de son privilège, et il se croyait au dessus de tout. Y compris au dessus de cet homme sans souvenirs et sans vètements dignes de ce nom...
"Eh toi ! hurla le gamin en direction de l'amnésique. T'es un dresseur hein ?"
Le garçon sursauta, interrompu dans un moment d'intimité... Evoli lui, se cacha derrière ses jambes. Mais sa queue dépassait encore de derrière l'humain auquel il s'était attaché.
"Ouais, t'es un dresseur, cool. Mon premier vrai combat. Tu peux pas refuser !"
En effet, même sans mémoire, le garçon ne pouvait pas refuser, il le savait. Si un dresseur souhaitait le combat, l'autre dresseur devait l'accepter si ses pokémons étaient en état de le faire. Et puis comme il refusait de parler, il aurait eu du mal a exprimer son refus. Sans lui laisser l'initiative, le gamin lança une pokéball en l'air et du mince filet de lumière qui s'en échappa, sortit un malosse fraîchement capturé. A nouveau, la même impression de tout savoir de ce pokémon arriva dans la tête de l'amnésique.
Il se tourna vers Evoli, lui demandant du regard s'il souhaitait se battre. Il ne put lire que de l'effroi dans son regard. Pourtant, lui aussi brûlait d'envie de mettre au tapis ce dresseur vantard. Le chien de feu commençait tout juste à renifler le cuir des bottes à son tour. Alors l'amnésique reformula sa demande mentale:
"On lui montre à qui appartiennent ces bottes ?"
Evoli sauta en avant, vers les bottes dont le goût du cuir si doux imprimait encore sa bouche. Passe encore de se faire agresser par un humain étranger, son humain à lui se débrouillerait. Mais qu'on lui vole sa nourriture, c'était devenu son affaire. Grognant pour intimider l'adversaire, il ne reçut en retour qu'un autre hurlement. Le pokémon en face préparait une attaque...
"Malosse, feu follet !"
Rapide comme l'éclair, le pokémon zigzagua entre les pierres, flottant presque sur le sol. Avant qu'Evoli n'ait pu faire quoi que ce soit, le chien prépara une boule de feu qu'il garda dans sa bouche, la laissant juste dépasser infimement, juste de quoi brûler la peau du pokémon évolutif. Dans un cri, ce dernier tomba à terre. C'était son premier combat, sa première douleur.
Mais il se releva. C'était sa forêt, il la connaissait par coeur. Et il pouvait dire qu'il connaissait ses mystères. Sautant sur le pokémon en face de lui malgré sa douleur, il lâcha un cri puissant et fier en bondissant dans les airs...
"Liiiiiiiiiiiiii !"
Tout le monde fut aveuglé par le soleil en suivant le pokémon du regard. Quand il toucha terre, le pokémon en face eut un moment d'hésitation. Son dresseur aussi d'ailleurs, mais pas l'inconnu. Il avait confiance en cette petite boule de poils... Enfin, boule de feuilles maintenant, car Evoli avait laissé la place à un magnifique Phyllali. Le camp adverse reprit très vite ses esprits.
"Un pokémon plante, mais tu n'y connais rien ma parole, tu n'as pas fait les cours à l'acadé..."
Il s'arrêta net en voyant le visage de l'inconnu. Les lèvres silencieuses, le regard qui hurlait:
"Voilà du challenge."
"Malosse, on va lui montrer, attaque Zénith, maintenant !"
Le dresseur en face avait des connaissances. L'académie pokémon ne servait pas à rien, c'était sûr. Et si les cours de stratégie étaient réservés aux deux dernières années, il n'y en avait pas besoin pour affronter un dresseur de son niveau.
Le chien hurla un ordre mystique et le soleil brilla plus fort. Même sous les feuilles, un indicible changement et un léger vent semblaient pousser les branchages pour que la lumière puisse toucher le sol. Un changement qui avait pour conséquence de booster les attaques feu de Malosse. Le dresseur le savait. L'inconnu aussi. Ce dernier eut cependant un sourire. Zenith avait aussi un autre rôle.
Phyllali se jeta sous la lumière. Sur sa peau brûlée, un mince film de feuilles et de vaisseaux végétaux sembla se former. Les miracles de la photosynthèse, et l'étonnement constant que procurait l'étude des pokémons. La brûlure avait disparu, et Phyllali semblait aller on ne peut mieux. Le dresseur comprit trop tard son erreur.
"Malosse, Feu follet à nouveau !"
Mais cette fois-ci, le pokémon de feu n'alla pas assez vite pour toucher Phyllali qui semblait se dérober à chaque fois un peu plus facilement sous ses coups. L'inconnu savourait ce moment, et son pokémon au moins autant. Il aurait pu le laisser continuer tout seul pendant longtemps, car la Feuille Garde protégeait le pokémon feuillu de toute brûlure, mais il voulait prouver à son pokémon qu'il pouvait l'aider, le protéger. D'un regard, il défia son adversaire. Il savait qu'il avait déjà gagné.
Tout se passa très vite. Presque plus en mordant lui-même qu'en ordonnant à son pokémon, l'inconnu lança Phyllali à 100 % de ses capacités. Le soleil brillait toujours autant, mais les nuages se profilaient à l'horizon. Le pokémon semblait livré à lui même, mais ses attaques Morsure trouvaient toujours où se placer. Apeuré par la tournure des évènement, Malosse mit un moment avant d'oser contre-attaquer.
D'un sifflement, son dresseur le rappela vers lui. Malosse sauta hors de la furie de Phyllali. Il atterrit mal en point, mais encore debout.
"Rêglons ce dernier détail pensa l'amnésique. Vive-attaque."
Un seul éclair traversa le terrain de combat improvisé. Lorsqu'il s'éteignit, Malosse s'effondra à terre. Il n'avait rien pu faire.
Alors que son dresseur se précipitait au chevet du pokémon KO, Phyllali revint aux pieds de son dresseur. Le regardant droit dans les yeux, il réclama une caresse dûment méritée que l'amnésique lui offrit bien volontiers avant que le pokémon ne s'enfuie derrière un buisson, où il le suivit.
Quand le dresseur amateur leva les yeux pour chercher son vainqueur, il ne trouva rien que le vent qui faisait bruisser les feuilles, et au dessus de lui, des nuages gris, bientôt noirs. Le temps se gâtait, il n'allait pas falloir traîner ici trop longtemps.
[Chapitre 3] Famille de fous:
Le bus à moteur électrique longeait Unionpolis. La ligne 68: Féli-cité/Verchamps passait au dessus de Charbourg, sous la montagne par le tunnel Sud puis dans la périphérie de la ville des concours sans pourtant la traverser avant de redescendre dans les marais. Qu'il était loin le temps où les dresseurs mettaient plusieurs jours pour faire cette même route, se perdant dans les forêts, s'écorchant sur les rochers dans les cavernes du Mont Couronné et s'enlisant dans la boue de la route 212. Cyrus n'avait pas connu cette époque-là, à regret. Chaque fois qu'il rentrait chez lui, il ne pensait pas au confort douillet de son lit, mais plutôt aux folles péripéties qui guettaient les dresseurs qui voulaient bien s'aventurer au fond des bois pour y trouver les Pokémon les plus rares et les plus forts.
Demain, ce serait son tour. Il aurait pu être impatient, fébrile même à cette idée, mais autre chose le préoccupait. Avait-il bien fait de laisser Nina ? Son hésitation, et surtout la décision de son père concernant les Pokémon le troublait. En vingt ans, il avait bien du voir que ces compagnons pouvaient faire autre chose que ce se battre. Alors pourquoi refuser ce plaisir à sa fille ? Vu son âge, il avait du le connaître, et ne parlons pas de Sorbier qui avait lui-même voyagé par monts et par vaux pour mieux les connaître.
A cela s'intercalait régulièrement des visions de bébés Pokémon à peine sortis de leur oeuf. Il avait beau être préoccupé, c'était important pour lui de savoir qui il prendrait demain. Depuis la mort de sa mère, autant dire depuis la naissance du jeune homme, ce dernier avait pris l'habitude de gérer toutes sortes de problèmes en un minimum de temps. Son père était très exigeant avec lui. Cyrus devait chaque jour faire ses preuves pour lui montrer que sa femme n'était pas morte pour rien. Puis une annonce dans le haut-parleur le sortit de sa réflexion sans réponse.
"Manoir Pokémon, manoir Pokémon, les passagers nous quittant sont priés de se rapprocher des portes arrières du bus et de libérer l'accès aux sièges rapidement merci."
Et en effet, derrière un épais mur seulement arrêté par un portail presque aussi imposant, la façade sud du manoir s'offrait aux regards des curieux.
"Bienvenue à la maison Cyrus, pensa le jeune homme."
Il franchit le portail en le faisant grincer sur ses gonds. Le manoir devait sacrément être vieux. Sans les efforts des femmes de ménage et du majordome, cette villa avec piscine, voitures de luxe et autres symboles de richesse évidente se serait très vite transformée en une ruine innommable. Dans les jardins, deux Grahyena et un Arcanin montaient la garde. Reconnaissant leur jeune maître, ils s'empressèrent de lui faire la fête sur son passage. Cyrus, lui, n'avait pas le coeur aux explosions de joie, il ne l'avait jamais à vrai dire, sa vie se résumant à des victoires souvent jalousées et à des reproches lorsque il échouait. Cependant, il passa machinalement sa main dans la fourrure touffue des deux chiens ténébreux et plus longuement dans celle, plus douce, d'Arcanin. Il était vieux, même pour un Pokémon de cette trempe, mais toujours infatigable. Ses deux compagnons eux, étaient plus jeunes, mais bien inexpérimentés face au chien de feu. Ramenant ensuite sa main au niveau du visage, le jeune homme sentit la douce odeur de la lotion de toilettage qui s'était imprégnée dans sa manche. Stanislas n'avait pas chômé encore une fois...
Finalement, Cyrus arriva à la porte en chêne massif qui donnait sur le manoir. Si l'accès était libre jusqu'ici, pour quiconque survivait aux chiens, ce n'était pas le cas au seuil de cette énorme porte. Frappant sur le battant, il se retourna une dernière fois pour intimer aux trois chiens de filer. Son père ne leur trouvait qu'une utilité de chien de garde, Cyrus s'occupait de leur donner l'affection que le maître des lieux se refusait à leur offrir. Les Grahyena n'étaient pas des Pokémon bien vus, et Arcanin, bien que plus noble, était trop imposant et impulsif pour rester dans cette maison pleine de porcelaine de valeur inestimable, made in China, de bibelots "chargés de 200 ans d'histoire", mais dont les codes-barres étaient encore visibles à qui savait où chercher...
La porte s'ouvrit finalement, sans même qu'on se demande qui venait. La régularité des lignes faisait que le bus arrivait presque toujours à 18h33 au manoir. Presque plus par automatisme que par réelle surprise, une voix prononça:
"Oh, c'est vous, maître Cyrus ! Bienvenue chez vous. Vous allez bien ?
-Très bien, merci, Stan.
-Je vous débarrasse, peut-être, demanda poliment le majordome."
Cyrus confia ses sacs aux bons soins de Stanislas. C'était un homme d'une soixantaine d'années comme on n'en faisait plus. Gentil à souhait, débrouillard et pourtant au service d'un autre homme bien moins sage que lui. Il ne se plaignait jamais, même pas quand il était seul, et le travail ne lui faisait pas peur. Il avait plusieurs personnes sous sa responsabilité et ne s'en plaignait pas. Les quatre femmes de ménage étaient au moins aussi sûres et raisonnables que lui, et si l'extérieur restait son terrain de jeu favori, il confiait sans aucune crainte l'intérieur du manoir au soin des jeunes employées.
"J'ai remarqué que le portail couine un peu ces derniers temps, déjà la semaine dernière, mais je pensais que vous l'auriez noté de vous même entre-temps.
-Cela vous gène t'il, monsieur ?
-Si ça ne tenait qu'à moi, cela pourrait rester comme cela des mois. Mais ça devient assez strident comme son, et les invités de mon père...
-N'en dites pas plus, je vois ce que vous voulez dire. Merci de me l'avoir signalé, votre père donne une réception demain soir."
Stan faisait toujours la différence entre ce qui posait problème à Cyrus et ce qu'il lui rapportait parce qu'il connaissait les lubies de son père. S'il satisfaisait avec grand plaisir les demandes du jeune homme, il lui en était d'autant plus redevable lorsqu'il lui signalait ces petites imperfections dans le manoir qui pourraient lui valoir un sermon de la part du père de Cyrus. L'adolescent, de son côté, appréciait plus que tout Stan, et pour rien au monde il n'aurait voulu le voir remercié pour des broutilles de ce genre auxquelles son père prêtait pourtant une attention démesurée.
"Vous avez parlé d'une réception demain ? Mon père sait au moins que je ne serai pas là dans la journée ?
-Il le sait, et chose surprenante, il semblerait même que ce soit pour fêter le début de votre carrière de dresseur que cette petite sauterie ait été organisé.
-Mon père, s'intéresser à moi ? Allons Stan, on ne parle pas de la même personne.
-C'est sur son ordre express que j'ai préparé cette surprise.
-Surprise ? Stan, vous devenez vraiment trop vieux je crois...
-J'ai pensé que vous auriez aimé être au courant que les amis de votre père viennent fêter vos débuts avec la même euphorie que vos anniversaires."
Cyrus avait connu de nombreuses fêtes. La seule qui le concernait était son anniversaire. Et Dieu savait que c'était ennuyeux à mourir. Si c'était pour une autre expérience du genre, mieux valait être prévenu en effet.
-Je ferais comme si je n'avais rien entendu, chuchota Cyrus. Merci de m'avoir mis au courant.
-Et merci de n'avoir rien entendu, répondit Stanislas sur le même ton. Votre père est dans la bibliothèque si vous voulez le voir."
Poliment, le majordome prit congé, emportant les sacs d'école à sa suite dans le grand escalier de marbre qui menait aux étages. S'il n'avait pas donné sa démission durant tout ce temps, c'était bien pour pouvoir profiter de Cyrus. Le jeune homme songea que quand il partirait, le pauvre Stan s'ennuierait vite.
Presque à regrets, Cyrus longea l'escalier par la droite et frappa poliment sur une porte de taille plus raisonnable que l'immense entrée. Attendant un "Entrez" qui ne tarda pas, le jeune homme prit une dernière inspiration. Encore un face à face avec l'autorité paternelle, ça promettait.
"Bonjour père" prononça timidement Cyrus en entrant dans la pièce aux murs de velours.
Dans le silence de la bibliothèque, chaque mot était prononcé avec une diction presque religieuse. Le temple de la culture ne devait pas être souillé par les mots inutiles ou écorchés, impies qui auraient sans doute pu faire s'écrouler cette pièce, qui sait... Cyrus s'attendait à un accueil froid, comme à l'accoutumée, et quelle ne fut pas sa surprise lorsque son père se leva, et se rapprocha de lui les bras grands ouverts pour l'embrasser:
"Cyrian, mon fils, quelle plaisir de te revoir. Tu nous as manqué ici, tu sais ?
-Père, vous êtes sûr que ça va ?"
L'homme sembla se renfrogner. Il avait mal pris cette remarque. Tout de suite, ça lui ressemblait plus.
"Qu'insinues-tu, fils ? Tu doutes de la sincérité de mes sentiments ?
-Non, réagit immédiatement Cyrus, pas du tout. Mais dans l'obscurité de la pièce, je vous trouvais assez pâle."
Son mensonge éhonté l'aurait fait rougir, plus jeune, mais à force de fréquenter un égocentrique, on savait comment le flatter et se le mettre dans la poche si on faisait quelques efforts. Apparemment cela marcha, car son père retrouva son sourire assez déconcertant pour quiconque n'y était pas habitué.
"Comment s'est passé cette semaine de cours, dis-moi ?
-Assez bien, pour selon que c'était la dernière, les professeurs ont trouvé de quoi nous occuper.
-De quoi t'occuper ? Toi qui résous les problèmes mathématiques à la vitesse de l'éclair ? Qui récite plus de dates en une heure que quiconque ne saurait en retenir dans toute une vie ?
-Que voulez-vous, la réputation de l'école n'est pas à faire. On nous prépare pour tout et n'importe quoi, c'était normal de tester les limites de chacun.
-L'Académie des Lys Blancs, une école de qualité, je le sais bien. Quand j'avais ton âge déjà, oh bien sûr, je n'étais pas aussi brillant que toi, mais je savais que là bas, je m'épanouirai, et tu me vois maintenant !"
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Pour la première fois dans ma fic, je vais être obligé de couper le chapitre en deux parties. On dirait que je m'étale de plus en plus. J'espère que je ne ferai pas la même chose dans le lit conjugal, c'est un motif assez fréquent de divorce paraît-il. Enfin, c'est pas les lecteurs qui vont se plaindre...
En effet, pour ce qui était de s'épanouir, il avait réussi. Le père de Cyrus, Andrea Versili, directeur et ingénieur de talent de la société Versili, avait conçu au sein de son entreprise des projets extraordinaires dans sa jeunesse. Le pont à haubans de Rivamar qui traversait la mer sur plusieurs kilomètres pour rejoindre la ligue, le tunnel de Joliberges, pour faciliter l'extraction du fer de l'île située au Nord-Est, et son chef-d’œuvre, le TSA, Train Subaquatique, reliant les îles Pokémon dans un gigantesque réseau ferré, à la vitesse de 300 km/h, dont il se vantait d'avoir conçu le tracé de la ligne, le design des rames et dont, son conseil d'administration ne souhaitant pas le suivre, il avait offert à son unique adversaire sur le marché, moyennant une bonne part sur les bénéfices, le privilège de construire cette ligne que tout le monde reconnaissait désormais comme indispensable. Un géant de la construction était né de la fusion des deux entreprises, et ce grâce à l'audace d'Andrea.
Il était alors un jeune PDG de 25 ans, aux cheveux bruns et aux yeux d'un vert intense, qu'il avait transmis à son fils. Il avait rencontré quatre ans auparavant la mère de Cyrus, Maeva. Son empire était au beau fixe, son coeur était pris, c'était encore le monde d'avant... Le TSA fut sa révérence au monde de la construction. Il restait toujours actionnaire de sa société mais des conseillers faisaient le travail à sa place. Il avait choisi de se retirer lorsque ce projet, palliatif à la disparition de Maeva, était arrivé à son terme. Il risquait la faillite en privant son entreprise d'un tel succès, mais il risquait de perdre son projet, si son conseil ne se décidait pas à lui laisser les mains libres. Son coup de poker avait fonctionné, et son principal rival avait fusionné avec lui. Il ne recommencerait pas, par contre. Gagnant sur tous les tableaux, implanté partout, que demander de plus. Grâce à lui, les îles Orange devenaient accessibles aux gens sans bateau, Pokétopia florissait de voyageurs venus des quatre coins du monde alors que des chantiers estampillés "Versili" se multipliaient sur ces îles et sur d'autres. Il était un des piliers de l'autonomie, de l'indépendance des îles Pokémon face au monde.
Dans le contexte de crise qui suivit la guerre, il s'en était fallu de peu pour que des nations étrangères viennent mettre leur nez dans les affaires du coin, et ne cherchent à s'approprier les Pokémon pour leur compte. La planète entière connaissait désormais les pouvoirs de ces animaux, depuis que la paisible île d'Hoenn s'était transformée en un charnier sans nom. De telles choses ne passaient pas inaperçues et les paisibles îles attirèrent très vite les regards indiscrets.
L'archipel devint un point de focalisation des regards, et lorsque la crise avait menacé, chacun n'attendait que le feu vert des dirigeants pour apporter son aide, moyennant bien sûr un accès plein et entier aux ressources inestimables que constituaient les Pokémon. On pouvait dire que c'était grâce à ce moyen de transport peu cher et rapide qu'était le TSA que des gens comme le père de Nina avaient pu tout recommencer, et que le dressage de Pokémon restait un privilège des habitants de ces îles. Et Andrea ne manquait pas de faire admirer les décorations qu'il avait reçu pour cet acte. Il était quelqu’un qui agissait pour le bien de la majorité, et en cela, il était un bienfaiteur reconnu. L'inconvénient majeur étant qu'il se mêlait de tout, et surtout de ce qui ne le regardait pas.
"Comment va ton amie Nina ? reprit Andrea.
-Très bien, répondit poliment son fils, toutefois vraiment surpris que son père connaisse le nom de son amie. Je ne t'avais jamais parlé d'elle pourtant ?
-A tort d'ailleurs, tu vois, j'ai percé ton secret quand même, fit-il, faussement amusé. On ne cache rien à son père."
Un instant, Cyrus ne sembla pas comprendre. Et puis la vérité éclata comme en plein jour. Des gens bien fréquentaient "L'Aca des Lys" comme il l'appelait. Des gens dont les parents avaient travaillé certainement avec Andrea par le passé. Et n'était-ce pas à Feli-Cité qu'habitait le directeur de la Banque Centrale de Sinnoh, un ami de golf de son père ? Il y'avait aussi une succursale de la firme Versili dans la ville, d'ailleurs Cyrus passait devant lorsqu'il raccompagnait Nina chez elle.
Ainsi son père le faisait surveiller par ses relations. Sympathique, mais peu original au demeurant venant de son père.
Cependant, quelque chose gênait Cyrus. Andrea avait, comme son fils, l'habitude de ne rien faire inutilement. Pourquoi cela l'intéressait-il autant alors ? Il devait craindre que son nom soit entaché si son fils venait à entretenir une relation sérieuse avec cette fille du bas-peuple. Cyrus le rassura donc:
"Ce n'est qu'une amie, père, rien de plus. Pas de quoi vous inquiéter, ce n'est pas aujourd'hui que je découcherai."
Andrea sembla amusé de tant d'audace. Pour lui, son fils mentait c'était certain. Il n'arrivait pas à le savoir quand c'était le cas, et il l'accusait quand cela ne l'était pas. Ou alors pensait-il que son fils avait une relation parce que cela l'arrangeait.
"Tu peux tout me dire, fils. C'est une fille intelligente, douée, comme toi. Vous feriez un couple parfait."
Depuis le temps, on avait présenté à Cyrus des dizaines d'enfants de son âge et du sexe opposé. Que des filles de gens respectables, avec qui il aurait pu s'entendre dans une autre vie peut-être, mais certainement pas dans celle-là. "Parfaites" elles aussi, mais en vérité toutes plus pimbêches et coincées les unes que les autres. A côté Nina, c'était une relation peu enviable. Pas de patrimoine, pas de nom, pas d'héritage.
"Non père, je vous jure, ce n'est qu'une amie."
Alors, Andrea tiqua. Comme d'habitude, l’œil droit sautait un tout petit peu dans son orbite alors qu'imperceptiblement, l'homme se raidissait. Et Cyrus comprit. Nina avait bien un nom à y songer.
"Me caser avec Nina, soupira Cyrus. Ca vous arrangerait bien, hein ? Vous savez qu'elle est liée à Sorbier. Même aujourd'hui, même alors que tout ça a coûté la vie à mère, que ça a détruit mon enfance, vous voulez me voir porter le flambeau des Elus. Vous êtes méprisable, père.
-Parle-moi sur un autre ton, je te prie, petit insolent, s'offusqua son père. Ce n'est pas de ma faute si ta mère est morte que je sache.
-Parce que naître est un crime maintenant ? Sans vos traitements stupides, je ne serais pas là aujourd'hui, et mère serait encore avec vous. Vous seriez gagnants sur les deux tableaux, n'est ce pas ? Et moi qui croyait que votre lubie des Elus avait cessé. Vous n'avez fait qu'attendre pour que je vous serve de marionette.
-Ca suffit ! tonna Andrea. Tu m'exacerbes ! Ma patience a des limites !
-La mienne aussi père, répondit Cyrus sur le même ton. Nina est une amie qui m'est chère, ce n'est pas le jouet de vos agissements stupides et insensés. Je ne vous la livrerai pas sur un plateau, pour la bonne et simple raison qu'elle ne sera pas dresseuse ! Qu'elle ne partagera pas avec moi cette initiation comme nous l'aurions certainement fait si elle avait fait le choix de continuer."
Cyrus avait certes hurlé, mais avait fait comprendre à son père ses arguments de manière très raisonnable. Alors qu'Andrea allait reprendre la parole, Cyrus prit l'initiative:
"Inutile, je connais la chanson, je serai consigné dans ma chambre jusqu'à demain. Ne m'attendez pas pour dîner ce soir.
-Cyrian, attends ! tonna le patriarche."
Une voix ferme, qu'on ne pouvait discuter. Cyrus hésita entre partir de la maison dès maintenant ou rester en bons termes avec son père pendant encore quelques heures. Finalement, il relâcha la poignée de la porte en soupirant:
"Oui, père ! en insistant avec dégoût sur le mot associé à son géniteur.
-Tu te trompes sur une chose. Maeva est morte, je t'en ai tenu pour responsable, il est vrai. Mais même le chagrin le plus extrême qu'a entraîné sa mort ne remet pas en cause une chose essentielle ..."
Cyrus hésita, il voyait venir son père. Il allait lui expliquer ce qu'il attendait de lui pour "jouer franc jeu". Et lui, en bon fils, lui pardonnerait tout dès demain pour l'aider dans sa quête. Cependant, il ne s'attendait pas à ça.
"... tu es mon fils, fit Andrea d'une voix presque inaudible."
Cyrus resta un moment désemparé, hésitant entre sauter dans les bras de son père, enfin reconnu depuis le temps qu'il l'attendait, et l'envie tout aussi pressante de quitter cette atmosphère de mensonge. Père mentait-il aussi sur ses sentiments ? Ca ne le surprendrait qu'à moitié. Et il n'aimait pas être manipulé comme un vulgaire pantin. Il avait sa dose de déceptions pour une vie entière.
"Bonne nuit, père."
Il tourna la poignée, sortit et referma la porte sous l’oeil médusé de son père avant de filer vers sa chambre. Quelle famille de fous.
[Chapitre 4] Paria:
Cela faisait près d'une heure que l'inconnu suivait son petit Evoli dans la forêt. N'importe quelle personne ayant vu le match aurait dit que le dresseur amnésique avait deux Pokémon, un Evoli qui avait évolué pendant le match, et un autre qui n'avait pas évolué. Et lui-même, un moment, avait semblé surpris de revoir la frimousse touffue du petit animal lui sourire, alors qu'il avait combattu avec son évolution juste avant. Les données dans sa tête étaient en contradiction la plus totale avec ce qu'il avait vu. Un Pokémon évoluait toujours de manière définitive. Pas de retour possible en arrière.
Pourtant Evoli était bien là, et c'était lui qui guidait le dresseur dans la forêt qu'il connaissait par coeur. On surveillait étroitement plein de Pokémon. Pourtant, Evoli étonnait régulièrement les professeurs les plus avertis en la matière. Avec le temps, son ADN évoluait à une vitesse de loin supérieure à tout ce que les autres espèces pouvaient connaître. Il fut un temps où, après qu'on eut cru pendant des millénaires qu'Evoli n'avait que trois évolutions, on lui en trouva deux autres, puis deux autres quelques années plus tard. Mais à quand celà remontait-il ? L'inconnu songea que ses données, aussi exactes fussent-elles un jour, elles étaient peut-être obsolètes.
"Enfin de là à avoir raté ça, pensa t'il au sujet du phénomène qu'il constatait, il aurait fallu être aveugle."
La pluie avait laissé le champ libre aux deux amis. Elle tombait déjà en trombe quelques mètres plus loin, mais le vent soufflait peu. Le nuage se déplaçait avec la rapidité d'un Ronflex fatigué. Etonnament, Evoli savait où aller pour sortir de la forêt, mais surtout pour éviter la pluie. Derrière, le gamin au Malosse devait depuis longtemps être trempé.
Cette fois-ci, rien ne pouvait y faire, la pluie allait leur tomber dessus. Evoli s'arrêta un instant puis fit frémir ses oreilles. Regardant son dresseur, il sembla exprimer ceci.
"Je n'aime pas ce qu'on va faire, mais c'est le mieux pour nous deux."
L'inconnu acquiesça. Le Pokémon aurait pu le conduire en enfer qu'il n'aurait pas douté de sa sincérité tout le long du voyage. Cependant, ca ne semblait pas être le cas. Au milieu des bois, l'amnésique croisa une, puis deux barrières en bois. On entrait dans une propriété.
Et quelle propriété, une bâtisse massive, que les ans semblaient avoir épargné dans un cocon intemporel. Pourtant, elle n'était pas toute jeune. Elle semblait même délabrée, sur le point de s'effondrer, seulement retenue par ce fil de temps qui rendait tout immobile. Plus un bruit ne se laissait percevoir. Même les Feuforève joueurs se taisaient.
"Pour faire peur à un spectre, il faut vraiment que cette baraque soit maudite."
Evoli semblait penser la même chose. C'était pour ça qu'il devait l'avoir averti. D'ailleurs, ils ne rentrèrent pas dans la maison, restant sous l'abri d'un auvent, situé sur le pas de porte. Evoli tourna la tête vers son ami.
"Ca ne sera pas long, fit-il d'un regard.
-C'est quoi ça ? demanda sur le même mode le dresseur.
-Je ne sais pas."
Ou peut-être avait-il dit "Je ne VEUX PAS savoir !" ce qui rendait sa peur d'autant plus compréhensible. Prêtant une oreille attentive au silence, il aurait juré qu'on l'observait, que cet endroit lui filait la chair de poule, non pas par peur, qu'il ne ressentait pas, mais par réflexe. Il était sur le qui-vive, et espérait bien qu'il n'y avait pas de quoi. Evoli mordilla son pantalon pour attirer son attention.
"Au fait, moi, c'est Morph, et toi ?"
L'inconnu hésita. Jusque là il avait cru lire dans les yeux du Pokémon ses sentiments, ses instincts. Mais là, c'était vraiment un dialogue qu'il nouvait avec Morph.
"Je sais pas, répondit-il.
-Jess Hépa ? D'accord Jess, enchanté."
Un moment, le jeune homme songea à l'arrêter, il faisait fausse route. Il ne songeait pas un instant que Evoli ait pu faire de l'humour, du genre Sam Suffit ou Jerry Trayfort. Et puis il repensa à tout celà. Jess, ca lui allait bien non ? N'avait-il pas une tête à s'appeler comme ça ? Manifestement non, vu que ses souvenirs ne lui revenaient toujours pas en repassant ce nom dans son esprit, pourtant, cette compensation lui suffisait. Il ne savait pas encore qui il était, mais il savait qui il serait.
"On va rester ici longtemps, demanda silencieusement Jess en scrutant les environs ?"
Il n'avait même plus besoin de voir Evoli pour être en contact avec lui. Ses lèvres engourdies, ses cordes vocales raides comme des bâtons d'esquimeau. Peut-être ne parlerait-il jamais. Pourtant il ne semblait pas être muet pour aut...
Jess sursauta intérieurement. Son instinct lui hurlait de ne rien montrer, il lui obéit alors. Un point rouge avait atteint son oeil. Maintenant, il avait disparu. Avait-il rêvé ? Ce n'était pas un animal, même un insecte ne venait pas ici.
"Tu as vu quelque chose ? demanda Jess.
-Une question à la fois. Non je n'ai rien vu, et non on n'en a plus pour longtemps. Les éclairs sont puissants. C'est un petit orage, ca mouille beaucoup, mais c'est très court.
-Tu as l'air de t'y connaître.
-C'est ma forêt, je sais tout d'elle.
-Et à l'extérieur de la forêt ?"
Ils avaient quitté l'abri de l'auvent depuis presque dix minutes. Ils entraient juste dans la métropole de Vestigion, après avoir croisé quelques pêcheurs à qui Jess avait rendu leur salut poli. Manifestement, à l'extérieur de la forêt, Morph était perdu. Il marchait en permanence un pas derrière son humain, craignant tout et n'importe quoi. Jess n'en menait pas non plus large. Il repéra dans ce fouillis qu'était la ville un plan qu'il consulta rapidement. Pas d'argent sur lui, il faudrait compter sur les transports en commun gratuits pour rejoindre le centre-ville. Le prochain arrivait juste au coin de la rue, synchronisation parfaite. D'ici quelques minutes, il serait au coeur de la ville-mémoire.
Sans un mot, il entra avec quelques autres personnes dans le tram. Direction, le centre-ville. Un moment, le chauffeur le sermonna dans un langage incompréhensible. Tout d'abord, Jess crut qu'il n'était pas capable de comprendre les humains, puis il se rappela le garçon au Malosse. Non, c'était juste que le bonhomme était un vieux bougon.
"Oh, le nouveau, tu m'écoutes ? T'as ton pokémon OK, mais il reste hors de sa ball que s'il est propre. J'ai pas envie de refaire mes sièges de suite, fit-il en grommelant un soupçon plus clairement.
-Morph, j'espère que tu es pas pressé, je n'ai aucune ball sur moi, et je doute que tu ne les apprécie. C'est compris ?
-Je suis trop stressé pour qu'un seul de mes muscles ne se relâche, même pas ceux de ma vessie, alors ne t'inquiète pas."
Jess acquiesça. Le chauffeur se rassit à son poste de commande. Jess s'assit avec Morph, le tram partit. Aussi simplement que ça.
Dans le véhicule, Jess put admirer la ville. Une statue de pokémon trônait au sommet d'une colline autour de laquelle la cité avait été bâtie. Même si tout celà datait, l'expansion actuelle de la ville se faisait toujours selon le même mode opératoire. Et puis, foin du charme de la ville, il prit conscience du monde qui l'entourait. Qui le dévisageait même. C'était comme le point rouge dans la forêt. Il ne regardait pas directement d'où il venait. Il faisait comme s'il n'avait jamais été là. Comme ça il pouvait observer du coin de l'oeil l'ensemble de la scène, feignant de n'avoir pas compris ce qui se passait. Il ne savait pas qui lui avait appris ça, mais c'était diablement efficace.
"On n'a pas l'air d'être aimés par ici, constata Evoli.
-Je crois savoir pourquoi. Toi, hors d'une ball, et moi avec mon accoutrement, pas de quoi passer pour monsieur Tout-le-monde. Ca passera, quand ils verront que ca ne me fait rien."
Il fallut presque attendre jusqu'à l'arrivée pour voir que Jess avait raison. Il n'en profita pas pour flâner et quitta directement la rame. Ces messieurs-dames allaient être soulagés, même si aucun d'eux ne se rendrait compte de la furtive disparition de l'homme à l'Evoli avant la prochaine station.
"Tu te sens d'aller faire les boutiques ? demanda Jess à son Pokémon.
-Je crois que le buisson à côté me tente bien. Je t'y attendrai."
Ainsi, le jeune homme entra dans la boutique, sans avoir la moindre idée de comment il allait bien pouvoir payer. Après avoir passé la porte, ce problème sembla résolu. En effet, une affiche géante déployée sur le comptoir faisait la publicité d'un "Kit du dresseur débutant, 5 Pokéballs, 5 Potions, deux Total Soin, un rappel le tout gratuit sur présentation du pokédex."
"Aïe, ca se corse, pensa le jeune homme."
En effet, il n'avait pas de pokédex. On avait apparement jugé plus utile de lui mettre toutes les connaissances nécessaires dans la tête.
"Au suivant, répondit un vendeur, manifestement peu enthousiaste. Un kit de dresseur, je parie."
L'amnésique acquiesça d'un signe de tête, puis attendit, faisant mine d'être un client normal. Si on pouvait trouver normal d'être accoutré ainsi pour un dresseur. Il croisa à nouveau le regard du vendeur, impatient.
"Et bien, ton pokédex, s'il te plaît, fit-il d'une voix nasillarde. On vend pas le Kit deux fois. Je dois le signaler dans ton dex pour que tu ne te pointes pas dans une autre ville en réclamant la même chose."
Jess sembla troublé. Autant laisser tomber. Evoli avait combattu, il avait besoin de soins. Au moins, au centre pokémon, on ne lui poserait pas de questions. Il commença à s'éloigner du comptoir, ce qui surprit le vendeur. Mais pas plus que ça.
"T'es pas un officiel, toi. T'as pas ton dex, mais t'as déjà un Pokémon, c'est ça ? Je me disais bien que t'étais pas du genre à être dans les petits papiers de Chen. Surtout qu'on l'a pas vu depuis longtemps ici. Si tu venais de sa part, tu aurais un dex dernier cri."
Honteux, Jess s'arrêta. Mieux valait passer pour un privilégié comme le gamin au Malosse que pour un amnésique. Le vendeur soupira:
"Bon, t'as une CS Vol ?"
Jess répondit par la négative à la question du vendeur. D'un signe de tête bien sûr, que le vendeur attribua plus à la gêne qu'à une absence totale de parole.
"Un vélo alors ?"
A nouveau, il nia.
"Tu peux donc aller qu'à Feli-Cité ou à Celestia. Y'a une boutique uniquement à Feli-Cité, soit au bas mot deux jours à pied, si tu te presses. La promo sera finie d'ici là. Tu pourras pas nous faire un coup foireux. Je veux bien te filer le kit si tu me montres ton pokémon."
Jess chercha Morph du regard. Il craignait à avoir à le chercher dehors, mais si Evoli était invisible de la rue, grâce aux buissons, de l'autre côté de ceux-ci se trouvait la vitrine du magasin. Montrant le pokémon du doigt, il esquissa un sourire qu'il ne parvint pas à terminer. Le vendeur prit alors un sac à dos qu'il remplit de divers objets avant de le jeter à l'individu.
"Un kit complet pour le m'sieur, conclut-il blasé. Hasta la vista hombre. Au suivant !"
Quand il sortit du magasin, il eut un soupir de soulagement. Quelle plaie de devoir toujours parler pour se faire comprendre. Il était tel un paria dont on se méfiait. Le vendeur lui avait prouvé qu'en plus, on se méfiait de lui pour les mauvaises raisons, persuadé d'avoir affaire à un dresseur qui avait traversé la forêt en y laissant des morceaux. Evoli lui, ne craignait pas son dresseur, ne parlait pas et pourtant le comprenait.
"Morph, on va au centre Pokémon, tu dois être fatigué du combat.
-Je hais cette ville.
-Moi aussi, et elle nous le rend bien. Mais si on veut pouvoir la quitter facilement, autant être en forme. Tu es mon seul pokémon, et on a le choix entre le Mont Couronné ou le retour dans la forêt d'après le vendeur. Autant dire deux endroits où il vaut mieux ne pas être seul.
-Je ne dis pas non pour le centre Pokémon alors..."
Ainsi, les deux compagnons se dirigèrent vers le bâtiment orné d'une ball géante. Lorsque Jess passa la porte automatique, il sentit comme une impression de malaise. Il savait pourquoi, tout ce monde autour de lui, qui ne l'avait pas quitté des yeux depuis qu'il était entré... Ca commençait vraiment à le rendre dingue.
Sans un mot, sans un regard, il se dirigea au comptoir libre, et une infirmière s'approcha de lui. Souriante certes, mais plus par professionalisme que par réelle confiance.
"Vous avez des Pokémon à soigner ? demanda t'elle poliment"
Jess fit signe à Morph, qui sauta agilement sur le comptoir. L'infirmière sembla un peu plus détendue. Evoli était sale, mais pas laid à regarder. Les doutes de l'infirmière envers Jess se dissipèrent un peu, ainsi que les doutes de Morph envers les humains.
"On vous le rend d'ici quelques minutes, fit-elle en invitant Morph à la suivre. Vous pouvez attendre ici."
Ainsi il devrait supporter le regard de ces gens encore un peu. La première pensée qu'il eut fut "Dès que Morph est là, je m'en vais. Y'a assez de routes pour trouver la paix que la ville ne veut pas me laisser."
Puis il se rendit compte que la foule amassée dans le centre ne regardait plus son visage. Tout d'abord soulagé, il vit ensuite qu'ils avaient tous le regard fixé sur un même point. Après avoir cru un instant qu'il s'agissait d'une personne comme lui, Jess vit la télé qui déblatérait son flot d'informations...
"C'est absolument incroyable, racontait la journaliste particulièrement touchée. Nous en avons la certitude, après vingt ans de disparition, le célèbre professeur Sorbier a subitement refait surface... Les spécialistes sont tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'un drame..."
Jess regarda la photo sur l'écran. Il connaissait cet homme. Comment la journaliste l'avait-il appelé ? Professeur Sorbier ? Une sommité dans son domaine très certainement. Dans ce cas pourquoi ses confrères parlaient d'un drame ? On avait retrouvé une éminence si on s'en fiait à l'émotion de la journaliste. A moins que ce ne fut pas sa réapparition qui soit dramatique.
"C'est une exclusivité Féli-Télé, expliqua la journaliste, actuellement, nous sommes les seuls à le savoir. Je répête cette nouvelle qui va faire les gros titres dès demain... Le professeur Sorbier, éminent scientifique Pokémon et soupçonné d'avoir fait partie du groupe secret connu sous le nom d'Elus a été retrouvé ce matin dans son laboratoire de Litorella..."
"...mort."
toi tu vas arrêter sur ces topic de fic, et c'est pas avec ça que tu vas séduire les femmes. en plus de ça, tu te tais
[Chapitre 5] C'était avant:
Cyrus était dans une pièce exiguë, aux murs vierges de toute décoration, de fenêtres ou de portes. Peut-être deux ou trois mètres carrés de surface au sol. La première question qu'il se posa fut: "Mais comment je suis arrivé ici ?"
En effet, le dernier endroit ou Cyrus se souvenait être allé, c'était au fond de son lit. Cela voulait-il dire qu'il rêvait ? Dans ce cas, qu'il se réveille vite. Il se souvenait de ce vieux truc pour savoir si on était dans un rêve ou dans la réalité. Il se mordit la lèvre assez sérieusement, jusqu'à en ressentir une vive douleur. Il n'était pas endormi, loin de là.
Soudain, un bruit de pas se fit entendre, mais Cyrus ne pouvait pas voir la personne qui marchait. Chose impossible vu que quiconque passant dans cette pièce aurait été instantanément visible.
"Y'a quelqu'un ? demanda t'il, visiblement déconcerté.
-Ca se pourrait, répondit une voix âgée."
Avant qu'il n'ait pu tenter quoi que ce soit, l'impossible se produisit. Le mur en face de lui se bomba, prenant la forme d'une silhouette humaine, avant qu'un véritable homme ne traverse ce mur comme l'aurait fait une main sur une paroi savonneuse. Cyrus se recroquevilla dans un coin. Il était malin, certes, mais seul, sans armes, face à un être qui passait au travers des obstacles, il n'en menait pas large non plus.
"Ainsi, tu peux me voir... N'aies pas peur, je ne te veux aucun mal, et quand bien même je voudrais te blesser..."
En guise de conclusion à sa phrase, il esquissa une gifle à l'attention de Cyrus, qui, chose extraordinaire, passa à travers son visage, sans même qu'il ne sente un quelconque effet bizarre. La main s'était matérialisée devant lui tout de suite après avoir traversé sa tête.
"Qui êtes vous ?
-Et tu m'entends, très bien. Tu le sauras bien assez tôt. Tu m'as l'air d'être la personne que je recherche. Cependant, tu ne dois être que débutant. J'ai réussi à te contacter, mais la prochaine fois, ça risque d'être plus dur. Instinctivement ton cerveau va se méfier. Il faudra que tu fasses un effort de ton côté.
-Un effort ? Mais pour quoi ?
-Ce serait trop long à t'expliquer. Je pense que qui que soit la personne qui m'ait conduit ici, elle n'a pas pu faire tout ce qu'elle voulait. Tu partageras avec Nina certaines choses.
-Mais Nina ne veut pas se lancer dans la...
-Je sais tout ça. Mais c'était avant...
-Avant quoi ?"
Avant que le vieil homme puisse répondre, il sembla se troubler, comme une émission brouillée par des parasites. On aurait dit qu'il était une surface d'eau, et qu'une goutte tombée sur son corps le ridait comme tel.
"Ah, ca ne va pas durer longtemps, ton esprit s'oppose à moi. Retiens juste cela. 386389392 Uniquement ce chiffre.
-J'en fais quoi ?
-Tu le sauras très vite."
Cyrus se releva en direction de l'homme qui lui parlait. Il devait le retenir.
"Je dois faire quoi ? Aidez-moi.
-C'est toi qui doit nous aider. Prend contact avec..."
Et Cyrus se réveilla dans le bus de la ligne 68. Ainsi il avait rêvé... Il se rappelait maintenant s'être levé de bon matin et avoir déjeuné seul, comme à l'accoutumée. Il s'était mis en colère contre son père la veille, et avait regagné ses appartements tout de suite après. Hormis cette brouille, tout allait bien dans sa vie.
C'était avant qu'il discute avec un mort.
"Litorella, Litorella, 5 minutes d'arrêt." fit la voix mécanique dans le haut-parleur. Exceptionnellement aujourd'hui, le bus électrique allait plus loin que Féli-Cité. Aujourd'hui, c'était Litorella le centre du monde. Cyrus descendit avec son maigre bagage qu'il avait amené de chez lui. Ce soir, il reviendrait à la maison, ferait ses adieux à son père et partirait pour un temps indéterminé, comme plein de jeunes de son âge. Plein de jeunes, sauf Nina. La seule en qui il aurait pu avoir confiance.
Il se dirigea vers le laboratoire du professeur, qui à sa grande surprise, était entouré par des policiers, et dont l'intérieur était interdit d'accès par des bandes jaunes typiques des scènes de crime.
"C'est quoi ce bazar ? s'interrogea Cyrus.
-T'es pas au courant ? répondit un des jeunes convoqués comme Cyrus. Le professeur Sorbier, le gars qui en savait le plus en matière de Pokémon sur cette île ?
-Et bien...
-Et bien on l'a retrouvé mort, un pistolet dans la main, après 20 ans de disparition. Ca fait la une de tous les journaux."
Cyrus resta interdit. C'était donc ça le coup de fil de Nina hier soir ? Son parrain retrouvé mort ? Un suicide si l'on en croyait le jeune homme ici présent. Un instant, Cyrus repensa aux paroles de l'individu de son rêve. "C'était avant"... avant la mort de Sorbier ? Cela voulait-il dire que...
"Cyrus ?"
Le jeune homme se retourna. Nina était effectivement là, assise sur le rebord du coffre d'une voiture de police. Elle venait de finir un interrogatoire, si l'on en jugeait par l'individu qui notait tout ce qu'elle disait. Le jeune homme courut vers son amie, plus par idée de la consoler que parce qu'il pouvait vraiment faire quelque chose.
"Tu vas bien ? Enfin, évidemment, non, tu ne vas pas, mais je veux dire...
-Ca ira, fit Nina, coupant court à toute discussion. J'ai juste besoin de ne pas y penser.
-Tu es sûre ?
-Excusez-moi, commença l'agent, mais cette jeune fille a été témoin de...
-Elle n'a été témoin de rien du tout, j'étais avec elle à Féli-Cité hier soir quand le professeur est mort.
-Que... que voulez-vous dire ?
-Nina reçoit un coup de fil qui la surprend plus que tout, le lendemain, on retrouve son parrain mort après 20 ans dans la nature. Vous ne feriez pas un lien à ma place ?
-Bien sûr, mais nous cherchons des suspects dans cette affaire. Il se pourrait bien que ca ne s'agisse pas d'un simple suicide. Comme vous l'avez remarqué, il y'a des choses bien particulières dans cette affaire.
-Je suis sur la liste des suspects ?
-Non monsieur.
-Elle non plus ?
-Non plus, fit l'agent d'un air de défi.
-Nina, viens, on s'en va, je prendrai mon Pokémon demain."
De rage, il tira presque Nina vers lui, pour qu'elle accepte de partir. Il ne fallait pas la laisser dans cette atmosphère.
"Attendez un instant, fit l'agent. J'ai besoin de cette jeune fille pour identifier le corps.
-Elle ne l'a pas vu de sa vie. Il a disparu avant même sa nais..
-Cyrus, ça va, le coupa Nina. C'est pour accélérer l'enquête, pas pour m'accuser. Tu l'as dit toi même, on était tous les deux à Féli-Cité quand ça s'est passé.
-Ceci dit, mademoiselle, si vous n'avez pas idée de la tête qu'il avait, inutile de vous déplacer.
-Tu vois, Nina, ça ne ser...
-Je veux le voir... Je veux voir qui était cet homme, avant qu'on ne farfouille dans ses entrailles à l'autopsie."
L'agent resta silencieux. Puis un sourire se dessina sur ses lèvres. Pas un sourire de compassion, mais bien un sourire de manipulateur, qui montrait que tout ce qui se passait prenait une direction qui lui plaisait, qu'il avait prévu. Il avait un intérêt à tout cela.
"Je suppose qu'avec un peu de pratique, on devient plus insensible à la mort, mais c'est mon premier homicide, alors je vous accorde cette faveur. Mais prenez garde, ca ne doit pas être beau à voir. On y va."
Devant la maison, l'agent se présenta à un autre agent, nettement moins gradé que lui.
"Inspecteur Yann Dovi, j'ai pas que ça à foutre de donner ma plaque, avec la jeune fille derrière moi, on vient identifier le cadavre. C'est déjà assez dur comme ça pour elle, ne nous faites pas perdre de temps.
-Bien inspecteur, fit le bleu manifestement impressionné."
D'un signe de tête, il nous convia à entrer à sa suite.
"Sorbier n'est pas assez connu comme ça ? demanda Cyrus. On devrait avoir des centaines de photos de lui non ?
-Je ne vois pas où tu veux en venir, Cyrus, c'est ça ?
-Pourquoi faire identifier le corps de quelqu'un que tout le monde a déjà vu au moins en photo ?"
L'inspecteur tiqua, avant de lâcher un "Procédure standard" peu convainquant.
Cyrus entra à sa suite dans la pièce. Il songea que l'inspecteur était aussi attentionné envers les jeunes filles que tête en l'air. Il ne s'était pas rendu compte que Cyrus était avec eux sur la scène de crime, alors qu'il n'avait jamais vu Sorbier non plus.
Tout du moins le croyait-il. Car, passant devant le corps, même avec une balle dans la tête, il le reconnut. Sorbier était l'homme de son rêve...
"Oh, mon Dieu, constata Nina.
-Je ne te le fais pas dire, répondit Cyrus."
Plus troublé par le fait d'avoir vu le mort lui parler que par cette mort elle-même, sa réaction passa comme inaperçue dans toute cette horreur.
"Vous voulez tout de même vos Pokémon ? demanda l'inspecteur, conscient qu'il fallait détourner l'attention. J'ai une ball à l'attention de mademoiselle Nina Sorbier. Quant à vous, jeune homme, je n'en ai aucune qui porte le nom de "Cyrus"
-Mon vrai nom est Cyrian, Cyrian Versili, fit distraitement le jeune homme ne contournant le corps."
C'était impressionnant. Exactement le même homme. Mais qu'est ce qui se passait ? Remarquant un petit objet à terre, il se baissa pour le ramasser. C'était un papier sur lequel était écrit une courte phrase en lettres tremblantes.
"Vous ne comprenez pas, il n'y a qu'une ball, reprit l'inspecteur Yann. Celle de Nina."
Cyrus reprit conscience du monde réel, et songea trop tard qu'il avait contaminé une scène de crime avec ses empreintes. L'inspecteur à côté de lui était vraiment inconscient de ne pas l'avoir prévenu. Cachant le papier dans sa poche pour ne pas être inquiété, il se releva et demanda à l'inspecteur:
"Sorbier n'avait vraiment aucune autre ball ? Même pas sur lui ?
-Tout est là, dans l'état dans lequel ça a été trouvé ce matin quand un laborantin a trouvé le corps.
-Où Sorbier stockait-il ses balls alors ? demanda Cyrus."
L'inspecteur parut douter un moment, puis, après avoir fait le tour de la pièce d'un coup d'oeil rapide, il désigna un coffre-fort dans la petite pièce annexe au laboratoire. On aurait dit qu'il savait quoi chercher. Très doué ? Ou intime au professeur Sorbier ?
"Malheureusement, seul Sorbier connaissait le code, et à 9 chiffres, on a un milliard de possibilités, fit l'inspecteur à côté du coffre."
Cyrus soupira. Pas de balls pour lui. Il s'était pourtant tellement préparé à cela. Puis il songea à un détail. Sorbier, dans son rêve... Neuf chiffres, une coïncidence sans doute, et pourtant...
"386389392, fit-il à l'attention de Yann
-Je vous demande pardon ?
-Essayez 386389392 !"
Un moment, Yann sembla se moquer de Cyrus. Une chance sur un milliard. Un gamin n'allait pas être chanceux à ce point. Puis, devant le sérieux du visage du garçon, il tenta le code.
"C'est curieux, fit-il.
-De quoi ? demanda Cyrus.
-Sur le coffre, les chiffres sont organisés en groupe de trois. Et si je tape ce code, ça fait...
-386 389 392... Tortipouss, Ouisticram, Tiplouf, termina Cyrus. Ce sont leurs numéros. Et à ma connaissance, la seule fois où ces trois Pokémon apparaissent dans l'histoire de cette île, c'est il y'a vingt-cinq ans.
-Tu m'intrigues, fit le jeune inspecteur. Si ton code est le bon, c'est soit une chance formidable, soit un message à l'attention des personnes qui possédaient ces Pokémon il y'a tant d'années.
-Je ne suis donc pas suspect si ca marche ?
-Disons que je m'en fous un peu, je ne suis pas flic."
Cyrus et Nina se regardèrent un instant. Un clic coupa court à leurs constatations. Le coffre s'ouvrit effectivement. Nina sembla surprise, pas Cyrus. Il ne pouvait plus s'offrir le luxe être surpris, parce qu'il était en danger.
"Eloignez-vous du coffre. Vous n'avez aucune raison d'être là si vous n'êtes pas de la police. Je vais appeler les vrais agents.
-Je n'ai aucune raison légale, par contre, j'en ai des personnelles. Quant aux agents, si tu fais ça avant que je ne sois parti, personne ne te croira. Je disparais sur le champ si je veux. Les flics se doutent de quelque chose de louche. Ma couverture est cependant toujours fiable. Parce que s'ils ne me voient pas sortir, la faute retombera sur vous, pas sur moi. Qui croira deux gamins et un bleu ? Vous m'avez servi pour rentrer ici sans montrer des papiers que je n'avais pas. Je cherche juste quelque chose..."
Cyrian songeait avec haine que cet homme avait tout prévu. Aucune issue de secours pour eux. Alors que les deux hommes se jaugeaient, la jeune fille, elle, tentait de s'approcher furtivement de l'imposteur.
"Nina, reste en arrière, je m'occupe de lui.
-Ca appartient à mon parrain, j'ai le droit de...
-T'as le droit de mourir si tu t'entêtes. Tu sais pas de quoi il est capable.
-Parce que tu t'y connais mieux peut-être ? répliqua Nina. Pas la peine de jouer les héros...
-Je ne tuerai ni l'un ni l'autre, marmonna l'homme. Et de toute façon, ce qui est ici n'est pas pour moi."
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Et oui, encore un chapitre en deux parties, on dirait bien que la qualité et la quantité sont parfois compatibles...
Un flottement, un silence, de ceux qui durent une éternité...
"Ca vous empèche de le voler peut-être ? répondit Nina d'un ton narquois.
-Cyrus connaissait le code. Je ne sais comment, mais c'est un fait. Il est très intelligent, toi aussi, d'après ce que j'en ai déduit de ton interrogatoire. Ca, plus le fait que la pokéball soit marquée de son nom, et le collier au tien, il n'y a rien qui m'intéresse. Il y’a deux PokeDevice en plus, Sorbier sait ce qu'il fait quand il vous donne ça. Prenez juste garde à ne pas être sur le chemin de notre ennemi commun. Vous, enfin, surtout Cyrus pour le moment, avez compris des choses.
-Ennemi commun ? Vous voulez dire que...
-Gardes ! commanda Yann sans laisser plus de temps aux deux adolescents. On a besoin d'aide ici."
L'agent à l'entrée entra, le pistolet à la main. Le ton sur lequel le faux inspecteur avait appelé laissait présager un danger immédiat.
"Que se passe t'il inspecteur ?"
Déjà, dehors, on s'agitait. La supercherie semblait avoir été découverte. L'imposteur s'en rendait compte. Appuyant sur une oreillette, il murmura juste: "Extraction, s'il te plaît !" avant de disparaître dans un flash lumineux sous le regard médusé de l'agent et de Nina.
Une fois jetés dehors sans ménagement par les vrais enquêteurs, Cyrus et elle se concertèrent. Quelque chose clochait encore dans la tête de Cyrus.
"Bon sang, je crois qu'on s'est bien foutu de nous sur ce coup, fit Nina. Je ne sais même pas si le gars à terre était bien le...
-C'était Sorbier, crois-moi. Mais ce qui m'étonne le plus, c'est qu'il ait laissé tant de choses à notre attention. Curieux pour un suicide.
-Au fait, comment connaissais-tu le code du coffre ?
-Je crois que pour le moment, tu ne veux pas savoir.
-Cyrus, on parle d'un proche de ma famille. Bien sûr que je veux savoir, fit Nina déconcertée.
-Pas maintenant, si tu veux bien. Qui que soit ce gars, j'ai tendance à le croire quand il dit qu'un danger plane sur nous.
-C'était pas plutôt lui le danger ? suggéra la jeune fille.
-Je suis toujours en vie, et avec un peu de chances, en attendant un peu, on aura ma ball, le collier dont a parlé le faux inspecteur et les poké machin... Ce qui nous prouvera qu'il n'a rien volé.
-Tu es sûr de toi ?
-Nina, j'ai vu un mort aujourd'hui ! Alors non, je ne suis plus sûr de rien."
Nina comprit... crut comprendre plutôt. Elle était loin de se douter que son ami avait vu le mort lui parler auparavant... Ca la dépassait. Ca les dépassait tous les deux...
Comme prévu, un policier vint leur rendre la ball, ainsi que deux objets ressemblant à des montres, et le collier destiné à Nina. C'était le même agent qui avait laissé entrer les deux jeunes avec Yann.
"Encore désolé de tout ça. Le faux inspecteur aurait pu vous...
-Je sais ce qu'il aurait pu nous faire, répliqua Nina.
-Et si on avait du compter sur vous pour nous sauver, on serait déjà morts à l'heure qu'il est."
Repartant honteux, l'agent déjà peu gradé allait perdre ce qui lui restait d'honneur en passant devant le commissaire divisionnaire pour les erreurs qu'il avait commises.
Nina contemplait le collier. Une simple chaîne, sur laquelle était enchâssée une petite pierre, taillée en cristal à deux pointes, chacune protégée par un petit montant en métal.
"Ca ne ressemble pas à un métal rare, mais c'est joli, constata Cyrus.
-Tu veux bien m'aider à le mettre ? demanda Nina.
-Bien sûr, attends, fit Cyrus en posant les deux montres à terre, et rangeant la ball qu'il avait en main à sa poche. C'est à ce moment là qu'il toucha le petit bout de papier qu'il avait arraché à la scène de crime. Comme s'il avait touché une ortie, il retira vivement sa main.
"Merde, j'avais oublié ça."
Malgré son éducation, quand Cyrus avait quelque chose à dire, si son père ne guettait pas, il le disait.
"Quoi ? demanda Nina en reposant le collier dans sa main.
-J'ai voulu jouer les inspecteurs amateurs, et le professionnel étant un imposteur, il ne m'a pas retenu quand j'ai touché ça, fit-il en montrant le papier. Quand j'ai compris que j'avais laissé des empreintes dessus, je l'ai ramassé...
-Mais, et l'enquête ?
-Elle conclura certainement à un suicide, papier ou pas papier. Par contre, je crois que nous, on y a gagné une pièce vitale du puzzle pour lequel ton parrain a trouvé la mort."
Cyrus s'assit, et Nina fit de même.
"Voyons voir ce qu'il y'a d'écrit sur ce papier."
Le jeune homme déplia le petit bout de feuille. L'écriture était comme il l'avait constaté plus tôt, très hésitante et tremblante. Il lut tant bien que mal une petite inscription.
"La... La déuoi... Non, la dévolution est... la prochaine étape...
-L'évolution est la prochaine étape ? demanda Nina
-Non, la dévolution est la prochaine étape.
-Mais "dévolution", ça ne veut rien dire.
-Sauf que s'il avait voulu dire "évolution", il aurait mis "l' " devant et pas "la"... Ca ne veut rien dire pour nous... Mais c'est pas forcément une mauvaise nouvelle.
-Pourquoi tu dis ça ? Mon parrain est mort je te rappelle.
-Peut-être, mais je crois qu'on tient la preuve que quelque chose de grave est en train de se passer. Sorbier a tout organisé. En faisant ça le jour de la distribution des Pokémon, il est sûr qu'on retrouvera son corps assez vite."
"Et son âme qui erre autour, pensa Cyrus sans le dire."
"On mène notre enquête alors ? demanda la jeune fille. On est bien assez malins pour éviter les pièges sur notre route.
-Je croyais que tu avais décidé de faire ta route seule, sur les conseils de ton père.
-C'était avant que Sorbier se suicide."
Cyrus frissonna. "C'était avant" : feu Sorbier avait employé la même expression dans son rève.
"Bon, on voit quels Pokémon le grand professeur nous a réservé ?"
Cyrus ressortit la ball de sa poche. Nina fit de même.
"Combat ? demanda la jeune fille.
-On a vraiment que ça à faire ?
-T'as raison. On verra ça un jour où personne n'aura été tué."
Alors, répétant le mouvement qu'il avait tant répété dans ses songes, Cyrus fit décrire à la ball une parabole simple mais harmonieuse, alors que Nina choisit une posture plus raffinée et sophistiquée.
Des deux balls sortirent deux Pokémon rares à Sinnoh, un Draby et un Terhal qui tenaient chacun un message. Cyrus lut le sien:
"Très cher Cyrian. Je sais que ce n'est plus qu'une question d'heures avant que tu lises ce message. Quelque chose est en train de se passer, et j'espère ne pas m'être trompé sur toi. Prends soin de Nina, elle te sera d'une aide précieuse. Essaye de contacter la Nouvelle Alliance, si tu as l'impression que tu en es capable. Nous ne sommes pas si inaccessibles que ça si tu sais où nous chercher. Pas de collier pour toi, j'espère que le petit "plus" de Terhal compensera ce cadeau que je n'ai pu te faire. Je compte, non... On compte tous sur toi.
PS: Il s'appelle Silver, et a un homonyme humain qui sera ravi de confirmer que tu es bien des nôtres quand tu lui montreras ce Pokémon."
Cyrus releva la tête. Le pokémon lévitait au dessus du sol, comme un Terhal normal. L'oeil unique regardait son nouveau dresseur qui pour le moment l'avait ignoré. Les reflets du soleil donnaient à la carapace de Terhal une teinte grisâtre... A moins que...
"Silver, viens ici... demanda gentiment le dresseur."
Le Terhal, ayant entendu son nom se mit à voleter en direction de son nouveau maître. On aurait pu croire que le métal serait froid, mais le Pokémon bouillait d'une énergie communicative. Quand son dresseur put le toucher, il comprit que sa couleur grise n'était pas due aux reflets du soleil.
"Nom de Dieu, le professeur t'a filé un Shiny, s'étonna Nina.
-Crois-moi, ne sois pas jalouse. Il n'a qu'une couleur différente des autres Terhal. Et arrête de jurer, bon sang"
Le Pokémon sembla vexé d'être considéré comme un membre normal de son espèce. Son dresseur le comprit vite et se corrigea.
"Sauf qu'il est bien plus beau que les autres Terhal..."
L'oeil unique de Terhal regarda son nouveau maître avec respect cette fois-ci. Le lien invisible entre le Pokémon et le dresseur était né.
Draby, lui, eut plus de mal avec sa maîtresse, qui n'avait d'yeux que pour le pokémon Shiny. Un moment Cyrus pensa réexpliquer à son amie qu'un Shiny n'était qu'un pokémon avec une couleur différente, mais il ne voulait pas froisser Terhal. Alors il changea de sujet.
"Comment elle s'appelle ?
-Elle ?
-Ne me dis pas que t'as pas vu que c'était une femelle. Après tout le baratin qu'on a eu là dessus en classe."
Nina remarqua finalement ce que Cyrus avait déjà vu.
"Elle s'appelle Blue, fit-elle distraitement en la regardant au fond des yeux."
Elle ne le savait pas, mais en se perdant dans son regard, elle aussi, avait tissé son lien.
Après les présentations, les deux adolescents rappelèrent les Pokémon.
"Bon, prête à accepter la compensation pour ne pas avoir eu un Pokémon Shiny ?
-Quelle compensation ? demanda Nina.
-Le collier, tu veux que je te l'accroches ? A mon avis, il a une sacré histoire pour que ça vaille pour Sorbier plus qu'un Shiny.
-Bien sûr, fit-elle en glissant le collier dans la main de Cyrus et en retenant ses cheveux avec sa main."
Cyrus tint le collier un instant dans sa main. Assez pour savoir qu'il était bien loin du compte. Ce collier avait bien plus qu'une histoire. Plus il avançait dans son raisonnement, plus il lui semblait que Sorbier avait préparé sa mort avec application.
"Bon, tu le mets où tu rêvasses sur ma nuque ?
-Pardon, Nina, c'est juste que toute cette histoire...
-J'espère bien que c'est cette histoire. Parce que si c'est le fait de voir ma nuque dénudée, je dois te prévenir, je ne suis pas une timide. Si on a à avancer ensemble, tu risques d'en voir bien plus.
-On n'en est pas encore là, fit Cyrus exquissant toutefois un sourire en songeant à ce qu'engageaient de telles propositions."
Une fois accroché, Cyrus sentit un désagréable picotement. Une décharge d'électricité statique au moment exact où il avait refermé le fermoir. Comme si le collier s'était chargé. Mais foin de toutes ces constatations qu'il aurait largement le temps de voir plus tard, Nina se retourna pour lui demander si le bijou lui allait.
"Mais le bijou, c'est toi, dans l'histoire, répondit Cyrus, la gratifiant d'un baisemain poli."
Nina se prit à rire. Un seul instant, mais elle riait de plein coeur à cet instant là. Puis son regard croisa le laboratoire de son défunt parrain. L'ambiance se fit plus morose.
"On rentre ? On lira le manuel des montres dans le bus.
-Si tu veux. On pourra mettre à plat tout ça aussi.
-J'y compte bien."
Se dirigeant tous deux vers l'arrêt de bus, Cyrus s'arrêta cependant un instant et repensa à cet homme qu'il avait croisé. Il devait avoir au plus vingt-cinq ans. Quand les évènements liés au professeur s'étaient passés, il n'était qu'un nourrisson. Pourquoi cette fascination pour Sorbier alors ? Quelque chose clochait. La lettre parlait de la Nouvelle Alliance, peut-être que cet inspecteur en était un homme de main. Mais c'est surtout ces derniers propos qui inquiétaient Cyrus. "Prenez juste garde à ne pas être sur le chemin de notre ennemi commun." Qui disait ennemi disait danger. Et avec son nom de famille, Nina devait être sur la liste des personnes en première ligne. Un moment, Cyrus lui proposa de dormir chez lui, en tout bien, tout honneur, bien sûr, mais il repensa à son père qui ne rêvait que de les voir ensemble pour l'avenir de la dynastie Versili. Et ce soir, il y'avait la réception... Autant oublier. Nina était grande.
"Tu arrives Cyrus ?
-Oui, oui..."
Mais tout celà n'était qu'une journée de folie comme il allait s'en produire un certain nombre dans les jours à venir...
moi je viens lire ton topic de fiction du jeudi
moi aussi je viens lire ton topic de fic sur le cristal du destin, ça raconte quoi ?
c'est la suite de mes deux autres fics...
Pour le moment, c'est à mi chemin entre le policier et le fantastique... Mais tu verras, ca ne fait que commencer...
lol, j'avais un doute... Mais jerry...
Squelettator = soldat...
commençons notre fiction du jeudi sur le cristal du destin, racontez nous de cette fiction, imhotep43
ça me donne une idée de créé une fiction mais sur mario
pareil mop t'es grillé... encore un pseudo de soldat...
non je suis pas soldat, soldat ne connait pas mon mot de passe
Effectivement, tu n'es pas soldat, tu es soldat642 _samusking_ et squelettator
Au fait, cherche pas, t'es grillé...
non, Squelettator est l'unique pseudo d'internet de soldat642 moi je suis quelqu'un d'autre
[Chapitre 6] "ça" arrive:
Le visage de l'homme à la télé hantait encore l'esprit de Jess. Durant le peu de temps qu'avait duré son périple, il avait été incapable de savoir qui il était. Pourtant, ce visage, il le connaissait... Alors qu'il ne savait pas quel nom portait le sien. De quoi devenir fou.
"Tu penses à quoi ? demanda Morph."
Jess sortit de sa méditation. Ils avaient quitté Vestigion au crépuscule, réussissant à passer avant que le soleil n'ait plongé derrière la cime des arbres devant le manoir si mystérieux qui les avait abrité dans l'après-midi. Plus que tout, il voulait éviter de se trouver à proximité de cette sinistre masure une fois la nuit noire tombée. Le fait de savoir cette baraque dans son dos, de savoir que chaque pas l'en éloignait un peu plus le soulageait. Si tout allait bien, il serait sorti de la forêt demain au petit jour.
"Je ne sais pas, répondit Jess. L'homme à la télé, tu le connais ?
-Moi, tu sais, sorti de ma forêt... Et je ne suis pas si vieux que ça. Mes parents auraient pu te dire ça.
-Ils sont dans la forêt ? pensa l'humain avec intérêt. S'ils savent des choses, ça pourrait m'aider.
-Ils savaient... Comme tous les Evoli, ils ont disparu.
-Disparu, tu veux dire... Mort ?
-J'étais tout petit, je ne me souviens de rien. Mais je ne crois pas. Enfin, je ne sais pas. C'est comme s'ils étaient toujours là, pas loin de moi."
Jess ne connaissait pas ce sentiment qu'était la nostalgie, Morph ne semblait pas savoir ce que c'était non plus, pourtant c'était cela qu'il ressentait.
"Bon, c'est pas tout ça, mais on a du chemin nous, fit Jess en pressant le pas."
Dans la nuit, la forêt semblait bercée par les vents. Les Feuforève joueurs adoraient jouer des tours aux dresseurs imprudents. Mais hormis les privilégiés, il n'y avait encore personne dans les bois. Jess était le seul être humain à des kilomètres à la ronde, du moins le croyait-il.
Car si, en apparence, la forêt dormait, il n'en était rien. Jess repensait au point rouge. Bon sang, qu'est ce qui avait pu atteindre son oeil et disparaître aussi sec, sans même que Morph ne le détecte ? Et quels dangers les guettaient encore dans cette forêt ?
"On a quelque chose à craindre ici, Morph ?"
Evoli leva sa patte droite pour se gratter l'oreille. Dans sa tête, les mots "Normalement, non..." se formèrent. Mais il ne savait pas. La forêt de Vestigion n'était pas la même la nuit. Il prenait toujours le soin de rentrer avant la nuit dans le terrier qu'il habitait depuis sa naissance. Question de principe.
Les Pokémon sauvages n'étaient plus aussi téméraires qu'avant. En trouver un dans les hautes herbes était un vrai challenge, quant aux troupeaux, ils avaient tout bonnement disparu. Officiellement, le climat changeait. Officieusement, et c'était ce que Morph avait réussi à savoir des rares dialogues qu'il avait pu avoir avec d'autres Pokémon, "ça" rodait... Pas forcément dans la forêt, un peu partout sur l'île. D'ailleurs, ces derniers jours, on n'avait rien aperçu de louche dans les environs, un délai étrangement long pour tout dire. Allait-il revenir ce soir ? Nul ne le savait. C'était tout ce qui faisait la force de "ça". Son nom voulait tout dire. On ne le voyait jamais. Humain ? Pokémon ? Personne ne pouvait le dire. Les Pokémon disparaissaient, certains plus que d'autres. Les humains imputaient ça à un mouvement de troupeau, ou aux changements climatiques, à vrai dire ils s'en fichaient.
Evoli eut un frisson en repensant au seul ami qu'il s'était jamais fait avant de rencontrer Jess. Black, un Cornèbre qui passait souvent le voir au terrier. Et un jour, Black avait disparu. Morph avait longtemps cru qu'il en avait été la cause. Ce qu'il savait sur "ça", c'était essentiellement Black qui le lui avait appris. En avait-il trop dit ? Personne ne connaissait les raisons de sa disparition, vu que personne ne connaissait "ça".
D'un coup, Morph trouva la forêt étrangement silencieuse et oppressante. Ca faisait vraiment longtemps que "ça" n'avait laissé aucune trace. Il revenait toujours à la forêt, Evoli le savait. Se pourrait-il que...
"Pas aujourd'hui... implorait-il... Pas aujourd'hui. Pas avec lui. Vous avez pris Black, ne prenez pas Jess."
Etait-ce pour se rassurer ou pour vérifier que Jess était toujours avec lui, toujours est-il que Morph resta littéralement collé à la jambe de son ami humain, gênant presque ses mouvements.
"Qu'est ce qu'il y'a ? demanda à son tour Jess. Un danger ?
-Je ne sais pas, répondit Morph."
A nouveau ce "Je ne sais pas" qui voulait tout dire et rien à la fois.
"Ecoute, je ne sais pas ce qui te fais peur, mais je veux que tu m'en parles.
-A quoi ça servirait ? Ca ne le fera pas fuir si c'est déjà là.
-Peut-être, mais au moins, je saurais ce qui peut me tomber dessus. Ne me demande pas pourquoi, mais je le verrais venir. C'est comme si j'étais programmé pour ça."
Evoli ne trouvait rien à dire. Il ne savait rien. Il craignait, c'est tout. Comme toute la forêt, il restait silencieux. Seul le craquement des brindilles sous les pas de Jess brisait ce moment de recueillement.
"J'ai remarqué aussi que personne ne cherchait à faire du bruit ici, expliqua l'homme. Mais c'est préventif. Et quelque soit ce qui te menace, je suis là.
-Peut-être que tu ne pourrais rien y faire. "ça" est une chose dont les humains se moquent éperdument. Et les Pokémon qui ont croisé son chemin ne sont plus là pour en témoigner.
-Comme tes parents ? demanda Jess, intrigué par ce phénomène sans nom."
Evoli réfléchit un instant. Il n'avait pas vu les choses sous cet angle... Peut-être que "ça" avait effectivement pris ses parents.
"Je ne sais pas."
Jess s'arrêta alors. Il y'avait plein de choses qui se bousculaient dans sa tête, mais comme il ne trouvait aucune solution à son problème, il préférait résoudre ce qu'il comprenait... Et il comprenait la peur de Morph. Délicatement, il se baissa vers son Pokémon, l'incitant à se rapprocher de lui d'un signe de tête. Il dénoua ce qui lui restait de cape et s'en servit pour y lover Evoli qu'il prit ensuite dans ses bras. Ca ne les ferait pas avancer plus vite, bien au contraire, mais le petit animal pourrait se reposer... se sentir en paix, protégé...
"Merci, Jess.
-De rien, Morph."
Jess ne savait pas qui il était. Il ne savait même pas ce qu'il était, mais il savait des choses. Il n'était pas la proie... Il n'était pas né ainsi. Il était né pour être le prédateur...
Qui que soit ce "ça", il avait intérêt à ne pas trop le pousser dans ses retranchements.
Le chasseur qui sommeillait en lui était aux aguets depuis qu'ils étaient entrés dans la forêt. Les questions qui d'ordinaire assaillaient son esprit s'étaient faites plus discrètes, pour finalement se taire totalement. Son ouïe avertie discernait dans le silence quelques imperfections. Des craquements, des frissons, des bruissements... "ça" n'était pas là. Sinon, les Pokémon seraient bien plus discrets. Mais était-il bien loin ? Il ne savait pas ce qu'il cherchait, et c'était bien ça qui pouvait faire la différence entre le prédateur et la proie. Tant qu'il ne verrait pas son adversaire, il ne pourrait pas prendre le dessus. Il restait à espérer qu'il aurait le temps de faire quelque chose une fois qu'il le repèrerait, car, il le savait, si le chasseur était vraiment très bon, on ne le voyait que quand il était trop tard...
Jess lança une impulsion mentale au Pokémon, qui ne la lui rendit pas. Il était assez calme pour s'être endormi. Jess se sentait étrange. Il découvrait ce sentiment, cette envie d'être là quand l'autre avait besoin de nous, cette étrange fierté à être celui qui prend les risques pendant que les autres jouissent d'un repos mérité. C'était nouveau pour lui. Son instinct devenait protecteur, plus que vraiment agressif. Il n'attaquerait que pour se défendre, même s'il devinait au fond de lui qu'il fut un temps où ce n'était pas aussi simple.
Et puis, chemin faisant, il se mit à penser que "ça" ne viendrait pas. Comme l'avait dit Evoli, il traversait fréquemment toute l'île. Dans quel but ? Aucune idée. Il revenait toujours ici, mais peut-être n'était-ce pas son lieu d'origine. Peut-être qu'il visitait toute l'île à plusieurs reprises. Peut-être que...
Jess s'arrêta net, l'échine frissonnant d'une manière qu'il n'aimait pas... Le silence était devenu vraiment parfait. La nuit était devenue vraiment noire. La forêt était devenue vraiment oppressante. Jess ne l'avait jamais vu, mais il le savait.
"ça" arrivait. Et "ça" arrivait très vite.
D'un bond, Jess sauta dans le fourré le plus proche. La forêt était un lieu plein de recoins pour se cacher. Mais cela tromperait-il son adversaire ? A n'en pas douter, s'il était si facile pour "ça" d'enlever autant de Pokémon, c'était bien qu'il devait être rapide, silencieux, et particulièrement doué pour traquer ses proies.
Atterrissant dans le fourré, la secousse sortit Evoli de son sommeil. C'était tant mieux, il ne les trahirait pas si jamais il se réveillait au mauvais moment.
"Qu'est ce qu'il se passe ? lança mentalement Evoli.
-A ton avis ?"
Morph se recroquevilla. Oh non, ce n'était pas un bon jour si "ça" traînait dans le coin. Jess le savait aussi. Si Morph était une cible potentielle, c'en était une de choix... Tout du moins, c'en avait été une de choix, avant qu'il rencontre son ami humain.
La petite brise nocturne s'était transformée en un vent violent, qui descendait jusqu'à eux. Coïncidence ou signe prédicateur de l'arrivée imminente de "ça" ? Jess ne voulait rien laisser au hasard.
"Morph, à moins d'être forcé, silence radio.
-Tu crois qu'il peut intercepter nos pensées ?
-Mieux vaut prévenir... Il n'a pas l'air d'être un amateur."
Alors, le silence se fit dans la tête de Jess. Un silence tel qu'il n'entendait plus le vent, seulement les battements de son coeur, qui ralentissaient... ralentissaient comme le monde extérieur, le vent se faisait plus lent, les feuilles bruissaient moins vite. Il aurait juré que le temps ralentissait à ses yeux. "ça" pouvait courber l'espace-temps ? Si c'était le cas, le match allait être assez impressionnant.
Le vent soufflait toujours aussi fort, soulevant parfois la terre et la poussière dans de petites tornades. Un nuage occulta la lune qui était leur seul source de lumière. Jess craignait que "ça" profite de ce bref instant pour les piéger. Mais quand la lumière revint, Jess crut rêver. Il ne l'avait vu arriver de nulle part, mais "ça" était bel et bien à quelques mètres de lui.
Il ne le savait pas, mais il était le premier à voir "ça" dans l'espèce humaine. Tous les Pokémon qui l'avaient déjà rencontré n'étaient plus la pour en témoigner. "ça" lévitait à quelques centimètres du sol, ressemblant à une volute de fumée noire, qui empêchait la lumière de passer à travers lui. Son ombre mouvante ne le rendait que plus impressionnant, changeante et effrayante, ressemblant tour à tour à un poulpe, à un rapace, et à d'autres chimères tout autant impressionnantes, formes comme celles créées parfois par les nuages dans les esprits imaginatifs...
Le temps se courbait pour devenir de plus en plus lent. Jess en était sûr, il n'y avait qu'à voir "ça" bouger à la manière d'un magma gazeux alors que tout autour de lui, les feuilles des arbres tombaient à une vitesse anormalement lente. Un pouvoir idéal pour un chasseur, qui prenait ainsi le temps de connaître la situation actuelle sans pour autant rester assez longtemps immobile pour se faire repérer.
Pourtant, "ça" ne semblait pas agir comme un chasseur. Certes, il en avait les attributs, mais il semblait... troublé. Jess songea un moment qu'il pouvait en être la cause, car les humains ne devaient pas être légion ici à une telle heure.
Indiciblement, le nuage de fumée tournait sur lui-même. Jess espérait seulement que dans ce mouvement il lui tournerait le dos. Et puis, au milieu des gaz, il perdit tout espoir. "ça" ouvrit deux grands yeux rouges brillants comme les feux arrière d'une voiture. Et "ça" le regardait !
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Vous connaissez le principe maintenant...